[16] ἀλλὰ προφιλοσοφητέον τοῖς ποιήμασιν ἐθιζομένους
(16a) ἐν τῷ τέρποντι τὸ χρήσιμον ζητεῖν καὶ ἀγαπᾶν· εἰ δὲ μή, διαμάχεσθαι
καὶ δυσχεραίνειν. Ἀρχὴ γὰρ αὕτη παιδεύσεως,
Ἔργου δὲ παντὸς ἤν τις ἄρχηται καλῶς,
καὶ τὰς τελευτὰς εἰκός ἐσθ´ οὕτως ἔχειν
κατὰ τὸν Σοφοκλέα.
Πρῶτον μὲν οὖν εἰσάγειν εἰς τὰ ποιήματα δεῖ τὸν νέον μηδὲν οὕτω
μεμελετημένον ἔχοντα καὶ πρόχειρον ὡς τὸ « πολλὰ ψεύδονται ἀοιδοὶ » τὰ
μὲν ἑκόντες τὰ δ´ ἄκοντες. Ἑκόντες μέν, ὅτι πρὸς ἡδονὴν ἀκοῆς καὶ χάριν,
ἣν οἱ πλεῖστοι διώκουσιν, (16b) αὐστηροτέραν ἡγοῦνται τὴν ἀλήθειαν τοῦ
ψεύδους. Ἡ μὲν γὰρ ἔργῳ γιγνομένη, κἂν ἀτερπὲς ἔχῃ τὸ τέλος, οὐκ
ἐξίσταται· τὸ δὲ πλαττόμενον λόγῳ ῥᾷστα περιχωρεῖ καὶ τρέπεται πρὸς τὸ
ἥδιον ἐκ τοῦ λυποῦντος. Οὔτε γὰρ μέτρον οὔτε τρόπος οὔτε λέξεως ὄγκος οὔτ´
εὐκαιρία μεταφορᾶς οὔθ´ ἁρμονία καὶ σύνθεσις ἔχει τοσοῦτον αἱμυλίας καὶ
χάριτος ὅσον εὖ πεπλεγμένη διάθεσις μυθολογίας· ἀλλ´ ὥσπερ ἐν γραφαῖς
κινητικώτερόν ἐστι χρῶμα γραμμῆς διὰ τὸ ἀνδρείκελον καὶ ἀπατηλόν, οὕτως
(16c) ἐν ποιήμασι μεμιγμένον πιθανότητι ψεῦδος ἐκπλήττει καὶ ἀγαπᾶται
μᾶλλον τῆς ἀμύθου καὶ ἀπλάστου περὶ μέτρον καὶ λέξιν κατασκευῆς. Ὅθεν ὁ
Σωκράτης ἔκ τινων ἐνυπνίων ποιητικῆς ἁψάμενος αὐτὸς μέν, ἅτε δὴ γεγονὼς
ἀληθείας ἀγωνιστὴς τὸν ἅπαντα βίον, οὐ πιθανὸς ἦν οὐδ´ εὐφυὴς ψευδῶν
δημιουργός, τοὺς δ´ Αἰσώπου μύθους ἔπεσιν ἐνήρμοζεν ὡς ποίησιν οὐκ οὖσαν ᾗ
ψεῦδος μὴ πρόσεστι. Θυσίας μὲν γὰρ ἀχόρους καὶ ἀναύλους ἴσμεν, οὐκ ἴσμεν
δ´ ἄμυθον οὐδ´ ἀψευδῆ ποίησιν. Τὰ δ´ Ἐμπεδοκλέους ἔπη καὶ Παρμενίδου καὶ
θηριακὰ Νικάνδρου καὶ γνωμολογίαι Θεόγνιδος λόγοι εἰσὶ κιχράμενοι παρὰ
ποιητικῆς ὥσπερ ὄχημα τὸ μέτρον καὶ τὸν ὄγκον, ἵνα τὸ πεζὸν διαφύγωσιν.
