[9] Καὶ μὴν τήν γε Νομᾶ βασιλείαν πολυχρονιωτάτην
γενομένην ὁμολογουμένως εὐτυχία διεκυβέρνησε θαυμαστή.
τὸ μὲν γὰρ Ἐγερίαν τινά, νυμφῶν μίαν δρυάδων,
δαίμονα σοφὴν ἔρωτι τἀνδρὸς ἐν συνουσίᾳ γενομένην,
παραπαιδαγωγεῖν καὶ συσχηματίζειν τὴν πολιτείαν
ἴσως μυθωδέστερόν ἐστι. καὶ γὰρ ἄλλοι λεχθέντες
ἅψασθαι γάμων θείων καὶ θεοῖς ἐράσμιοι γενέσθαι,
Πηλεῖς καὶ Ἀγχῖσαι καὶ Ὠρίωνες καὶ Ἠμαθίωνες, οὐ
πάντως ἀγαπητῶς οὐδ´ ἀλύπως διεβίωσαν. ἀλλὰ Νομᾶς
ἔοικε τὴν ἀγαθὴν Τύχην ἔχειν ὡς ἀληθῶς σύνοικον καὶ
σύνεδρον καὶ συνάρχουσαν· ἣ καθάπερ ἐν κλύδωνι
θολερῷ καὶ τεταραγμένῳ πελάγει τῇ τῶν προσοίκων
καὶ γειτόνων ἔχθρᾳ καὶ χαλεπότητι τὴν πόλιν φερομένην
καὶ φλεγμαίνουσαν ὑπὸ μυρίων πόνων καὶ διχοστασιῶν
παραλαβοῦσα τοὺς μὲν ἀντιτεταγμένους θυμοὺς
καὶ φθόνους ὥσπερ πνεύματα κατέσβεσεν· οἷα δέ
φασι τὰς ἀλκυόνων λοχείας παραδεξαμένην τὴν θάλασσαν
ἐν χειμῶνι σῴζειν καὶ συνεκτιθηνεῖσθαι, τοιαύτην
ἀναχεαμένη καὶ περιστήσασα γαλήνην πραγμάτων ἀπόλεμον
καὶ ἄνοσον καὶ ἀκίνδυνον καὶ ἄφοβον, νεοσταθεῖ
δήμῳ καὶ κραδαινομένῳ παρέσχε ῥιζῶσαι καὶ καταστῆσαι
τὴν πόλιν, αὐξανομένην ἐν ἡσυχίᾳ βεβαίως καὶ
ἀνεμποδίστως. ὥσπερ γὰρ ὁλκὰς ἢ τριήρης ναυπηγεῖται
μὲν ὑπὸ πληγῶν καὶ βίας πολλῆς, σφύραις καὶ ἥλοις
ἀρασσομένη καὶ γομφώμασι καὶ πρίοσι καὶ πελέκεσι,
γενομένην δὲ στῆναι δεῖ καὶ παγῆναι σύμμετρον χρόνον,
ἕως οἵ τε δεσμοὶ κάτοχοι γένωνται καὶ συνάφειαν οἱ
γόμφοι λάβωσιν, ἐὰν δὲ ὑγροῖς ἔτι καὶ περιολισθάνουσι
τοῖς ἁρμοῖς κατασπασθῇ, πάντα χαλάσει διατιναχθέντα
καὶ δέξεται τὴν θάλασσαν, οὕτω τὴν Ῥώμην ὁ μὲν
πρῶτος ἄρχων καὶ δημιουργὸς ἐξ ἀγρίων καὶ βοτήρων
ὥσπερ ἐκ δρυόχων κραταιῶν συνιστάμενος οὐκ ὀλίγους
πόνους ἔσχεν οὐδὲ μικροῖς ἀντήρεισε πολέμοις καὶ
κινδύνοις, ἐξ ἀνάγκης ἀμυνόμενος τοὺς ἀνθισταμένους
πρὸς τὴν γένεσιν καὶ ἵδρυσιν αὐτῆς· ὁ δὲ δεύτερος παραλαβὼν
χρόνον παρέσχε πῆξαι καὶ βεβαιῶσαι τὴν αὔξησιν
