HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales - Sur la manière de lire les poètes

Page 15

  Page 15

[15] (15a) ἂν τῇ δι´ ἀκοῆς λάθῃ προέμενος αὑτόν, ἀλλ´ ὅσον μᾶλλον αὕτη τοῦ φρονεῖν καὶ λογίζεσθαι πεφυκότος ἅπτεται, τοσοῦτο μᾶλλον ἀμεληθεῖσα βλάπτει καὶ διαφθείρει τὸν παραδεξάμενον. Ἐπεὶ τοίνυν οὔτ´ ἴσως δυνατόν ἐστιν οὔτ´ ὠφέλιμον ποιημάτων ἀπείργειν τὸν τηλικοῦτον ἡλίκος οὑμός τε τὸ νῦν Σώκλαρός ἐστι καὶ σὸς Κλέανδρος, εὖ μάλα παραφυλάττωμεν αὐτούς, ὡς ἐν ταῖς ἀναγνώσεσι μᾶλλον ταῖς ὁδοῖς παιδαγωγίας δεομένους. δ´ οὖν ἐμοὶ περὶ ποιημάτων εἰπεῖν πρῴην ἐπῆλθε, νῦν πρὸς σὲ γεγραμμένα πέμψαι διενοήθην. (15b) Καὶ λαβὼν ταῦτα δίελθε, κἂν δοκῇ σοι μηδὲν εἶναι φαυλότερα τῶν ἀμεθύστων καλουμένων, ἅτινες ἐν τοῖς πότοις περιάπτονται καὶ προλαμβάνουσι, μεταδίδου τῷ Κλεάνδρῳ καὶ προκαταλάμβανε τὴν φύσιν αὐτοῦ διὰ τὸ μηδαμοῦ νωθρὸν ἀλλὰ πανταχοῦ σφοδρὸν καὶ δεδορκὸς εὐαγωγοτέραν ὑπὸ τῶν τοιούτων οὖσαν. Πουλύποδος κεφαλῇ ἔνι μὲν κακὸν ἐν δὲ καὶ ἐσθλόν, ὅτι βρωθῆναι μέν ἐστιν ἥδιστος, δυσόνειρον δ´ ὕπνον ποιεῖ, φαντασίας ταραχώδεις καὶ ἀλλοκότους δεχόμενον, ὡς λέγουσιν. (15c) Οὕτω δὴ καὶ ποιητικῇ πολὺ μὲν τὸ ἡδὺ καὶ τρόφιμον νέου ψυχῆς ἔνεστιν, οὐκ ἔλαττον δὲ τὸ ταρακτικὸν καὶ παράφορον, ἂν μὴ τυγχάνῃ παιδαγωγίας ὀρθῆς ἀκρόασις. Οὐ γὰρ μόνον ὡς ἔοικε περὶ τῆς Αἰγυπτίων χώρας ἀλλὰ καὶ περὶ τῆς ποιητικῆς ἔστιν εἰπεῖν ὅτι Φάρμακα, πολλὰ μὲν ἐσθλὰ μεμιγμένα πολλὰ δὲ λυγρὰ Τοῖς χρωμένοις ἀναδίδωσιν. Ἔνθ´ ἔνι μὲν φιλότης, ἐν δ´ ἵμερος, ἐν δ´ ὀαριστὺς πάρφασις, τ´ ἔκλεψε νόον πύκα περ φρονεόντων. Οὐ γὰρ ἅπτεται τὸ ἀπατηλὸν αὐτῆς ἀβελτέρων κομιδῇ καὶ ἀνοήτων. (15d) Διὸ καὶ Σιμωνίδης μὲν ἀπεκρίνατο πρὸς τὸν εἰπόντα « τί δὴ μόνους οὐκ ἐξαπατᾷς Θετταλούς; » « Ἀμαθέστεροι γάρ εἰσιν ὡς ὑπ´ ἐμοῦ ἐξαπατᾶσθαι. » Γοργίας δὲ τὴν τραγῳδίαν εἶπεν ἀπάτην, ἣν τ´ ἀπατήσας δικαιότερος τοῦ μὴ ἀπατήσαντος καὶ ἀπατηθεὶς σοφώτερος τοῦ μὴ ἀπατηθέντος. Πότερον οὖν τῶν νέων ὥσπερ τῶν Ἰθακησίων σκληρῷ τινι τὰ ὦτα καὶ ἀτέγκτῳ κηρῷ καταπλάττοντες ἀναγκάζωμεν αὐτοὺς τὸ Ἐπικούρειον ἀκάτιον ἀραμένους ποιητικὴν φεύγειν καὶ παρεξελαύνειν, μᾶλλον ὀρθῷ τινι λογισμῷ παριστάντες καὶ καταδέοντες, τὴν κρίσιν, ὅπως μὴ παραφέρηται τῷ τέρποντι πρὸς τὸ βλάπτον, ἀπευθύνωμεν καὶ παραφυλάττωμεν; (15e) Οὐδὲ γὰρ οὐδὲ Δρύαντος υἱὸς κρατερὸς Λυκόοργος ὑγιαίνοντα νοῦν εἶχεν, ὅτι πολλῶν μεθυσκομένων καὶ παροινούντων τὰς ἀμπέλους περιιὼν ἐξέκοπτεν ἀντὶ τοῦ τὰς κρήνας ἐγγυτέρω προσαγαγεῖν καὶ « μαινόμενον » θεόν, ὥς φησιν Πλάτων, « ἑτέρῳ θεῷ νήφοντι κολαζόμενον » σωφρονίζειν. Ἀφαιρεῖ γὰρ κρᾶσις τοῦ οἴνου τὸ βλάπτον, οὐ συναναιροῦσα τὸ χρήσιμον. Μηδ´ ἡμεῖς οὖν