[1] Αἱ πολλοὺς πολλάκις ἠγωνισμέναι καὶ μεγάλους
ἀγῶνας Ἀρετὴ καὶ Τύχη πρὸς ἀλλήλας μέγιστον
ἀγωνίζονται τὸν παρόντα, περὶ τῆς Ῥωμαίων
ἡγεμονίας διαδικαζόμεναι ποτέρας γέγονεν ἔργον καὶ
ποτέρα τὴν τηλικαύτην δύναμιν γεγέννηκεν. οὐ γὰρ
μικρὸν ἔσται τῇ περιγενομένῃ τοῦτο μαρτύριον, μᾶλλον
δ´ ἀπολόγημα πρὸς κατηγορίαν. κατηγορεῖται
δ´ Ἀρετὴ μὲν ὡς καλὸν μὲν ἀνωφελὲς δέ, Τύχη δ´ ὡς
ἀβέβαιον μὲν ἀγαθὸν δέ· καὶ τὴν μὲν ἄκαρπα πονεῖν
λέγουσι, τὴν δ´ ἄπιστα δωρεῖσθαι. τίς οὖν οὐχὶ λέξει,
τῇ ἑτέρᾳ τῆς Ῥώμης προστεθείσης, ἢ λυσιτελέστατον
Ἀρετήν, εἰ τηλικαῦτα τοὺς ἀγαθοὺς δέδρακεν
ἀγαθά, ἢ βεβαιότατον Εὐτυχίαν, χρόνον ἤδη τοσοῦτον
ἃ δέδωκε τηροῦσαν; Ἴων μὲν οὖν ὁ ποιητὴς ἐν τοῖς
δίχα μέτρου καὶ καταλογάδην αὐτῷ γεγραμμένοις
φησὶν ἀνομοιότατον πρᾶγμα τῇ σοφίᾳ τὴν τύχην οὖσαν
ὁμοιοτάτων πραγμάτων γίνεσθαι δημιουργόν· αὔξουσιν
ἀμφότεραι πόλεις, κοσμοῦσιν ἄνδρας, εἰς δόξαν ἀνάγουσιν
εἰς δύναμιν εἰς ἡγεμονίαν. τί δεῖ τὰ πολλὰ μηκύνειν
ἐξαριθμούμενον; αὐτὴν τὴν τὰ πάντα γεννῶσαν
ἡμῖν καὶ φέρουσαν φύσιν οἱ μὲν τύχην εἶναι νομίζουσιν,
οἱ δὲ σοφίαν. διὸ καλόν τι τῇ Ῥώμῃ καὶ ζηλωτὸν ὁ
ἐνεστὼς λόγος ἀξίωμα περιτίθησιν, εἰ διαποροῦμεν
περὶ αὐτῆς, ὡς ὑπὲρ γῆς καὶ θαλάσσης καὶ οὐρανοῦ
καὶ ἄστρων, πότερον κατὰ τύχην συνέστηκεν ἢ κατὰ πρόνοιαν.
| [1] Deux divinités qui se sont plus d'une fois livré de grands
combats, la Vertu et la Fortune, engagent aujourd'hui entre
elles une vive contestation au sujet de la suprématie des Romains ;
et elles se disputent, pour établir de laquelle des deux
cette suprématie est l'ouvrage, laquelle des deux l'a portée
si haut. Ce ne sera pas, en effet, pour la victorieuse un
mince témoignage, ou plutôt une faible apologie en réponse
à bien des attaques. On accuse la Vertu d'être
inutile, bien qu'honorable en soi; on reproche à la Fortune
d'être inconstante, bien qu'avantageuse. La première, dit-on,
impose des fatigues sans résultat; la seconde ne donne
que des faveurs sur lesquelles il est impossible de compter.
Mais si la prospérité de Rome vient à être décidément attribuée
à l'une des deux, quel est celui qui ne déclarera pas,
ou bien que la Vertu est très avantageuse puisqu'elle a
comblé de si grands bienfaits les hommes les plus vaillants,
ou bien que la Fortune est très ferme et très constante
puisque depuis tant de siècles elle persiste à maintenir
Rome dans une si florissante prospérité? Le poète Ion, dans
un des ouvrages qu'il a composés sans faire usage de vers
et en simple prose, dit que la Fortune, si différente pourtant
de la Sagesse, produit des effets exactement semblables.
L'une et l'autre augmentent et embellissent la position des
héros, les mettent en relief, les font arriver à la puissance,
à la souveraine autorité. Mais pourquoi prolonger cette
thèse en multipliant les énumérations? La Fortune selon
les uns, selon les autres la Sagesse, voilà les deux principes,
les deux sources de tout bien parmi les mortels. C'est
pourquoi le discours que voici ne peut qu'ajouter à la ville
de Rome un éclat digue d'envie : puisque, en ce qui la regarde,
comme on le fait pour la terre, pour la mer, pour le
ciel et pour les astres, nous voulons déterminer si la base de
sa grandeur est la Fortune ou la Providence.
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