τῇ εὐτυχίᾳ ἐπιλαβόμενος πολλῆς μὲν εἰρήνης πολλῆς
δ´ ἡσυχίας. εἰ δὲ τότε Πορσίνας τις ἐπέβρισε Τυρρηνικὸν
χάρακα καὶ στρατόπεδον παραστήσας τείχεσιν
ὑγροῖς ἔτι καὶ κραδαινομένοις ἤ τις ἐκ Μαρσῶν ἀποστὰς
ἀρειμάνιος δυνάστης ἢ Λευκανὸς ὑπὸ φθόνου καὶ φιλονεικίας,
ἀνὴρ δύσερις καὶ πολεμοποιός, οἷος ὕστερον
Μουτίλος ἢ Σίλων ὁ θρασὺς ἢ τὸ ἔσχατον Σύλλα
πάλαισμα Τελεσῖνος, ὡς ἀφ´ ἑνὸς συνθήματος ὅλην
ἐξοπλίζων τὴν Ἰταλίαν, τὸν φιλόσοφον Νομᾶν περιεσάλπιγξε
θύοντα καὶ προσευχόμενον, οὐκ ἂν ἀντέσχον
αἱ πρῶται τῆς πόλεως ἀρχαὶ πρὸς σάλον καὶ κλύδωνα
τοσοῦτον οὐδ´ εἰς εὐανδρίαν καὶ πλῆθος ἐπέδωκαν·
νῦν δ´ ἔοικε τῆς πρὸς τοὺς ὕστερον πολέμους παρασκευῆς
ἐφόδιον Ῥωμαίοις ἡ τότ´ εἰρήνη γενέσθαι, καὶ καθάπερ
ἀθλητὴς ὁ δῆμος ἐκ τῶν κατὰ Ῥωμύλον ἀγώνων ἐν
ἡσυχίᾳ χρόνον ἐτῶν τριῶν καὶ τεσσαράκοντα σωμασκήσας
τὴν δύναμιν ἀξιόμαχον καταστῆσαι τοῖς ὕστερον
ἀντιταττομένοις. οὐδὲ γὰρ λιμὸν οὐδὲ λοιμὸν οὐδ´ ἀφορίαν
γῆς οὐδ´ ἀωρίαν τινὸς θέρους ἢ χειμῶνος ἐν τῷ
τότε χρόνῳ παραλυπῆσαι τὴν Ῥώμην λέγουσιν, ὡς οὐκ
ἀνθρωπίνης εὐβουλίας ἀλλὰ θείας Τύχης ἐπιτροπευούσης
τῶν καιρῶν ἐκείνων. ἐκλείσθη δ´ οὖν τότε καὶ τὸ τοῦ
Ἰανοῦ δίπυλον, ὃ πολέμου πύλην καλοῦσιν· ἀνέῳγε μὲν
γάρ, ὅταν ᾖ πόλεμος, κλείεται δ´ εἰρήνης γενομένης.
Νομᾶ δ´ ἀποθανόντος ἀνεῴχθη, τοῦ πρὸς Ἀλβανοὺς
πολέμου συρραγέντος. εἶτα μυρίων ἄλλων συνεχῶς ὑπολαμβανόντων,
πάλιν δι´ ἐτῶν ὀγδοήκοντα καὶ τετρακοσίων
ἐκλείσθη μετὰ τὸν πρὸς Καρχηδονίους πόλεμον
εἰρήνης γενομένης, Γαΐου Ἀτιλίου καὶ Τίτου Μαλλίου
ὑπατευόντων. μετὰ δὲ τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν
αὖθις ἀνεῴχθη καὶ διέμειναν οἱ πόλεμοι μέχρι τῆς ἐν
Ἀκτίῳ νίκης Καίσαρος· τότε δ´ ἤργησε τὰ Ῥωμαίων
ὅπλα χρόνον οὐ πολύν· αἱ γὰρ ἀπὸ Καντάβρων ταραχαὶ
καὶ Γαλατίαι συρραγεῖσαι Γερμανοῖς, συνετάραξαν τὴν
εἰρήνην. ἀλλὰ ταῦτα μὲν εὐτυχίας τῆς Νομᾶ προσιστόρηται
μαρτύρια.