(16d) Ὅταν οὖν ἄτοπόν τι καὶ δυσχερὲς ἐν τοῖς ποιήμασι λέγηται περὶ θεῶν ἢ
δαιμόνων ἢ ἀρετῆς ὑπ´ ἀνδρὸς ἐλλογίμου καὶ δόξαν ἔχοντος, ὁ μὲν ὡς ἀληθῆ
προσδεξάμενος λόγον οἴχεται φερόμενος καὶ διέφθαρται τὴν δόξαν, ὁ δὲ
μεμνημένος ἀεὶ καὶ κατέχων ἐναργῶς τῆς ποιητικῆς τὴν περὶ τὸ ψεῦδος
γοητείαν καὶ δυνάμενος λέγειν ἑκάστοτε πρὸς αὐτὴν
« Ὦ μηχάνημα λυγκὸς αἰολώτερον,
τί παίζουσα τὰς ὀφρῦς συνάγεις, τί δ´ ἐξαπατῶσα προσποιῇ διδάσκειν; »
(16e) Οὐδὲν πείσεται δεινὸν οὐδὲ πιστεύσει φαῦλον, ἀλλ´ ἐπιλήψεται μὲν
αὑτοῦ φοβουμένου τὸν Ποσειδῶνα καὶ ταρβοῦντος μὴ τὴν γῆν ἀναρρήξῃ καὶ
ἀπογυμνώσῃ τὸν Ἅιδην, ἐπιλήψεται δὲ τῷ Ἀπόλλωνι χαλεπαίνοντος ὑπὲρ τοῦ
πρώτου τῶν Ἀχαιῶν,
Ὃν αὐτὸς ὑμνῶν αὐτὸς ἐν δαίτῃ παρὼν
αὐτὸς τάδ´ εἰπὼν αὐτός ἐστιν ὁ κτανών,
παύσεται δὲ τὸν φθιτὸν Ἀχιλλέα καὶ τὸν Ἀγαμέμνονα τὸν καθ´ Ἅιδου δακρύων,
ἀδυνάτους καὶ ἀσθενεῖς χεῖρας ἐπιθυμίᾳ τοῦ ζῆν ὀρέγοντας. Ἂν δέ που
συνταράττηται τοῖς πάθεσι καὶ κρατῆται φαρματτόμενος, οὐκ ὀκνήσει πρὸς
ἑαυτὸν εἰπεῖν
Ἀλλὰ φόωσδε τάχιστα λιλαίεο· ταῦτα δὲ πάντα
ἴσθ´, (16f) ἵνα καὶ μετόπισθε τεῇ εἴπῃσθα γυναικί.
Καὶ γὰρ τοῦτο χαριέντως Ὅμηρος εἰς τὴν νέκυιαν εἶπεν, ὡς γυναικὸς ἀκρόασιν
οὖσαν διὰ τὸ μυθῶδες.
Τοιαῦτα γάρ ἐστιν ἃ πλάττουσιν ἑκόντες οἱ ποιηταί· πλείονα δ´ ἃ μὴ
πλάττοντες ἀλλ´ οἰόμενοι καὶ δοξάζοντες αὐτοὶ προσαναχρώννυνται τὸ ψεῦδος
ἡμῖν· οἷον ἐπὶ τοῦ Διὸς εἰρηκότος Ὁμήρου
| [16] mais faire usage, en les lisant, des principes philosophiques, et chercher dans cette lecture agréable ce qu'elle a d'intéressant et d'utile. Lorsqu'elle ne leur
offrira rien de solide, qu'ils l'abandonnent, j'y consens. (16a) N'aimer
dans la poésie que l'utilité qu'elle procure, c'est déjà un commencement
d'instruction, et, comme dit Sophocle :
"Un travail dès l'entrée avec art ordonné,
Par une fin heureuse est toujours couronné".
Avant donc que de faire lire à un jeune homme les écrits des poètes,
commençons par le bien prévenir que
"Souvent la poésie adopte les mensonges".
