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[7] Οὕτω δὲ δεῖ καὶ πρὸς τοὺς αἰτοῦντας ἀργύριον
ἀνταίρειν, προεθιζόμενον ἐν τοῖς μήτε μεγάλοις μήτε
δυσπαραιτήτοις. Ἀρχέλαος μὲν γὰρ ὁ τῶν Μακεδόνων
βασιλεὺς παρὰ δεῖπνον αἰτηθεὶς ἔκπωμα χρυσοῦν ὑπ´
ἀνθρώπου μηδὲν ἡγουμένου καλὸν ἢ τὸ λαμβάνειν ἐκέλευσεν
Εὐριπίδῃ τὸν παῖδα δοῦναι, καὶ πρὸς τὸν ἄνθρωπον
ἐκεῖνον ἀποβλέψας ‘σὺ μὲν γάρ’ εἶπεν ‘αἰτεῖν ἐπιτήδειος
εἶ καὶ μὴ λαμβάνειν, οὗτος δὲ λαμβάνειν καὶ μὴ αἰτῶν,’
ἄριστα τοῦ διδόναι καὶ χαρίζεσθαι κύριον ποιῶν τὸ
κρῖνον ἀλλὰ μὴ τὸ δυσωπούμενον· ἡμεῖς δὲ πολλάκις
ἀνθρώπους ἐπιεικεῖς καὶ οἰκείους καὶ δεομένους περιορῶντες
ἑτέροις αἰτοῦσιν ἐνδελεχῶς καὶ ἰταμῶς ἐδώκαμεν,
οὐ δοῦναι θελήσαντες ἀλλ´ ἀρνήσασθαι μὴ δυνηθέντες.
ὥσπερ Ἀντίγονος ὁ γέρων ὑπὸ Βίαντος ἐνοχληθεὶς πολλάκις
‘δότ´’ εἶπεν ‘Βίαντι τάλαντον καὶ ἀνάγκῃ’. καίτοι
μάλιστα τῶν βασιλέων ἐμμελὴς ἦν καὶ πιθανὸς ἀποτρίβεσθαι
τὰ τοιαῦτα. κυνικοῦ γάρ ποτε δραχμὴν αἰτήσαντος
αὐτόν ‘ἀλλ´ οὐ βασιλικόν’ ἔφη ‘τὸ δόμα·’ τοῦ δ´ ὑποτυχόντος
‘δὸς οὖν μοι τάλαντον’ ἀπήντησεν ‘ἀλλ´ οὐ κυνικὸν
τὸ λῆμμα’. Διογένης μὲν οὖν τοὺς ἀνδριάντας ᾔτει περιιὼν
ἐν Κεραμεικῷ καὶ πρὸς τοὺς θαυμάζοντας ἔλεγεν ἀποτυγχάνειν
μελετᾶν· ἡμῖν δὲ πρῶτον ἐμμελετητέον ἐστὶ
τοῖς φαύλοις καὶ γυμναστέον περὶ τὰ μικρὰ πρὸς τὸ
ἀρνεῖσθαι τοῖς αἰτοῦσιν οὐ προσηκόντως, | ἵνα τοῖς προσηκόντως
ληψομένοις ἐπικουρεῖν ἔχωμεν. οὐδεὶς γάρ,
ὡς ὁ Δημοσθένης φησίν, ‘εἰς ἃ μὴ δεῖ καταναλώσας
τὰ παρόντα τῶν μὴ παρόντων εὐπορήσει πρὸς ἃ δεῖ’·
γίνεται δ´ ἡμῖν πολλαπλάσιον τὸ αἰσχρόν, ὅταν ἐλλίπωμεν
εἰς τὰ καλὰ πλεονάσαντες τοῖς περιττοῖς.
| [7] C'est encore ainsi qu'il faut nous tenir en garde contre
les demandes d'argent. Prenons l'habitude de repousser
des demandes peu considérables et faciles à refuser.
Archélaûs, roi de Macédoine, étant à table, un convive le
pria de lui faire présent d'une coupe d'or. C'était un de ces
hommes qui croient que rien n'est beau si ce n'est de recevoir.
Le prince dit à son esclave d'offrir cette coupe à Euripide,
et jetant sur le solliciteur un regard de dédain : « Tu
es fait, lui dit-il, pour demander et ne pas obtenir; lui, au
contraire, pour recevoir même en ne demandant pas. »
C'était, avec beaucoup de sens, prendre le discernement
et non la mauvaise honte pour guide dans ses générosités
et ses largesses. Mais nous, le plus souvent nous refusons
aux prières d'amis trop réservés ce que nous accordons à des
importuns qui nous harcèlent et nous pressent. Ce n'est pas
que nous ayons voulu donner : c'est que nous n'avons pas
eu la force d'opposer un refus. Ainsi Antigone l'Ancien, longtemps
fatigué par un certain Bion, s'écria : « Donnez un talent à Bion
... et à la contrainte. » Et pourtant, aucun monarque
ne savait se débarrasser plus adroitement des solliciteurs sans
paraître les éconduire. Un Cynique lui demandait un jour une
drachme : « Ce n'est pas ce que doit donner un souverain »,
dit Antigone. — « Eh bien , accordez-moi un talent. » —
«Ce n'est pas ce que doit recevoir un Cynique », répondit le roi.
