HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales - Sur la manière de lire les poètes

Page 25

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[25] ὡς οἱ φιλόσοφοι λέγουσι τὴν παντελῆ τῶν ἀγαθῶν ἕξιν κτῆσιν (25a) καὶ τελειότητα βίου κατὰ φύσιν εὐροοῦντος, ἀλλ´ οὐχὶ καταχρωμένους πολλάκις τὸν πλούσιον εὐδαίμονα καλεῖν μακάριον καὶ τὴν δύναμιν τὴν δόξαν εὐδαιμονίαν. Ὅμηρος μὲν γὰρ ὀρθῶς κέχρηται τοῖς ὀνόμασιν Ὣς οὔ τοι χαίρων τοῖσδε κτεάτεσσιν ἀνάσσω καὶ Μένανδρος Ἔχω δὲ πολλὴν οὐσίαν καὶ πλούσιος καλοῦμ´ ὑπὸ πάντων, μακάριος δ´ ὑπ´ οὐδενός, Εὐριπίδης δὲ πολλὴν ἐργάζεται ταραχὴν καὶ σύγχυσιν ὅταν λέγῃ (25b) Μή μοι γένοιτο λυπρὸς εὐδαίμων βίος καὶ Τί τὴν τυραννίδ´, ἀδικίαν εὐδαίμονα, τιμᾷς; Ἂν μή τις, ὥσπερ εἴρηται, ταῖς μεταφοραῖς καὶ καταχρήσεσι τῶν ὀνομάτων ἕπηται. Ταῦτα μὲν οὖν ἱκανὰ περὶ τούτων. Ἐκεῖνο δ´ οὐχ ἅπαξ ἀλλὰ πολλάκις ὑπομνηστέον ἐστὶ τοὺς νέους, ἐνδεικνυμένους αὐτοῖς ὅτι μιμητικὴν ποίησις ὑπόθεσιν ἔχουσα κόσμῳ μὲν καὶ λαμπρότητι χρῆται περὶ τὰς ὑποκειμένας πράξεις καὶ τὰ ἤθη, τὴν δ´ ὁμοιότητα τοῦ ἀληθοῦς (25c) οὐ προλείπει, τῆς μιμήσεως ἐν τῷ πιθανῷ τὸ ἀγωγὸν ἐχούσης. Διὸ καὶ κακίας καὶ ἀρετῆς σημεῖα μεμιγμένα ταῖς πράξεσιν μὴ παντάπασι τῆς ἀληθείας ὀλιγωροῦσα συνεκφέρει μίμησις, ὥσπερ Ὁμήρου πολλὰ πάνυ τοῖς Στωϊκοῖς χαίρειν φράζουσα, μήτε τι φαῦλον ἀρετῇ προσεῖναι μήτε κακίᾳ χρηστὸν ἀξιοῦσιν, ἀλλὰ πάντως μὲν ἐν πᾶσιν ἁμαρτωλὸν εἶναι τὸν ἀμαθῆ, περὶ πάντα δ´ αὖ κατορθοῦν τὸν ἀστεῖον. Ταῦτα γὰρ ἐν ταῖς σχολαῖς ἀκούομεν· ἐν δὲ τοῖς πράγμασι καὶ τῷ βίῳ τῶν πολλῶν κατὰ τὸν Εὐριπίδην Οὐκ ἂν γένοιτο χωρὶς ἐσθλὰ καὶ κακά, (25d) ἀλλ´ ἔστι τις σύγκρασις. Ἄνευ δὲ τοῦ ἀληθοῦς μάλιστα μὲν ποιητικὴ τῷ ποικίλῳ χρῆται καὶ πολυτρόπῳ. Τὸ γὰρ ἐμπαθὲς καὶ παράλογον καὶ ἀπροσδόκητον, πλείστη μὲν ἔκπληξις ἕπεται πλείστη δὲ χάρις, αἱ μεταβολαὶ παρέχουσι τοῖς μύθοις· τὸ δ´ ἁπλοῦν ἀπαθὲς καὶ ἄμουσον. Ὅθεν οὔτε νικῶντας ἀεὶ πάντα ποιοῦσι τοὺς αὐτοὺς οὔτ´ εὐημεροῦντας οὔτε κατορθοῦντας. Ἀλλ´ οὐδὲ τοῖς θεοῖς, ὅταν εἰς ἀνθρωπίνας ἐμπέσωσι πράξεις, ἀπαθέσι χρῶνται καὶ ἀναμαρτήτοις, ἵνα μηδαμοῦ τό τε ταράττον καὶ τὸ ἐκπλῆττον ἀργῇ τῆς ποιήσεως ἀκίνδυνον καὶ ἀναγώνιστον γιγνόμενον. Οὕτως οὖν τούτων ἐχόντων ἐπάγωμεν τοῖς (25e) ποιήμασι τὸν νέον μὴ τοιαύτας ἔχοντα δόξας περὶ τῶν καλῶν ἐκείνων καὶ μεγάλων ὀνομάτων, ὡς ἄρα σοφοὶ καὶ δίκαιοι οἱ ἄνδρες ἦσαν, ἄκροι τε βασιλεῖς καὶ κανόνες ἀρετῆς ἁπάσης καὶ ὀρθότητος. Ἐπεὶ βλαβήσεται μεγάλα δοκιμάζων πάντα καὶ τεθηπώς, μὴ δυσχεραίνων δὲ μηδὲν μηδ´ ἀκούων μηδ´ ἀποδεχόμενος τοῦ ψέγοντος αὖ τοὺς τοιαῦτα πράττοντας καὶ λέγοντας Αἲ γάρ, Ζεῦ τε πάτερ καὶ Ἀθηναίη καὶ Ἄπολλον, μήτε τις οὖν Τρώων θάνατον φύγοι, ὅσσοι ἔασι, μήτε τις Ἀργείων, νῶιν δ´ ἐκδῦμεν ὄλεθρον, (25f) ὄφρ´ οἶοι Τροίης ἱερὰ κρήδεμνα λύοιμεν καὶ Οἰκτροτάτην δ´ ἤκουσα ὄπα Πριάμοιο θυγατρὸς Κασσάνδρης, τὴν κτεῖνε Κλυταιμνήστρη δολόμητις ἀμφ´ ἐμοὶ καὶ Παλλακίδι προμιγῆναι, ἵν´ ἐχθήρειε γέροντα. Τῇ πιθόμην καὶ ἔρεξα καὶ Ζεῦ πάτερ, οὔ τις σεῖο θεῶν ὀλοώτερος ἄλλος. [25] qu'ils l'attachassent comme eux à l'assemblage de tous les biens, ou (25a) à une vie parfaitement réglée sur les besoins et les désirs de la nature. Souvent, par un abus des termes, ils appellent heureux ceux qui sont riches, et nomment félicité la gloire et la puissance. Homère prend ces termes dans leur sens véritable, lorsqu'il dit : "Maître de tant de biens, en suis-je plus heureux"? et Ménandre