[33] (33a) Πάλιν αἴσχιστα δοκεῖ
τὸν υἱὸν ἡ Θέτις ἐφ´ ἡδονὰς παρακαλεῖν καὶ ἀναμιμνῄσκειν ἀφροδισίων. Ἀλλὰ
κἀνταῦθα δεῖ παραθεωρεῖν τὴν τοῦ Ἀχιλλέως ἐγκράτειαν, ὅτι τῆς Βρισηίδος
ἐρῶν ἡκούσης πρὸς αὐτόν, εἰδὼς τὴν τοῦ βίου τελευτὴν ἐγγὺς οὖσαν οὐ
σπεύδει τῶν ἡδονῶν πρὸς ἀπόλαυσιν οὐδ´ ὥσπερ οἱ πολλοὶ πενθεῖ τὸν φίλον
ἀπραξίᾳ καὶ παραλείψει τῶν καθηκόντων, ἀλλὰ τῶν μὲν ἡδονῶν διὰ τὴν λύπην
ἀπέχεται, ταῖς δὲ πράξεσι καὶ ταῖς στρατηγίαις ἐνεργός ἐστι. Πάλιν ὁ
Ἀρχίλοχος οὐκ ἐπαινεῖται λυπούμενος μὲν ἐπὶ τῷ ἀνδρὶ τῆς ἀδελφῆς
διεφθαρμένῳ (33b) κατὰ θάλατταν, οἴνῳ δὲ καὶ παιδιᾷ πρὸς τὴν λύπην
μάχεσθαι διανοούμενος. Αἰτίαν μέντοι λόγον ἔχουσαν εἴρηκεν
Οὔτε τι γὰρ κλαίων ἰήσομαι οὔτε κάκιον
θήσω τερπωλὰς καὶ θαλίας ἐφέπων.
Εἰ γὰρ ἐκεῖνος οὐδὲν ἐνόμιζεν ποιήσειν κάκιον τερπωλὰς καὶ θαλίας ἐφέπων,
πῶς ἡμῖν τὰ παρόντα χεῖρον ἕξει φιλοσοφοῦσι καὶ πολιτευομένοις καὶ (33c)
προιοῦσιν εἰς ἀγορὰν καὶ καταβαίνουσιν εἰς Ἀκαδήμειαν καὶ γεωργίαν
ἐφέπουσιν; Ὅθεν οὐδ´ αἱ παραδιορθώσεις φαύλως ἔχουσιν αἷς καὶ Κλεάνθης
ἐχρήσατο καὶ Ἀντισθένης, ὁ μὲν εὖ μάλα τοὺς Ἀθηναίους ἰδὼν θορυβήσαντας ἐν
τῷ θεάτρῳ
Τί δ´ αἰσχρὸν εἰ μὴ τοῖσι χρωμένοις δοκεῖ;
Παραβάλλων εὐθὺς
Αἰσχρὸν τό γ´ αἰσχρόν, κἂν δοκῇ κἂν μὴ δοκῇ,
ὁ δὲ Κλεάνθης περὶ τοῦ πλούτου
φίλοις τε δοῦναι σῶμά τ´ εἰς νόσους πεσὸν
δαπάναισι σῶσαι
μεταγράφων οὕτω
(33d) πόρναις τε δοῦναι σῶμά τ´ εἰς νόσους πεσὸν
δαπάναις ἐπιτρῖψαι.
Καὶ ὁ Ζήνων ἐπανορθούμενος τὸ τοῦ Σοφοκλέους
Ὅστις δὲ πρὸς τύραννον ἐμπορεύεται,
κείνου ´στὶ δοῦλος, κἂν ἐλεύθερος μόλῃ
μετέγραφεν
Οὐκ ἔστι δοῦλος, ἢν ἐλεύθερος μόλῃ,
τῷ ἐλευθέρῳ νῦν συνεκφαίνων τὸν ἀδεᾶ καὶ μεγαλόφρονα καὶ ἀταπείνωτον. Τί
δὴ κωλύει καὶ ἡμᾶς ταῖς τοιαύταις ὑποφωνήσεσι τοὺς νέους παρακαλεῖν πρὸς
τὸ βέλτιον, οὕτω πως χρωμένους τοῖς λεγομένοις;
(33e) Τόδ´ ἐστὶ τὸ ζηλωτὸν ἀνθρώποις, ὅτῳ
τόξον μερίμνης εἰς ὃ βούλεται πέσῃ.
Οὔκ, ἀλλ´
Ὅτῳ
τόξον μερίμνης εἰς ὃ συμφέρει πέσῃ.
Τὸ γὰρ ἃ μὴ δεῖ βουλόμενον λαμβάνειν καὶ τυγχάνειν οἰκτρόν ἐστι καὶ
ἄζηλον. Καὶ
Οὐκ ἐπὶ πᾶσίν ς´ ἐφύτευς´ ἀγαθοῖς,
Ἀγάμεμνον, Ἀτρεύς.
Δεῖ δέ σε χαίρειν καὶ λυπεῖσθαι.
Μὰ Δία, φήσομεν, ἀλλὰ δεῖ σε χαίρειν, μὴ λυπεῖσθαι, τυγχάνοντα μετρίων·
Οὐ γὰρ ἐπὶ πᾶσίν ς´ ἐφύτευς´ ἀγαθοῖς
Ἀγάμεμνον, Ἀτρεύς.
