HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales - Sur le grand nombre d'amis

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[94] Διὸ καὶ τῶν ζῴων τὸ φιλότεκνον τοῖς μονοτόκοις ἰσχυρότερον (94a) ἐμφύεται, καὶ Ὅμηρος ἀγαπητὸν υἱὸν ὀνομάζει « Μοῦνον τηλύγετον, » τουτέστι τὸν τοῖς μήτ´ ἔχουσιν ἕτερον γονεῦσι μήθ´ ἕξουσι γεγενημένον. Τὸν δὲ φίλον ἡμεῖς « Μοῦνον » μὲν οὐκ ἀξιοῦμεν εἶναι, μετ´ ἄλλων δὲ « τηλύγετός » τις καὶ ὀψίγονος ἔστω, τὸν θρυλούμενον ἐκεῖνον χρόνῳ τῶν ἁλῶν συγκατεδηδοκὼς μέδιμνον, οὐχ ὥσπερ νῦν πολλοὶ φίλοι λεγόμενοι συμπιόντες ἅπαξ συσφαιρίσαντες συγκυβεύσαντες συγκαταλύσαντες, ἐκ πανδοκείου καὶ παλαίστρας καὶ ἀγορᾶς φιλίαν συλλέγουσιν. Ἐν δὲ ταῖς τῶν πλουσίων καὶ ἡγεμονικῶν (94b) οἰκίαις πολὺν ὄχλον καὶ θόρυβον ἀσπαζομένων καὶ δεξιουμένων καὶ δορυφορούντων ὁρῶντες εὐδαιμονίζουσι τοὺς πολυφίλους. Καίτοι πλείονάς γε μυίας ἐν τοῖς ὀπτανίοις αὐτῶν ὁρῶσιν. Ἀλλ´ οὔθ´ αὗται τῆς λιχνείας οὔτ´ ἐκεῖνοι τῆς χρείας ἐπιλιπούσης παραμένουσιν. Ἐπεὶ δ´ ἀληθινὴ φιλία τρία ζητεῖ μάλιστα, τὴν ἀρετὴν ὡς καλόν, καὶ τὴν συνήθειαν ὡς ἡδύ, καὶ τὴν χρείαν ὡς ἀναγκαῖον (δεῖ γὰρ ἀποδέξασθαι κρίναντα καὶ χαίρειν συνόντα καὶ χρῆσθαι δεόμενον, πάντα πρὸς τὴν πολυφιλίαν ὑπεναντιοῦται, καὶ μάλιστά πως τὸ κυριώτατον κρίσις), σκεπτέον δὴ πρῶτον εἰ δυνατόν (94c) ἐστιν ἐν βραχεῖ χρόνῳ δοκιμάσαι χορευτὰς συγχορευσομένους, ἐρέτας ὁμορροθήσοντας, οἰκέτας χρημάτων ἐπιτρόπους τέκνων παιδαγωγοὺς ἐσομένους, μήτι γε φίλους πολλοὺς εἰς ἀγῶνα πάσης τύχης συναποδυσομένους, ὧν ἕκαστος αὐτός θ´ αὑτόν Πράσσων εὖ τίθησιν εἰς μέσον, τοῦ δυστυχοῦς τε λαγχάνων οὐκ ἄχθεται. Οὔτε ναῦς γὰρ ἐπὶ τοσούτους ἕλκεται χειμῶνας εἰς θάλατταν, οὔτε χωρίοις θριγχοὺς καὶ λιμέσι προβάλλουσιν ἕρκη καὶ χώματα τηλικούτους προσδεχόμενοι (94d) κινδύνους καὶ τοσούτους, ὅσων ἐπαγγέλλεται φιλία καταφυγὴν καὶ βοήθειαν, ὀρθῶς καὶ βεβαίως ἐξετασθεῖσα· τῶν δ´ ἀνεξετάστως παραρρυέντων ὥσπερ νομισμάτων ἀδοκίμων ἐλεγχομένων Οἱ μὲν ἐστερημένοι χαίρουσιν, οἱ δ´ ἔχοντες εὔχονται φυγεῖν. Ἔστι δὲ τοῦτο χαλεπὸν καὶ οὐ ῥᾴδιον τὸ φυγεῖν ἀποθέσθαι δυσαρεστουμένην φιλίαν. Ἀλλ´ ὥσπερ σιτίον βλαβερὸν καὶ δυσχεραινόμενον οὔτε κατέχειν οἷόν τε μὴ λυποῦν καὶ διαφθεῖρον οὔτ´ ἐκβάλλειν οἷον εἰσῆλθεν ἀλλ´ εἰδεχθὲς καὶ συμπεφυρμένον καὶ ἀλλόκοτον, οὕτω φίλος πονηρὸς σύνεστι λυπῶν καὶ λυμαινόμενος, βίᾳ μετ´ (94e) ἔχθρας καὶ δυσμενείας ὥσπερ χολή τις ἐξέπεσε. Διὸ δεῖ μὴ ῥᾳδίως προσδέχεσθαι μηδὲ κολλᾶσθαι τοῖς ἐντυγχάνουσι μηδὲ φιλεῖν τοὺς διώκοντας, ἀλλὰ τοὺς ἀξίους φιλίας διώκειν. Οὐ γὰρ αἱρετέον πάντως τὸ ῥᾳδίως ἁλισκόμενον. Καὶ γὰρ ἀπαρίνην καὶ βάτον ἐπιλαμβανομένην ὑπερβάντες