[31] (31a) Ἐπεὶ δὲ μεγάλου δοκοῦντος εἶναι καὶ ὄντος τοῦ κρατεῖν ὀργῆς μεῖζόν
ἐστιν ἡ φυλακὴ καὶ ἡ πρόνοια τοῦ μὴ περιπεσεῖν ὀργῇ μηδ´ ἁλῶναι, καὶ ταῦτα
δεῖ τοῖς ἀναγιγνώσκουσιν ὑποδεικνύειν μὴ παρέργως, ὅτι τὸν Πρίαμον ὁ
Ἀχιλλεὺς οὐκ ἀνασχετικὸς ὢν οὐδὲ πρᾶος ἡσυχίαν ἄγειν κελεύει καὶ μὴ
παροξύνειν αὐτόν, οὕτως
Μηκέτι νῦν μ´ ἐρέθιζε, γέρον (νοέω δὲ καὶ αὐτὸς
Ἕκτορά τοι λῦσαι, Διόθεν δέ μοι ἄγγελος ἦλθε)
μή σε, γέρον, οὐδ´ αὐτὸν ἐνὶ κλισίῃσιν ἐάσω,
(31b) καὶ ἱκέτην περ ἐόντα, Διὸς δ´ ἀλίτωμαι ἐφετμάς,
καὶ τὸν Ἕκτορα λούσας καὶ περιστείλας αὐτὸς ἐπὶ τὴν ἀπήνην τίθησι, πρὶν
ᾐκισμένον ὑπὸ τοῦ πατρὸς ὀφθῆναι,
Μὴ ὁ μὲν ἀχνυμένῃ κραδίῃ χόλον οὐκ ἐρύσαιτο,
παῖδα ἰδών, Ἀχιλῆι δ´ ὀρινθείη φίλον ἦτορ
καί ἑ κατακτείνειε, Διὸς δ´ ἀλίτηται ἐφετμάς.
Τὸ γὰρ ἐπισφαλῶς πρὸς ὀργὴν ἔχοντα καὶ φύσει τραχὺν ὄντα καὶ θυμοειδῆ μὴ
λανθάνειν ἑαυτὸν ἀλλ´ ἐξευλαβεῖσθαι καὶ φυλάττεσθαι τὰς αἰτίας καὶ (31c)
προκαταλαμβάνειν τῷ λογισμῷ πόρρωθεν ὅπως οὐδ´ ἄκων τῷ πάθει περιπεσεῖται,
θαυμαστῆς ἐστι προνοίας. Οὕτω δὲ δεῖ καὶ πρὸς μέθην τὸν φίλοινον ἔχειν καὶ
πρὸς ἔρωτα τὸν ἐρωτικόν· ὥσπερ ὁ Ἀγησίλαος οὐχ ὑπέμεινεν ὑπὸ τοῦ καλοῦ
φιληθῆναι προσιόντος, ὁ δὲ Κῦρος οὐδ´ ἰδεῖν τὴν Πάνθειαν ἐτόλμησε, τῶν
ἀπαιδεύτων τοὐναντίον ὑπεκκαύματα τοῖς πάθεσι συλλεγόντων καὶ πρὸς ἃ
μάλιστα κακῶς καὶ ὀλισθηρῶς ἔχουσιν αὑτοὺς προϊεμένων. Ὁ δ´ Ὀδυσσεὺς οὐ
μόνον ἑαυτὸν ἀνέχει θυμούμενον, ἀλλὰ καὶ τὸν Τηλέμαχον ἐκ (31d) τοῦ λόγου
συνιδὼν χαλεπὸν ὄντα καὶ μισοπόνηρον ἀμβλύνει καὶ παρασκευάζει πόρρωθεν
ἡσυχίαν ἄγειν καὶ ἀνέχεσθαι, κελεύων
Εἰ δέ μ´ ἀτιμήσουσι δόμον κάτα, σὸν δὲ φίλον κῆρ
τετλάτω ἐν στήθεσσι κακῶς πάσχοντος ἐμεῖο,
ἤν περ καὶ διὰ δῶμα ποδῶν ἕλκωσι θύραζε
ἢ βέλεσιν βάλλωσι· σὺ δ´ εἰσορόων ἀνέχεσθαι.
