[35] (35a) Δεῖ γὰρ ἐκ τῶν καλῶν διώκειν τὴν ὑπεροχὴν καὶ περὶ τὰ
πρῶτα πρῶτον εἶναι καὶ μέγαν ἐν τοῖς μεγίστοις· ἡ δ´ ἀπὸ μικρῶν δόξα καὶ
φαύλων ἄδοξός ἐστι καὶ ἀφιλότιμος.
Τοῦτο δ´ ἡμᾶς εὐθὺς ὑπομιμνῄσκει τὸ παράδειγμα τὸ τοὺς ψόγους ἀποθεωρεῖν
καὶ τοὺς ἐπαίνους ἐν τοῖς Ὁμήρου μάλιστα ποιήμασιν· ἔμφασις γὰρ γίγνεται
μεγάλη τοῦ τὰ σωματικὰ καὶ τυχηρὰ μὴ μεγάλης ἄξια σπουδῆς νομίζειν. Πρῶτον
μὲν γὰρ ἐν ταῖς δεξιώσεσι καὶ ἀνακλήσεσιν οὐ καλοὺς οὐδὲ πλουσίους οὐδ´
ἰσχυροὺς προσαγορεύουσιν, ἀλλὰ τοιαύταις εὐφημίαις χρῶνται
(35b) Διογενὲς Λαερτιάδη, πολυμήχαν´ Ὀδυσσεῦ
καὶ
Ἕκτορ υἱὲ Πριάμοιο, Διὶ μῆτιν ἀτάλαντε
καὶ
Ὦ Ἀχιλεῦ Πηλέος υἱέ, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν
καὶ
Δῖε Μενοιτιάδη, τῷ ἐμῷ κεχαρισμένε θυμῷ.
Ἒπειτα λοιδοροῦσιν οὐδὲν ἐφαπτόμενοι τῶν σωματικῶν, ἀλλὰ τοῖς ἁμαρτήμασι
τοὺς ψόγους ἐπιφέροντες
Οἰνοβαρές, κυνὸς ὄμματ´ ἔχων, κραδίην δ´ ἐλάφοιο
καὶ
(35c) Αἶαν νεῖκος ἄριστε, κακοφραδὲς
καὶ
Ἰδομενεῦ, τί πάρος λαβρεύεαι; Οὐδέ τί σε χρὴ
λαβραγόρην ἔμεναι
καὶ
Αἶαν ἁμαρτοεπὲς βουγάιε.
Καὶ τέλος ὁ Θερσίτης ὑπὸ τοῦ Ὀδυσσέως οὐ χωλὸς οὐ φαλακρὸς οὐ κυρτὸς ἀλλ´
ἀκριτόμυθος λοιδορεῖται, τὸν δ´ Ἥφαιστον ἡ τεκοῦσα φιλοφρονουμένη
προσηγόρευσεν ἀπὸ τῆς χωλότητος
Ὄρσεο κυλλοπόδιον, ἐμὸν τέκος.
Οὕτως Ὅμηρος καταγελᾷ τῶν αἰσχυνομένων ἐπὶ χωλότησιν ἢ τυφλότησιν, οὔτε
ψεκτὸν ἡγούμενος τὸ μὴ αἰσχρὸν οὔτ´ αἰσχρὸν τὸ μὴ δι´ ἡμᾶς ἀλλ´ ἀπὸ τύχης
γιγνόμενον.
(35d) Δύο δὴ περιγίγνεται μεγάλα τοῖς τῶν ποιημάτων ἐπιμελῶς ἐθιζομένοις
ἀκούειν, τὸ μὲν εἰς μετριότητα, μηδενὶ τύχην ἐπαχθῶς καὶ ἀνοήτως
ὀνειδίζειν, τὸ δ´ εἰς μεγαλοφροσύνην, αὐτοὺς χρησαμένους τύχαις μὴ
ταπεινοῦσθαι μηδὲ ταράττεσθαι, φέρειν δὲ πράως καὶ σκώμματα καὶ λοιδορίας
καὶ γέλωτας, μάλιστα μὲν τὸ τοῦ Φιλήμονος ἔχοντας πρόχειρον
Ἥδιον οὐδὲν οὐδὲ μουσικώτερον
ἔστ´ ἢ δύνασθαι λοιδορούμενον φέρειν.
Ἂν δὲ φαίνηταί τις ἐπιλήψεως δεόμενος, τῶν ἁμαρτημάτων καὶ τῶν παθῶν
ἐπιλαμβάνεσθαι, ὥσπερ ὁ τραγικὸς Ἄδραστος, τοῦ Ἀλκμέωνος εἰπόντος πρὸς
αὐτὸν
(35e) Ἀνδροκτόνου γυναικὸς ὁμογενὴς ἔφυς,
ἀπεκρίνατο
Σὺ δ´ αὐτόχειρ γε μητρὸς ἥ ς´ ἐγείνατο.
Καθάπερ γὰρ οἱ τὰ ἱμάτια μαστιγοῦντες οὐχ ἅπτονται τοῦ σώματος, οὕτως οἱ
δυστυχίας τινὰς ἢ δυσγενείας ὀνειδίζοντες εἰς τὰ ἐκτὸς ἐντείνονται κενῶς
καὶ ἀνοήτως, τῆς ψυχῆς δ´ οὐ θιγγάνουσιν οὐδὲ τῶν ἀληθῶς ἐπανορθώσεως
δεομένων καὶ δήξεως.
