HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales, De la malignité d'Hérodote

Page 855

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[855] Ἀλλὰ Δεινὸν τὸ τᾶς Πειθοῦς πρόσωπον, (855a) ὥς φησιν Σοφοκλῆς, μάλιστα δ´ ὅταν ἐν λόγῳ χάριν ἔχοντι καὶ δύναμιν τοσαύτην ἐγγένηται τάς τ´ ἄλλας ἀτοπίας καὶ τὸ ἦθος ἀποκρύπτειν τοῦ συγγραφέως. μὲν γὰρ Φίλιππος ἔλεγε πρὸς τοὺς ἀφισταμένους Ἕλληνας αὐτοῦ καὶ τῷ Τίτῳ προστιθεμένους, ὅτι λειότερον μὲν μακρότερον δὲ κλοιὸν μεταλαμβάνουσιν· δ´ Ἡροδότου κακοήθεια λειοτέρα μέν ἐστιν ἀμέλει καὶ μαλακωτέρα τῆς Θεοπόμπου, καθάπτεται δὲ καὶ λυπεῖ μᾶλλον, ὥσπερ οἱ κρύφα διὰ στενοῦ παραπνέοντες ἄνεμοι τῶν διακεχυμένων. Δοκεῖ δέ μοι βέλτιον εἶναι τύπῳ τινὶ λαβόντας (855b) ὅσα κοινῇ μὴ καθαρᾶς μηδ´ εὐμενοῦς ἐστιν ἀλλὰ κακοήθους οἷον ἴχνη καὶ γνωρίσματα διηγήσεως, εἰς ταῦτα τῶν ἐξεταζομένων ἕκαστον, ἂν ἐναρμόττῃ, τίθεσθαι. Πρῶτον μὲν οὖν τοῖς δυσχερεστάτοις ὀνόμασι καὶ ῥήμασιν, ἐπιεικεστέρων παρόντων, ἐν τῷ λέγειν τὰ πεπραγμένα χρώμενος (ὥσπερ εἰ θειασμῷ προσκείμενον ἄγαν ἐξὸν εἰπεῖν τὸν Νικίαν δὲ θεόληπτον προσείποι, θρασύτητα καὶ μανίαν Κλέωνος μᾶλλον κουφολογίαν) οὐκ εὐμενής ἐστιν, ἀλλ´ οἷον ἀπολαύων τῷ σοφῶς διηγεῖσθαι τοῦ πράγματος. (855c) Δεύτερον, ὅτῳ κακὸν πρόσεστιν ἄλλως τῇ δ´ ἱστορίᾳ μὴ προσῆκον, δὲ συγγραφεὺς ἐπιδράττεται τούτου καὶ παρεμβάλλει τοῖς πράγμασιν οὐδὲν δεομένοις, ἀλλὰ τὴν διήγησιν ἐπεξάγων καὶ κυκλούμενος, ὅπως ἐμπεριλάβῃ ἀτύχημά τινος πρᾶξιν ἄτοπον καὶ οὐ χρηστήν, δῆλός ἐστιν ἡδόμενος τῷ κακολογεῖν. Ὅθεν Θουκυδίδης οὐδὲ τῶν Κλέωνος ἁμαρτημάτων ἀφθόνων ὄντων ἐποιήσατο σαφῆ διήγησιν, Ὑπερβόλου τε τοῦ δημαγωγοῦ θιγὼν ἑνὶ ῥήματι καὶ μοχθηρὸν ἄνθρωπον προσειπὼν ἀφῆκε. Φίλιστος δὲ καὶ Διονυσίου τῶν πρὸς τοὺς βαρβάρους ἀδικιῶν ὅσαι μὴ συνεπλέκοντο τοῖς (855d) Ἑλληνικοῖς πράγμασιν ἁπάσας παρέλιπεν· αἱ γὰρ ἐκβολαὶ καὶ παρατροπαὶ τῆς ἱστορίας μάλιστα τοῖς μύθοις δίδονται καὶ ταῖς ἀρχαιολογίαις, ἔτι δὲ πρὸς τοὺς ἐπαίνους· δὲ παρενθήκην λόγου τὸ βλασφημεῖν καὶ ψέγειν ποιούμενος ἔοικεν εἰς τὴν τραγικὴν ἐμπίπτειν κατάραν, Θνητῶν ἐκλέγων τὰς συμφοράς. Καὶ μὴν τό γ´ ἀντίστροφον τούτῳ παντὶ δῆλον ὡς καλοῦ τινος κἀγαθοῦ παράλειψίς ἐστιν, ἀνυπεύθυνον δοκοῦν πρᾶγμα εἶναι, γινόμενον δὲ κακοήθως, (855e) ἄνπερ ἐμπίπτῃ τὸ παραλειφθὲν εἰς τόπον προσήκοντα τῇ ἱστορίᾳ· τὸ γὰρ ἀπροθύμως ἐπαινεῖν τοῦ ψέγοντα χαίρειν οὐκ ἐπιεικέστερον, ἀλλὰ πρὸς τῷ μὴ ἐπιεικέστερον ἴσως καὶ χεῖρον. Τέταρτον τοίνυν τίθεμαι σημεῖον οὐκ εὐμενοῦς ἐν ἱστορίᾳ τρόπου τὸ δυοῖν πλειόνων περὶ ταὐτοῦ λόγων ὄντων τῷ χείρονι προστίθεσθαι. Τοῖς γὰρ σοφισταῖς ἐφεῖται πρὸς ἐργασίαν δόξαν ἔστιν ὅτε τῶν λόγων κοσμεῖν τὸν ἥττονα παραλαμβάνοντας· οὐ γὰρ ἐμποιοῦσι πίστιν ἰσχυρὰν περὶ τοῦ πράγματος (855f) οὐδ´ ἀρνοῦνται πολλάκις εἰς τὸ παράδοξον ἐπιχειρεῖν ὑπὲρ τῶν ἀπίστων. δ´ ἱστορίαν γράφων μὲν οἶδεν ἀληθῆ λέγων δίκαιός ἐστι, τῶν δ´ ἀδήλων τὰ βελτίονα δοκεῖν ἀληθῶς λέγεσθαι μᾶλλον τὰ χείρονα. Πολλοὶ δ´ ὅλως τὰ χείρονα παραλείπουσιν· ὥσπερ ἀμέλει περὶ Θεμιστοκλέους Ἔφορος μέν, εἰπὼν ὅτι τὴν Παυσανίου προδοσίαν ἔγνω καὶ τὰ πρασσόμενα πρὸς τοὺς βασιλέως στρατηγούς, « ἀλλ´ οὐκ ἐπείσθη, » φησίν, « οὐδὲ προσεδέξατο κοινουμένου καὶ παρακαλοῦντος αὐτὸν ἐπὶ τὰς ἐλπίδας »· Θουκυδίδης δὲ καὶ τὸ παράπαν τὸν λόγον τοῦτον ὡς κατεγνωκὼς παρῆκεν. Ἔτι τοίνυν ἐπὶ τῶν ὁμολογουμένων πεπρᾶχθαι, τὴν δ´ αἰτίαν ἀφ´ ἧς πέπρακται καὶ τὴν διάνοιαν ἐχόντων ἄδηλον, πρὸς τὸ χεῖρον εἰκάζων δυσμενής ἐστι καὶ κακοήθης· [855] "Un ton de vérité persuade aisément", (855a) a dit Sophocle, surtout lorsqu'il est soutenu par un langage plein de grâce, et assez puissant pour couvrir les défauts d'un écrivain et déguiser les vices de son caractère. Philippe, roi de Macédoine, disait à ceux des Grecs qui passaient de son alliance dans celle de