[1,5] Καὶ πρῶτον τὸ παραδοξότατον, εἰ βούλει, σκόπει,
τοὺς Ἀλεξάνδρου μαθητὰς τοῖς Πλάτωνος, τοῖς Σωκράτους
ἀντιπαραβάλλων. εὐφυεῖς οὗτοι καὶ ὁμογλώσσους
ἐπαίδευον, εἰ μηδὲν ἄλλο, φωνῆς Ἑλληνίδος συνιέντας·
καὶ πολλοὺς οὐκ ἔπεισαν, ἀλλὰ Κριτίαι καὶ Ἀλκιβιάδαι
καὶ Κλειτοφῶντες, ὥσπερ χαλινὸν τὸν λόγον ἐκπτύσαντες,
ἄλλῃ πη παρετράπησαν. τὴν δ´ Ἀλεξάνδρου παιδείαν ἂν
ἐπιβλέπῃς, Ὑρκανοὺς γαμεῖν ἐπαίδευσε καὶ γεωργεῖν ἐδίδαξεν
Ἀραχωσίους, καὶ Σογδιανοὺς ἔπεισε πατέρας τρέφειν
καὶ μὴ φονεύειν, καὶ Πέρσας σέβεσθαι μητέρας ἀλλὰ
μὴ γαμεῖν. ὢ θαυμαστῆς φιλοσοφίας, δι´ ἣν Ἰνδοὶ
θεοὺς Ἑλληνικοὺς προσκυνοῦσι, Σκύθαι θάπτουσι τοὺς
ἀποθανόντας οὐ κατεσθίουσι. θαυμάζομεν τὴν Καρνεάδου
δύναμιν, εἰ Κλειτόμαχον, Ἀσδρούβαν καλούμενον πρότερον
καὶ Καρχηδόνιον τὸ γένος, ἑλληνίζειν ἐποίησε, θαυμάζομεν
τὴν διάθεσιν Ζήνωνος, εἰ Διογένη τὸν Βαβυλώνιον
ἔπεισε φιλοσοφεῖν· ἀλλ´ Ἀλεξάνδρου τὴν Ἀσίαν ἐξημεροῦντος
Ὅμηρος ἦν ἀνάγνωσμα, Περσῶν καὶ Σουσιανῶν
καὶ Γεδρωσίων παῖδες τὰς Εὐριπίδου καὶ Σοφοκλέους
τραγῳδίας ᾖδον. καὶ Σωκράτης μὲν ξένα παρεισάγων
δαιμόνια δίκην τοῖς Ἀθήνησιν ὠφλίσκανε συκοφάνταις·
διὰ δ´ Ἀλέξανδρον τοὺς Ἑλλήνων θεοὺς Βάκτρα καὶ
Καύκασος προσεκύνησε. Πλάτων μὲν γὰρ μίαν γράψας
πολιτείαν οὐδένα πέπεικεν αὐτῇ χρῆσθαι διὰ τὸ αὐστηρόν,
Ἀλέξανδρος δ´ ὑπὲρ ἑβδομήκοντα πόλεις βαρβάροις
ἔθνεσιν ἐγκτίσας καὶ κατασπείρας τὴν Ἀσίαν Ἑλληνικοῖς
τέλεσι τῆς ἀνημέρου καὶ θηριώδους ἐκράτησε διαίτης.
καὶ τοὺς μὲν Πλάτωνος ὀλίγοι νόμους ἀναγιγνώσκομεν,
τοῖς δ´ Ἀλεξάνδρου μυριάδες ἀνθρώπων ἐχρήσαντο καὶ
χρῶνται, μακαριώτεροι τῶν διαφυγόντων Ἀλέξανδρον οἱ
κρατηθέντες γενόμενοι· τοὺς μὲν γὰρ οὐδεὶς ἔπαυσεν
ἀθλίως ζῶντας, τοὺς δ´ ἠνάγκασεν εὐδαιμονεῖν ὁ νικήσας.
ὥσθ´ ὅπερ εἶπε Θεμιστοκλῆς, ὁπηνίκα φυγὼν ἔτυχε
δωρεῶν μεγάλων παρὰ βασιλέως καὶ τρεῖς πόλεις ὑποφόρους
ἔλαβε, τὴν μὲν εἰς σῖτον τὴν δ´ εἰς οἶνον τὴν δ´ εἰς
ὄψον, "ὦ παῖδες, ἀπωλόμεθ´ ἄν, εἰ μὴ ἀπωλόμεθα,‘
τοῦτο περὶ τῶν ἁλόντων ὑπ´ Ἀλεξάνδρου δικαιότερόν
ἐστιν εἰπεῖν· "οὐκ ἂν ἡμερώθησαν, εἰ μὴ ἐκρατήθησαν".