τὴν ποιητικὴν ἡμερίδα (15f) τῶν Μουσῶν ἐκκόπτωμεν μηδ´ ἀφανίζωμεν, ἀλλ´ ὅπου μὲν ὑφ´ ἡδονῆς ἀκράτου πρὸς δόξαν αὐθάδως θρασυνόμενον ἐξυβρίζει καὶ ὑλομανεῖ τὸ μυθῶδες αὐτῆς καὶ θεατρικόν, ἐπιλαμβανόμενοι κολούωμεν καὶ πιέζωμεν· ὅπου δ´ ἅπτεταί τινος μούσης τῇ χάριτι καὶ τὸ γλυκὺ τοῦ λόγου καὶ ἀγωγὸν οὐκ ἄκαρπόν ἐστιν οὐδὲ κενόν, ἐνταῦθα φιλοσοφίαν εἰσάγωμεν καὶ καταμιγνύωμεν. Ὥσπερ γὰρ μανδραγόρας ταῖς ἀμπέλοις παραφυόμενος καὶ διαδιδοὺς τὴν δύναμιν εἰς τὸν οἶνον μαλακωτέραν ποιεῖ τὴν καταφορὰν τοῖς πίνουσιν, οὕτω τοὺς λόγους ποίησις ἐκ φιλοσοφίας ἀναλαμβάνουσα μιγνυμένους πρὸς τὸ μυθῶδες ἐλαφρὰν καὶ προσφιλῆ παρέχει τοῖς νέοις τὴν μάθησιν. Ὅθεν οὐ φευκτέον ἐστὶ τὰ ποιήματα τοῖς φιλοσοφεῖν μέλλουσιν, [15] (15a) si celui de l'ouïe livre à l'ennemi l'entrée de son cœur. Plus cet organe est voisin du siége de l'âme et de la raison, plus il est dangereux de le laisser corrompre. Il n'est guère possible sans doute, ni peut-être avantageux, d'interdire les écrits des poètes à des jeunes gens de l'âge de votre fils Cléandre et du mien Soclarus ; mais veillons du moins avec attention sur des lectures qui exigent, encore plus que leurs actions, un guide sûr et éclairé. C'est ce qui m'engage à vous envoyer cet écrit, que j'ai composé depuis peu, sur la manière de lire les poètes. (15b) Parcourez-le donc ; et si vous trouvez qu'il puisse avoir pour cet objet la même vertu que ces simples ou ces pierres précieuses dont on se sert contre l'ivresse, faites-le lire à votre fils Cléandre; il sera, pour cet esprit vif et pénétrant, un préservatif contre les charmes dangereux de la poésie. "La tête du polype a du bon, du mauvais", a dit un poète. Elle est en effet très agréable au goût ; mais on lui reproche de causer un sommeil inquiet et trouble par des songes bizarres. (15c) Telle est la poésie : elle contient mille choses agréables et propres à nourrir l'esprit des jeunes gens; mais, faute d'un guide sûr qui les dirige dans cette lecture, elle porte le trouble dans l'imagination et donne à l'âme les plus fortes secousses. Ce n'est pas seulement de l'Égypte qu'on peut dire : "En bons et mauvais fruits ses plaines sont fertiles", on peut l'attribuer avec autant de fondement à la poésie. Là, germent en secret les amours imposteurs, Les désirs attirants, les propos séducteurs, Poisons qui trop souvent corrompent les plus sages. En effet, ce ne sont pas les hommes stupides et ignorants qui se laissent prendre à cette amorce. (15d) Quelqu'un demandait à Simonide pourquoi les Thessaliens étaient les seuls peuples de la Grèce