[36] (36a) Ὅθεν οὐ παρέργως ὑποδεικτέον ὅτι τὸ μὲν
Τέκνον ἐμόν, οὔ τοι δέδοται πολεμήια ἔργα,
ἀλλὰ σύ γ´ ἱμερόεντα μετέρχεο ἔργα γάμοιο
καὶ τὸ
Ζεὺς γάρ τοι νεμεσᾷ, ὅτ´ ἀμείνονι φωτὶ μάχοιο
οὐδὲν διαφέρει τοῦ « γνῶθι σαυτόν, » ἀλλὰ τὴν αὐτὴν ἔχει διάνοιαν ἐκείνῳ·
Τὸ δὲ
νήπιοι, οὐδ´ ἴσασιν ὅσῳ πλέον ἥμισυ παντὸς
καὶ τὸ
Ἡ δὲ κακὴ βουλὴ τῷ βουλεύσαντι κακίστη
ταὐτόν ἐστι τοῖς Πλάτωνος ἐν Γοργίᾳ καὶ Πολιτείᾳ δόγμασι περὶ τοῦ « τὸ
ἀδικεῖν κάκιον εἶναι τοῦ ἀδικεῖσθαι » (36b) καὶ τοῦ κακῶς πάσχειν τὸ
ποιεῖν κακῶς βλαβερώτερον. Ἐπιρρητέον δὲ καὶ τῷ τοῦ Αἰσχύλου
Θάρσει· πόνου γὰρ ἄκρον οὐκ ἔχει χρόνον
ὅτι τοῦτ´ ἐστὶ τὸ παρ´ Ἐπικούρου θρυλούμενον ἀεὶ καὶ θαυμαζόμενον, ὡς « οἱ
μεγάλοι πόνοι συντόμως ἐξάγουσιν, οἱ δὲ χρόνιοι μέγεθος οὐκ ἔχουσιν. » Ὧν
τὸ μὲν εἴρηκεν ὁ Αἰσχύλος ἐναργῶς, τὸ δὲ τῷ εἰρημένῳ παρακείμενόν ἐστιν·
εἰ γὰρ ὁ μέγας καὶ σύντονος οὐ παραμένει πόνος, οὐκ ἔστι μέγας ὁ παραμένων
οὐδὲ δυσκαρτέρητος. Τὰ δὲ τοῦ Θέσπιδος ταυτί
Ὁρᾷς ὅτι Ζεὺς τῷδε πρωτεύει θεῶν,
οὐ ψεῦδος οὐδὲ κόμπον οὐ μῶρον γέλων
(36c) ἀσκῶν· τὸ δ´ ἡδὺ μοῦνος οὐκ ἐπίσταται
τί διαφέρει τοῦ « πόρρω γὰρ ἡδονῆς καὶ λύπης ἵδρυται τὸ θεῖον, » ὡς
Πλάτων ἔλεγε; Τὸ δὲ φάσω μέγιστονκῦδος ἔχειν ἀρετάν· πλοῦτος δὲ καὶ
δειλοῖσιν ἀνθρώπων ὁμιλεῖ
λεγόμενον ὑπὸ τοῦ Βακχυλίδου καὶ πάλιν ὑπὸ τοῦ Εὐριπίδου παραπλησίως
Ἐγὼ δ´
οὐδὲν πρεσβύτερον νομίζω
τᾶς σωφροσύνας, ἐπεὶ
τοῖς ἀγαθοῖς ἀεὶ ξύνεστι
καὶ τὸ
Τί μάταν πέπασθε, πλούτῳ δ´ ἀρετὰν κατεργάσεσθαι
δοκεῖτ´; Ἐν ἐσθλοῖς δὲ καθήσεσθ´ ἄνολβοι
(36d) ἆρ´ οὐκ ἀπόδειξίς ἐστιν ὧν οἱ φιλόσοφοι λέγουσι περὶ πλούτου καὶ τῶν
ἐκτὸς ἀγαθῶν, ὡς χωρὶς ἀρετῆς ἀνωφελῶν ὄντων καὶ ἀνονήτων τοῖς ἔχουσι; Τὸ
γὰρ οὕτω συνάπτειν καὶ συνοικειοῦν τοῖς δόγμασιν ἐξάγει τὰ ποιήματα τοῦ
μύθου καὶ τοῦ προσωπείου, καὶ σπουδὴν περιτίθησιν αὖ τοῖς χρησίμως
λεγομένοις· ἔτι δὲ προανοίγει καὶ προκινεῖ τὴν τοῦ νέου ψυχὴν τοῖς ἐν
φιλοσοφίᾳ λόγοις. Ἔρχεται γὰρ οὐκ ἄγευστος αὐτῶν παντάπασιν (36e) οὐδ´
ἀνήκοος, οὐδ´ ἀκρίτως ἀνάπλεως ὧν ἤκουε τῆς μητρὸς ἀεὶ καὶ τίτθης καὶ νὴ
Δία τοῦ πατρὸς καὶ τοῦ παιδαγωγοῦ, τοὺς πλουσίους εὐδαιμονιζόντων καὶ
σεβομένων, φριττόντων δὲ τὸν θάνατον καὶ τὸν πόνον, ἄζηλον δὲ τὴν ἀρετὴν
καὶ τὸ μηδὲν ἄνευ χρημάτων καὶ δόξης ἀγόντων. Οἷς ἀντίφωνα τὰ τῶν
φιλοσόφων ἀκούοντας αὐτοὺς τὸ πρῶτον ἔκπληξις ἴσχει καὶ ταραχὴ καὶ θάμβος,
οὐ προσιεμένους οὐδ´ ὑπομένοντας, ἂν μὴ καθάπερ ἐκ σκότους πολλοῦ
μέλλοντες ἥλιον ὁρᾶν ἐθισθῶσιν οἷον ἐν νόθῳ φωτὶ κεκραμένης μύθοις
ἀληθείας αὐγὴν ἔχοντι μαλακὴν ἀλύπως διαβλέπειν τὰ τοιαῦτα καὶ μὴ φεύγειν.
