[30] (30a) Τρῶας δὲ τρόμος αἰνὸς ἐπήλυθε γυῖα ἕκαστον,
Ἕκτορί τ´ αὐτῷ θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι πάτασσε,
τίς οὐκ ἂν ἀγάσαιτο τὴν διαφοράν; Τοῦ μὲν κινδυνεύοντος ἡ καρδία πηδᾷ
μόνον, ὥσπερ παλαίειν νὴ Δί´ ἢ σταδιοδρομεῖν μέλλοντος, τῶν δὲ θεωμένων
τρέμει καὶ πάλλεται τὸ σῶμα δι´ εὔνοιαν καὶ φόβον ὑπὲρ τοῦ βασιλέως.
Ἐνταῦθα δὲ καὶ τὴν τοῦ κρατίστου πρὸς τὸν κάκιστον διαφορὰν ἀποθεωρητέον.
Ὁ μὲν γὰρ Θερσίτης
Ἔχθιστος δ´ Ἀχιλῆι μάλιστ´ ἦν ἠδ´ Ὀδυσῆι,
(30b) ὁ δ´ Αἴας ἀεί τε τῷ Ἀχιλλεῖ προσφιλὴς καὶ πρὸς τὸν Ἕκτορα λέγει περὶ
αὐτοῦ
Νῦν μὲν δὴ σάφα εἴσεαι οἰόθεν οἶος
οἷοι καὶ Δαναοῖσιν ἀριστῆες μετέασι,
καὶ μετ´ Ἀχιλλῆα ῥηξήνορα θυμολέοντα.
Καὶ τοῦτο μὲν Ἀχιλλέως τὸ ἐγκώμιόν ἐστι, τὰ δ´ ἑξῆς ὑπὲρ ἁπάντων εἴρηται
χρησίμως
Ἡμεῖς δ´ εἰμὲν τοῖοι οἳ ἂν σέθεν ἀντιάσαιμεν
καὶ πολέες,
οὔτε μόνον οὔτ´ ἄριστον ἀποφαίνων ἑαυτὸν ἀλλὰ μετὰ πολλῶν ὁμοίως δυναμένων
ἀμύνασθαι.
(30c) Ταῦτα μὲν οὖν ἱκανὰ περὶ διαφορᾶς, ἂν μὴ κἀκεῖνο βουλώμεθα
προσλαβεῖν, ὅτι τῶν Τρώων ἑαλώκασι καὶ πολλοὶ ζῶντες, οὐδεὶς δὲ τῶν
Ἀχαιῶν, καὶ τῶν μὲν ὑποπεπτώκασιν ἔνιοι τοῖς πολεμίοις, ὥσπερ ὁ Ἄδραστος,
οἱ Ἀντιμάχου παῖδες, ὁ Λυκάων, αὐτὸς ὁ Ἕκτωρ δεόμενος περὶ ταφῆς τοῦ
Ἀχιλλέως, ἐκείνων δ´ οὐδείς, ὡς βαρβαρικοῦ τοῦ ἱκετεύειν καὶ ὑποπίπτειν ἐν
τοῖς ἀγῶσιν ὄντος, Ἑλληνικοῦ δὲ τοῦ νικᾶν μαχόμενον ἢ ἀποθνῄσκειν.