dans ceux-ci : "Hélas! d'une fortune immense Je suis, il est vrai, possesseur : Chacun vante mon opulence ; Personne encor n'a vanté mon bonheur". Mais ces vers d'Euripide : (25b) "Loin de moi le bonheur que peut troubler la peine" ; et ceux-ci du même poète : "La tyrannie est donc à vos yeux estimable, Et vous êtes l'adorateur D'une injustice favorable Qui sur ses pas a fixé le bonheur"; ces vers jettent nécessairement du trouble et de la confusion dans l'âme, si l'on ne prend les termes dans un autre sens que leur signification ordinaire. Mais en voilà assez sur cette matière. Un principe qu'on ne peut trop répéter aux jeunes gens, c'est que la poésie, dans ses imitations, se plaît à embellir les actions et les mœurs dont elle offre le tableau, sans négliger (25c) cependant la vraisemblance, qui seule peut rendre l'imitation agréable et intéressante. Or, toute imitation, pour avoir ce caractère de vraisemblance, doit présenter dans la conduite des hommes les vices mêlés avec les vertus. C'est ainsi qu'Homère nous les montre dans ses poèmes, bien opposés en cela aux principes des stoïciens, qui veulent que le vice et la vertu soient dans l'homme sans aucun mélange ; que le sage ne fasse que du bien, et l'insensé que du mal. Voilà ce qu'on entend dans leurs écoles. Mais dans le cours ordinaire de la vie, tout, dit Euripide, (25d) "Est de biens et de maux un éternel mélange". La poésie, en s'écartant de la vérité, s'attache surtout à répandre de la variété dans ses ouvrages. Il résulte de cette diversité d'événements, de grands intérêts, des passions vives et une surprise agréable qui frappe et qui ravit. Un récit simple et sans fiction est aussi sans intérêt. C'est pour cela que les poètes ne donnent pas à leurs personnages une prospérité constante ni une vertu parfaite. Les dieux mêmes, lorsqu'ils agissent dans les événements humains, y sont représentés avec les passions et les erreurs des hommes. Sans ces contrariétés, sans ces discordances hardies dans les caractères, qui mettent les passions en jeu, la poésie n'aurait plus de quoi frapper et étonner les esprits. D'après cela, il ne faut pas laisser croire (25e) aux jeunes gens que ces personnages célèbres, dont les noms leur en imposent, aient tous été des hommes sages et justes, des rois parfaits, des modèles de toute vertu. Préjugé funeste qui, en leur inspirant un respect aveugle pour tout ce que pourraient dire ou faire ces héros de l'antiquité, les rendrait sourds aux avis qu'on leur donnerait pour les mettre en garde contre des actions ou des discours semblables à ceux qu'expriment les vers suivants : "Fassent le roi des cieux, et Phébus, et Pallas, Que ni Grecs ni Troyens n'évitent le trépas; Et que nous puissions seuls, échappés du carnage, (25f) Sur les murs d'Ilion assouvir notre rage. De Cassandre aussitôt les douloureux accents D'une nouvelle horreur vinrent glacer mes sens. Clytemnestre à mes yeux, pour consommer son crime, En fit de sa fureur l'innocente victime. Ma mère entre en fureur et ne peut supporter De voir une rivale à ses yeux l'emporter; Et pour la détacher d'un époux infidèle, Elle osa m'inspirer de me faire aimer d'elle. Je suivis ses conseils. Ô Jupiter! quel dieu fut plus cruel que toi"?


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Dernière mise à jour : 8/05/2008