Καὶ μὴν ὥσπερ ἐπάνω πρὸς τὰ φαῦλα καὶ (35f) βλαβερὰ ποιήματα λόγους καὶ
γνώμας ἀντιτάττοντες ἐνδόξων καὶ πολιτικῶν ἀνδρῶν ἐδοκοῦμεν ἀφιστάναι καὶ
ἀνακρούειν τὴν πίστιν, οὕτως ὅ τι ἂν ἀστεῖον εὕρωμεν παρ´ αὐτοῖς καὶ
χρηστόν, ἐκτρέφειν χρὴ καὶ αὔξειν ἀποδείξεσι καὶ μαρτυρίαις φιλοσόφοις,
ἀποδιδόντας τὴν εὕρεσιν ἐκείνοις. Καὶ γὰρ δίκαιον καὶ ὠφέλιμον, ἰσχὺν τῆς
πίστεως καὶ ἀξίωμα προσλαμβανούσης, ὅταν τοῖς ἀπὸ σκηνῆς λεγομένοις καὶ
πρὸς λύραν ᾀδομένοις καὶ μελετωμένοις ἐν διδασκαλείῳ τὰ Πυθαγόρου δόγματα
καὶ τὰ Πλάτωνος ὁμολογῇ, καὶ τὰ Χίλωνος παραγγέλματα καὶ τὰ Βίαντος ἐπὶ
τὰς αὐτὰς ἄγῃ γνώμας ἐκείνοις τοῖς παιδικοῖς ἀναγνώσμασιν.
| [35] (35a) Car il faut rechercher les biens les plus parfaits et n'ambitionner
le premier rang que dans les grandes choses, dans celles qui méritent réellement
le plus notre estime. Une réputation qu'on ne doit qu'à des choses viles et
méprisables ne peut honorer celui qui en est l'objet.
Le dernier exemple est un avertissement de nous rendre attentifs aux
reproches et aux louanges qu'on trouve dans les poètes, et surtout dans
Homère. Elles y sont une preuve frappante du peu de cas que nous devons
faire des qualités du corps et des avantages de la fortune. Lorsque ses
guerriers se saluent et qu'ils joignent à leurs noms quelque qualité, ils
ne parlent jamais de la beauté, des richesses ou de la force. C'est
toujours des qualités de l'âme, comme on peut en juger par les exemples
suivants :
(35b) "Digne fils de Laërce, ingénieux Ulysse.
Hector, vous en sagesse égal à Jupiter.
Brave Achille, des Grecs et la gloire et l'appui.
Patrocle, digne objet de ma tendre amitié".
De même, dans leurs querelles, ils se reprochent non les défauts du corps,
mais les vices de l'âme :
"Lâche, dont l'impudence égale la bassesse.
(35c) Ajax, qui vous plaisez aux débats, aux querelles.
D'où vient de vos discours l'indécente fierté?
Ajax, en vains propos votre langue féconde".
Enfin Ulysse ne reproche pas à Thersite qu'il est boiteux, chauve, bossu,
mais qu'il est babillard. Junon au contraire dit à Vulcain par amitié :
"Va, mon pauvre boiteux, va, mon fils, le défendre".
On voit par là qu'Homère se moque de ceux qui rougissent
de quelque difformité corporelle; qu'il ne regarde pas comme blâmable ce
qui n'est pas honteux, ni comme honteux ce qui ne peut nous être imputé,
et ne vient que de la fortune.
(35d) Ceux donc qui s'accoutument à lire de cette manière les écrits des
poètes, en recueillent deux grands avantages : le premier est une sage
modération qui fait que, dans le sein de l'abondance, ils n'ont pas la
bassesse de reprocher aux autres leur pauvreté : le second est une fermeté
d'âme qui les rend invincibles à tous les revers de la fortune et leur
fait supporter avec une égalité parfaite les railleries piquantes qu'on
peut faire sur leur état.
Car on ne saurait avoir trop présente cette maxime de Philémon :
"Qu'il est beau, qu'il est doux de pouvoir à l'outrage
D'une humble patience opposer le courage"!
Mais lorsqu'on se croit obligé de faire à quelqu'un des reproches, il faut
les faire tomber sur ses vices et ses défauts. Dans une tragédie, Alcméon
ayant provoqué Adraste en ces termes :
(35e) "Du meurtre d'un époux votre soeur est coupable",
Adraste lui répond :
"Le sang de votre mère a souillé votre main".
En effet, ceux qui battent nos habits ne nous font aucun mal et ne
touchent pas même nos corps ; de même, ceux qui nous reprochent des
défauts naturels ou des revers de fortune, ne portent que sur ce qui nous
est extérieur, des coups inutiles, mais ils ne frappent pas sur notre âme,
ni sur ce qui a vraiment besoin de réforme et de censure.
J'ai dit plus haut que, lorsqu'il se trouvait dans les poètes des maximes
(35f) pernicieuses, il fallait les décréditer et en affaiblir l'impression
en leur opposant les maximes contraires de quelques personnages célèbres.
Mais aussi, quand on y voit des vérités utiles, il faut les étendre, les
nourrir, pour ainsi dire, par celles des philosophes qui y sont conformes,
et faire observer que c'est- à ceux-ci que les poètes les doivent. Il est
juste, il est même utile, pour autoriser les écrits des poètes, de faire
voir la conformité des vers qu'on récite sur les théâtres qu'on chante sur
la lyre, ou qu'on fait apprendre dans les écoles, avec les maximes de
Pythagore, de Platon, de Chilon et de Bias.
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