[24] ἀλλὰ τὴν (24a) μετ´ ἀργίας καὶ μαλακίας καὶ πολυτελείας
ἀπορίαν κακίζειν αἰσχρὰν καὶ ἐπονείδιστον οὖσαν. Οὔπω γὰρ αὐτὸ τοὔνομα τῆς
τύχης λέγοντες, εἰδότες δὲ τὴν τῆς ἀτάκτως καὶ ἀορίστως περιφερομένης
αἰτίας δύναμιν ἰσχυρὰν καὶ ἀφύλακτον οὖσαν ἀνθρωπίνῳ λογισμῷ τοῖς τῶν θεῶν
ὀνόμασιν ἐξέφραζον, ὥσπερ ἡμεῖς καὶ πράγματα καὶ ἤθη καὶ νὴ Δία καὶ λόγους
καὶ ἄνδρας εἰώθαμεν δαιμονίους καὶ θείους προσαγορεύειν. Οὕτω δὴ τὰ πολλὰ
τῶν ἀτόπως περὶ τοῦ Διὸς λέγεσθαι δοκούντων ἐπανορθωτέον, ὧν ἐστι καὶ
ταῦτα
Δοιοὶ γάρ τε πίθοι κατακείαται ἐν Διὸς οὔδει
(24b) κηρῶν ἔμπλειοι, ὁ μὲν ἐσθλῶν, αὐτὰρ ὁ δειλῶν
καὶ
Ὅρκια μὲν Κρονίδης ὑψίζυγος οὐκ ἐτέλεσσεν,
ἀλλὰ κακὰ φρονέων τεκμαίρεται ἀμφοτέροισι
καὶ
Τότε γάρ ῥα κυλίνδετο πήματος ἀρχὴ
Τρωσί τε καὶ Δαναοῖσι Διὸς μεγάλου διὰ βουλάς,
ὡς περὶ τῆς τύχης ἢ τῆς εἱμαρμένης λεγομένων, ἐν αἷς τὸ ἀσυλλόγιστον ἡμῖν
τῆς αἰτίας σημαίνεται καὶ ὅλως οὐ καθ´ ἡμᾶς. Ὅπου δὲ τὸ προσῆκον καὶ κατὰ
λόγον καὶ εἰκός ἐστιν, ἐνταῦθα κυρίως ὀνομάζεσθαι τὸν θεὸν νομίζωμεν,
ὥσπερ ἐν τούτοις
(24c) Αὐτὰρ ὁ τῶν ἄλλων ἐπεπωλεῖτο στίχας ἀνδρῶν,
Αἴαντος δ´ ἀλέεινε μάχην Τελαμωνιάδαο·
Ζεὺς γάρ οἱ νεμέσα ὅτ´ ἀμείνονι φωτὶ μάχοιτο
καὶ
Ζεὺς γὰρ τὰ μὲν μέγιστα φροντίζει βροτῶν,
τὰ μικρὰ δ´ ἄλλοις δαίμοσιν παρεὶς ἐᾷ.
Σφόδρα δὲ δεῖ καὶ τοῖς ἄλλοις ὀνόμασι προσέχειν, κατὰ πολλὰ πράγματα
κινουμένοις καὶ μεθισταμένοις ὑπὸ τῶν ποιητῶν. Οἷόν ἐστι καὶ τὸ τῆς
ἀρετῆς. Ἐπεὶ γὰρ οὐ μόνον ἔμφρονας παρέχεται καὶ (24d) δικαίους καὶ
ἀγαθοὺς ἐν πράξεσι καὶ λόγοις, ἀλλὰ καὶ δόξας ἐπιεικῶς καὶ δυνάμεις
περιποιεῖται, παρὰ τοῦτο ποιοῦνται καὶ τὴν εὐδοξίαν ἀρετὴν καὶ τὴν
δύναμιν, ὀνομάζοντες ὥσπερ « ἐλαίαν » τὸν ἀπὸ τῆς ἐλαίας, καὶ « φηγὸν »
τὸν ἀπὸ τῆς φηγοῦ καρπὸν ὁμωνύμως τοῖς φέρουσιν. Οὐκοῦν ὁ νέος ἡμῖν, ὅταν
μὲν λέγωσι
Τῆς δ´ ἀρετῆς ἱδρῶτα θεοὶ προπάροιθεν ἔθηκαν
καὶ
Τῆμος σφῇ ἀρετῇ Δαναοὶ ῥήξαντο φάλαγγας
καὶ
Εἰ δὲ θανεῖν θέμις, ὧδε θανεῖν καλόν,
εἰς ἀρετὴν καταλυσαμένους βίον,
(24e) εὐθὺς οἰέσθω λέγεσθαι ταῦτα περὶ τῆς ἀρίστης καὶ θειοτάτης ἕξεως ἐν
ἡμῖν, ἣν ὀρθότητα λόγου καὶ ἀκρότητα λογικῆς φύσεως καὶ διάθεσιν
ὁμολογουμένην ψυχῆς νοοῦμεν. Ὅταν δ´ ἀναγιγνώσκῃ πάλιν τό τε
Ζεὺς δ´ ἀρετὴν ἄνδρεσσιν ὀφέλλει τε μινύθει τε
καὶ τὸ
Πλούτῳ δ´ ἀρετὴ καὶ κῦδος ὀπηδεῖ,
μὴ « καθήσθω » τοὺς πλουσίους ἐκπεπληγμένος καὶ « τεθηπὼς » καθάπερ
ὤνιον εὐθὺς ἀργυρίου τὴν ἀρετὴν ἔχοντας, μηδ´ ἐπὶ τῇ τύχῃ κεῖσθαι τὴν
αὑτοῦ φρόνησιν αὔξειν ἢ κολούειν νομίζων, ἀλλ´ ἀντὶ δόξης ἢ δυνάμεως ἢ
εὐτυχίας ἤ τινος ὁμοίου (24f) τῇ ἀρετῇ κεχρῆσθαι τὸν ποιητὴν ἡγείσθω. Καὶ
γὰρ τῇ κακότητι ποτὲ μὲν ἰδίως σημαίνουσι κακίαν καὶ μοχθηρίαν ψυχῆς, ὡς
Ἡσίοδος
Τὴν μὲν γὰρ κακότητα καὶ ἰλαδὸν ἔστιν ἑλέσθαι,
ποτὲ δ´ ἄλλην τινὰ κάκωσιν ἢ δυστυχίαν, ὡς Ὅμηρος
Αἶψα γὰρ ἐν κακότητι βροτοὶ καταγηράσκουσιν.
