[8] Ἀλλὰ γὰρ αἱ μὲν ἀπὸ τῶν μαρτύρων πίστεις τοσαῦται
τῇ Τύχῃ πάρεισι. δεῖ δὲ καὶ τὰς ἀπὸ τῶν πραγμάτων
αὐτῶν εἰσάγειν, ἀρχὴν τοῦ λόγου τὴν ἀρχὴν τῆς
πόλεως λαβόντας. εὐθὺς γοῦν τίς οὐκ ἂν εἴποι πρὸς
τὴν Ῥωμύλου γένεσιν καὶ σωτηρίαν καὶ τροφὴν καὶ
αὔξησιν τὴν μὲν Τύχην ὑποβολὰς κατατεθεῖσθαι τὴν
δ´ Ἀρετὴν ἐξῳκοδομηκέναι; πρῶτον μὲν οὖν τὸ περὶ
τὴν γένεσιν καὶ τὴν τέκνωσιν αὐτῶν τῶν ἱδρυσαμένων
καὶ κτισάντων τὴν πόλιν εὐτυχίας ἔοικε θαυμαστῆς
γενέσθαι. θεῷ γὰρ ἡ τεκοῦσα μιχθῆναι λέγεται, καὶ
καθάπερ τὸν Ἡρακλέα σπαρῆναί φασιν ἐν μακρᾷ νυκτὶ
τῆς ἡμέρας ἐπισχεθείσης παρὰ φύσιν καὶ τοῦ ἡλίου
βραδύναντος, οὕτω περὶ τὴν Ῥωμύλου σπορὰν καὶ
καταβολὴν τὸν ἥλιον ἐκλιπεῖν ἱστοροῦσι, ποιησάμενον
ἀτρεκῆ σύνοδον πρὸς σελήνην, ἕωσπερ ὁ Ἄρης θεὸς
ὢν τῇ Σιλβίᾳ θνητῇ συνῆλθε. ταὐτὸ δὲ συντυχεῖν τῷ
Ῥωμύλῳ καὶ περὶ τὴν μετάστασιν αὐτὴν τοῦ βίου·
λέγουσι γὰρ ἐκλείποντος τοῦ ἡλίου ἠφανίσθαι, νώναις
καπρατίναις, ἣν ἄχρι νῦν ἡμέραν ἐπιφανῶς ἑορτάζουσιν.
ἔπειτα γεννηθέντας αὐτούς, τοῦ τυράννου ζητοῦντος
ἀνελεῖν, παρέλαβε κατὰ τύχην οὐ βάρβαρος οὐδ´ ἄγριος
ὑπηρέτης, ἐλεήμων δέ τις καὶ φιλάνθρωπος, ὥστε μὴ
κτεῖναι· ἀλλὰ τοῦ ποταμοῦ τις ἦν † ὄχθη χλοερῷ λειμῶνι
προσκλύζουσα καὶ περισκιαζομένη χθαμαλοῖς δένδρεσιν·
ἐνταῦθα κατέθηκε τὰ βρέφη πλησίον ἐρινεοῦ
τινος, ὃν ῥουμινᾶλιν ὠνόμαζον. εἶτα λύκαινα μὲν νεοτόκος
σπαργῶσα καὶ πλημμυροῦσα τοὺς μαστοὺς γάλακτι,
τῶν σκύμνων ἀπολωλότων αὐτὴ χρῄζουσα κουφισμοῦ,
περιέπτυξε τὰ βρέφη καὶ θηλὴν ἐπέσχεν, ὥσπερ
ὠδῖνα δευτέραν ἀποτιθεμένη τὴν τοῦ γάλακτος. ἱερὸς
δ´ ὄρνις Ἄρεως, ὃν δρυοκολάπτην καλοῦσιν, ἐπιφοιτῶν
καὶ προσκαθίζων ἀκρώνυχος, ἐν μέρει τῶν νηπίων
ἑκατέρου στόμα τῇ χηλῇ διοίγων, ἐνετίθει ψώμισμα,
τῆς αὑτοῦ τροφῆς ἀπομερίζων. τὸν μὲν οὖν ἐρινεὸν
ῥουμινᾶλιν ὠνόμασαν ἀπὸ τῆς θηλῆς, ἣν ἡ λύκαινα παρ´
αὐτὸν ὀκλάσασα τοῖς βρέφεσι παρέσχε· μέχρι δὲ πολλοῦ
διεφύλαττον οἱ περὶ τὸν τόπον ἐκεῖνον κατοικοῦντες
μηδὲν ἐκτιθέναι τῶν γεννωμένων, ἀλλ´ ἀναιρεῖσθαι πάντα
καὶ τρέφειν, τὸ Ῥωμύλου πάθος καὶ τὴν ὁμοιότητα