Ὥσπερ γὰρ τοὺς ἵππους οὐκ ἐν τοῖς δρόμοις χαλινοῦσιν ἀλλὰ πρὸ τῶν δρόμων,
οὕτω τοὺς δυσκαθέκτους πρὸς τὰ δεινὰ καὶ θυμοειδεῖς προκαταλαμβάνοντες
τοῖς λογισμοῖς καὶ προκαταρτύοντες ἐπὶ τοὺς ἀγῶνας ἄγουσιν.
Δεῖ δὲ μηδὲ τῶν ὀνομάτων ἀμελῶς ἀκούειν, (31e) ἀλλὰ τὴν μὲν Κλεάνθους
παιδιὰν παραιτεῖσθαι· κατειρωνεύεται γὰρ ἔστιν ὅτε προσποιούμενος
ἐξηγεῖσθαι τὸ
Ζεῦ πάτερ Ἴδηθεν μεδέων
καὶ τὸ
Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε
κελεύων ἀναγιγνώσκειν ὑφ´ ἕν, ὡς τὸν ἐκ τῆς γῆς ἀναθυμιώμενον ἀέρα διὰ τὴν
ἀνάδοσιν ἀναδωδωναῖον ὄντα. Καὶ Χρύσιππος δὲ πολλαχοῦ γλίσχρος ἐστίν, οὐ
παίζων ἀλλ´ εὑρησιλογῶν ἀπιθάνως, καὶ παραβιαζόμενος εὐρύοπα Κρονίδην
εἶναι τὸν δεινὸν ἐν τῷ διαλέγεσθαι καὶ διαβεβηκότα τῇ δυνάμει τοῦ λόγου.
Βέλτιον δὲ ταῦτα τοῖς γραμματικοῖς παρέντας (31f) ἐκεῖνα μᾶλλον πιέζειν
οἷς ἅμα τὸ χρήσιμον καὶ πιθανὸν ἔνεστιν
Οὐδέ με θυμὸς ἄνωγεν, ἐπεὶ μάθον ἔμμεναι ἐσθλὸς
καὶ
Πᾶσιν γὰρ ἐπίστατο μείλιχος εἶναι.
Τήν τε γὰρ ἀνδρείαν ἀποφαίνων μάθημα καὶ τὸ προσφιλῶς ἅμα καὶ κεχαρισμένως
ἀνθρώποις ὁμιλεῖν ἀπ´ ἐπιστήμης καὶ κατὰ λόγον γίγνεσθαι νομίζων προτρέπει
μὴ ἀμελεῖν ἑαυτῶν, ἀλλὰ μανθάνειν τὰ καλὰ καὶ προσέχειν τοῖς διδάσκουσιν,
ὡς καὶ τὴν σκαιότητα καὶ τὴν δειλίαν ἀμαθίαν καὶ ἄγνοιαν οὖσαν. Σφόδρα δὲ
τούτοις κἀκεῖνα σύμφωνά ἐστιν ἃ λέγει περὶ τοῦ Διὸς καὶ τοῦ Ποσειδῶνος
| [31] (31a) On regarde avec raison comme une grande vertu
de modérer sa colère ; mais c'en est une plus grande encore de la prévenir,
et d'aller au-devant de ce qui pourrait l'exciter. C'est une prudence rare
et qu'il est utile de faire remarquer
dans les exemples qui s'en présentent. Tel est celui d'Achille, qui,
naturellement vif et emporté, avertit Priam de ne pas l'irriter :
"Crains, malheureux vieillard, d'exciter ma colère
Je vais te rendre Hector. Le maître du tonnerre
M'en impose la loi : je lui veux obéir.