καὶ διωσάμενοι βαδίζομεν ἐπὶ τὴν ἐλαίαν καὶ τὴν ἄμπελον. Οὕτως ἀεὶ μὴ τὸν εὐχερῶς περιπλεκόμενον ποιεῖσθαι συνήθη καλόν, ἀλλὰ τοῖς ἀξίοις σπουδῆς καὶ ὠφελίμοις αὐτοὺς περιπλέκεσθαι (94f) δοκιμάζοντας. Ὥσπερ οὖν Ζεῦξις αἰτιωμένων αὐτόν τινων ὅτι ζωγραφεῖ βραδέως, « Ὁμολογῶ, » εἶπεν, « ἐν πολλῷ χρόνῳ γράφειν, καὶ γὰρ εἰς πολύν, » οὕτω φιλίαν δεῖ καὶ συνήθειαν σῴζειν παραλαβόντας ἐν πολλῷ κριθεῖσαν. Ἆρ´ οὖν κρῖναι μὲν οὐκ ἔστι πολλοὺς φίλους ῥᾴδιον, συνεῖναι δὲ πολλοῖς ὁμοῦ ῥᾴδιον, καὶ τοῦτο ἀδύνατον; καὶ μὴν ἀπόλαυσίς ἐστιν συνήθεια τῆς φιλίας, καὶ τὸ ἥδιστον ἐν τῷ συνεῖναι καὶ συνδιημερεύειν· Οὐ μὲν γὰρ ζωοί γε φίλων ἀπάνευθεν ἑταίρων βουλὰς ἑζόμενοι βουλεύσομεν. [94] (94a) Homère, pour exprimer un enfant chéri, donne le nom « de fils unique, né dans la vieillesse de son père, » c'est-à-dire que ses parents n'en ont ni ne pourront en avoir d'autre. Je n'exigerai pas, à la vérité, qu'on n'ait qu'un seul ami, mais qu'au moins, entre les personnes avec qui l'on est lié, il y en ait une qui soit comme ce fils unique né dans la vieillesse de ses parents, et que, selon le proverbe, on ait mangé plusieurs boisseaux de sel avec elle. Je ne veux pas qu'on mette au nombre des amis, comme tant de gens le font aujourd'hui, des hommes avec qui l'on aura ou mangé ou joué, ou logé par hasard une fois. N'est-ce pas avoir, pour ainsi dire, des amitiés de jeu, de cabaret et de place publique? Quand on voit dans les maisons des grands (94b) une foule empressée à venir le matin les saluer, à leur faire la cour, à les accompagner par honneur, à leur servir en quelque sorte de gardes, on les félicite d'avoir un si grand nombre d'amis. Mais ils ont encore plus de mouches dans leurs cuisines, et comme elles disparaissent dès qu'elles n'y trouvent plus de quoi se nourrir, de même ces prétendus amis se retirent dès qu'ils n'ont plus d'intérêt à cultiver leurs protecteurs. Trois choses concourent à former une amitié véritable : la vertu qui en fait l'honnêteté ; l'habitude de se voir qui en fait la douceur, et l'utilité réciproque qui en est le lien nécessaire. Il faut donc bien connaître un ami avant que de l'adopter, avoir de l'agrément dans son commerce, et trouver en lui une ressource assurée dans le besoin : conditions qui s'opposent toutes à ce qu'on ait un grand nombre d'amis, et surtout la plus importante, le discernement dans le choix. En effet, il faut beaucoup de temps pour dresser (94c) à un ensemble parfait un chœur de musiciens ou une bande de rameurs, pour bien connaître des esclaves qu'on destine à gouverner une