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[11] πάλιν ὁ Πλάτων Ἑλίκωνι τῷ Κυζικηνῷ διδοὺς πρὸς Διονύσιον
ἐπιστολὴν ἐπῄνεσεν αὐτὸν ὡς ἐπιεικῆ καὶ μέτριον, εἶτα προσέγραψε
τῇ ἐπιστολῇ τελευτώσῃ ‘γράφω δέ σοι ταῦτα περὶ ἀνθρώπου,
ζῴου φύσει εὐμεταβόλου’· Ξενοκράτης δὲ καίπερ αὐστηρὸς
ὢν τὸν τρόπον ὅμως ὑπὸ δυσωπίας ἐκάμφθη καὶ
συνέστησε Πολυπέρχοντι δι´ ἐπιστολῆς ἄνθρωπον οὐ
χρηστόν, ὡς τὸ ἔργον ἔδειξε· δεξιωσαμένου δ´ αὐτὸν τοῦ
Μακεδόνος καὶ πυθομένου μή τινος ἔχοι χρείαν, ᾔτησε
τάλαντον· ὁ δ´ ἐκείνῳ μὲν ἔδωκε Ξενοκράτει δ´ ἔγραψε
παραινῶν ἐπιμελέστερον τὸ λοιπὸν ἐξετάζειν οὓς συνίστησιν.
Ὁ μὲν οὖν Ξενοκράτης ἠγνόησεν, ἡμεῖς δὲ καὶ πάνυ
πολλάκις ἐπιστάμενοι τοὺς πονηροὺς καὶ γράμματα προϊέμεθα
καὶ χρήματα, βλάπτοντες ἑαυτούς, οὐ μεθ´ ἡδονῆς
ὥσπερ οἱ ταῖς ἑταίραις χαριζόμενοι καὶ τοῖς κόλαξιν, ἀλλὰ
δυσχεραίνοντες καὶ βαρυνόμενοι τὴν ἀναίδειαν ἀνατρέπουσαν
ἡμῶν καὶ καταβιαζομένην τὸν λογισμόν. εἰ γὰρ πρὸς
ἄλλο τι, καὶ πρὸς τοὺς δυσωποῦντας ἔξεστιν εἰπεῖν τὸ
‘μανθάνω μὲν οἷα δρᾶν μέλλω κακά’
τὰ ψευδῆ μαρτυρῶν ἢ τὰ μὴ δίκαια κρίνων ἢ τὰ μὴ συμφέροντα
χειροτονῶν ἢ δανειζόμενος ὑπὲρ τοῦ μὴ ἀποδώσοντος.
| [11] Citons d'autres exemples. Platon avait donné à Hélicon
le Cyzicénien une lettre pour Denys, et il y faisait
l'éloge de la douceur et de la modération de son protégé.
A la fin de la lettre il ajouta : « Mais c'est d'un homme que je
vous écris ces choses, et l'homme est créature naturellement
changeante. » Au contraire Xénocrate, bien que son caractère
fût inflexible, céda pourtant à la mauvaise honte. Il
avait recommandé par lettre à Polysperchon un inconnu qui ne
méritait pas cette confiance, comme le montra l'événement.
Le Macédonien reçut cet homme avec bonté, lui demanda
en quoi il pouvait lui être utile, et l'autre lui demanda un
talent. Polysperchon le donna, mais il écrivit à Xénocrate
et l'engagea désormais à mieux choisir ses recommandés.
Ce fut ignorance de la part de Xénocrate. Mais nous, le
plus souvent, c'est en parfaite connaissance de cause que nous
remettons à des gens qui sont de mauvais sujets des lettres
d'introduction ou bien de l'argent. Nous nous compromettons
sans même être dédommagés par le plaisir, comme le sont du
moins ceux qui donnent à des courtisanes et à des flatteurs.
Tout en détestant, tout en maudissant l'effronterie du
solliciteur, nous souffrons que cette effronterie nous déconcerte
et violente notre jugement.