Προακηκοότες γὰρ ἐν (36f) τοῖς ποιήμασι καὶ προανεγνωκότες
Τὸν φύντα θρηνεῖν εἰς ὅς´ ἔρχεται κακά,
τὸν δ´ αὖ θανόντα καὶ πόνων πεπαυμένον
χαίροντας εὐφημοῦντας ἐκπέμπειν δόμων
καὶ
Ἐπεὶ τί δεῖ βροτοῖσι πλὴν δυεῖν μόνον,
Δήμητρος ἀκτῆς πώματός θ´ ὑδρηχόου;
| [36] (36a) Il faudra, par exemple, leur faire remarquer ces vers d'Homère :
"Ma fille, les combats ne sont pas ton partage.
Les dieux t'ont réservé lès nœuds du mariage ;
Forme entre les mortels ces aimables liens" ;
et ceux-ci déjà cités :
"Jupiter n'aime point ces cœurs présomptueux
Qui vont se mesurer à de plus braves qu'eux" ;
Il faut leur dire que ces vers ont le même sens que ce précepte si célèbre : "Connais-toi toi-même". Ceux-ci d'Hésiode :
"La moitié quelquefois au tout est préférable.
Un perfide conseil perd souvent son "
sont conformes à ce que Platon établit dans son Gorgias et dans sa
République : (36b) qu'il vaut mieux souffrir des injustices que d'en
faire. Ce vers d'Eschyle :
"Une vive douleur est de courte durée",
revient à cette pensée si commune et tant vantée dans Épicure : que les
grandes douleurs sont bientôt passées, et que celles qui durent longtemps
ne sont pas vives. Des deux parties de cette maxime, Eschyle exprime l'une
formellement, et l'autre est une conséquence de ce qu'il dit. Car si une
douleur vive et aiguë ne dure pas longtemps, celle qui dure est donc
modérée et facile à supporter. Ces vers de Thespis :
"Sur tous les autres dieux Jupiter a l'empire :
Incapable d'orgueil, d'erreur, de fausseté,
Grave et majestueux jusque dans son sourire,
(36c) Lui seul il méconnaît la molle volupté";
diffèrent-ils de cette maxime de Platon : La divinité ne connaît ni la
volupté, ni la douleur. Dans ces Vers de Bacchylide :
"A la vertu la gloire assure son suffrage ;
Des méchants la fortune est souvent le partage" ;
dans ceux-ci d'Euripide, qui y ont quelque rapport :
"Attirez la tempérance et formez-vous sur elle :
Elle est des gens de bien la compagne fidèle.
Aux honneurs parvenu, fais que ton opulence
De la vertu devienne l'instrument.
La vertu seule assure à la puissance
D'un vrai bonheur l'avantage constant",
(36d) ne retrouvons-nous pas ce que les philosophes nous enseignent dans
tous leurs écrits : que sans la vertu, les richesses et tous les autres
biens extérieurs sont inutiles ou même funestes à ceux qui les possèdent?
En rapprochant ainsi les pensées des poètes, et les maximes des
philosophes qui ont entre elles un rapport naturel, on dépouille la poésie
de ce qu'elle a de fabuleux ; on lui ôte, pour ainsi dire, son masque, et
l'on donne plus de poids à ce qu'elle contient d'utile. D'ailleurs
l'esprit des jeunes gens se tourne peu à peu vers la philosophie; ils
s'accoutument à ses préceptes, et lorsqu'il est temps de les appliquer à
cette étude importante, ils ne se trouvent pas si neufs sur les matières
qui en sont l'objet (36e) et ne sont pas uniquement remplis des vains
propos qu'ils entendent chaque jour tenir à leurs mères, à leurs
nourrices, souvent même à leurs pères et à leurs gouverneurs. On vante
sans cesse devant eux le bonheur des gens riches ; on ne parle qu'avec
horreur de la mort et du travail : on ne montre aucune estime pour la
vertu, quand elle est séparée des richesses. Lorsque ensuite les jeunes
gens entendent pour la première fois les maximes des philosophes, si
opposées à ces fausses opinions, ils sont troublés, interdits et presque
découragés. Ils ont peine à soutenir cette lumière brillante, semblables à
des hommes qui, sortant d'une obscurité profonde, voient tout à coup le
soleil et sont éblouis par son éclat.
Il faut donc leur présenter d'abord une lumière, pour ainsi dire
équivoque, entremêlée d'ombres et d'obscurités, qui les prépare à fixer
sans trouble le grand jour de la philosophie. Ainsi quand ils auront lu,
(36f) dans les poètes, les maximes suivantes :
"L'homme dans cette vie est fait pour la douleur.
Au jour qui le voit naître, il faut donner des larmes.
Le moment de sa mort met fin à ses alarmes ;
Loin de le plaindre alors, envions son bonheur.
Que faut-il au mortel qui, bornant ses désirs,
D'un luxe dangereux veut ignorer les peines?
Les présents de Gérés, l'eau pure des fontaines,
Suffiront seuls à ses plaisirs".
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