qu'il n'eût pas trompés : « Ils sont trop simples, dit-il, pour se laisser prendre à l'appât de mes vers. » Gorgias disait que la tragédie était une imposture où le trompeur avait plus de vertu que celui qui ne savait pas tromper, et l'homme qui se laissait surprendre avait plus de sagesse que celui qui ne pouvait être surpris. Quel parti faut-il donc prendre ? Devons-nous boucher les oreilles des jeunes gens avec de la cire, comme fit Ulysse à ses compagnons, et les obliger de passer rapidement les rivages dangereux de la poésie ? ou plutôt ne vaut-il pas mieux prémunir leur raison et l' enchaîner, pour ainsi dire, par des principes solides, de peur que cette voix séduisante ne les entraîne dans le précipice? En effet, (15e) Le fils du fort Dryas, le sévère Lycurgue, n'agit pas raisonnablement lorsque, pour réprimer la passion qu'avaient pour le vin la plupart de ses sujets, et qui causait parmi eux les plus grands désordres, il fit arracher les vignes dans toute l'étendue de ses États. Il eût été plus sage de faire creuser dans les environs des sources et des fontaines, et d'enchaîner, comme dit Platon, un dieu fougueux par une divinité plus paisible. L'eau mêlée dans le vin lui ôte ce qu'il a de dangereux, sans lui faire perdre ce qu'il a de salutaire. Gardons-nous donc d'arracher et de détruire ce plant fécond de la poésie, cultivé (15f) par les Muses mêmes; seulement, lorsque les fictions n'ont pour objet que le plaisir et qu'elles y sont semées avec profusion, retranchons ces branches inutiles et empêchons-les de trop se multiplier. Mais quand l'agrément s'y trouve joint au savoir, que la douceur et les grâces du langage servent de voile et d'ombre à des fruits solides, employons alors, pour mûrir ces germes heureux, les travaux de la philosophie. La mandragore qui croît auprès d'une vigne communique sa vertu au vin qu'on en tire, et procure à ceux qui en boivent un sommeil plus doux et plus léger; de même, quand la poésie emprunte de la philosophie le fond de doctrine qu'elle embellit ensuite de ses fictions, l'étude devient plus agréable et plus facile aux jeunes gens. Ceux donc qui veulent s'adonner à la philosophie ne doivent pas s'interdire tout commerce avec les écrits des poètes,


Recherches | Texte | Lecture | Liste du vocabulaire | Index inverse | Menu | Site de Philippe Remacle |

 
UCL | FLTR | Hodoi Elektronikai | Itinera Electronica | Bibliotheca Classica Selecta (BCS) |
Ingénierie Technologies de l'Information : B. Maroutaeff - C. Ruell - J. Schumacher

Dernière mise à jour : 8/05/2008