Ces mensonges sont quelquefois volontaires et quelquefois forcés ; ils
sont volontaires lorsque les poètes, pour flatter le goût du plus grand
nombre des lecteurs, (16b) s'étudient à charmer l'oreille, et, pour cela,
préfèrent la fiction à la vérité. Le récit d'un fait véritable, lors même
que le dénouement en est tragique, n'admet aucun changement ; mais, dans
une action feinte, il est facile de ménager quelque révolution et d'amener
une catastrophe agréable ; aussi, dans un poème, la beauté de la
versification, la hardiesse des métaphores, la majesté du style, la
justesse des figures, la liaison et l'harmonie du discours flattent-elles moins le lecteur qu'une fiction bien conduite.
Dans la peinture, les couleurs font bien plus d'effet que le simple dessin,
parce qu' elles donnent aux tableaux un air de ressemblance qui va jusqu'à
nous tromper; (16c) et, dans la poésie, un mensonge présenté sous les
couleurs de la vraisemblance, nous frappe et nous plaît davantage que la
versification la plus brillante dénuée de fiction. Socrate, un jour,
d'après un songe qu'il eut, entreprit de faire des vers ; mais comme il
avait combattu toute sa vie pour la vérité, il réussissait peu dans ces
fictions poétiques. Il se mit donc à traduire en vers les fables d'Ésope,
ne croyant pas qu'il pût y avoir de poésie si la fiction ne s'y trouvait
mêlée. En effet, nous voyons bien des sacrifices sans danse et sans
musique, mais nous ne connaissons point de poésie sans fiction. Ainsi les
vers d'Empédocle et de Parménide sur la physique, les préceptes de
médecine de Nicandre et les sentences de Théognis ne sont proprement
que de simples discours qui, pour éviter la marche uniforme de la prose,
ont emprunté de la poésie, comme une sorte de char, la mesure du
vers et la richesse du langage.
(16d) Lors donc que, dans un poème, il se trouve des maximes
déraisonnables ou même absurdes sur les dieux, les génies ou la vertu,
avancées par un homme d'ailleurs en réputation de sagesse, un lecteur qui
n'est point prévenu que la fiction est familière à la poésie tombe dans
la terreur et remplit son esprit de fausses opinions; mais celui qui sait avec quel art la poésie emploie le mensonge et qui peut lui dire chaque fois que
l'occasion s'en présente :
"Ô rivale du Sphynx, trop douce enchanteresse!
pourquoi couvrir tes jeux sous un dehors grave et austère ? pourquoi
feindre de nous instruire quand tu veux nous tromper"? (16e) Celui-là ne
sera jamais sa dupe, et ne se laissera pas entraîner dans l'erreur. Il se
reprochera d'avoir pu craindre que Neptune, d'un coup de son trident,
n'entrouvrît la terre, et ne découvrît aux vivants le séjour des morts. Il
blâmera Thétis qui, dans Eschyle, s'indigne contre Apollon, et lui
reproche en ces termes le meurtre d'Agamemnon :
"Il le loue, et lui-même, assis à ce festin,
Du meurtre de ce prince il a souillé sa main".
Il ne versera plus de larmes sur la faiblesse d'Achille et d'Agamemnon,
qui, dans les enfers, par un amour excessif de la vie, tendent servilement
des mains suppliantes. Si jamais, surpris comme par un enchantement
secret, il éprouve un trouble involontaire, revenu bientôt à lui-même, il
se rappellera ce que la mère d'Ulysse dit à son fils dans les enfers :
"Hâte-toi de sortir de ces bords ténébreux,
Et quand tu reverras la lumière des cieux,
(16f) De tout ce que tu vois fais part à Pénélope".
Avis qu'Homère place avec raison après sa description des enfers, pour
insinuer que ces fables ne sont bonnes à conter qu'à des femmes.
Voilà de ces mensonges qui sont volontaires dans les poètes. Il en est
d'autres qui sont moins des fictions réelles de leur part que de fausses opinions dont ils sont eux-mêmes convaincus, et qu'ils nous font adopter par le merveilleux sous lequel ils les représentent.
Tel est ce passage d'Homère sur Jupiter :
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