Ἐπεὶ δ´ ὥσπερ ἐν ταῖς νομαῖς ἡ μὲν μέλιττα (30d) διώκει τὸ ἄνθος, ἡ δ´ αἲξ
τὸν θαλλόν, ἡ δ´ ὗς τὴν ῥίζαν, ἄλλα δὲ ζῷα τὸ σπέρμα καὶ τὸν καρπόν, οὕτως
ἐν ταῖς ἀναγνώσεσι τῶν ποιημάτων ὁ μὲν ἀπανθίζεται τὴν ἱστορίαν, ὁ δ´
ἐμφύεται τῷ κάλλει καὶ τῇ κατασκευῇ τῶν ὀνομάτων, καθάπερ ὁ Ἀριστοφάνης
περὶ τοῦ Εὐριπίδου φησί
Χρῶμαι γὰρ αὐτοῦ τοῦ στόματος τῷ στρογγύλῳ·
οἳ δὲ τῶν πρὸς τὸ ἦθος εἰρημένων ὠφελίμως ἔχονται, πρὸς οὓς δὴ νῦν ἡμῖν ὁ
λόγος ἐστίν, ὑπομιμνῄσκωμεν αὐτοὺς ὅτι δεινόν ἐστι τὸν μὲν φιλόμυθον μὴ
λανθάνειν τὰ καινῶς ἱστορούμενα καὶ περιττῶς, μηδὲ τὸν φιλόλογον ἐκφεύγειν
τὰ (30e) καθαρῶς πεφρασμένα καὶ ῥητορικῶς, τὸν δὲ φιλότιμον καὶ φιλόκαλον
καὶ μὴ παιγνίας ἀλλὰ παιδείας ἕνεκα ποιημάτων ἁπτόμενον ἀργῶς καὶ ἀμελῶς
ἀκούειν τῶν πρὸς ἀνδρείαν ἢ σωφροσύνην ἢ δικαιοσύνην ἀναπεφωνημένων, οἷα
καὶ ταῦτ´ ἐστὶ
Τυδείδη, τί παθόντε λελάσμεθα θούριδος ἀλκῆς;
Ἀλλ´ ἄγε δεῦρο, πέπον, παρ´ ἔμ´ ἵστασο· δὴ
γὰρ ἔλεγχος
ἔσσεται, εἴ κεν νῆας ἕλῃ κορυθαίολος Ἕκτωρ.
Τὸ γὰρ ἐν κινδύνῳ τοῦ διαφθαρῆναι καὶ ἀπολέσθαι μετὰ πάντων ὄντα τὸν
φρονιμώτατον ὁρᾶν τὸ αἰσχρὸν δεδοικότα καὶ τὸ ἐπονείδιστον ἀλλὰ μὴ τὸν
θάνατον, ἐμπαθῆ ποιήσει πρὸς ἀρετὴν τὸν νέον. Καὶ τῷ
Χαῖρε δ´ Ἀθηναίη πεπνυμένῳ ἀνδρὶ δικαίῳ
(30f) τοιοῦτον ἐπιλογισμὸν δίδωσι, μήτε πλουσίῳ τινὶ μήτε καλῷ τὸ σῶμα
μήτ´ ἰσχυρῷ τὴν θεὸν χαίρουσαν ἀλλὰ φρονίμῳ καὶ δικαίῳ ποιήσας. Καὶ πάλιν
τὸν Ὀδυσσέα φάσκουσα μὴ περιορᾶν μηδὲ προλείπειν
Οὕνεκ´ ἐπητής ἐστι καὶ ἀγχίνοος καὶ ἐχέφρων,
ἐνδείκνυται μόνον εἶναι τῶν ἡμετέρων θεοφιλὲς καὶ θεῖον ἀρετήν, εἴγε δὴ τὰ
ὅμοια χαίρειν τοῖς ὁμοίοις πέφυκεν.
| [30] (30a) "Les Troyens sont saisis d'une soudaine horreur :
Mais Hector seulement sent tressaillir son cœur",
qui n'admirera cette différence entre le chef et les soldats? Celui qui va
combattre tressaillit seulement, comme s'il ne s'agissait que de disputer
le prix de la lutte ou de la course; et ceux qui ne seront que simples
spectateurs du combat frissonnent d'horreur par l'intérêt qu'ils portent à
leur roi, et qui les fait trembler pour ses jours. Un nouvel exemple peut
faire sentir la différence d'un lâche et d'un homme d'honneur. Homère dit
de Thersite
"Qu'il haïssait Achille et détestait Ulysse".
