[4] Τῆς δὲ Τύχης ὀξὺ μὲν τὸ κίνημα καὶ θρασὺ τὸ
φρόνημα καὶ μεγάλαυχον ἡ ἐλπίς, φθάνουσα δὲ τὴν
Ἀρετὴν ἐγγύς ἐστιν, οὐ ’πτεροῖς ἐλαφρίζουσα κούφοις
ἑαυτὴν‘ οὐδ´ ’ἀκρώνυχον ὑπὲρ σφαίρας‘ τινὸς ’ἴχνος
καθεῖσα‘ περισφαλὴς καὶ ἀμφίβολος πρόσεισιν, εἶτ´
ἄπεισιν ἀειδής· ἀλλ´ ὥσπερ οἱ Σπαρτιᾶται τὴν Ἀφροδίτην
λέγουσι διαβαίνουσαν τὸν Εὐρώταν τὰ μὲν ἔσοπτρα
καὶ τοὺς χλιδῶνας καὶ τὸν κεστὸν ἀποθέσθαι, δόρυ δὲ
καὶ ἀσπίδα λαβεῖν κοσμουμένην τῷ Λυκούργῳ· οὕτως
ἡ Τύχη καταλιποῦσα Πέρσας καὶ Ἀσσυρίους Μακεδονίαν
μὲν ἐλαφρὰ διέπτη καὶ ἀπεσείσατο ταχέως Ἀλέξανδρον,
καὶ δι´ Αἰγύπτου καὶ Συρίας περιφέρουσα βασιλείας
διώδευσε, καὶ Καρχηδονίους στρεφομένη πολλάκις
ἐβάστασε· τῷ δὲ Παλατίῳ προσερχομένη καὶ διαβαίνουσα
τὸν Θύμβριν ὡς ἔοικεν ἀπέθηκε τὰς πτέρυγας,
ἐξέβη τῶν πεδίλων, ἀπέλιπε τὴν ἄπιστον καὶ
παλίμβολον σφαῖραν. οὕτως εἰσῆλθεν εἰς Ῥώμην ὡς
μενοῦσα καὶ τοιαύτη πάρεστιν {ὡς} ἐπὶ τὴν δίκην. οὐ
μὲν γὰρ ’ἀπειθὴς‘ κατὰ Πίνδαρον οὐδὲ
’δίδυμον στρέφουσα πηδάλιον‘, ἀλλὰ μᾶλλον ’Εὐνομίας
καὶ Πειθοῦς ἀδελφὰ καὶ Προμαθείας θυγάτηρ‘ ὡς
γενεαλογεῖ Ἀλκμάν. τὸ δ´ ὑμνούμενον
ἐκεῖνο τοῦ πλούτου κέρας ἔχει διὰ χειρός,
οὐκ ὀπώρας ἀεὶ θαλλούσης μεστόν, ἀλλ´ ὅσα φέρει
πᾶσα γῆ πᾶσα δὲ θάλασσα καὶ ποταμοὶ καὶ μέταλλα
καὶ λιμένες, ἄφθονα καὶ ῥύδην ἐπιχεαμένη. λαμπροὶ
δὲ καὶ διαπρεπεῖς ἄνδρες οὐκ ὀλίγοι μετ´ αὐτῆς ὁρῶνται,
Πομπίλιος Νομᾶς ἐκ Σαβίνων καὶ Πρῖσκος ἐκ Ταρκυνίων,
οὓς ἐπήλυδας βασιλεῖς καὶ ξένους ἐνιδρύσατο τοῖς
Ῥωμύλου θρόνοις· καὶ Παῦλος Αἰμίλιος ἀπὸ Περσέως
καὶ Μακεδόνων ἄτρωτον στρατὸν ἄγων καὶ νίκην
ἄδακρυν θριαμβεύων μεγαλύνει τὴν Τύχην· μεγαλύνει
δὲ καὶ Κεκίλιος Μέτελλος ὁ Μακεδονικός, γέρων ὑπὸ
τεσσάρων παίδων ὑπατικῶν ἐκκομιζόμενος, Κοΐντου
Βαλεαρικοῦ καὶ Λευκίου Διαδημάτα καὶ Μάρκου Μετέλλου
καὶ Γαΐου Καπραρίου, καὶ δυεῖν γαμβρῶν ὑπατικῶν
καὶ θυγατριδῶν κοσμουμένων ἐπιφανέσιν ἀριστείαις καὶ
πολιτείαις. Αἰμίλιος δὲ Σκαῦρος ἐκ ταπεινοῦ βίου καὶ
ταπεινοτέρου γένους καινὸς ἄνθρωπος ἀρθεὶς ὑπ´ αὐτῆς
προγράφεται τοῦ μεγάλου συνεδρίου. Κορνήλιον δὲ
Σύλλαν ἐκ τῶν Νικοπόλεως τῆς ἑταίρας ἀναλαβοῦσα
καὶ βαστάσασα κόλπων ὑψηλότερον τῶν Κιμβρικῶν
Μαρίου θριάμβων καὶ τῶν ἑπτὰ ὑπατειῶν ἐπιτίθησι
μοναρχίαις καὶ δικτατωρίαις. ἄντικρυς οὗτος τῇ Τύχῃ
μετὰ τῶν πράξεων ἑαυτὸν εἰσεποίει, βοῶν κατὰ τὸν
Οἰδίποδα τὸν Σοφοκλέους
’ἐγὼ δ´ ἐμαυτὸν παῖδα τῆς Τύχης νέμω.‘
καὶ Ῥωμαϊστὶ μὲν Φήλιξ ὠνομάζετο, τοῖς δ´ Ἕλλησιν
οὕτως ἔγραφε ’Λούκιος Κορνήλιος Σύλλας Ἐπαφρόδιτος.‘
καὶ τὰ παρ´ ἡμῖν ἐν Χαιρωνείᾳ τρόπαια κατὰ τῶν
Μιθριδατικῶν οὕτως ἐπιγέγραπται, καὶ εἰκότως· ’πλεῖστον
γὰρ Ἀφροδίτης‘ οὐ ’νύξ‘ κατὰ Μένανδρον, ἀλλὰ τύχη μετέσχηκεν.
