[5] Ἆρ´ οὖν ταύτην τις ἀρχὴν ποιησάμενος οἰκείαν
ὑπὲρ τῆς Τύχης ἐπάγοιτ´ ἂν μάρτυρας αὐτοὺς Ῥωμαίους,
ὡς τῇ Τύχῃ πλέον ἢ τῇ Ἀρετῇ νέμοντας; Ἀρετῆς μέν
γε παρ´ αὐτοῖς ὀψὲ καὶ μετὰ πολλοὺς χρόνους ἱερὸν
ἱδρύσατο Σκιπίων ὁ Νομαντῖνος, εἶτα Μάριος τὸ Οὐιρτοῦτίς
τε καὶ Ὀνῶρις προσαγορευόμενον· καὶ τὸ τῆς
Μέντις καλουμένης (Γνώμης ἂν νομίζοιτο) Σκαῦρος
Αἰμίλιος, περὶ τὰ Κιμβρικὰ τοῖς χρόνοις γεγονώς· ἤδη
τότε λόγων καὶ σοφιςμάτων καὶ στωμυλίας παρεισρυείσης
εἰς τὴν πόλιν ἤρχοντο σεμνύνειν τὰ τοιαῦτα. Σοφίας
δὲ μέχρι καὶ νῦν ἱερὸν οὐκ ἔστιν οὐδὲ Σωφροσύνης ἢ
Μεγαλοψυχίας ἢ Καρτερίας ἢ Ἐγκρατείας· ἀλλὰ τά γε
τῆς Τύχης ἱερὰ λαμπρὰ καὶ παλαιὰ καὶ ὁμοῦ τι τοῖς
πρώτοις καταμεμιγμένα τῆς πόλεως θεμελίοις γέγονε.
πρῶτος μὲν γὰρ ἱδρύσατο Τύχης ἱερὸν Μάρκιος
Ἄγκος, ὁ Νομᾶ θυγατριδοῦς καὶ τέταρτος ἀπὸ Ῥωμύλου
βασιλεὺς γενόμενος· καὶ τάχα που τῇ τύχῃ τὴν Ἀνδρείαν
παρωνόμασεν, ᾗ πλεῖστον εἰς τὸ νικᾶν τύχης μέτεστι.
τὸ δὲ τῆς Γυναικείας Τύχης κατεσκευάσαντο πρὸ
Καμίλλου, ὅτε Μάρκιον Κοριόλανον ἐπάγοντα τῇ πόλει
Οὐολούσκους ἀπεστρέψαντο διὰ τῶν γυναικῶν. πρεσβευσάμεναι
γὰρ αὗται πρὸς τὸν ἄνδρα μετὰ τῆς μητρὸς
αὐτοῦ καὶ τῆς γυναικὸς ἐξελιπάρησαν καὶ κατειργάσαντο
φείσασθαι τῆς πόλεως καὶ τὴν στρατιὰν τῶν
βαρβάρων ἀπαγαγεῖν. τότε λέγεται τὸ ἄγαλμα τῆς
Τύχης ἅμα τῷ καθιερωθῆναι φωνὴν ἀφεῖναι καὶ εἰπεῖν
’ὁσίως με πόλεως νόμῳ, γυναῖκες ἀσταί, καθιδρύσασθε‘.
καὶ μὴν καὶ Φούριος Κάμιλλος, ὅτε τὸ Κελτικὸν ἔσβεσε
πῦρ καὶ τὴν Ῥώμην ἀντίρροπον χρυσῷ κεκλιμένην ἀπὸ
τοῦ ζυγοῦ καὶ τῆς πλάστιγγος καθεῖλεν, οὔτ´ Εὐβουλίας
οὔτ´ Ἀνδρείας, ἀλλὰ Φήμης ἱδρύσατο καὶ Κληδόνος ἕδη
παρὰ τὴν Καινὴν ὁδόν, ὅπου φασὶ πρὸ τοῦ πολέμου
Μάρκῳ Καιδικίῳ βαδίζοντι νύκτωρ φωνὴν γενέσθαι
κελεύουσαν ὀλίγῳ χρόνῳ Γαλατικὸν πόλεμον προσδέχεσθαι.
