[19] (19a) Ἐν δὲ τούτοις εὖ μάλα προσεκτέον εἴ τινας ὁ ποιητὴς αὐτὸς ἐμφάσεις
δίδωσι κατὰ τῶν λεγομένων ὡς δυσχεραινομένων ὑπ´ αὐτοῦ. Καθάπερ ὁ
Μένανδρος ἐν τῷ προλόγῳ τῆς Θαΐδος πεποίηκεν
Ἐμοὶ μὲν οὖν ἄειδε τοιαύτην, θεά,
θρασεῖαν ὡραίαν δὲ καὶ πιθανὴν ἅμα,
ἀδικοῦσαν ἀποκλείουσαν αἰτοῦσαν πυκνά,
μηδενὸς ἐρῶσαν, προσποιουμένην δ´ ἀεί.
(19b) Ἄριστα δ´ Ὅμηρος τῷ γένει τούτῳ κέχρηται· καὶ γὰρ προδιαβάλλει τὰ
φαῦλα καὶ προσυνίστησι τὰ χρηστὰ τῶν λεγομένων. Προσυνίστησι μὲν οὕτως
Αὐτίκα μειλίχιον καὶ κερδαλέον φάτο μῦθον
καὶ
Τὸν δ´ ἀγανοῖς ἐπέεσσιν ἐρητύσασκε παραστάς.
Ἐν δὲ τῷ προδιαβάλλειν μονονοὺ μαρτύρεται καὶ διαγορεύει μήτε χρῆσθαι μήτε
προσέχειν ὡς οὖσιν ἀτόποις καὶ φαύλοις. Οἷον τόν τ´ Ἀγαμέμνονα μέλλων
διηγεῖσθαι τῷ ἱερεῖ χρώμενον ἀπηνῶς προείρηκεν
Ἀλλ´ οὐκ Ἀτρεΐδῃ Ἀγαμέμνονι ἥνδανε θυμῷ,
ἀλλὰ κακῶς ἀφίει,
(19c) τουτέστιν ἀγρίως καὶ αὐθάδως καὶ παρὰ τὸ προσῆκον· τῷ τ´ Ἀχιλλεῖ
τοὺς θρασεῖς λόγους περιτίθησιν
Οἰνοβαρές, κυνὸς ὄμματ´ ἔχων, κραδίην δ´ ἐλάφοιο
τὴν αὑτοῦ κρίσιν ὑπειπὼν
Πηλεΐδης δ´ ἐξαῦτις ἀταρτηροῖς ἐπέεσσιν
Ἀτρεΐδην προσέειπε, καὶ οὔ πω λῆγε χόλοιο·
καλὸν γὰρ εἰκὸς οὐδὲν εἶναι μετ´ ὀργῆς καὶ αὐστηρῶς λεγόμενον. Ὁμοίως καὶ
ἐπὶ τῶν πράξεων
Ἦ ῥα, καὶ Ἕκτορα δῖον ἀεικέα μήδετο ἔργα,
(19d) πρηνέα πὰρ λεχέεσσι Μενοιτιάδαο τανύσσας.
Εὖ δὲ καὶ ταῖς ἐπιρρήσεσι χρῆται, καθάπερ τινὰ ψῆφον ἰδίαν ἐπιφέρων τοῖς
πραττομένοις ἢ λεγομένοις, ἐπὶ μὲν τῆς μοιχείας τοῦ Ἄρεος τοὺς θεοὺς ποιῶν
λέγοντας
Οὐκ ἀρετᾷ κακὰ ἔργα· κιχάνει τοι βραδὺς ὠκύν,
ἐπὶ δὲ τῆς τοῦ Ἕκτορος ὑπερφροσύνης καὶ μεγαλαυχίας
Ὣς ἔφατ´ εὐχόμενος, νεμέσησε δὲ πότνια Ἥρη,
ἐπὶ δὲ τῆς Πανδάρου τοξείας
Ὥς φάτ´ Ἀθηναίη, τῷ δὲ φρένας ἄφρονι πεῖθεν.