| [9] Arrivons à Numa. Le long règne de ce prince ne fut-il
pas évidemment dirigé par un bonheur merveilleux? Ce
que l'on raconte d'une certaine Egérie, jeune dryade, divinité
éminemment habile, qui, devenue amoureuse de lui,
ne le quittait jamais, lui apprenant l'art de régner et s'occupant
avec lui des affaires de l'État, cette tradition, enfin,
est peut-être une fiction trop mythologique. Car d'autres
mortels, que l'on dit avoir participé à des hymens de déesses ou
avoir obtenu leurs faveurs, les Pélée, les Anchise, les Orion,
les Émathion, n'en ont pas pour cela été, durant leur vie,
exempts de tout mécompte et de toute inquiétude. Mais quant
à Numa, il semble que le bonheur ait véritablement toujours
fait partie de sa maison, sur son trône et dans l'exercice de
son pouvoir. Avant lui Rome, semblable à un navire ballotté
par une violente tempête, était exposée à la haine et à la
violence des peuples voisins et limitrophes. Mille maux,
mille causes de discorde la travaillaient et l'épuisaient. La
Fortune prit en main la direction du gouvernail; elle apaisa
les colères et les jalousies conjurées, semblables à des vents
furieux. Comme on prétend que la mer recevant les petits
des alcyons, les conserve pendant les orages, et sert en quelque
sorte de nourrice à la couvée; de même la Fortune répandit
et organisa autour de Rome un calme complet qui
préserva la ville des guerres, des fléaux , des dangers et
des craintes. A ce peuple nouvellement établi et chancelant
elle ménagea le loisir de jeter ses racines, d'asseoir les bases
de sa cité ; et Rome au milieu d'un tel calme se développa
d'une manière solide et sans obstacles. Je fais une comparaison :
un bâtiment de transport, ou une galère, se construit
par des coups violemment assénés ; on procède à grand
renfort de marteaux, de clous, de coins, de scies, de haches;
puis, quand il est achevé, il faut le mettre sur quille, et le
laisser en place durant un temps assez prolongé pour que
tout s'attache solidement et que les jointures prennent de la
consistance; au contraire, si pendant que les différentes pièces
sont encore fraîchement rapportées et tendent à se déplacer
on l'arrache avec brusquerie, cet ébranlement désunira l'édifice
entier, et il fera eau de toutes parts. De même Rome
avait été, par son premier chef et son fondateur, composée
d'hommes sauvages, de pâtres qui, comme de vigoureuses
charpentes, soutenaient sa masse; elle eut à subir de nombreux
travaux, à repousser des guerres et des dangers considérables,
à lutter enfin contre ceux qui s'opposaient à sa créatien
et à son établissement. Mais le prince qui y régna le
deuxième eut le temps, grâce aux faveurs de la Fortune, d'en
consolider et d'en affermir les progrès, au sein d'une paix
et d'une tranquillité parfaite. Si alors un Porsenna était
tombé de tout son poids, avec ses palissades étruriennes et
son armée, sur ces remparts encore humides et chancelants;
ou bien si un chef belliqueux des Marses avait levé l'étendard
de la révolte; si un Lucanien, jaloux, ambitieux, avide
de querelles et de guerres, tels que plus tard on vit Muilus,
ou le hardi Silon, ou Télésinus, lequel servit de matière
aux derniers exploits de Sylla, et qui, comme à un signal
donné, arma l'Italie entière; si quelque ennemi, enfin, avait
fait retentir les éclats de la trompette autour du sage Numa
occupé de prières et de sacrifices, Rome à peine naissante
n'aurait pu résister à tant de trouble et d'ébranlement; elle
n'aurait jamais donné naissance à une population si courageuse
et si multipliée. Aujourd'hui l'on reconnaît que les
guerres soutenues dans la suite par les Romains avaient
besoin, pour s'organiser, de la paix qui régnait alors. Semblable
à un athlète, le peuple, à la suite des luttes de Romulus,
profita d'une tranquillité de quarante-trois ans pour
se réparer et pour mettre sur pied des forces capables de
résister à ceux qui l'attaqueraient plus tard. Car ni famine, ni
peste, ni stérilité, ni dérangements sensibles dans l'ordre des
saisons, ne vinrent, dit l'histoire, affliger Rome durant cette
période; et il semblait que ce fût non pas la prudence humaine,
mais l'influence divine de la:Fortune qui présidât
aux événements de l'époque. Alors aussi, par conséquent
fut fermé le temple de Janus , ce temple qu'on appelle
"porte de la guerre", parce qu'il est ouvert en temps de
guerre et fermé en temps de paix. Mais Numa une fois mort,
on le rouvrit quand éclata la rivalité avec les Albains. Mille
autres expéditions se succédèrent ensuite sans être interrompues;
et ce ne fut qu'au bout de quatre cent quatre-vingts
ans que se ferma le temple de Janus une seconde
fois, à l'occasion de la paix qui suivit la guerre Punique,
sous le consulat de C. Atilius et de T. Manlius. Au bout
d'une année il était ouvert de nouveau, et la guerre dura
jusqu'à la victoire d'Actium, remportée par César. A ce
moment les armes romaines furent oisives, mais non pour
longtemps: car les troubles du pays des Cantabres et de
celui des Gaules se joignant aux invasions des Germains,
la paix fut bientôt interrompue. Quoi qu'il en soit, voilà
d'assez nombreux témoignages par lesquels l'histoire prouve
le bonheur constant dont Numa eut à jouir.
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