[2] Ἐγὼ δέ, ὅτι μέν, εἰ καὶ πάνυ πρὸς ἀλλήλας
ἀεὶ πολεμοῦσι καὶ διαφέρονται Τύχη καὶ Ἀρετή, πρός
γε τηλικαύτην σύμπηξιν ἀρχῆς καὶ δυνάμεως εἰκός
ἐστιν αὐτὰς σπεισαμένας συνελθεῖν καὶ συνελθούσας
ἐπιτελειῶσαι καὶ συναπεργάσασθαι τῶν ἀνθρωπίνων
ἔργων τὸ κάλλιστον, ὀρθῶς ὑπονοεῖν οἴομαι. καὶ νομίζω,
καθάπερ Πλάτων φησὶν ἐκ
πυρὸς καὶ γῆς ὡς ἀναγκαίων τε καὶ πρώτων γεγονέναι
τὸν σύμπαντα κόσμον, ἵν´ ὁρατός τε γένηται καὶ
ἁπτός, γῆς μὲν τὸ ἐμβριθὲς καὶ στάσιμον αὐτῷ συμβαλλομένης,
πυρὸς δὲ χρῶμα καὶ μορφὴν καὶ κίνησιν,
αἱ δ´ ἐν μέσῳ φύσεις, ὕδωρ καὶ ἀήρ, μαλάξασαι
καὶ σβέσασαι τὴν ἑκατέρου τῶν ἄκρων ἀνομοιότητα
συνήγαγον καὶ ἀνεμίξαντο τὴν ὕλην δι´ αὐτῶν, οὕτως
ἄρα καὶ ὁ τὴν Ῥώμην ὑποβαλόμενος χρόνος μετὰ θεοῦ
τύχην καὶ ἀρετὴν ἐκέρασε καὶ συνέζευξεν, ἵν´ ἑκατέρας
λαβὼν τὸ οἰκεῖον ἀπεργάσηται πᾶσιν ἀνθρώποις ἑστίαν
ἱερὰν ὡς ἀληθῶς καὶ ἀνησιδώραν καὶ ’πεῖσμα‘ μόνιμον
καὶ στοιχεῖον ἀίδιον, ὑποφερομένοις τοῖς πράγμασιν
’ἀγκυρηβόλιον· σάλου καὶ πλάνης‘ ὥς φησι Δημόκριτος
ὡς γὰρ οἱ φυσικοὶ τὸν κόσμον λέγουσιν οὐκ
εἶναι κόσμον οὐδ´ ἐθέλειν τὰ σώματα συνελθόντα καὶ
συμμιγέντα κοινὸν ἐκ πάντων εἶδος τῇ φύσει παρασχεῖν,
ἀλλὰ τῶν μὲν ἔτι μικρῶν καὶ σποράδην φερομένων
{καὶ} διολισθανόντων καὶ ὑποφευγόντων τὰς
ἐναπολήψεις καὶ περιπλοκάς, τῶν δ´ ἀδροτέρων καὶ
συνεστηκότων ἤδη δεινοὺς ἀγῶνας πρὸς ἄλληλα καὶ
διατραχηλισμοὺς λαμβανόντων κλύδωνα καὶ βρασμὸν
εἶναι καὶ φθόρου καὶ πλάνης καὶ ναυαγίων μεστὰ πάντα,
πρίν γε τὴν γῆν μέγεθος λαβοῦσαν ἐκ τῶν συνισταμένων
καὶ φερομένων ἱδρυθῆναί πως αὐτὴν καὶ τοῖς ἄλλοις
ἵδρυσιν ἐν αὑτῇ καὶ περὶ αὑτὴν παρασχεῖν, οὕτω τῶν
μεγίστων ἐν ἀνθρώποις δυνάμεων καὶ ἡγεμονιῶν κατὰ
τύχας ἐλαυνομένων καὶ συμφερομένων ὑπὸ τοῦ μηδένα
κρατεῖν βούλεσθαι δὲ πάντας, ἀμήχανος ἦν ἡ φθορὰ
καὶ πλάνη καὶ μεταβολὴ πᾶσα πάντων, μέχρις οὗ τῆς
Ῥώμης ἰσχὺν καὶ αὔξησιν λαβούσης καὶ ἀναδησαμένης
τοῦτο μὲν ἔθνη καὶ δήμους ἐν αὑτῇ τοῦτο δ´ ἀλλοφύλους
καὶ διαποντίους βασιλέων ἡγεμονίας ἕδραν ἔσχε τὰ
μέγιστα καὶ ἀσφάλειαν, εἰς κόσμον εἰρήνης καὶ ἕνα
κύκλον τῆς ἡγεμονίας ἄπταιστον περιφερομένης, πάσης
μὲν ἀρετῆς ἐγγενομένης τοῖς ταῦτα μηχανησαμένοις,
πολλῆς δὲ καὶ τύχης συνελθούσης, ὡς ἐνέσται τοῦ λόγου
προϊόντος ἐνδείξασθαι.