Flaminius, qu'ils prenaient un joug plus poli, mais beaucoup plus long. De même la malignité d'Hérodote, plus polie et plus douce que celle de Théopompe, est aussi plus piquante et plus vive, comme les vents qui pénètrent à travers des fentes étroites sont plus dangereux que ceux qui soufflent en liberté. Je crois convenable de marquer (855b) d'abord les différents caractères auxquels on peut reconnaître une narration injuste et maligne ; nous en rapprocherons ensuite les divers endroits de l'histoire d'Hérodote, pour en faire l'application. Premièrement, un écrivain qui, dans le récit d'un fait, se sert d'expressions dures et offensantes, tandis qu'il peut en employer de plus douces ; qui, par exemple, au lieu de dire que Nicias était superstitieux, le traite de fanatique ; qui taxe d'emportement et de fureur l'inconsidération et la légèreté de Cléon dans ses discours : un tel écrivain est un homme malintentionné, et qui se plaît à présenter ce qu'il raconte sous un jour défavorable. (855c) Secondement, lorsqu'un historien use de circuits et de détours pour faire entrer dans son histoire le récit d'un malheur ou d'une mauvaise action qui n'ont pas avec son sujet une liaison nécessaire, il est évident qu'il prend plaisir à médire. Thucydide n'expose jamais ouvertement les fautes de Cléon, quelque nombreuses qu'elles soient. En parlant du démagogue Hyperbolus, il dit simplement que c'était un méchant homme. Philistus a laissé à l'écart toutes les injustices de Denys envers les nations barbares, lorsqu'elles ne se trouvaient pas liées à l'histoire de la (855d) Grèce. On ne permet des digressions dans l'histoire que pour y amener des traits de fable et d'antiquité, ou même pour y insérer des éloges ; mais celui qui ne les fait que pour blâmer et pour médire encourt la malédiction prononcée par un poète tragique contre ceux qui ne font que l'histoire des malheurs des hommes. Troisièmement, un trait de méchanceté opposé à celui-ci et qui n'est pas au fond moins répréhensible, c'est de passer sous silence des discours et des actions honnêtes (855e) qui devaient naturellement trouver place dans l'histoire. Il y a autant et peut-être plus de malice à supprimer les louanges qui sont dues, qu'à blâmer avec plaisir les choses répréhensibles. Une quatrième marque d'une intention mauvaise dans un historien, c'est qu'entre plusieurs traditions sur un même fait, il choisisse la plus défavorable. Il est permis à des sophistes qui veulent ou gagner de l'argent ou faire preuve d'habileté, d'employer leur talent à soutenir une mauvaise cause. Comme ils ne dissimulent pas eux-mêmes le dessein (855f) qu'ils ont de rendre probables les opinions les plus absurdes, on n'est pas persuadé par leurs discours. Mais l'historien doit toujours dire la vérité quand il la connaît; et lorsqu'il est partagé entre plusieurs traditions incertaines, il faut qu'il préfère celle qui est plus avantageuse aux personnes dont il parle. On en voit même qui suppriment totalement celles qui sont défavorables. Par exemple, Éphore, après avoir dit que Thémistocle avait eu connaissance des complots que Pausanias tramait avec les généraux du roi de Perse, ajoute qu'il ne se laissa point gagner par les sollicitations du Spartiate, et ne voulut pas s'associer à ses espérances. Thucydide même a omis entièrement ce fait, et par là il a montré qu'il le croyait faux. Si dans les faits avoués de tout le monde, mais dont la cause et les motifs sont cachés, un historien forme des conjectures défavorables à ceux qui en sont les auteurs, il est malintentionné et porté à médire.


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Dernière mise à jour : 21/11/2007