HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales - Comment on peut se louer soi-même sans s'exposer à l'envie

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[744] (744a) ἀλλ´ οὗτος μὲν ἴσως γελοῖος, ἀθλητικὴν ἀλαζονείαν δειλίας καὶ ἀνανδρίας ἐξομολογήσει παραμυθούμενος· ἐμμελὴς δὲ καὶ χαρίεις λήθην τινὰ καθ´ αὑτοῦ λέγων ἄγνοιαν φιλοτιμίαν πρός τινα μαθήματα καὶ λόγους ἀκρασίαν ὡς Ὀδυσσεύς « Αὐτὰρ ἐμὸν κῆρ ἤθελ´ ἀκουέμεναι, λῦσαι δ´ ἐκέλευον ἑταίρους ὀφρύσι νευστάζων, » καὶ πάλιν « ἀλλ´ ἐγὼ οὐ πιθόμην τ´ ἂν πολὺ κέρδιον ἦεν—, (744b) ὄφρ´ αὐτόν τε ἴδοιμι, καὶ εἴ μοι ξείνια δοίη. » Καὶ ὅλως ὅσαι μὴ παντάπασιν αἰσχραὶ μηδ´ ἀγεννεῖς ἁμαρτίαι, παρατιθέμεναι τοῖς ἐπαίνοις τὸν φθόνον ἀφαιροῦσι. Πολλοὶ δὲ καὶ πενίας καὶ ἀπορίας καὶ νὴ Δία δυσγενείας ἐξομολόγησιν ἔστιν ὅτε τοῖς ἐγκωμίοις παρεμβάλλοντες ἀμβλυτέρῳ τῷ φθόνῳ χρῶνται. Καθάπερ Ἀγαθοκλῆς χρυσᾶ ποτήρια καὶ τορευτὰ τοῖς νέοις προπίνων ἐκέλευσε καὶ κεραμεᾶ κομισθῆναι, καί « Τοιοῦτόν ἐστιν » ἔφη « τὸ ἐνδελεχὲς καὶ φιλόπονον καὶ ἀνδρεῖον· ἡμεῖς πάλαι ταῦτα, νῦν δ´ ἐκεῖνα ποιοῦμεν. » ᾿Ἐδόκει γὰρ ἐν κεραμείῳ τεθράφθαι (744c) διὰ δυσγένειαν καὶ πενίαν Ἀγαθοκλῆς, εἶτα συμπάσης ὀλίγου δεῖν ἐβασίλευσε Σικελίας. Καὶ ταῦτα μὲν ἔξωθεν ἔστιν ἐπεισάγεσθαι φάρμακα τῆς περιαυτολογίας. Ἕτερα δ´ αὐτοῖς τρόπον τινὰ τοῖς ἐπαινουμένοις ἔνεστιν· οἷς καὶ Κάτων ἐχρῆτο φθονεῖσθαι λέγων, ὅτι τῶν ἰδίων ἀμελεῖ καὶ τὰς νύκτας ἀγρυπνεῖ διὰ τὴν πατρίδα· καὶ τὸ « Πῶς δ´ ἂν φρονοίην, παρῆν ἀπραγμόνως ἐν τοῖσι πολλοῖς ἠριθμημένῳ στρατοῦ ἴσον μετασχεῖν τῷ σοφωτάτῳ τύχης; » καὶ τὸ « ὀκνῶν δὲ μόχθων τῶν πρὶν ἐκχέαι χάριν καὶ τοὺς παρόντας οὐκ ἀπωθοῦμαι πόνους. » (744d) Ὡς γὰρ οἰκίαν καὶ χωρίον, οὕτως καὶ δόξαν οἱ πολλοὶ καὶ ἀρετὴν τοῖς προῖκα καὶ ῥᾳδίως ἔχειν δοκοῦσιν οὐ τοῖς πριαμένοις πόνων πολλῶν καὶ κινδύνων φθονοῦσιν. Ἐπεὶ δ´ οὐ μόνον ἀλύπως καὶ ἀνεπιφθόνως ἀλλὰ καὶ χρησίμως καὶ ὠφελίμως προσοιστέον ἐστὶ τοὺς ἐπαίνους, ἵνα μὴ τοῦτο πράττειν ἀλλ´ ἕτερόν τι διὰ τούτου δοκῶμεν, ὅρα πρῶτον, εἰ προτροπῆς ἕνεκα καὶ ζήλου καὶ φιλοτιμίας τῶν ἀκουόντων αὑτὸν ἄν τις ἐπαινέσειεν, ὡς Νέστωρ τὰς ἑαυτοῦ διηγούμενος ἀριστείας καὶ μάχας τόν τε Πάτροκλον παρώρμησε καὶ τοὺς ἐννέα πρὸς τὴν μονομαχίαν ἀνέστησεν. γὰρ ἔργον ὁμοῦ (744e) καὶ λόγον ἔχουσα προτροπὴ καὶ παράδειγμα καὶ ζῆλον οἰκεῖον ἔμψυχός ἐστι καὶ κινεῖ καὶ παροξύνει καὶ μεθ´ ὁρμῆς καὶ προαιρέσεως ἐλπίδας ὡς ἐφικτῶν καὶ οὐκ ἀδυνάτων παρίστησι. Διὸ καὶ τῶν ἐν Λακεδαίμονι χορῶν ᾄδουσιν οἱ μὲν τῶν γερόντων « Ἁμές ποτ´ ἦμες ἄλκιμοι νεανίαι, » οἱ δὲ τῶν παίδων « Ἁμὲς δέ γ´ ἐσσόμεσθα πολλῷ κάρρονες, » οἱ δὲ τῶν νεανίσκων « Ἁμὲς δέ γ´ εἰμές· αἰ δὲ λῇς, αὐγάσδεο, » καλῶς καὶ πολιτικῶς τοῦ νομοθέτου τὰ πλησίον καὶ οἰκεῖα παραδείγματα τοῖς νέοις δι´ αὐτῶν τῶν εἰργασμένων ἐκτιθέντος. Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ καταπλήξεως ἐνιαχοῦ καὶ συστολῆς (744f) ἕνεκα καὶ τοῦ ταπεινῶσαι καὶ λαβεῖν ὑποχείριον τὸν αὐθάδη καὶ ἰταμὸν οὐ χεῖρόν ἐστι κομπάσαι τι περὶ αὑτοῦ καὶ μεγαληγορῆσαι· καθάπερ αὖ πάλιν Νέστωρ « ἤδη γάρ ποτ´ ἐγὼ καὶ ἀρείοσιν ἠέπερ ὑμῖν ἀνδράσιν ὡμίλησα, καὶ οὔ ποτέ μ´ οἵ γ´ ἀθέριζον. » [744] (744a) Il était peut-être ridicule qu'il excusât son arrogance d'athlète par l'aveu de sa lâcheté. Mais il est d'un homme adroit et sensé d'alléguer contre soi-même quelque oubli, quelque ignorance, ou un désir trop vif de voir et d'entendre, comme le fait Ulysse : "Flatté du doux plaisir d'entendre les sirènes, Je voulais écouter leurs chants harmonieux; Pour qu'on me déliât, je fis signe des