Diogène faisait le tour du Céramique en adressant des demandes
aux statues, et quand on en paraissait surpris il disait :
« Je m'exerce à subir des refus. » Accoutumons-nous
d'abord par les choses sans valeur, exerçons-nous sur celles
qui n'ont pas d'importance, à repousser les demandes qu'il
serait injuste de satisfaire. Ainsi nous nous mettrons en état
de résister aux sollicitations de plus grande conséquence. Il
n'est personne, comme l'a dit Démosthène, qui, ayant employé
autrement qu'il ne fallait l'argent qu'il avait, en puisse trouver
abondamment pour ce qu'il faut faire quand il n'en a
plus. L'humiliation devient en vérité multiple, lorsque, regorgeant
des choses inutiles, on se trouve pris au dépourvu
pour celles qu'il serait beau de posséder.
| [8] Ἐπεὶ δ´ οὐ χρημάτων μόνον ἡ δυσωπία κακὴ καὶ
ἀγνώμων οἰκονόμος ἐστίν, ἀλλὰ καὶ περὶ τὰ μείζονα
παραιρεῖται τὸ συμφέρον τοῦ λογισμοῦ (καὶ γὰρ ἰατρὸν
νοσοῦντες οὐ παρακαλοῦμεν τὸν ἔμπειρον αἰσχυνόμενοι
τὸν συνήθη, καὶ παισὶ διδασκάλους ἀντὶ τῶν χρηστῶν
τοὺς παρακαλοῦντας αἱρούμεθα, καὶ δίκην ἔχοντες πολλάκις
οὐκ ἐῶμεν εἰπεῖν τὸν ὠφέλιμον καὶ ἀγοραῖον, ἀλλ´
οἰκείου τινὸς ἢ συγγενοῦς υἱῷ χαριζόμενοι παρεδώκαμεν
ἐμπανηγυρίσαι· τέλος δὲ πολλοὺς ἔστιν ἰδεῖν καὶ τῶν φιλοσοφεῖν
λεγομένων Ἐπικουρείους καὶ Στωικοὺς ὄντας,
οὐχ ἑλομένους οὐδὲ κρίναντας ἀλλὰ προσθεμένους δυσωποῦσιν
οἰκείοις καὶ φίλοις)· φέρε δὴ καὶ πρὸς ταῦτα πόρρωθεν
ἐν τοῖς ἐπιτυχοῦσι καὶ μικροῖς γυμνάζωμεν ἑαυτούς,
ἐθίζοντες μήτε κουρεῖ μήτε γναφεῖ κατὰ δυσωπίαν
χρῆσθαι μηδὲ καταλύειν ἐν φαύλῳ πανδοκείῳ βελτίονος
παρόντος, ὅτι πολλάκις ὁ πανδοκεὺς ἠσπάσαθ´ ἡμᾶς, ἀλλ´
ἔθους ἕνεκα, κἂν ᾖ παρὰ μικρόν, αἱρεῖσθαι τὸ βέλτιον·
ὥσπερ οἱ Πυθαγορικοὶ παρεφύλαττον ἀεὶ μηδέποτε τῷ
δεξιῷ μηρῷ τὸν εὐώνυμον ἐπιτιθέναι μηδὲ τὸν ἄρτιον
ἀντὶ τοῦ περιττοῦ λαβεῖν τῶν ἄλλων ἐπ´ ἴσης ἐχόντων.
ἐθιστέον δὲ καὶ θυσίαν ποιούμενον ἢ γάμον ἤ τιν´ ἄλλην
τοιαύτην ὑποδοχὴν μὴ τὸν ἀσπασάμενον καλεῖν ἢ προσδραμόντα
μᾶλλον ἢ τὸν εὔνουν καὶ χρηστόν· ὁ γὰρ οὕτως
ἐθισθεὶς καὶ ἀσκήσας δυσάλωτος ἔσται, μᾶλλον δ´ ὅλως
ἀνεπιχείρητος ἐν τοῖς μείζοσι.
| [8] Ce n'est pas seulement notre fortune que la mauvaise
honte nous fait administrer mal et sans intelligence. Quand
il s'agit d'intérêts plus graves encore, cette honte nous prive
des secours précieux qu'indique le raisonnement. Si nous
sommes malades, nous n'appelons pas le médecin le plus
habile, parce que nous avons peur d'offenser notre médecin
habituel. Au lieu de choisir les meilleurs maîtres pour nos
enfants, nous prenons ceux qui viennent nous solliciter. Si
nous avons un procès, nous nous résignons à ne pas donner
la parole à l'avocat le plus capable et le plus exercé : mais
pour être agréables au fils de quelque ami ou de quelque
parent, c'est ce jeune homme que nous produisons en public.
Enfin l'on en voit beaucoup, même parmi les soi-disant
philosophes, se faire épicuriens ou stoïciens, non par choix,
par discernement, mais afin de se ranger du côté de parents
ou d'amis qui leur ont fait honte.
Contre ces obsessions aussi fortifions-nous de loin par des
pratiques habituelles et de peu d'importance. Accoutumons-nous
à ne pas céder à la fausse honte s'il s'agit de prendre
un barbier, un foulon. Ne descendons pas dans une méchante
hôtellerie, quand il y en a une bonne dans le voisinage,
parce que souvent le maître de la première nous aura
salués. Ne fût-ce que pour nous en faire une règle de conduite,
choisissons ce qu'il y a de meilleur, même lorsque la
différence n'est pas bien grande. Ainsi les Pythagoriciens se
gardaient bien de jamais croiser la jambe gauche sur la jambe.
droite, de jamais prendre le nombre pair au lieu de l'impair,
les choses étant égales d'ailleurs. Habituons-nous encore,
lorsque nous célébrons un sacrifice, une noce, ou lorsqu'il
s'agit d'une autre occasion de traiter des gens, à n'y pas
inviter celui qui nous a prodigué les salutations ou qui a
couru à notre rencontre, de préférence au galant homme qui
nous aime réellement. Cette habitude, cette pratique, une
fois exercée dans les petites choses empêchera que nous
ne soyons dupes dans les grandes. Ou plutôt les gens
ne songeront même pas à nous attaquer.
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