[1,6] Καὶ μὴν ἡ πολὺ θαυμαζομένη πολιτεία τοῦ τὴν
Στωικῶν αἵρεσιν καταβαλομένου Ζήνωνος εἰς
ἓν τοῦτο συντείνει κεφάλαιον, ἵνα μὴ κατὰ πόλεις μηδὲ
δήμους οἰκῶμεν ἰδίοις ἕκαστοι διωρισμένοι δικαίοις, ἀλλὰ
πάντας ἀνθρώπους ἡγώμεθα δημότας καὶ πολίτας, εἷς
δὲ βίος ᾖ καὶ κόσμος, ὥσπερ ἀγέλης συννόμου νόμῳ
κοινῷ συντρεφομένης. τοῦτο Ζήνων μὲν ἔγραψεν ὥσπερ
ὄναρ ἢ εἴδωλον εὐνομίας φιλοσόφου καὶ πολιτείας ἀνατυπωσάμενος,
Ἀλέξανδρος δὲ τῷ λόγῳ τὸ ἔργον παρέσχεν.
οὐ γάρ, ὡς Ἀριστοτέλης συνεβούλευεν αὐτῷ,
τοῖς μὲν Ἕλλησιν ἡγεμονικῶς τοῖς δὲ βαρβάροις δεσποτικῶς
χρώμενος, καὶ τῶν μὲν ὡς φίλων καὶ οἰκείων ἐπιμελόμενος
τοῖς δ´ ὡς ζῴοις ἢ φυτοῖς προσφερόμενος,
πολέμων πολλῶν καὶ φυγῶν ἐνέπλησε καὶ στάσεων
ὑπούλων τὴν ἡγεμονίαν, ἀλλὰ κοινὸς ἥκειν θεόθεν ἁρμοστὴς
καὶ διαλλακτὴς τῶν ὅλων νομίζων, οὓς τῷ λόγῳ μὴ
συνῆγε τοῖς ὅπλοις βιαζόμενος καὶ εἰς ταὐτὸ συνενεγκὼν
τὰ πανταχόθεν, ὥσπερ ἐν κρατῆρι φιλοτησίῳ μίξας
τοὺς βίους καὶ τὰ ἤθη καὶ τοὺς γάμους καὶ τὰς διαίτας,
πατρίδα μὲν τὴν οἰκουμένην προσέταξεν ἡγεῖσθαι πάντας,
ἀκρόπολιν δὲ καὶ φρουρὰν τὸ στρατόπεδον, συγγενεῖς δὲ
τοὺς ἀγαθούς, ἀλλοφύλους δὲ τοὺς πονηρούς· τὸ δ´ Ἑλληνικὸν
καὶ βαρβαρικὸν μὴ χλαμύδι μηδὲ πέλτῃ μηδ´
ἀκινάκῃ μηδὲ κάνδυι διορίζειν, ἀλλὰ τὸ μὲν Ἑλληνικὸν
ἀρετῇ τὸ δὲ βαρβαρικὸν κακίᾳ τεκμαίρεσθαι, κοινὰς δ´
ἐσθῆτας ἡγεῖσθαι καὶ τραπέζας καὶ γάμους καὶ διαίτας,
δι´ αἵματος καὶ τέκνων ἀνακεραννυμένους.
| [1,6] Il existe un plan de république que l'on admire beaucoup
et qui est l'oeuvre de Zénon, fondateur de la secte stoïcienne.
Cette organisation tend à un seul but capital : à
ce que nous n'habitions point des villes et des bourgades
régies chacune par des juridictions spéciales. Il veut, au contraire,
que nous regardions tous les hommes comme autant
de concitoyens et de membres d'un même état; qu'il n'y ait
qu'un même genre de vie, qu'un même ordre : comme si
l'humanité était un grand troupeau, vivant sur un pâturage
commun. Un tel plan, sous la plume de Zénon, est un
rêve, une utopie, où il nous représente la philosophie présidant
à la législation et à la politique des États. Mais
Alexandre ajoint l'application à la théorie. Il n'a pas voulu,
bien qu'Aristote le lui conseillât, traiter les Grecs en rois, les
Barbares en despote, et se montrer plein de sollicitude pour
les uns comme pour des amis et des proches, tandis qu'il
n'aurait vu dans les autres que des animaux ou des plantes:
t'eût été remplir son gouvernement d'exils propres à susciter
la guerre, et de séditions grossies dans l'ombre. Il crut
qu'il était envoyé de Dieu avec la mission d'organiser tout,
de concilier tout dans l'univers. S'il réduisait par la force
des armes ceux qu'il n'avait pu rattacher à sa parole, c'était
afin de réunir en un corps unique les éléments les plus disséminés.
Il semblait que dans une même coupe amicale il
voulût confondre les existences, les moeurs, les mariages,
les manières de vivre. Son mot d'ordre était, que tous regardassent
l'univers entier comme une patrie, son armée
comme une citadelle où chacun avait son poste, et que tous
vissent dans les gens de bien autant de parents, dans les
pervers autant d'étrangers. Les Grecs et les Barbares ne
durent plus être désormais distingués les uns des autres par
la chlamyde, le bouclier, le cimeterre, la candye. C'était la
vertu qui faisait reconnaître un Grec, comme le vice désignait
un Barbare. Une communauté parfaite était adoptée
pour les vêtements, pour la table, pour les mariages, pour
la manière de vivre; et cette fusion, c'était le sang, c'étaient
les enfants qui aidaient à l'opérer.
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