οὐκ ἂν εἶχεν Ἀλεξάνδρειαν Αἴγυπτος οὐδὲ Μεσοποταμία
Σελεύκειαν οὐδὲ Προφθασίαν Σογδιανὴ οὐδ´ Ἰνδία
Βουκεφαλίαν οὐδὲ πόλιν Ἑλλάδα Καύκασος παροικοῦσαν,
αἷς ἐμπολισθείσαις ἐσβέσθη τὸ ἄγριον καὶ
μετέβαλε τὸ χεῖρον ὑπὸ τοῦ κρείττονος ἐθιζόμενον. εἰ
τοίνυν μέγιστον μὲν οἱ φιλόσοφοι φρονοῦσιν ἐπὶ τῷ τὰ
σκληρὰ καὶ ἀπαίδευτα τῶν ἠθῶν ἐξημεροῦν καὶ μεθαρμόζειν,
μυρία δὲ φαίνεται γένη καὶ φύσεις θηριώδεις
μεταβαλὼν Ἀλέξανδρος, εἰκότως ἂν φιλοσοφώτατος νομίζοιτο.
| [1,5] Et d'abord, ce qui semblera fort paradoxal, établissons,
si vous voulez bien, un parallèle entre les disciples d'Alexandre
et les disciples de Platon et de Socrate. Ces deux philosophes
instruisaient des hommes heureusement doués par
la nature, parlant la même langue qu'eux, et, à défaut
d'autre mérite, comprenant du moins le grec. Cependant le
nombre de ceux qu'ils persuadèrent ne fut pas considérable.
Les Critias, les Alcibiade, les Clitophon, se débarrassèrent de
cette morale comme d'un frein, suivirent une voie tout opposée.
Voyez, au contraire, les effets de l'enseignement d'Alexandre!
Il forme les Hyrcaniens à l'institution du mariage;
il instruit les Arachosiens dans l'art de labourer la terre ; il
persuade aux Sogdiens de nourrir leurs pères au lieu de les
égorger, aux Perses de respecter leurs mères au lieu de faire
d'elles leurs femmes. O l'admirable philosophie, dont l'influence
est telle, que les Indiens adorent les divinités de la
Grèce; que les Scythes ensevelissent leurs morts et ne les
mangent plus ! Nous admirons le pouvoir de Carnéade
parce qu'il fit un Grec de Clitomaque, appelé d'abord Asdrubal
et Carthaginois de naissance; nous admirons l'autorité
de Zénon parce qu'il détermina Diogène le Babylonien
à embrasser la philosophie; mais quand Alexandre
eut civilisé l'Asie, Homère y devint une lecture habituelle ;
et les fils des Perses, des Susiens, des Gédrosiens déclamèrent
les tragédies d'Euripide et de Sophocle. Socrate introduisant
des dieux nouveaux est condamné par les Athéniens
sur l'accusation de ses calomniateurs; Alexandre rallie au
culte des divinités grecques la Bactriane et le Caucase. Platon
trace le plan d'une république sans pouvoir persuader à
personne de suivre ses théories, tant elles sont rigoureuses;
Alexandre fonde plus de soixante-dix colonies chez des peuples
barbares ; il sème l'Asie d'institutions grecques, et il
triomphe de ces moeurs grossières et sauvages. Nous ne
sommes qu'un petit nombre qui lisions les lois de Platon;
celles d'Alexandre ont été et sont encore suivies par des
myriades d'hommes. Ceux qui ont fui devant ses conquêtes
ont été moins heureux que ceux qui se sont laissé soumettre
par lui : car les premiers n'ont eu personne pour les arracher
à leur déplorable existence, les seconds ont été forcés
par leur vainqueur à devenir heureux. De telle sorte que
l'on se rappelle le mot de Thémistocle, lorsque réfugié en
Perse il fut comblé de présents considérables par le grand
roi, et que ce prince lui donna les revenus de trois villes :
de l'une pour son blé, d'une autre pour son vin, de la troisième
pour les mets de sa table : "Mes enfants,» s'écriait-il,
nous périssions si nous n'eussions péri". Eh bien, ce mot se
trouverait placé avec beaucoup plus de justesse dans la bouche
de ceux de qui Alexandre triompha : ils n'auraient pas été
civilisés s'ils n'eussent pas été vaincus; l'Égypte n'aurait pas
eu Alexandrie, la Mésopotamie n'aurait pas eu Séleucie; la
Sogdiane, Prophthasie; l'Inde, Bucéphalie, ni le Caucase,
une seule de ces villes d'origine grecque qui, bâties à ses
pieds, étouffèrent la barbarie de la contrée et firent succéder
à un régime affreux des habitudes de civilisation. Que si
donc les philosophes se piquent d'adoucir et de régler les
natures les plus rebelles et les plus ignorantes; et si, d'autre
part, il est démontré qu'Alexandre a transformé une foule
innombrable de populations et de naturels sauvages, à juste
titre Alexandre doit être proclamé le philosophe par excellence.
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