| [4] Pour la Fortune, ses mouvements sont précipités.
Téméraire dans ses projets, présomptueuse dans ses espérances,
elle prend les devants sur la Vertu, et s'approche
du tribunal. Vous ne la verrez pas se soulever d'une aile
légère, poser le bout du pied sur une sphère, s'avancer
chancelante et incertaine, puis disparaître, laissant le deuil
après soi. Non : comme Vénus, selon les Spartiates, quand
elle eut traversé l'Eurotas, déposa son miroir, ses ornements
et sa ceinture pour prendre une lance et un javelot, parure
dont elle voulait se faire honneur devant Lycurgue; de même
la Fortune, après avoir laissé les Perses et les Assyriens,
traversa d'un vol rapide la Macédoine, où elle eut bientôt
renversé Alexandre. Elle fit route par l'Égypte et la Syrie
en y portant çà et là des trônes. Se détournant ensuite, elle
soutint Carthage à plusieurs reprises. Enfin elle arriva près
du mont Palatin, traversa le Tibre; et ce fut là que, déposant
ses ailes, quittant ses talonnières, elle renonça, selon
toute apparence, à cette roue infidèle et mobiles. Voilà
comme elle est entrée dans Rome, voilà comme elle se présente
pour y entendre prononcer le jugement. Ce n'est plus
"Cette déesse impénétrable",
suivant l'expression de Pindare, occupée à faire manoeuvrer
un double gouvernail; c'est bien plutôt la soeur de
l'Équité et de la Persuasion, la fille de la Prudence, selon
la généalogie que lui donne Alcman. Elle porte à la main
cette fameuse corne d'abondance, qui n'est pas remplie des
trésors d'un automne toujours fertile, mais d'où elle répand
avec une largesse inépuisable ce que produisent et
toute terre et toute mer, et les fleuves et les mines et les
ports. Des personnages illustres et imposants figurent en
grand nombre à ses côtés. C'est Numa Pompilius, du pays
des Sabins, Priscus de Tarquinie, lesquels, tout étrangers
et intrus qu'ils sont, elle a fait asseoir sur le trône de Romulus.
C'est Paul Émile, qui, après avoir soumis Persée et
la Macédoine, ramène son armée saine et sauve, et glorifie
la Fortune par une victoire et un triomphe non achetés au
prix de larmes. Il la glorifie également, ce Métellus le Macédonique,
qui se voit dans sa vieillesse escorté de ses fils,
tous quatre consulaires, Quintus Baléaricus, Lucius Vidatus,
Marcus Métellus, Caïus Caprarius, escorté encore de
deux gendres également personnages consulaires, et de
petits-fils qu'illustrent leurs talents politiques aussi bien que
leurs brillants faits d'armes. C'est Emilius Scaurus, qui
d'une humble condition et d'une naissance plus humble encore,
se trouve, bien qu'homme nouveau, promu par cette
déesse jusqu'à la présidence du Grand Conseil. C'est Cornélius
Sylla, qu'elle va choisir et prendre dans le sein de
la courtisane Nicopolis pour l'élever plus haut que les
triomphes cimbriques et que les sept consulats de Marius,
en l'investissant du pouvoir absolu et de la dictature. Aussi
se voue-t-il à elle, lui et ses actes, et s'écrie-t-il, avec l'OEdipe
de Sophocle : "Je me déclare, et suis, le fils de la Fortune".
En langage romain il avait le surnom de Félix (heureux),
et lui-même, écrivant aux Grecs, signait : Lucius Cornélius
Sylla Epaphrodite. Du reste, ce dernier titre fut inscrit sur
les trophées qu'il remporta à Chéronée, notre pays, contre
Mithridate; et un tel hommage n'était que justice. Car les
faveurs de Vénus, ce n'est pas la nuit, comme le dit
Ménandre, c'est le plus souvent la Victoire qui les procure.
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