maison ou à conduire des enfants ; et l'on voudrait en peu de temps pouvoir éprouver plusieurs amis avec qui tout nous deviendra commun, qui devront nous faire participer à tous leurs succès, et partager eux-mêmes nos revers ? De combien de dangers un ami véritable ne s'engage-t-il pas à nous défendre? Un vaisseau qui court les mers affronte moins de tempêtes, les champs qu'on environne de clôtures, les ports qu'on soutient par des digues, sont exposés à de moindres périls. (94d) Aussi cette foule d'amis ordinaires qui viennent s'offrir d'eux-mêmes, et qu'on admet sans les avoir éprouvés, sont-ils comme cette monnaie de mauvais aloi dont l'épreuve fait connaître la fausseté. Ceux qui n'ont point de ces sortes d'amis s'en félicitent avec raison, et ceux qui ont le malheur d'en avoir ne demandent qu'à en être débarrassés. Mais il n'est pas toujours facile de rompre une liaison qui nous déplaît. Quand on a pris des aliments pernicieux, on ne peut ni les rejeter tels qu'on vient de les prendre, ni les retenir sans douleur et sans danger après qu'ils se sont mêlés avec d'autres humeurs, qui les ont altérés et corrompus. Il en est de même d'un faux ami : ou il nous fatigue par un commerce qui lui est à charge à lui-même, ou l'on ne peut s'en délivrer que (94e) par une violence toujours odieuse, comme on rejette un mauvais levain qui charge l'estomac. Il ne faut donc pas s'attacher légèrement aux amis qui se présentent et qui poursuivent notre amitié, mais rechercher nous-mêmes ceux qui nous paraissent dignes de la nôtre. Une acquisition trop facile ne mérite pas notre choix. Nous repoussons, nous foulons aux pieds l'épine et le chardon qui nous arrêtent, et nous recherchons la vigne et l'olivier. Gardons-nous donc d'admettre dans notre amitié les personnes trop faciles à s'attacher, et prévenons au contraire celles que nous aurons reconnues dignes d'être recherchées, et dont le commerce pourra nous être utile. (94f) On reprochait à Zeuxis qu'il peignait lentement. « Il est vrai, répondit-il, que je suis long à faire mes ouvrages, mais aussi c'est pour longtemps. » Ainsi les amitiés longtemps éprouvées sont solides et durables. Mais s'il n'est pas facile de juger un grand nombre d'amis, ne l'est-il pas au moins d'en admettre plusieurs dans sa société? Non, la chose même est impossible, car la douceur et le plaisir de l'amitié consistent dans l'habitude de se voir et de vivre ensemble. Il faut sur nos desseins consulter nos amis.


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Dernière mise à jour : 8/05/2008