[10] Τὴν δὲ Τύχην καὶ οἱ μετ´ ἐκεῖνον ἐθαύμασαν
βασιλεῖς ὡς πρωτόπολιν καὶ τιθηνὸν καί ’φερέπολιν‘
τῆς Ῥώμης ἀληθῶς κατὰ Πίνδαρον.
Ἔξεστι δ´ οὕτω θεωρεῖν. ἱερόν ἐστιν Ἀρετῆς ἐν Ῥώμῃ τιμώμενον,
ὃ Οὐιρτοῦτις αὐτοὶ καλοῦσιν, ἀλλ´ ὀψὲ καὶ μετὰ πολλοὺς
χρόνους ἱδρυθὲν ὑπὸ Μαρκέλλου τοῦ Συρακούσας ἑλόντος. ἔστι
δὲ καὶ Γνώμης, ἢ νὴ Δία Εὐβουλίας νεώς, ἣν Μέντεμ καλοῦσιν,
ἀλλὰ καὶ τοῦτο Σκαῦρος Αἰμίλιος περὶ τὰ Κιμβρικὰ τοῖς
χρόνοις γεγονὼς καθιέρωσεν, ἤδη τότε λόγων καὶ σοφισμάτων
καὶ στωμυλίας Ἑλληνικῆς εἰς τὴν πόλιν παρεισρυείσης. Σοφίας
δ´ ἔτι καὶ νῦν ἱερὸν οὐκ ἔχουσιν οὐδὲ Σωφροσύνης οὐδὲ
Καρτερίας οὐδὲ Μεγαλοψυχίας· ἀλλὰ τά γε τῆς Τύχης ἱερὰ
πάμπολλα καὶ παλαιὰ καὶ λαμπρὰ τιμαῖς πᾶσιν ὡς ἔπος εἰπεῖν
ἐνίδρυται καὶ καταμέμικται τοῖς ἐπιφανεστάτοις μέρεσι καὶ
τόποις τῆς πόλεως. καὶ τὸ μὲν τῆς Ἀνδρείας Τύχης ἱερὸν
ὑπὸ Μαρκίου Ἄγκου τοῦ τετάρτου βασιλέως ἱδρυθὲν καὶ ὀνομασθὲν
οὕτως, ὅτι πλεῖστον ἡ ἀνδρεία τύχης εἰς τὸ νικᾶν
μετέσχηκε, τὸ δὲ τῆς Γυναικείας αὖθις ὑπὸ τῶν γυναικῶν,
αἳ Μάρκιον Κοριόλανον ἀπέστρεψαν ἐπάγοντα τῇ Ῥώμη πολεμίους,
καθοσιωθὲν οὐδεὶς ἀγνοεῖ.
Σέρβιος δὲ Τύλλιος, ἀνὴρ τῶν βασιλέων μάλιστα καὶ
τὴν δύναμιν αὐξήσας τοῦ δήμου καὶ τὸ πολίτευμα κοσμήσας
καὶ τάξιν μὲν ἐπιθεὶς ταῖς ψηφοφορίαις τάξιν
δὲ ταῖς στρατείαις, τιμητὴς δὲ πρῶτος καὶ βίων ἐπίσκοπος
καὶ σωφρονιστὴς γενόμενος καὶ δοκῶν ἀνδρειότατος
εἶναι καὶ φρονιμώτατος, αὐτὸς ἑαυτὸν εἰς τὴν Τύχην
ἀνῆπτε καὶ ἀνεδεῖτο τὴν ἡγεμονίαν ἐξ ἐκείνης· ὥστε
καὶ συνεῖναι δοκεῖν αὐτῷ τὴν Τύχην διά τινος θυρίδος
καταβαίνουσαν εἰς τὸ δωμάτιον, ὃ νῦν Φενέστελλαν
πύλην καλοῦσιν. ἱδρύσατο δ´ οὖν Τύχης ἱερὸν ἐν μὲν
Καπετωλίῳ τὸ τῆς Πριμιγενείας λεγομένης, ὃ πρωτογόνου
τις ἂν ἑρμηνεύσειε· καὶ τὸ τῆς Ὀψεκουέντις,
ἣν οἱ μὲν πειθήνιον οἱ δὲ μειλίχιον εἶναι νομίζουσι.