Mais encore une fois, prends garde de m'aigrir,
De peur que contre toi ma fureur allumée,
(31b) Malgré moi de ton sang ne souille cette épée".
Ensuite, ayant lavé le cadavre d'Hector, il le couvre d'un
voile et le place lui-même sur le char, afin que Priam ne voie pas les
plaies affreuses dont il est couvert.
"Il craint qu'au désespoir se laissant emporter,
Priam par sa douleur ne vienne à l'irriter,
Et que de Jupiter oubliant la défense,
Il n'immole ce prince à sa prompte vengeance".
C'est un trait de prudence qu'on ne peut trop admirer dans Achille, qui,
se connaissant porté à la colère, est en garde contre lui-même, et
prévient de loin avec sagesse ce qui pourrait l'emporter malgré lui à
quelque mouvement de fureur : (31c) précaution qu'on doit prendre pour
toutes les passions auxquelles on se sent sujet, comme celles du vin ou de
l'amour. Agésilas, voyant un jeune homme d'une grande beauté qui venait à
lui pour l'embrasser, détourna son visage. Cyrus ne voulut pas même voir
Panthée, dont ses officiers lui vantaient si fort les charmes. Les hommes
vicieux, au contraire, semblent chercher des aliments à leurs passions, et
se placent sur les bords du précipice qui doit les entraîner. Ulysse non
seulement retient sa colère, mais jugeant encore par les discours de son
fils Télémaque, (31d) que, naturellement vif, il se livrait facilement à
l'indignation qu'excitait en lui la haine du mal, il prévient de loin son
émotion, et lui ordonne d'en réprimer les mouvements aussitôt qu'il les
sentira naître en lui :
"Dussent dans ce palais mes indignes rivaux
M'accabler tour à tour et d'affronts et de maux ;
Quels que soient les excès de leur lâche insolence,
Souviens-toi bien, mon fils, de garder le silence".
Comme on bride les chevaux avant que de les mettre en course, il faut
aussi prévenir les emportements de ceux qu'on sait faciles à s'irriter
contre les méchants. Après qu'on les a munis du frein de la raison, on
peut, ainsi préparés, les envoyer au combat.
Il est bon aussi de faire attention aux différents noms que les poètes
emploient, (31e) mais sans imiter les plaisanteries de Cléanthe qui
joue souvent sur ces sortes de mots, plutôt qu'il n'en donne une
interprétation réelle, comme dans ceux-ci :
"Jupiter, vous qu'Ida reconnaît pour son roi !
Jupiter, dont Dodone adore la puissance" !
Il veut que, dans ce dernier exemple, on lise d'un seul mot Anadodonaïé,
et que le poète désigne par cette épithète l'air qui s'élève en exhalaison
du sein de la terre. Chrysippe aussi est souvent plus froid
qu'agréable dans les interprétations forcées et sans vraisemblance qu'il
donne à ces mots. Il prétend, par exemple, que l'épithète Euruopa, donnée
à Jupiter, exprime son talent pour l'éloquence. Laissons ces bagatelles
aux grammairiens, (31f) et arrêtons-nous à des objets véritablement
utiles, tels que ceux que nous offrent les vers suivants :
"Ah ! loin de mon esprit cette indigne pensée ;
Ma main fut dès l'enfance aux combats exercée.
Il sut avoir pour tous une égale douceur".
Le poète, en disant que la valeur est une qualité de l'âme qui s'acquiert
par l'exercice ; que la douceur et l'affabilité sont les fruits de la
réflexion, nous engage à ne rien négliger de ce qui peut nous former aux
vertus. Il nous fait entendre aussi que la lâcheté ou la rudesse des mœurs
sont l'effet de l'ignorance. Ce qu'il dit d'ailleurs de Jupiter et de
Neptune a le même objet :
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