[870] ὡς « οὐχ οἷοί τε πολλὸν χρόνον ἔσονταί τοι ἀντέχειν οἱ Ἕλληνες, ἀλλά σφεας
διασκεδᾷς, (870a) κατὰ πόλεις δὲ ἕκαστοι φεύξονται· καὶ οὐκ εἰκὸς αὐτούς,
ἢν σὺ ἐπὶ τὴν Πελοπόννησον ἐλαύνῃς τὸν πεζὸν στρατόν, ἀτρεμήσειν, οὐδέ
σφιν μελήσειν πρὸ τῶν Ἀθηνέων ναυμαχέειν· ἢν δὲ αὐτίκα ἐπειχθῇς
ναυμαχῆσαι, δειμαίνω μὴ ὁ ναυτικὸς στρατὸς κακωθεὶς καὶ τὸν πεζὸν
προσδηλήσηται. »
Ταῦτα μὲν οὖν μέτρων ἐνδεῖ τῷ Ἡροδότῳ, Σίβυλλαν ἀποφῆναι τὴν Ἀρτεμισίαν τὰ
μέλλοντα προθεσπίζουσαν οὕτως ἀκριβῶς. Διὸ καὶ Ξέρξης αὐτῇ παρέδωκε τοὺς
ἑαυτοῦ παῖδας ἀπάγειν εἰς Ἔφεσον· ἐπελέληστο γὰρ ἐκ Σούσων, ὡς ἔοικεν,
ἄγειν γυναῖκας, εἰ γυναικείας ἐδέοντο παραπομπῆς οἱ παῖδες.
Ἀλλ´ ὃ μὲν ἔψευσται, λόγος ἡμῖν οὐδείς· (870b) ἃ δέ γε κατέψευσται μόνον
ἐξετάζομεν. Φησὶ τοίνυν Ἀθηναίους λέγειν, ὡς Ἀδείμαντος ὁ Κορινθίων
στρατηγός, ἐν χερσὶ τῶν πολεμίων γενομένων, ὑπερεκπλαγεὶς καὶ καταδείσας
ἔφευγεν, οὐ πρύμναν κρουσάμενος οὐδὲ διαδὺς ἀτρέμα διὰ τῶν μαχομένων, ἀλλὰ
λαμπρῶς ἐπαιρόμενος τὰ ἱστία καὶ τὰς ναῦς ἁπάσας ἀποστρέψας· εἶτα μέντοι
κέλης ἐλαυνόμενος αὐτῷ συνέτυχε περὶ τὰ λήγοντα τῆς Σαλαμινίας, ἐκ δὲ τοῦ
κέλητος ἐφθέγξατό τις·
« σὺ μέν, ὦ Ἀδείμαντε, φεύγεις καταπροδοὺς τοὺς Ἕλληνας· (870c) οἱ δὲ καὶ
δὴ νικῶσι, καθάπερ ἠρῶντο ἐπικρατῆσαι τῶν ἐχθρῶν. »
Ὁ δὲ κέλης οὗτος ἦν, ὡς ἔοικεν, οὐρανοπετής· τί γὰρ ἔδει φείδεσθαι μηχανῆς
τραγικῆς, ἐν πᾶσι τοῖς ἄλλοις ὑπερπαίοντα τοὺς τραγῳδοὺς ἀλαζονείᾳ;
Πιστεύσας οὖν ὁ Ἀδείμαντος
« Ἐπανῆλθεν εἰς τὸ στρατόπεδον ἐπ´ ἐξειργασμένοις· αὕτη φάτις ἔχει ὑπὸ
Ἀθηναίων· οὐ μέντοι Κορίνθιοι ὁμολογέουσιν, ἀλλὰ ἐν πρώτοισι σφέας αὐτοὺς
τῆς ναυμαχίης νομίζουσι γενέσθαι· μαρτυρεῖ δέ σφι καὶ ἡ ἄλλη Ἑλλάς. »
Τοιοῦτός ἐστιν ἐν πολλοῖς ὁ ἄνθρωπος· ἑτέρας καθ´ ἑτέρων διαβολὰς καὶ
κατηγορίας κατατίθησιν, (870d) ὥστε μὴ διαμαρτεῖν τοῦ φανῆναί τινα πάντως
πονηρόν· ὥσπερ ἐνταῦθα περίεστιν αὐτῷ, ἀπιστουμένους Ἀθηναίους,
πιστευομένης δὲ τῆς διαβολῆς Κορινθίους ἀδοξεῖν. Οἶμαι δὲ μήτ´ Ἀθηναίων
αὐτὸν ἀκοῦσαι κακιζόντων Κορινθίους μήτε Κορινθίων Ἀθηναίους, ἀλλὰ τούτων
ἀμφοτέρων ὁμοῦ καταψεύδεσθαι. Θουκυδίδης γοῦν, ἀντιλέγοντα ποιῶν τῷ