yeux". Et ailleurs : "Mais je leur résistai quand j'aurais dû les croire. (744b) Je désirais de voir cet énorme géant, Et recevoir de lui quelque riche présent". En général, c'est un moyen de prévenir l'envie que de mêler aux louanges qu'on se donne l'aveu de quelques fautes qui ne soient pas déshonorantes. Il en est qui, pour rendre ces louanges moins odieuses, les tempèrent par l'aveu de leur pauvreté, de leur inexpérience, ou même de la bassesse de leur origine. Agathocle fît servir de la vaisselle de terre parmi les vases d'or dont sa table était couverte, et il dit à ses convives : « Voyez ce que peuvent faire la patience, l'amour du travail et le courage! Je faisais autrefois des vases de terre, et aujourd'hui j'en fais faire d'or. » C'est qu'Agathocle, né dans l'obscurité (744c) et dans la misère, avait été élevé chez un potier de terre, et qu'ensuite il était devenu roi de presque toute la Sicile. Voilà des moyens étrangers qu'on peut employer quand on veut se louer soi-même. Il en est d'autres qui sont personnels à ceux qui se louent. Ainsi Caton disait qu'on lui portait envie de ce que négligeant ses propres affaires, il veillait toutes les nuits pour le salut de sa patrie. Tel est encore le trait suivant : "Je ne me flatte pas ; confondu dans la foule, Je pouvais du repos savourer les douceurs, De la fortune en sage employer les faveurs". Et celui-ci : "Je crains d'avoir perdu le fruit de mes travaux, Et je ne craindrai pas d'en faire de nouveaux". (744d) On porte communément envie à ceux qui obtiennent la gloire et la vertu sans qu'il leur en coûte presque rien et, pour ainsi dire, à titre d'héritage, comme on acquiert une maison ou un fonds de terre ; mais on n'est pas jaloux de ceux qui l'achètent par beaucoup de travaux et de dangers. Ce n'est pas assez que les louanges qu'on se donne n'excitent pas l'envie : on doit encore se proposer de les rendre utiles aux autres, en paraissant avoir tout autre objet que celui de se louer. Quand quelqu'un parle avantageusement de lui-même, il faut d'abord considérer si son but n'est pas d'animer ceux qui l'écoutent, et de les enflammer d'une noble émulation, comme Nestor, en racontant ses exploits, excita Patrocle et neuf autres guerriers à combattre seul à seul contre Hector. Une exhortation vive (744e) soutenue par des faits, et qui joint l'exemple au conseil, est plus efficace et agit sur l'âme bien plus puissamment. Elle enflamme le courage, et avec le désir de faire le bien qu'on propose, elle donne l'espérance du succès, dont elle fait voir la possibilité. L'usage établi dans les chœurs de musique à Lacédémone, était que celui des vieillards commençât ainsi : "Nous avons eu tous en partage, Dans la jeunesse, le courage". Celui des jeunes gens disait ensuite : "Nous sommes tous dignes de vous; N'en doutez pas, regardez-nous". Celui des enfants finissait : "Nous aurons, vous pouvez le croire, Plus de courage et plus de gloire". C'était, de la part du législateur, un grand trait de sagesse, d'avoir fait proposer aux jeunes gens des exemples domestiques de courage, et par ceux mêmes qui les avaient donnés. On peut aussi, pour réprimer la fierté (744f) d'un homme présomptueux, parler avantageusement de soi, comme Nestor l'a fait plus d'une fois : "J'ai connu des guerriers bien plus braves que vous; Je vivais avec eux, et j'obtins leur estime".


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Dernière mise à jour : 16/07/2008