(30b) Ajax, au contraire, avait toujours été l'ami d'Achille, et il parle
de lui à Hector en ces termes honorables :
"Vous allez éprouver si l'absence d'Achille
Rend des autres guerriers la valeur inutile.
Ce héros, il est vrai, tel qu'un feu destructeur,
Porte dans tous les rangs la mort et la terreur;
Mais il n'est pas le seul dont la main meurtrière
Aux efforts des Troyens puisse être une barrière".
Ces paroles sont un bel éloge d'Achille. Ce qu'il ajoute ensuite est une
louange bien placée de tous les autres capitaines grecs :
"Combien d'autres guerriers je connais parmi nous
Qui se pourraient. Hector, mesurer avec vous!"
Il ne se vante pas d'être le plus brave des Grecs, ou le
seul qui puisse combattre contre Hector; il reconnaît que plusieurs autres
guerriers en sont aussi capables que lui.
(30c) A ces observations sur les différences qui se trouvent entre les
peuples, j'ajouterai encore celle-ci : c'est que plusieurs Troyens sont
faits prisonniers, et pas un seul Grec ; que ceux-là se jettent souvent
aux pieds de leurs ennemis pour leur demander quelque grâce, comme on le
voit d'Adraste, des fils d'Antimachus, de Lycaon et d'Hector lui-même, qui
conjure Achille de lui accorder la sépulture ; ce qu'on ne voit d'aucun
Grec. En effet, des Barbares peuvent bien dans le combat s'abaisser à des
prières ; mais les Grecs ne savent que vaincre ou mourir.
Dans les campagnes, l'abeille s'attache (30d) aux fleurs, la chèvre aux
bourgeons des arbres, le sanglier aux racines, d'autres animaux aux
graines et aux fruits: de même, dans les écrits des poètes, les uns
cueillent les fleurs de l'histoire, les autres l'élégance et la beauté des
expressions, comme Aristophane dit d'Euripide :
"J'aime dans ses écrits la rondeur de son style";
d'autres enfin y cherchent ce qui peut former les mœurs ; et c'est
spécialement pour ces derniers que j'écris. C'est à eux que je dirai que
les lecteurs qui aiment les fables recueillent avec soin dans les poètes
toutes les fictions souvent frivoles qui y sont racontées; que ceux qui
sont plus curieux des beautés du langage n'y laissent pas échapper (30e)
une seule expression élégante ; qu'il serait donc indigne d'un lecteur,
ami du vrai et du solide, qui cherche dans les poètes, non l'amusement,
mais l'instruction, d'y négliger ce qui a rapport à la tempérance, à la
force et à la justice. Quand on lit, par exemple, ces paroles d'Ulysse à Diomède :
"Aurions-nous oublié cette valeur bouillante
Qui semait dans les rangs l'horreur et l'épouvante?
Généreux Diomède, allons, soutenez-moi.
L'honneur doit aujourd'hui faire seul notre loi.
Quelle honte qu'Hector, consommant sa vengeance,
Vit les vaisseaux des Grecs réduits en sa puissance" !
rien n'est plus capable d'enflammer le courage des jeunes gens, que de
voir Ulysse, le plus prudent des capitaines grecs, au moment de périr avec
toute l'armée, ne pas craindre la mort, mais l'infamie. Cet autre endroit d'Homère:
"Ce héros juste et sage était cher à Pallas",
(30f) doit nous faire aimer la justice, en nous représentant Minerve qui
estime dans ce héros, non la richesse, la force ou la beauté, mais la
justice et la sagesse. Ainsi, lorsqu'il fait dire à cette même déesse
qu'elle n'abandonne pas Ulysse ; car, dit-elle :
"C'est un guerrier prudent, vertueux, juste et sage",
il nous fait entendre que les dieux n'aiment en nous que les vertus ;
qu'elles seules, par conséquent, sont des qualités divines, puisque nous
aimons naturellement ce qui nous est semblable.
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