μᾶλλον δὲ τὰς Ῥωμαϊκὰς ἐάσας ὀνομασίας Ἑλληνιστὶ
τὰς δυνάμεις τῶν ἱδρυμάτων πειράσομαι καταριθμήσασθαι.
καὶ γὰρ Ἰδίας Τύχης ἱερόν ἐστιν ἐν Παλατίῳ,
καὶ τὸ τῆς Ἰξευτρίας, εἰ καὶ γελοῖον, ἀλλ´ ἔχον ἐκ
μεταφορᾶς ἀναθεώρησιν, οἷον ἑλκούσης τὰ πόρρω καὶ
κρατούσης συμπροσισχόμενα. παρὰ δὲ τὴν Μουσκῶσαν
καλουμένην κρήνην ἔτι Παρθένου Τύχης ἱερόν ἐστιν,
ἐν δ´ Αἰσκυλίαις Ἐπιστρεφομένης· ἐν δὲ τῷ μακρῷ
στενωπῷ Τύχης βωμὸς Εὐέλπιδος· ἔστι δὲ καὶ παρὰ
τὸν τῆς Ἀφροδίτης Ἐπιταλαρίου βωμὸν Ἄρρενος Τύχης
ἕδος. ἄλλαι τε μυρίαι Τύχης τιμαὶ καὶ ἐπικλήσεις, ὧν
τὰς πλείστας Σερούιος κατέστησεν, εἰδὼς ὅτι ’μεγάλη
ῥοπὴ, μᾶλλον δ´ ὅλον ἡ Τύχη παρὰ πάντ´ ἐστὶ τὰ τῶν
ἀνθρώπων πράγματα‘, καὶ μάλιστά γ´ αὐτοῦ δι´ εὐτυχίαν
ἐξ αἰχμαλώτου καὶ πολεμίου γένους εἰς βασιλείαν
προαχθέντος. τοῦ γὰρ Κορνικλάνων ἄστεος ἁλόντος ὑπὸ
Ῥωμαίων Ὀκρησία παρθένος αἰχμάλωτος, ἧς οὔτε τὴν
ὄψιν οὔτε τὸν τρόπον ἠμαύρωσεν ἡ τύχη, δοθεῖσα Τανακυλλίδι
τῇ Ταρκυνίου γυναικὶ τοῦ βασιλέως ἐδούλευσε·
καὶ πελάτης τις εἶχεν αὐτήν, οὓς κλιέντης Ῥωμαῖοι
καλοῦσιν· ἐκ τούτων ἐγεγόνει Σερούιος. οἱ δ´ οὔ φασιν,
ἀλλὰ παρθένον τὴν Ὀκρησίαν ἀπάργματα καὶ λοιβὴν
ἑκάστοτε λαμβάνουσαν ἀπὸ τῆς βασιλικῆς τραπέζης ἐπὶ
τὴν ἑστίαν κομίζειν· καί ποτε τυχεῖν μὲν αὐτήν, ὥσπερ
εἰώθει, τῷ πυρὶ τὰς ἀπαρχὰς ἐπιβάλλουσαν, αἰφνίδιον δὲ
τῆς φλογὸς μαρανθείσης μόριον ἀνδρὸς ἀνατεῖλαι γόνιμον
ἐκ τῆς ἑστίας, καὶ τοῦτο τὴν κόρην τῇ Τανακυλλίδι
φράσαι μόνῃ περίφοβον γενομένην. τὴν δὲ συνετὴν
οὖσαν καὶ φρενήρη κοσμῆσαί τε τὴν κόρην ὅσα νύμφαις
πρέπει καὶ συγκαθεῖρξαι τῷ φάσματι, θεῖον ἡγουμένην.