(19e) Αὗται μὲν οὖν αἱ τῶν λόγων ἀποφάσεις καὶ δόξαι παντός εἰσι κατιδεῖν
τοῦ προσέχοντος·
ἑτέρας δ´ ἐκ τῶν πραγμάτων αὐτῶν παρέχουσι μαθήσεις, ὥσπερ ὁ Εὐριπίδης
εἰπεῖν λέγεται πρὸς τοὺς τὸν Ἰξίονα λοιδοροῦντας ὡς ἀσεβῆ καὶ μιαρόν, « οὐ
μέντοι πρότερον αὐτὸν ἐκ τῆς σκηνῆς ἐξήγαγον ἢ τῷ τροχῷ προσηλῶσαι. »
Παρὰ δ´ Ὁμήρῳ σιωπώμενόν ἐστι τὸ τοιοῦτο γένος τῆς διδασκαλίας, ἔχον δ´
ἀναθεώρησιν ὠφέλιμον ἐπὶ τῶν διαβεβλημένων μάλιστα μύθων, οὓς ταῖς πάλαι
μὲν ὑπονοίαις (19f) ἀλληγορίαις δὲ νῦν λεγομέναις παραβιαζόμενοι καὶ
διαστρέφοντες ἔνιοι μοιχευομένην φασὶν Ἀφροδίτην ὑπ´ Ἄρεος μηνύειν Ἥλιον,
ὅτι τῷ τῆς Ἀφροδίτης ἀστέρι συνελθὼν ὁ τοῦ Ἄρεος μοιχικὰς ἀποτελεῖ
γενέσεις, Ἡλίου δ´ ἐπαναφερομένου καὶ καταλαμβάνοντος οὐ λανθάνουσιν. Τὸν
δὲ τῆς Ἥρας καλλωπισμὸν ἐπὶ τὸν Δία καὶ τὰς περὶ τὸν κεστὸν γοητείας ἀέρος
τινὰ κάθαρσιν εἶναι βούλονται τῷ πυρώδει πλησιάζοντος, ὥσπερ οὐκ αὐτοῦ τὰς
λύσεις τοῦ ποιητοῦ διδόντος. Ἐν μὲν γὰρ τοῖς περὶ τῆς Ἀφροδίτης διδάσκει
τοὺς προσέχοντας,
| [19] (19a) Il faut examiner aussi, dans ces occasions, si le poète lui-même ne
donne pas à connaître, par quelque endroit, qu'il désapprouve ce qu'il
rapporte, comme fait Ménandre dans le prologue de sa Thaïs :
"Muse, dis-moi le nom de cette belle
Dont les regards, les propos imposteurs,
De l'artifice escorte trop fidèle,
Sèment partout leurs piéges séducteurs:
Qui tour à tour attirante et cruelle
A si haut prix sut mettre ses faveurs,
Dans ses liens engagea tant de cœurs,
Feignit d'aimer, et n'aima jamais qu'elle".
(19b) Nul poète n'est, en ce point égal à Homère : il juge
toujours d'avance les actions ou les discours de ses héros, par la manière
dont il les loue ou les blâme. Par exemple, dans les louanges :
"Il parle, et de ces mots où la douceur respire"", etc.;
on bien :
"Par un sage discours il retient ces guerriers".
Au contraire, veut-il blâmer, il le fait si bien entendre, qu'il semble
nous dire d'éviter ces actions pernicieuses et funestes. Avant que de
raconter la manière dure et inhumaine dont Agamemnon traita le
grand-prêtre Chrysès, il nous y prépare par ces mots :
Agamemnon qu'irrité une juste prière,
Ecarte sans pitié ce respectable père",
(19c) c'est-à-dire qu'il le renvoie avec une dureté contraire à toute
décence. De même, lorsqu'il met dans la bouche d'Achille ces termes si
injurieux pour Agamemnon :
"Lâche, dont la bassesse égale la fierté,
il en porte son jugement par ces mots qui précèdent :
Minerve disparaît, mais Achille irrité.
Et suivant de son cœur le transport téméraire,
En termes outrageux exhale sa colère".
Il nous avertit par là qu'on ne peut que mal parler, lorsqu'on se livre à
son ressentiment. Il en est de même des actions qu'il rapporte, par
exemple du traitement que fit Achille au cadavre d'Hector :
"Il dit, et cette vue animant sa fureur.
Près du corps de Patrocle, objet de sa douleur,
(19d) Traînant du grand Hector la dépouille sanglante,
Il assouvit sur lui sa rage impatiente".
Quelquefois c'est après ce récit des actions qu'il en fait
la censure. Sur l'adultère de Mars et de Vénus, il fait dire aux dieux :
"Le crime rarement jouit d'un long bonheur;
Il tombe tôt ou tard dans les mains d'un vengeur";
sur l'orgueil et la fierté d'Hector :
"Junon, à ce discours dicté par l'arrogance,
S'indigne, et contre Hector prépare sa vengeance" ;
enfin, sur la flèche que Pandarus lance contre Ménélas au mépris du traité :
"L'imprudent Pandarus sur la foi de Pallas,
Tend son arc".
(19e) Il ne faut qu'une légère attention pour remarquer dans les poètes
ces courtes réflexions qui font connaître leur façon de penser sur la
conduite de leurs héros.
Mais quelquefois ils présentent des leçons dans les événements mêmes;
c'est ce qu'Euripide fit sentir à ceux qui lui reprochaient d'avoir donné
à son Ixion trop de scélératesse et d'impiété. « Aussi, répondit-il, ne
l'ai-je laissé sortir de la scène qu'après l'avoir attaché à la roue. »
Ces sortes de leçons indirectes se trouvent aussi dans Homère, et il est
facile de les y apercevoir sous l'écorce de ces fictions et de celles même
qu'on blâme le plus en lui. Ces fables, que les anciens appelaient énigmes,
et que nous nommons (19f) allégories, ont été souvent
détournées par les commentateurs à des sens absolument forcés et étrangers
à celui du poète. Ils ont dit, par exemple, que l'adultère de Vénus et de
Mars, qui fut découvert par le soleil, signifiait que les personnes nées
sous l'aspect de Vénus et de Mars, quand ces planètes sont en conjonction,
ont sujettes à l'adultère,
et que si leur naissance concourt avec le lever du soleil, leurs adultères
sont découverts. La fable de la ceinture de Vénus, que Junon emprunta pour
surprendre Jupiter, représente, selon eux, l'épuration de l'air par le
mélange du feu. Mais pourquoi recourir à ces interprétations forcées,
lorsque le poète lui-même nous en donne de si naturelles? Qui ne voit,
avec un peu d'attention, que par la fable de Mars et de Vénus,
le poète veut nous faire entendre
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