τιμῶντες. καὶ μὴν τό τε λαθεῖν αὐτοὺς τρεφομένους
καὶ παιδευομένους ἐν Γαβίοις καὶ ἀγνοηθῆναι Σιλβίας
ὄντας υἱοὺς καὶ θυγατριδοῦς Νομίτορος τοῦ βασιλέως
παντάπασι Τύχης κλέμμα καὶ σόφισμα φαίνεται
γεγενημένον, ὅπως μὴ ἀπόλωνται πρὸ τῶν ἔργων διὰ
τὸ γένος, ἀλλ´ ἐν αὐτοῖς φανῶσι τοῖς κατορθώμασι,
γνώρισμα τῆς εὐγενείας τὴν ἀρετὴν παρέχοντες. ἐνταῦθά
μοι μεγάλου καὶ φρονίμου στρατηγοῦ λόγος ἔπεισι
Θεμιστοκλέους, ῥηθεὶς πρός τινας τῶν ὕστερον εὐημερούντων
Ἀθήνησι στρατηγῶν καὶ προτιμᾶσθαι τοῦ
Θεμιστοκλέους ἀξιούντων. ἔφη γὰρ τὴν ὑστεραίαν ἐρίσαι
πρὸς τὴν ἑορτὴν λέγουσαν ὡς ἐκείνη μέν ἐστι κοπώδης
καὶ ἄσχολος, ἐν αὐτῇ δὲ τῶν παρεσκευασμένων ἀπολαύουσι
μεθ´ ἡσυχίας. τὴν οὖν ἑορτὴν εἰπεῖν ’ἀληθῆ
λέγεις, ἀλλ´ ἐμοῦ μὴ γενομένης, ποῦ ἂν σὺ ἦσθα;‘
’κἀμοῦ τοίνυν‘ ἔφη ’μὴ γενομένου περὶ τὰ Μηδικά, τίς
ἂν ὑμῶν ἦν νῦν ὄνησις;‘ τοῦτό μοι δοκεῖ πρὸς τὴν
Ῥωμύλου Ἀρετὴν ἡ Τύχη λέγειν ’λαμπρὰ μὲν τὰ σὰ
ἔργα καὶ μεγάλα καὶ θεῖον ὡς ἀληθῶς ἐξέφηνας αἷμα
καὶ γένος οὖσαν σεαυτήν· ἀλλ´ ὁρᾷς πόσον ὑστερεῖς
μου; εἰ γὰρ ἐγὼ τότε μὴ παρηκολούθησα χρηστὴ καὶ
φιλάνθρωπος, ἀλλ´ ἀπέλιπον καὶ προηκάμην τὰ νήπια,
σὺ πῶς ἂν ἐγένου καὶ πόθεν ἐξέλαμψας; εἰ τότε μὴ
θῆλυ θηρίον ἐπῆλθε φλεγμαῖνον ὑπὸ πλήθους καὶ φορᾶς
γάλακτος καὶ τραφησομένου δεόμενον μᾶλλον ἢ θρέψοντος,
ἀλλ´ ἀνήμερόν τι τελέως καὶ λιμῶττον, οὐκ ἂν
ἔτι νῦν τὰ καλὰ ταῦτα βασίλεια καὶ ναοὶ καὶ θέατρα
καὶ περίπατοι καὶ ἀγοραὶ καὶ ἀρχεῖα βοτηρικαὶ καλύβαι
καὶ σταθμοὶ νομέων ἦσαν, Ἀλβανὸν ἢ Τυρρηνὸν ἢ
Λατῖνον ἄνδρα δεσπότην προσκυνούντων;‘ ἀρχὴ μὲν δὴ
τὸ μέγιστον ἐν παντί, μάλιστα δ´ ἐν ἱδρύσει καὶ κτίσει
πόλεως· ταύτην δ´ ἡ Τύχη παρέσχε, σῴσασα καὶ φυλάξασα
τὸν κτίστην. ἡ μὲν γὰρ Ἀρετὴ μέγαν ἐποίησε
Ῥωμύλον, ἡ Τύχη δ´ ἄχρι τοῦ γενέσθαι μέγαν ἐτήρησε.
| [8] Voilà les imposantes autorités qui, par l'exemple de
tels hommes, déposent en faveur de la Fortune. Recueillons
aussi les témoignages tirés des événements eux-mêmes, et
prenons pour début de notre thèse les débuts de Rome.
Entrons de suite en matière.