Κορινθίῳ τὸν Ἀθηναῖον ἐν Λακεδαίμονι καὶ πολλὰ περὶ τῶν Μηδικῶν
λαμπρυνόμενον ἔργων καὶ περὶ τῆς ἐν Σαλαμῖνι ναυμαχίας, οὐδεμίαν αἰτίαν
προδοσίας ἢ λιποταξίας ἐπενήνοχε Κορινθίοις· οὐδὲ γὰρ εἰκὸς ἦν Ἀθηναῖον
ταῦτα βλασφημεῖν περὶ τῆς Κορινθίων πόλεως, ἣν τρίτην μὲν ἑώρα μετὰ
Λακεδαιμονίους καὶ μετ´ αὐτοὺς ἐγχαραττομένην (870e) τοῖς ἀπὸ τῶν
βαρβάρων ἀναθήμασιν. Ἐν δὲ Σαλαμῖνι παρὰ τὴν πόλιν ἔδωκαν αὐτοῖς θάψαι τε
τοὺς ἀποθανόντας, ὡς ἄνδρας ἀγαθοὺς γενομένους, καὶ ἐπιγράψαι τόδε τὸ ἐλεγεῖον·
Ὦ ξεῖν´, εὔυδρόν ποτ´ ἐναίομεν ἄστυ Κορίνθου,
νῦν δ´ ἅμ´ Αἴαντος νᾶσος ἔχει Σαλαμίς.
Ἐνθάδε Φοινίσσας νῆας καὶ Πέρσας ἑλόντες
καὶ Μήδους, ἱερὰν Ἑλλάδα ῥυσάμεθα.
Τὸ δ´ ἐν Ἰσθμῷ κενοτάφιον ἐπιγραφὴν ἔχει ταύτην
Ἀκμᾶς ἑστακυῖαν ἐπὶ ξυροῦ Ἑλλάδα πᾶσαν
(870f) ταῖς αὐτῶν ψυχαῖς κείμεθα ῥυσάμενοι.
Διοδώρου δέ τινος τῶν Κορινθίων τριηράρχων ἐν ἱερῷ Λητοῦς ἀναθήμασι
κειμένοις καὶ τοῦτ´ ἐπεγέγραπτο·
Ταῦτ´ ἀπὸ δυσμενέων Μήδων ναῦται Διοδώρου
ὅπλ´ ἀνέθεν Λατοῖ, μνάματα ναυμαχίας.
Αὐτός γε μὴν ὁ Ἀδείμαντος, ᾧ πλεῖστα λοιδορούμενος Ἡρόδοτος διατελεῖ καὶ
λέγων,
« Μοῦνον ἀσπαίρειν τῶν στρατηγῶν, ὡς φευξόμενον ἀπ´ Ἀρτεμισίου καὶ μὴ
περιμενοῦντα, »
Σκόπει τίνα δόξαν εἶχεν·
Οὗτος Ἀδειμάντου κείνου τάφος, ὃν δία πᾶσα
Ἑλλὰς ἐλευθερίας ἀμφέθετο στέφανον.
| [870] que les Grecs n'étaient pas en état de lui résister longtemps,
qu'ils disparaîtraient devant lui, (870a) et se disperseraient chacun dans leur ville.
« Il n'est pas vraisemblable, ajouta-t-elle, que si tu fais marcher ton armée de terre
vers le Péloponnèse, ils t'attendent de pied ferme, et qu'ils veuillent combattre
sur mer pour les Athéniens. Mais si tu te presses de donner une bataille
navale, et que ta flotte reçoive un échec, je crains que sa défaite
n'entraîne celle de l'armée de terre. » Il n'a manqué à Hérodote que la
mesure du vers pour faire de cette Artémise une sibylle, tant elle annonce
l'avenir avec précision. Aussi Xerxès la chargea-t-il de ramener ses
enfants à Éphèse. Il avait sans doute oublié d'amener des femmes de Suse
afin de les reconduire, puisqu'il leur fallait absolument des femmes pour
les escorter.