Ἐπεὶ καὶ τὴν εὐδαιμονίαν ἐξαπατηθείη τις ἂν οὕτω τοὺς ποιητὰς οἰόμενος
λέγειν,
| [24] (24a) mais seulement ceux qui s'y précipitent par leur oisiveté, leur luxe et
leur mollesse. Comme le mot Fortune n'était pas encore en usage, et qu'on
voyait dans la vie humaine ces vicissitudes continuelles que toute la
prudence des hommes ne saurait prévenir, les poètes employaient le nom de
quelque dieu pour celui de Fortune. Ainsi, dans le langage ordinaire, nous
appelons les actions, les mœurs, les discours et les hommes, célestes et
divins. On peut, par ce moyen, entendre dans un sens favorable bien des
choses que les poètes disent de Jupiter, et qui nous paraissent si peu
sensées; comme celles-ci :
"A la porte des cieux deux tonneaux sont placés.
Par eux de l'univers les destins sont réglés?"
(24b) "L'un des plus riches biens est la source féconde;
L'autre verse les maux qui désolent le monde.
Pour nous livrer aux maux qu'il nous a destinés,
Le souverain des dieux a rompu nos traités.
Dès cet instant fatal le maître du tonnerre,
Résolu de porter le trouble sur la terre,
Préparait sourdement le germe des combats,
Qui des Grecs, des Troyens devaient armer les bras".
Tout cela se dit de la Fortune ou de la Destinée, agents secrets dont
l'opération nous est inconnue, et qu'il n'est pas en notre pouvoir de
gouverner. Mais lorsqu'ils ne disent rien qui ne soit conforme à la raison
et à la décence, alors c'est de Jupiter lui-même qu'ils parlent, comme
dans les vers suivants :
(24c) "Hector, qui dans les rangs avec fierté se montre,
Du fils de Télamon évite la rencontre.
Jupiter n'aime point ces cœurs présomptueux
Qui vont se mesurer à de plus braves qu'eux.
De ce trône sublime où sa grandeur réside,
Aux grands événements Jupiter seul préside.
Sous lui, les autres dieux, par de moindres efforts,
Des faits moins importants font mouvoir les ressorts".
Il est bien d'autres mots que les poètes prennent dans plusieurs
significations et qu'ils appliquent à des choses très différentes. Tel est
celui de vertu. Elle ne rend pas seulement les hommes bons, (24d) justes
et sages dans leurs actions et leurs discours; souvent aussi, elle leur
procure de la gloire et du crédit : c'est pour cela que les poètes donnent
à ces deux derniers avantages le nom de vertu, comme nous donnons aux
fruits les noms des arbres qui les produisent. Ainsi quand un jeune homme
lira ces différents passages :
"Auprès de la vertu Dieu plaça le travail.
En ce moment les Grecs qu'enflammé la vertu,
Vengent sur les Troyens tout leur sang répandu.
Que l'homme meurt content, quand un effort sublime
Le rend de la vertu l'honorable victime" !
(24e) il doit entendre tout cela de la vertu même, cette droiture de
raison, cette faculté divine que nous avons en nous-mêmes, et qui forme la
disposition la plus parfaite d'une créature intelligente. Mais en lisant
ces autres passages :
"Dans les cœurs des mortels Jupiter à son choix
De la vertu fait croître ou resserre les droits".
L'honneur et la vertu sont le fruit des richesses,
qu'il n'en conçoive pas de l'estime et de l'admiration pour les gens
riches, comme s'il pouvait acheter la vertu à prix d'argent ; qu'il
n'imagine pas qu'il soit au pouvoir de la Fortune d'augmenter ou de
diminuer à son gré la sagesse. Le poète alors, par le nom de vertu, n'a pu
entendre que la gloire, la puissance, (24f) la prospérité, ou tout autre
avantage de cette nature. Le mot de mal se prend
quelquefois pour malice, mauvaise disposition du cœur, comme dans Hésiode :
"Le mal de son poison infecte l'univers".
Quelquefois il signifie misère, infortune, comme dans Homère :
"Le mal hâte les jours d'une triste vieillesse".
On se tromperait encore si l'on croyait que les poètes eussent du bonheur
la même idée qu'en ont les philosophes;
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