Si l'on examine la naissance de Romulus, la manière dont
il fut sauvé, nourri et élevé, peut-on méconnaître que ce
soit la Fortune qui ait jeté les fondements de cette grandeur,
comme c'est la Vertu qui en a achevé l'ouvrage ? D'abord
tout ce qui tient à la naissance, â l'enfantement de ceux-mêmes
qui bâtirent et fondèrent Rome, semble être le résultat
d'un merveilleux bonheur. On dit que leur mère avait
eu commerce avec un dieu; et, de même que, d'après une
tradition, la nuit où Hercule fut conçu dura plus longtemps
que les autres, le jour ayant été retenu contrairement à
l'ordre de la nature et le soleil retardant son lever, de
même à la conception et à la naissance de Romulus, on
raconte que le soleil s'éclipsa et qu'il se mit réellement en
conjonction avec la lune, comme Mars qui était Dieu s'unissait
à Silvia qui était une mortelle. Le même prodige se
renouvela pour Romulus quand il quitta la vie. On assure
qu'à sa disparition il y eut également une éclipse de soleil;
c'était le jour des nones Capratines, et l'on célèbre maintenant
encore cet anniversaire avec éclat. Ensuite, après la
naissance des deux enfants, lorsque le tyran exigea leur
mort, à qui la Fortune permit-elle qu'ils fussent livrés? Ce
ne fut pas à un serviteur barbare ou sauvage, mais à un
homme compatissant et humain, qui ne songea pas à les faire
périr. Bien au contraire, comme il y avait sur les bords du
fleuve une vaste prairie baignée de ses eaux, et ombragée
tout à l'entour d'arbres qui touchaient presque à terre, il y
déposa les enfants près d'un figuier sauvage, qui fut depuis
appelé Ruminalis. Puis, il se trouva là une louve qui
venait de mettre bas, et dont les mamelles étaient gonflées
et grosses de lait. Elle avait elle-même besoin qu'on l'en
soulageât, ses petits étant morts. Elle s'attacha donc aux
deux enfants, leur présenta ses tétines ; et il sembla qu'elle
devînt mère une seconde fois en se débarrassant de son
lait. Ce n'est pas tout : un oiseau consacré à Mars, le pivert,
venait les trouver; et, se posant à peine sur eux du bout de
ses pattes, il leur écartait tour à tour les lèvres avec son bec,
et partageait avec eux sa propre nourriture qu'il leur introduisait
par bouchées. Le figuier sauvage fut appelé ruminalis,
à cause de la mamelle (ruma), que la louve présentait aux deux
jumeaux, en se baissant sur ses pattes de devant. Durant
longues années ceux qui habitaient dans le voisinage de ce
lieu, se gardèrent bien d'exposer aucun de leurs enfants : ils
les élevaient et les nourrissaient tous, par respect pour l'aventure
de Romulus et en raison de cette similitude. Maintenant,
pour ce qui est des autres circonstances, à savoir,
qu'ils furent nourris et élevés secrètement à Gabies, qu'on
ne sut pas qu'ils étaient fils de Silvia et petits-fils du roi
Numitor, cela paraît un prodige de mystère et d'adresse de
la part de la Fortune. Elle ne voulut point qu'à cause de
leur naissance ils périssent avant d'avoir accompli leur
oeuvre : il fallait qu'ils se révélassent par leurs exploits
mêmes, et que leur valeur fit connaître leur illustre origine.
Ici me revient en mémoire l'apologue dont se servit un
grand et sage général, Thémistocle. Quelques genéraux venus
plus tard que lui et qui avaient bien réussi auprès des Athéniens,
prétendaient avoir sur lui le pas. Thémistocle leur
dit: « Le jour de fête et son lendemain eurent entre eux
une contestation. Celui-ci se disait accablé de travail et
d'occupations, tandis que l'autre jouissait bien tranquillement
de tout ce qui avait été préparé d'avance. Il est vrai, répondit
le jour de fête, mais si je n'avais pas existé, où serais-tu?
Eh bien, il en est de même de vous, par rapport à moi :
si je n'avais pas existé pendant la guerre contre les Mèdes, à
quoi serviriez-vous aujourd'hui ? » Il me semble entendre
la Fortune tenant le même langage à la Vaillance de Romulus:
« Sans doute tes exploits sont brillants et considérables.
Tu as véritablement révélé qu'un sang divin coulait
dans tes veines et que tu étais née d'un immortel. Mais vois
combien tu restes en arrière de moi. Si je ne t'avais suivie
pas à pas avec sollicitude et tendresse, si j'eusse abandonné
et livré les deux faibles créatures, comment te serais-tu produite,
comment serais-tu devenue illustre? Si, au lieu
d'une louve échauffée par la quantité et le poids de son lait
et ayant plus besoin de nourrir que d'être nourrie elle-même,
il était survenu quelque bête complétement furieuse
et affamée, où seraient aujourd'hui ces palais magnifiques,
ces temples, ces théâtres, ces promenades, ce Forum, ces
tribunaux? Des huttes de bouviers, des étables de pâtres en
occuperaient la place, et ces pâtres, ces bouviers se prosterneraient
devant un maître albain, toscan ou latin. » Oui,
le commencement est ce qui importe le plus en toute chose,
particulièrement lorsqu'il s'agit de l'établissement et de la
fondation d'une ville ; et ce commencement, la Fortune
voulut le ménager, lorsqu'elle sauva et garantit le fondateur
de Rome. Car si la Vaillance fit de Romulus un grand monarque,
la Fortune le protégea jusqu'au moment où il allait le devenir.
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