οἱ μὲν ἥρωος οἰκουροῦ λέγουσιν, οἱ δ´ Ἡφαίστου τὸν
ἔρωτα τοῦτον γενέσθαι. τίκτεται δ´ οὖν Σερούιος, καὶ
βρέφους ὄντος ἡ κεφαλὴ σέλας ἀστραπῇ παραπλήσιον
ἀπήστραψεν. οἱ δὲ περὶ Ἀντίαν οὐχ οὕτω λέγουσιν,
ἀλλὰ τυχεῖν μὲν τῷ Σερουίῳ τὴν γυναῖκα Γεγανίαν
θνήσκουσαν, αὐτὸν δὲ τῆς μητρὸς παρούσης εἰς ὕπνον
ἐκ δυσθυμίας καὶ λύπης ἀποκλιθῆναι· καὶ καθεύδοντος
αὐτοῦ ταῖς γυναιξὶν ὀφθῆναι τὸ πρόσωπον αὐγῇ πυρώδει
περιλαμπόμενον· ὅπερ ἦν μαρτύριον αὐτῷ τῆς ἐκ πυρὸς
γενέσεως, σημεῖον δὲ χρηστὸν ἐπὶ τὴν ἀπροσδόκητον
ἡγεμονίαν, ἧς ἔτυχε μετὰ τὴν Ταρκυνίου τελευτήν,
Τανακυλλίδος σπουδασάσης. ἐπεὶ πάντων γε τῶν βασιλέων
πρὸς μοναρχίαν οὗτος ἀφυέστατος δοκεῖ γενέσθαι
καὶ ἀπροθυμότατος, ὅς γε τὴν βασιλείαν ἀποθέσθαι
διανοηθεὶς ἐκωλύθη· τελευτῶσα γὰρ ὡς ἔοικεν ἐξώρκωσε
τοῦτον ἐμμεῖναι τῇ ἀρχῇ καὶ μὴ προέσθαι τὴν πάτριον
Ῥωμαίων πολιτείαν. οὕτως ἡ Σερουίου βασιλεία παντάπασι
τῆς Τύχης, ἣν ἔλαβέ τε μὴ προσδοκήσας καὶ μὴ
βουλόμενος διεφύλαξεν.
| [10] La Fortune fut pareillement honorée par les successeurs
de ce prince, comme la première de la Ville, comme
sa nourrice, comme « la portant véritablement entre ses
mains », selon l'expression de Pindare. Il est facile de reconnaître
cette persistance de culte. Rome possède un temple
consacré à la Vertu; mais ce ne fut que tard et longtemps
après la fondation de la Ville, qu'il fut érigé par Marcellus,
le vainqueur de Syracuse. On voit aussi un temple de l'Intelligence,
ou du Bon Conseil, en latin "Mens" : ce fut Emilius
Scaurus qui le dédia, du temps des guerres Cimbriques,
lorsque l'art de la parole, du sophisme et de la déclamation
eut passé de la Grèce dans Rome. Mais les Romains n'ont
pas, même encore aujourd'hui, de temple consacré au Talent,
à la Prudence, à la Résignation, à la Magnanimité.
La Fortune, au contraire, compte des temples innombrables,
aussi anciens que splendides, construits et pour ainsi
dire prodigués pêle-mêle dans les quartiers et dans les endroits
les plus apparents de la Ville. Ici, c'est le temple de
la Fortune Valeureuse, bâti par le quatrième roi de Rome,
Ancus Martius, qui l'appela ainsi, parce que la valeur seconde
puissamment la Fortune dans les victoires. Là, c'est
le temple de la Fortune Féminine, consacré, comme personne
ne l'ignore, à cause des dames romaines qui éloignèrent
Coriolan et avec lui l'armée des Volsques. Vint
Servius Tullius, celui des rois de Rome qui contribua le
plus à augmenter la puissance du peuple et à lui donner
une bonne administration. Ce fut lui qui introduisit l'ordre
dans la manière de porter les suffrages et dans l'organisation
de l'armée. Il fut le premier censeur, et se constitua
l'inspecteur de la conduite et de la moralité des citoyens.
