[6] Περὶ δὲ Γαΐου Καίσαρος ᾐδέσθην ἂν εἰπεῖν, ὡς
ὑπ´ εὐτυχίας ἤρθη μέγιστος, εἰ μὴ τοῦτ´ αὐτὸς ἐμαρτύρησεν.
ἐπεὶ γὰρ ἀπὸ Βρεντεσίου Πομπήιον διώκων
ἀνήχθη πρὸ μιᾶς ἡμέρας νωνῶν Ἰανουαρίων, χειμῶνος
ἐν τροπαῖς ὄντος, τὸ μὲν πέλαγος ἀσφαλῶς διεπέρασε,
τῆς Τύχης τὸν καιρὸν ὑπερθεμένης· εὑρὼν δὲ τὸν
Πομπήιον ἄθρουν καὶ πολὺν μὲν ἐν γῇ πολὺν δ´ ἐν
θαλάσσῃ μετὰ πασῶν ἅμα τῶν δυνάμεων καθεζόμενον
αὐτὸς ὀλιγοστὸς ὢν τῆς μετ´ Ἀντωνίου καὶ Σαβίνου
στρατιᾶς αὐτῷ βραδυνούσης, ἐτόλμησεν εἰς ἀκάτιον
μικρὸν ἐμβὰς καὶ λαθὼν τόν τε ναύκληρον καὶ τὸν
κυβερνήτην ὥς τινος θεράπων ἀναχθῆναι. σκληρᾶς δὲ
πρὸς τὸ ῥεῦμα τοῦ ποταμοῦ γενομένης ἀντιβάσεως καὶ
κλύδωνος ἰσχυροῦ, μεταβαλλόμενον ὁρῶν τὸν κυβερνήτην
ἀφεῖλεν ἀπὸ τῆς κεφαλῆς τὸ ἱμάτιον καὶ ἀναδείξας
ἑαυτόν ’ἴθι‘ ἔφη ’γενναῖε, τόλμα καὶ δέδιθι μηδέν,
ἀλλ´ ἐπιδίδου τῇ Τύχῃ τὰ ἱστία καὶ δέχου τὸ πνεῦμα,
πιστεύων ὅτι Καίσαρα φέρεις καὶ τὴν Καίσαρος Τύχην.‘
οὕτως ἐπέπειστο τὴν Τύχην αὐτῷ συμπλεῖν, συναποδημεῖν,
συστρατεύεσθαι, συστρατηγεῖν· ἧς ἔργον ἦν γαλήνην
μὲν ἐπιτάξαι θαλάσσῃ, θέρος δὲ χειμῶνι, τάχος
δὲ τοῖς βραδυτάτοις, ἀλκὴν δὲ τοῖς ἀθυμοτάτοις· τὸ δὲ
τούτων ἀπιστότερον, φυγὴν Πομπηίῳ καὶ Πτολεμαίῳ
ξενοκτονίαν, ἵνα καὶ Πομπήιος πέσῃ καὶ Καῖσαρ μὴ μιανθῇ.
| [6] Du reste, je n'aurais pas osé dire de Caïus César que
c'est la chance heureuse qui le fit grand, s'il ne l'avait
personnellement déclaré. Il était parti du port de Brindes à la
poursuite de Pompée, la veille des nones de Janvier. L'hiver
touchait à sa fin; la traversée était périlleuse, mais il l'exécuta
sans aucun malheur, parce que la Fortune recula pour lui le
mauvais temps. Il trouva Pompée commandant à des forces
considérables, les unes sur terre, les autres sur mer, et
parfaitement campé avec toutes ses troupes réunies. Lui, au
contraire, n'avait que peu d'hommes : l'armée qu'il attendait
d'Antoine et de Sabinus tardait à venir. Il n'hésite pas.
Il monte à bord d'un petit navire marchand, sans se faire
reconnaître du patron et du pilote, et comme s'il partait en
qualité de serviteur de quelque passager. A l'embouchure
du fleuve la violence des vagues s'oppose à la navigation, et
il voit que le pilote retourne en arrière. Alors il écarte le
manteau qui lui couvrait la tête, et se faisant reconnaître :
« Va, dit-il, mon brave, aie bon courage, ne crains rien :
livre ta voile à la Fortune, et prends le vent avec confiance,
parce que tu portes César et la Fortune de César. » Tant il
était persuadé que la Fortune voguait avec lui de conserve,
qu'elle l'accompagnait dans ses voyages en pays étranger,
dans ses expéditions, à la tête de ses troupes, que c'était elle
qui prenait le soin d'établir le calme sur la mer, de changer
l'hiver en l'été, de donner de la célérité aux plus lents, du
courage aux plus désespérés, et, chose plus invraisemblable,
que c'était elle qui se chargeait de jeter Pompée sur une
terre d'exil, de l'y faire assassiner par Ptolémée, de façon 'a
ce que le rival de César tombât sans que celui-ci fût souillé !
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