[11] Ἀλλ´ ἵνα μὴ δοκῶμεν ὥσπερ εἰς τόπον ἀμαυρὸν
τὸν παλαιὸν χρόνον ἐκ τῶν λαμπρῶν καὶ ἐναργῶν
τεκμηρίων φεύγειν καὶ ὑποχωρεῖν, φέρε τοὺς βασιλεῖς
ἐάσαντες ἐπὶ τὰς γνωριμωτάτας πράξεις καὶ τοὺς ἐπιφανεστάτους
πολέμους τὸν λόγον μεταγάγωμεν. οἷς πολλὴν
τόλμαν καὶ ἀνδρείαν ’αἰδῶ τε συνεργὸν ἀρετᾶς
δοριμάχου‘, ὥς φησι Τιμόθεος,
τίς οὐκ ἂν ὁμολογήσειεν; ἡ δ´ εὔροια τῶν πραγμάτων
καὶ τὸ ῥόθιον τῆς εἰς τοσαύτην δύναμιν καὶ αὔξησιν
ὁρμῆς οὐ χερσὶν ἀνθρώπων οὐδὲ βουλαῖς προχωροῦσαν
ἡγεμονίαν, θείᾳ δὲ πομπῇ καὶ πνεύματι Τύχης ἐπιταχυνομένην
ἐπιδείκνυται τοῖς ὀρθῶς λογιζομένοις. τρόπαια
τροπαίοις ἐπανίσταται καὶ θριάμβοι θριάμβοις
ἀπαντῶσι καὶ τὸ πρῶτον αἷμα τῶν ὅπλων ἔτι θερμὸν
ἀποκλύζεται τῷ δευτέρῳ καταλαμβανόμενον. τὰς δὲ
νίκας ἀριθμοῦσιν οὐ νεκρῶν πλήθει καὶ λαφύρων, ἀλλὰ
βασιλείαις αἰχμαλώτοις καὶ δεδουλωμένοις ἔθνεσι καὶ
νήσοις καὶ ἠπείροις προσοριζομέναις τῷ μεγέθει τῆς
ἡγεμονίας. μιᾷ μάχῃ Φίλιππος ἀπέβαλε Μακεδονίαν,
μιᾷ πληγῇ παρεχώρησεν Ἀντίοχος Ἀσίας, ἅπαξ Καρχηδόνιοι
σφαλέντες ἀπώλεσαν Λιβύην. εἷς ἀνὴρ μιᾶς
ὁρμῇ στρατιᾶς Ἀρμενίαν προσεκτήσατο Πόντον Εὔξεινον
Συρίαν Ἀραβίαν Ἀλβανοὺς Ἴβηρας τὰ μέχρι Καυκάσου
καὶ Ὑρκανῶν· καὶ τρὶς αὐτὸν ὁ περιρρέων τὴν οἰκουμένην
Ὠκεανὸς εἶδε νικῶντα. Νομάδας μὲν ἐν Λιβύῃ
μέχρι τῶν μεσημβρινῶν ἀνέκοψεν ἠιόνων, Ἰβηρίαν δὲ
Σερτωρίῳ συννοσήσασαν ἄχρι τῆς Ἀτλαντικῆς κατεστρέψατο
θαλάσσης· τοὺς δ´ Ἀλβανῶν βασιλεῖς διωκομένους
περὶ τὸ Κάσπιον πέλαγος ἔστησε. ταῦτα πάντα κατώρθωσε
δημοσίᾳ τύχῃ χρώμενος, εἶθ´ ὑπὸ τῆς ἰδίας ἀνετράπη
μοίρας. ὁ δὲ Ῥωμαίων μέγας δαίμων οὐκ ἐφήμερος
πνεύσας οὐδὲ καιρὸν ἀκμάσας βραχὺν ὡς ὁ Μακεδόνων,
οὐδὲ χερσαῖος μόνον ὡς ὁ Λακώνων οὐδ´ ἐνάλιος ὡς ὁ
Ἀθηναίων οὐδ´ ὀψὲ κινηθεὶς ὡς ὁ Περσῶν οὐδὲ ταχὺ
παυσάμενος ὡς ὁ Κολοφωνίων, ἀλλ´ ἄνωθεν ἐκ πρώτων
γενέσεων τῇ πόλει συνηβήσας καὶ συναυξηθεὶς καὶ
συμπολιτευσάμενος καὶ παραμείνας βέβαιος ἐν γῇ καὶ
θαλάσσῃ καὶ πολέμοις καὶ εἰρήνῃ καὶ πρὸς βαρβάρους
καὶ πρὸς Ἕλληνας. οὗτος Ἀννίβαν τὸν Καρχηδόνιον,
φθόνῳ καὶ ταῖς πολιτικαῖς ἔχθραις μηδενὸς οἴκοθεν
ἐπιρρέοντος ὥσπερ χείμαρρον ἐξέχεε καὶ κατανάλωσε
περὶ τὴν Ἰταλίαν. οὗτος τὸ Κίμβρων καὶ τὸ Τευτόνων
στράτευμα μεγάλοις διαστήμασι τόπων καὶ χρόνων ἐχώρισε
καὶ διέσπασεν, ἵν´ ἀρκέσῃ Μάριος ἑκατέροις ἀνὰ
μέρος μαχόμενος, καὶ μὴ συμπεσοῦσαι τριάκοντα μυριάδες
ἀνδρῶν ἀηττήτων καὶ ἀμάχων ὅπλων ὁμοῦ
κατακλύσωσι τὴν Ἰταλίαν. διὰ τοῦτον Ἀντίοχος μὲν
ἠσχολεῖτο, πολεμουμένου Φιλίππου, Φίλιππος δέ, κινδυνεύοντος
Ἀντιόχου, προηττημένος ἔπτηττε· Μιθριδάτην
δέ, τοῦ Μαρσικοῦ πολέμου τὴν Ῥώμην ἐπιφλέγοντος,
οἱ Σαρματικοὶ καὶ Βασταρνικοὶ πόλεμοι κατεῖχον·
Τιγράνην δὲ Μιθριδάτου λαμπροῦ μὲν ὄντος ὑπόνοια
καὶ φθόνος ἐχώριζεν, ἡττωμένῳ δ´ ἀνέμιξεν ἑαυτὸν
συναπολέσθαι.