τὴν δὲ πρὸς τῷ ποταμῷ Τύχην ’φόρτιν‘
καλοῦσιν (ὅπερ ἐστὶν ἰσχυρὰν ἢ ἀριστευτικὴν ἢ ἀνδρείαν),
ὡς τὸ νικητικὸν ἁπάντων κράτος ἔχουσαν.
καὶ τόν γε ναὸν αὐτῆς ἐν τοῖς ὑπὸ Καίσαρος τῷ δήμῳ
καταλειφθεῖσι κήποις ᾠκοδόμησαν, ἡγούμενοι κἀκεῖνον
εὐτυχίᾳ γενέσθαι μέγιστον, ὡς αὐτὸς ἐμαρτύρησε.
| [5] Si donc l'on voulait commencer par un exorde s'adaptant
très bien à la cause, ne pourrait-on pas en faveur de la
Fortune, produire, à titre de témoignages, les Romains
eux-mêmes, comme lui attribuant leurs succès plus qu'à la
Vertu? Car à cette dernière, ce ne fut que tard et après une
longue série d'années qu'un temple fut bâti par Scipion le
Numantin, et ensuite par Marcellus, qui appela le sien
Temple de la Vertu et de l'Honneur. Un autre fut consacré
à la déesse Mens par Emilius Scaurus, qui vivait du temps
des guerres cimbriques. Comme déjà les rhéteurs avaient
pénétré dans Rome avec leurs harangues et leurs périodes,
on commençait à rendre hommage au genre de mérite par
eux préconisé; mais jusqu'ici l'on n'a pas encore élevé
d'autels au Talent, à la Sagesse, à la Patience, à la Magnanimité
ou à la Résignation. Les temples de la Fortune
au contraire sont aussi brillants qu'ils sont anciens, et l'époque
de leur fondation se confond presque avec celle des
monuments primitifs de la ville de Rome. Qui, en effet,
éleva le premier un temple à la Fortune ? Ce fut Ancus
Marcius, le petit-fils de Numa, le quatrième roi depuis
Romulus; et il lui donna le surnom de "Valeureuse", peut-être
parce que la valeur contribue plus que quoi que ce
soit aux victoires remportées. Avant Camille on avait élevé
un temple à la Fortune Féminine : c'était lorsque Marcius
Coriolan, qui menait contre Rome une armée de Volsques,
fut détourné par les dames romaines. On sait qu'elles
étaient venues en députation avec sa mère et sa femme, et que
leurs supplications le déterminèrent à épargner la ville et à
remmener son armée de Barbares. A cette époque, dit-on,
au moment où se consacrait le temple, la statue de la Fortune
parla et fit entendre ces mots : « C'est une oeuvre
sainte que vous accomplissez, ô femmes de la ville, en m'élevant
une statue afin d'obéir à une loi de Rome.» Pour ce
qui est de Camille, quand il eut éteint l'incendie gaulois,
quand il eut sauvé des affronts de la balance et du plateau
sa patrie, à laquelle on donnait de l'or pour contre-poids, ce
ne fut ni à la Fortune Prudence, ni à la Fortune Valeur que
ce dictateur consacra un temple, ce fut à la Fortune Renommée,
à la Fortune Présage et il le bâtit près de la
Voie Neuve, à l'endroit où Marcus Cédécius, avant qu'il fût
question de guerre, avait entendu, en marchant la nuit,
une voix qui lui disait de s'attendre dans peu de temps à
une guerre de Gaulois. Il y a près du Tibre une autre Fortune,
qu'on appelle Fortis, c'est-à-dire la Forte, ou la plus
Vaillante, ou la Courageuse, par allusion au pouvoir vainqueur
qu'elle exerce sur toutes choses. C'est dans les jardins
légués au peuple par César qu'on a bâti le temple de
cette dernière Fortune, attendu que César est réputé un de
ceux qui lui doivent la plus grande part de leurs succès; et
lui-même en a rendu le témoignage.
|