Bien qu'il fût reconnu pour être doué d'un courage et d'une
prudence incomparables, il n'en rattachait pas moins tous
ses actes à la Fortune, et déclarait tenir d'elle le pouvoir
dont il était revêtu. C'est au point que l'on crut qu'elle entretenait
commerce avec lui, et qu'elle pénétrait dans ses
appartements par une certaine fenêtre, qu'on appelle aujourd'hui
porte Fénestelle. Eh bien, Servius éleva sur le
Capitole un temple à la Fortune dite Primigenia, c'est-à-dire
a "Première née" ; il en éleva un autre à la Fortune
Obsequens, c'est-à-dire selon les uns à la "Fortune Obéissante",
selon les autres à la Fortune Mielleuse dans son
parler. Mais j'aime mieux abandonner les désignations
latines, et je vais essayer de faire le dénombrement des
titres donnés à ces diverses fondations. Ainsi, sur le mont
Palatin il y a le temple de la Fortune Idia, de la Fortune
Ixeutrie; ce dernier surnom, bien que risible, est appliqué
métaphoriquement, pour faire voir que la Fortune attire à
elle de loin les objets et les retient quand elle s'y est attachée.
Près de la fontaine appelée Mousseuse on montre le
temple de la Fortune Parthénie. Dans le quartier des Esquilies
est celui de la Fortune Epistréphomène ; dans la rue
longue, celui de la Fortune Evelpis ; enfin près de l'autel de
Vénus Epitalarie s'élève celui de la Fortune Arrhen. La
Déesse est encore l'objet de plusieurs autres hommages, et
reçoit plusieurs autres surnoms, qui se rattachent en grande
partie à l'établissement qu'en a fait Servius. Ce prince savait
que la Fortune exerce une grande influence, ou pour mieux
dire, qu'elle est tout dans les affaires de ce monde. Il le
savait principalement par ses propres aventures, lui qui, de
prisonnier de guerre et d'ennemi, avait eu le bonheur de
parvenir à la condition de souverain. En effet, à la prise de
Corniculum par les Romains, une jeune captive nommée
Ocrésia, de qui le malheur n'avait effacé ni les grâces extérieures
ni les vertus, fut présentée à Tanaquil, femme du roi
Tarquin, et elle devint esclave de la princesse. Elle épousa
un des gens de service, un client, comme disent les Romains;
et de leur mariage naquit Servius. D'autres contestent ces
faits. Selon eux, la jeune Ocrésia recevait chaque fois des
prémices et des libations de la table royale, pour les porter
sur l'autel de Vesta. Un jour que, selon la coutume, elle
jetait ces offrandes dans le brasier, le feu s'obscurcit tout à
coup, et du milieu des flammes se dressa un membre viril.
La jeune vierge, tout effrayée, dit à Tanaquil seule ce qu'elle
avait vu. Mais cette princesse, qui avait beaucoup de sagacité
et de pénétration, fit revêtir à Ocrésia les parures d'une
jeune mariée, et elle la renferma avec l'objet apparu, pensant
que c'était une vision divine. Cet amoureux était, selon
les uns, le demi-dieu protecteur du foyer; selon les autres
c'était Vulcain, et de leur union naquit Servius. On ajoute
que quand il était petit enfant, une flamme semblable à un
éclair illumina sa tête. Antius ne raconte pas ainsi les choses.
Selon lui, Servius se trouvait avoir perdu Gétania, sa femme.
Il tomba, sa mère étant présente, dans un profond sommeil
à la suite du découragement et du chagrin qu'il avait ressenti.
Pendant qu'il dormait, les femmes qui étaient là virent
son visage tout étincelant de lumière. Ce prodige fit croire
que Servius avait été engendré par le feu ; et l'on y vit un
bon augure, annonçant le pouvoir inespéré dont, après la
mort de Tarquin, il fut revêtu, grâce à l'active intervention
de Tanaquil. On dit que de tous les rois de Rome, ce fut le
moins propre et le moins zélé à conserver entre ses mains
le pouvoir monarchique. Il songeait même à déposer la
royauté, mais Tanaquil l'en empêcha; et, en mourant, elle
lui fit, à ce qu'il paraît, promettre par serment qu'il persisterait
à garder le trône et qu'il ne changerait pas l'ancienne
constitution des Romains. Ainsi Servius fut bien
complétement roi par le fait de la Fortune, puisqu'il le devint
contre toute attente, et qu'il le resta malgré lui.
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