| [11] Mais afin que l'on ne nous accuse pas de nous réfugier
dans les temps antiques, comme dans un lieu plein de
ténèbres, pour reculer devant des témoignages dont la clarté
et l'évidence est incontestable; eh bien ! laissons de côté
l'époque des rois, et transportons notre discours sur les
faits les plus connus, sur les expéditions les plus fameuses.
Sans doute la guerre exige beaucoup d'audace et de courage :
il faut qu'à la valeur des combats, comme dit Timothée,
s'associe le respect de soi-même. Qui n'en conviendrait?
Mais pourtant un si heureux concours de circonstances,
la possession, si rapidement acquise, du pouvoir le plus
vaste et le plus étendu, en un mot une telle suprématie,
tout cela n'est pas dû à des mains et à des efforts d'hommes.
Il y a l'a une influence divine et un vent de rapide Fortune :
c'est chose évidente pour quiconque raisonne sainement.
Les trophées s'accumulent sur les trophées, les triomphes
succèdent aux triomphes; le sang qui teint les armes une
première fois n'est pas encore refroidi, qu'il est lavé dans les
flots d'un second. Les victoires se comptent moins par le
nombre des morts et des dépouilles que par celui des royautés
conquises, des peuples subjugués, que par celui des îles et
des continents qui viennent s'ajouter à la grandeur de l'Empire.
En une seule bataille la Macédoine a perdu Philippe;
un seul coup a chassé Antiochus de l'Asie ; un seul revers a
enlevé l'Afrique aux Carthaginois; un seul homme, avec
l'élan d'une seule armée, a réuni à son empire l'Arménie,
le Pont-Euxin, la Syrie, l'Arabie, l'Albanie, l'Ibérie et les
régions qui s'étendent jusqu'à l'Hyrcanie et au Caucase ;
l'Océan, qui sert de ceinture au monde, a vu trois fois ce
même héros couronné par la victoire. En Afrique, il a repoussé
les Numides jusqu'aux contrées du Midi ; en Espagne,
où la défection de Sertorius avait causé tant de désordres,
il a porté les ravages jusqu'à l'Atlantique; en Albanie
il a forcé les rois qu'il poursuivait à s'arrêter sur les bords
de la mer Caspienne. Tous ces exploits, il les réalisa parce
qu'il était secondé de la Fortune publique. Mais depuis, il a
été abattu par sa destinée personnelle. Néanmoins, le Génie
puissant de Rome n'a pas eu le souffle éphémère ou la jeunesse
rapide de celui de Macédoine. Son pouvoir ne s'est pas
borné au continent, comme le Génie tutélaire de Lacédémone ;
à la mer, comme celui d'Athènes. Il ne s'est pas mis
tard en mouvement, comme celui des Perses; il n'a pas
cessé promptement, comme celui des Colophoniens. Tout
d'abord et dès la naissance de Rome, la vigueur de ce Génie
s'est déployée en raison des accroissements que prenaient
et le territoire et la politique. Il s'est maintenu solidement
sur terre et sur mer, en guerre comme en paix, contre les
Barbares aussi bien que contre les Grecs. Grâce à lui, des
haines et des rivalités politiques empêchèrent qu'Annibal
ne reçût de Carthage aucun renfort, et ce torrent dévastateur,
après s'être débordé en Italie, finit par n'y plus laisser
de traces. C'est ce Génie qui distança, qui sépara par de
grands intervalles de temps et de lieux l'armée des Cimbres
et celle des Teutons. Ainsi Marius put suffire à combattre
tour à tour les uns et les autres; et ces trois cent mille hommes
aguerris et jusque-là invincibles qui tombaient ensemble
sur l'Italie, ne la submergèrent pas sous le déluge de
leurs armes. C'est ce Génie des Romains qui suscita tant
d'occupation à Antiochuse, lorsqu'ils étaient en guerre avec
Philippe, et qui fit succomber ce dernier dans une défaite
lorsqu'Antiochus tentait les hasards d'une expédition.
Quand la révolte des Marses embrasa Rome, les guerres
contre les Sarmates et les Bastarnes occupaient Mithridate.
Lorsque ce prince était dans tout l'éclat de sa puissance, la
jalousie et les soupçons détachèrent Tigrane de son parti;
et après la défaite de Mithridate, il ne joignit sa fortune à
celle du roi de Pont que pour périr avec lui.
|