S'il en est à qui l'on puisse appliquer ce vers :
"Je sais parfaitement que je vais faire mal",
c'est bien à ceux qui cèdent à la mauvaise honte. Ils savent
qu'ils vont rendre un faux témoignage, prononcer une sentence
injuste, exprimer un mauvais vote, prêter à qui ne leur rendra pas.
| [12] διὸ τῶν παθῶν μάλιστα τῷ δυσωπεῖσθαι τὸ
μετανοεῖν οὐχ ὕστερον, ἀλλ´ εὐθὺς ἐν οἷς πράττει πάρεστι·
καὶ γὰρ διδόντες ἀχθόμεθα καὶ μαρτυροῦντες αἰσχυνόμεθα
καὶ συνεργοῦντες ἀδοξοῦμεν καὶ μὴ παρέχοντες ἐλεγχόμεθα.
πολλὰ γὰρ ὑπ´ ἀσθενείας τοῦ ἀντιλέγειν καὶ τῶν
ἀδυνάτων ἡμῖν ὑπισχνούμεθα τοῖς λιπαροῦσιν, ὡς συστάσεις
ἐν αὐλαῖς καὶ πρὸς ἡγεμόνας ἐντεύξεις, μὴ βουλόμενοι
μηδ´ εὐτονοῦντες εἰπεῖν ‘οὐκ οἶδεν ἡμᾶς ὁ βασιλεύς,
ἀλλ´ ἑτέρους ὅρα μᾶλλον’, ὡς Λύσανδρος Ἀγησιλάῳ προσκεκρουκὼς
ἀξιούμενος δὲ μέγιστον δύνασθαι παρ´ αὐτῷ
διὰ τὴν δόξαν οὐκ ᾐσχύνετο παραιτεῖσθαι τοὺς ἐντυγχάνοντας,
ἀπιέναι πρὸς ἑτέρους κελεύων καὶ πειρᾶσθαι τῶν
μᾶλλον αὐτοῦ παρὰ τῷ βασιλεῖ δυναμένων. οὐ γὰρ αἰσχρὸν
τὸ μὴ πάντα δύνασθαι· τὸ δὲ μὴ δυναμένους ἢ μὴ πεφυκότας
ἀναδέχεσθαι τὰ τοιαῦτα καὶ παραβιάζεσθαι πρὸς
τῷ αἰσχρῷ καὶ λυπηρότατόν ἐστιν.
| [12] Aussi, pour cette sorte de faiblesse plus que pour
toute autre passion, le repentir ne se fait pas attendre. Il se
produit en même temps que l'acte lui-même. Au moment où
nous donnons nous en éprouvons du regret. En rendant un
faux témoignage nous nous sentons confus. En prêtant
notre assistance nous nous discréditons à nos propres yeux,
ou bien, en la refusant, nous nous sentons condamnés par
nous-mêmes. Le plus souvent, parce que nous n'avons pas la
force de repousser ceux qui nous sollicitent, nous leur faisons
des promesses que nous ne saurions réaliser. Nous nous
engageons à les recommander à la Cour, à leur ménager une
entrevue avec les princes. Pourtant nous ne le voudrions pas,
mais nous n'avons pas assez d'énergie pour leur dire : « Le
souverain ne nous connaît pas : voyez-en plutôt d'autres que
nous. » Ainsi, Lysandre avait encouru la disgrâce d'Agésilas,
et pourtant on se figurait qu'à cause de sa gloire personnelle
il jouissait toujours d'un grand crédit auprès de ce prince.
Lysandre n'éprouva aucune honte à éconduire ceux qui
venaient le trouver, les engageant à se tourner vers d'autres
et à s'adresser à ceux qui avaient plus de pouvoir que
lui sur l'esprit du roi. En effet, il n'y a aucune honte à ne
pouvoir pas faire toutes choses. Il y en a, au contraire, à promettre
ce qui est au-dessus de ses forces, ce pour quoi l'on
n'est pas fait, et à s'y consumer en pénibles efforts. Il y a
honte, disons-nous, à cela, et, de plus, dommage très réel.
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