Mais je ne prétends pas relever tous les mensonges d'Hérodote ; (870b) je
ne m'arrête qu'à ceux qui portent un caractère d'envie et de méchanceté.
Les Athéniens, s'il faut l'en croire, disent qu'Adimante, général des
Corinthiens, saisi de terreur au moment où l'action commençait, prit la
fuite, non en se retirant insensiblement à travers les combattants et
tenant tête à l'ennemi, mais en déployant ouvertement ses voiles, et
faisant tourner la proue à tous ses vaisseaux. Mais bientôt un esquif s'étant mis à sa
suite, et l'ayant atteint à l'extrémité de la côte de Salamine, un de ceux qui le montaient
lui parla ainsi : « Tu fuis, Adimante, et tu trahis les Grecs (870c)
pendant qu'ils gagnent la bataille, et qu'au gré de leurs vœux, ils
mettent leurs ennemis en déroute. » Cet esquif sans doute était descendu
du ciel ; car rien n'empochait Hérodote d'avoir recours à un coup de
théâtre, lui qui, partout ailleurs, surpasse tous les poètes tragiques par
la hardiesse de ses inventions. Adimante donc, ajoutant foi à ce qu'on lui
disait, revint à la flotte des Grecs après que tout fut terminé. « Tel
est, poursuit Hérodote, le récit des Athéniens. Mais les Corinthiens, bien
loin d'en convenir, disent au contraire qu'ils allèrent les premiers à
l'attaque, et tout le reste de la Grèce leur rend ce témoignage. » Voilà
comment Hérodote en agit dans mille endroits. Il entasse les calomnies
(870d) les unes sur les autres, afin de ne pas manquer son coup, et qu'il
y ait toujours quelqu'un qui se trouve coupable. Ainsi dans cette
occasion, il s'est ménagé la double ressource que, si la calomnie est
crue, les Corinthiens sont déshonorés; si elle ne l'est pas, ce sont les
Athéniens. Mais croyons plutôt que les Athéniens n'ont pas calomnié les
Corinthiens, et que c'est Hérodote qui calomnie l'un et l'autre peuple. Ce
qu'il y a de certain, c'est que Thucydide, lorsque l'ambassadeur d'Athènes
répond devant les Spartiates aux accusations du député de Corinthe, qu'il
rappelle es hauts faits des Athéniens pendant la guerre médique, et en
particulier la bataille de Salamine, cet historien ne lui met dans la
bouche aucun reproche contre les Corinthiens d'avoir trahi les Grecs et
abandonné leur poste. Est-il en effet vraisemblable que les Athéniens
eussent fait une pareille imputation aux Corinthiens, dont ils voyaient
les offrandes de leur portion des dépouilles enlevées aux Barbares
consacrées au troisième rang après celles de Sparte et d'Athènes ; (870e)
que d'ailleurs les Athéniens leur avaient permis d'enterrer à Salamine leurs morts,
auprès de la ville, preuve certaine de l'idée qu'ils avaient de leur
bravoure, et de mettre cette inscription sur leur tombeau :
"Nés au sein de Corinthe en belles eaux fertile,
Nous avons pour tombeau les bords fameux d'une île
Où le Perse orgueilleux vit ses nombreux vaisseaux
Par la valeur des Grecs abîmés sous les eaux.
Ainsi d'un joug cruel sauvant notre patrie,
Nous avons à sa gloire immolé notre vie".
Le cénotaphe dressé sur l'isthme du Péloponnèse portait l'inscription suivante :
"Pour arracher la Grèce au plus dur esclavage,
(870f) Nous avons tous péri non loin de ce rivage".
Un triérarque corinthien nommé Diodore en plaça une sur les offrandes,
qu'il avait consacrées dans le temple de Latone, qui était conçue en ces termes :
"Les dignes compagnons du brave Diodore
A la mère du dieu qu'à Délos on adore
Offrent ces dons guerriers que, sur les ennemis,
Dans un combat naval leur valeur a conquis".
Adimante lui-même, à qui Hérodote a reproché que seul d'entre les généraux
grecs il prit honteusement la fuite et n'osa pas attendre le combat, voyez
quelle opinion on avait de lui.
"C'est ici le tombeau du célèbre Adimante ;
Par sa haute valeur la Grèce triomphante,
Repoussant les efforts du Mède détesté,
Voit briller sur son front l'heureuse liberté".
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