Αἰαῖ τόδ´ ἤδη θεῖον ἀνθρώποις κακόν,
ὅταν τις εἰδῇ τἀγαθόν, χρῆται δὲ μή.
(33f) Θηριῶδες μὲν οὖν καὶ ἄλογον καὶ οἰκτρὸν εἰδότα τὸ βέλτιον ὑπὸ τοῦ
χείρονος ἐξ ἀκρασίας καὶ μαλακίας ἄγεσθαι.
Τρόπος ἔσθ´ ὁ πείθων τοῦ λέγοντος, οὐ λόγος.
Καὶ τρόπος μὲν οὖν καὶ λόγος ἢ τρόπος διὰ λόγου, καθάπερ ἱππεὺς διὰ
χαλινοῦ καὶ διὰ πηδαλίου κυβερνήτης, οὐδὲν οὕτω φιλάνθρωπον οὐδὲ συγγενὲς
ἐχούσης τῆς ἀρετῆς ὄργανον ὡς τὸν λόγον.
| [33] (33a) Rien encore n'est plus contraire à l'honnêteté que le
discours de Thétis à Achille, lorsqu'elle l'exhorte à chercher dans les
plaisirs une consolation à ses malheurs. Mais d'un autre côté, quel bel exemple
que celui de la continence d'Achille, qui, voyant revenir à lui une captive
qu'il aime, et sachant que sa mort est prochaine, ne s'en fait point un prétexte pour se livrer à la volupté. On ne le voit pas non plus, comme il n'est que trop
ordinaire, abandonner, pour pleurer la mort de son ami, ses affaires et
son devoir; sa douleur le fait renoncer aux plaisirs, mais il ne relâche
rien pour cela de son activité dans les travaux et les soins de la guerre.
Archiloque paraît répréhensible, lorsque étant dans le deuil pour la mort
de son beau-frère, (33b) qui avait péri sur mer, il pense à charmer sa
douleur dans les jeux et dans le vin. Il en donne cependant une raison plausible :
"En me livrant à la tristesse,
Je n'adoucirai point la rigueur de son sort :
En suivant les festins, les jeux et l'allégresse,
Je n'ajouterai rien aux horreurs de sa mort".
Si Archiloque croyait ne rien ajouter au malheur de son beau-frère en se
livrant aux plaisirs, à plus forte raison ne devons-nous pas craindre
d'être plus malheureux nous-mêmes, ou moins satisfaits, en nous appliquant
à la philosophie, aux exercices du barreau, à l'administration (33c)
publique, en fréquentant l'académie, ou en nous appliquant à l'agriculture.
On peut aussi réformer utilement des pensées choquantes, et leur en
substituer de plus raisonnables, comme le firent Cléanthe et Antisthène.
Celui-ci, voyant que les Athéniens témoignaient en plein théâtre leur mécontentement de cette maxime :
"Non, il n'est rien de mal que ce que l'on croit l'être",
il la remplaça par celle-ci :
"Le mal est toujours mal, que l'on le croie ou non".
Cléanthe ayant entendu dire qu'on voyait ordinairement les riches,
"Donner à leurs amis, et par leur opulence
De leur corps affaibli réparer la vigueur",
sur-le-champ il y substitua ces mots :
(33d) "Dans de folles amours perdre leur opulence,
Et d'un corps déjà faible épuiser la vigueur".
Zénon à ce vers de Sophocle :
"Dans la cour d'un tyran l'homme libre est esclave",
opposa celui-ci :
"Jamais, s'il y vient libre, il ne s'y rend esclave".
Il entendait par le nom de liberté l'exemption de toute crainte, la
grandeur d'âme et la fermeté. Qui empêche que nous n'imitions nous-mêmes
ces corrections heureuses, pour faire goûter aux jeunes gens des maximes
sensées? Un poète a dit quelque part :
(33e) "Pour un mortel quoi de plus désirable
Que de voir le succès couronner tous ses soins" !
Pour nous, disons autrement :
"Pour un mortel quoi de plus désirable
Qu'un succès qui s'accorde avec ses vrais besoins"!
car c'est une chose malheureuse, et qu'on ne doit point souhaiter, que
d'obtenir ce qui, serait nuisible.
"Consens à partager la joie et la tristesse;
Les dieux ne t'ont pas fait pour que dans la mollesse
Tu goûtes tous les biens sans mélange de maux".
Nous dirons, au contraire, à celui qui jouit d'une honnête médiocrité :
"Tu dois au sein d'un doux repos
Éprouver une joie exempte de tristesse.
Les dieux ne t'ont pas fait pour que dans la mollesse,
Tu goûtes tous les biens sans mélange de maux.
C'est des dieux que nous vient ce désordre fatal,
De connaître le bien et de faire le mal".
(33f) Ce n'est pas aux dieux qu'il faut attribuer une disposition si
funeste; car rien n'est plus déplorable, ni plus indigne de l'homme, que
de connaître le bien, et de se laisser emporter au mal par son
intempérance et sa mollesse.
Bien plus que les discours, les mœurs nous persuadent.
Disons que c'est tout à la fois les mœurs et les discours, ou, si l'on
veut, les mœurs par les discours, comme on guide un cheval par le frein,
un vaisseau par le gouvernail ; car la vertu n'a point d'instrument plus
naturel et qui lui soit mieux assorti que la parole.
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