| [2] Pour moi, bien que je sache parfaitement les luttes
constantes et les incompatibilités qui existent entre la Fortune
et la Vertu, je crois être dans le vrai en disant, que
pour un aussi grand édifice de puissance et d'autorité, il est
probable que toutes deux ont fait une trêve et conclu cette
alliance, dont le résultat devait être d'accomplir et de constituer
le plus beau des ouvrages humains.
Je m'explique : Platon dit que le feu et la terre ont été
les éléments premiers et indispensables de la création du
monde entier, les éléments qui l'ont rendu visible et tangible.
Ainsi, la terre lui a donné le poids et la stabilité; le
feu lui a donné la couleur, la forme et le mouvement; les
éléments intermédiaires, à savoir l'eau et l'air, ont rapproché
ce que la terre et le feu avaient de dissemblable dans
leurs extrêmes, et en ont déterminé la fusion. Ainsi le Temps,
qui a jeté les fondements de Rome, et avec lui Dieu,
rapprochèrent et unirent ensemble la Fortune et la Vertu. Ils
choisirent les qualités propres à chacune d'elles, et firent de
cette ville pour tous les hommes un foyer véritablement
sacré et secourable, un appui solide, un élément révéré;
enfin, pour me servir de l'expression de Démocrite, une
ancre destinée à garantir de trouble et d'agitations les choses
humaines, si violemment emportées.
Les Physiciens disent que le monde n'a pas toujours
été monde, et que les éléments ne voulaient pas se réunir
et s'associer pour donner par leur ensemble un aspect commun
à la nature. Les substances les plus légères, emportées
encore çà et là, semblaient glisser, et se dérober à toute action,
à toute combinaison; les plus compactes, qui avaient
déjà pris leur assiette, se livraient entre elles des combats
terribles. Ce n'était que troubles, qu'agitation, que désordre.
Partout l'aspect de la destruction, du chaos et du naufrage.
Il en fut ainsi, jusqu'au moment où la terre parvenue,
grâce à la réunion de ces substances groupées et portées
autour d'elle, à la grandeur qu'elle devait avoir, eut acquis
enfin sa stabilité, eut assuré, et en elle-même et autour
d'elle, la consistance à tous les autres corps. De même, aussi
longtemps que les plus grands pouvoirs, les empires les plus
considérables, obéirent à l'impulsion et au mouvement des
hasards, parce qu'aucun de ces pouvoirs n'avait la suprématie
et que tous voulaient l'exercer, aussi longtemps le
monde politique resta livré à un emportement indicible, à
une agitation, une mobilité générale. Cette incertitude dura
jusqu'à l'époque où Rome eut pris toute sa force et tout son
développement. Rome relia tour à tour non seulement les
peuples et les nations de son territoire, mais encore les
souverainetés lointaines, dont elle était séparée par la mer.
Dès lors, ce qu'il y avait de plus grand se trouva posé sur
des fondements inébranlables. L'univers parut renaître à
la paix, et suivit le cercle que lui traçait infailliblement une
puissance supérieure. Toutes les vertus secondèrent les
auteurs d'une si merveilleuse transformation, et la Fortune
s'associa pleinement à leurs efforts. C'est cet ensemble
que je compte développer dans la suite de mon discours.
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