[1,4] Ἄβουλος οὖν καὶ προπετὴς Ἀλέξανδρος ἐξ εὐτελῶν
οὕτως ἐπὶ τηλικαύτην δύναμιν ὁρμώμενος; οὐ μὲν οὖν.
τίς γὰρ ἀπὸ μειζόνων ἢ καλλιόνων ἀφορμῶν ἀνήγετο
μεγαλοψυχίας, συνέσεως, σωφροσύνης, ἀνδραγαθίας, αἷς
αὐτὸν ἐφωδίαζε φιλοσοφία πρὸς τὴν στρατείαν; καὶ
πλείονας παρ´ Ἀριστοτέλους τοῦ καθηγητοῦ ἢ παρὰ
Φιλίππου τοῦ πατρὸς ἀφορμὰς ἔχων διέβαινεν ἐπὶ
Πέρσας. ἀλλὰ τοῖς μὲν γράφουσιν, ὡς Ἀλέξανδρος ἔφη
ποτὲ τὴν Ἰλιάδα καὶ τὴν Ὀδύσσειαν ἀκολουθεῖν αὐτῷ
τῆς στρατείας ἐφόδιον, πιστεύομεν, Ὅμηρον σεμνύνοντες·
ἂν δέ τις φῇ τὴν Ἰλιάδα καὶ τὴν Ὀδύσσειαν παραμύθια
πόνου καὶ διατριβὴν ἕπεσθαι σχολῆς γλυκείας, ἐφόδιον
δ´ ἀληθῶς γεγονέναι τὸν ἐκ φιλοσοφίας λόγον καὶ τοὺς
περὶ ἀφοβίας καὶ ἀνδρείας ἔτι δὲ σωφροσύνης καὶ μεγαλοψυχίας
ὑπομνηματισμούς, καταφρονοῦμεν· ὅτι δηλαδὴ
περὶ συλλογισμῶν οὐδὲν οὐδὲ περὶ ἀξιωμάτων ἔγραψεν,
οὐδ´ ἐν Λυκείῳ περίπατον συνέσχεν οὐδ´ ἐν Ἀκαδημείᾳ
θέσεις εἶπεν· τούτοις γὰρ ὁρίζουσι φιλοσοφίαν οἱ
λόγον αὐτὴν οὐκ ἔργον νομίζοντες. καίτοι γ´ οὐδὲ Πυθαγόρας
ἔγραψεν οὐδὲν οὐδὲ Σωκράτης οὐδ´ Ἀρκεσίλαος
οὐδὲ Καρνεάδης, οἱ δοκιμώτατοι τῶν φιλοσόφων· καὶ
οὐκ ἠσχολοῦντο περὶ πολέμους ἐκεῖνοι τηλικούτους, οὐδὲ
βασιλεῖς βαρβάρους ἡμεροῦντες οὐδὲ πόλεις Ἑλληνίδας
ἐγκτίζοντες ἀγρίοις ἔθνεσιν οὐδ´ ἄθεσμα καὶ ἀνήκοα
φῦλα νόμους διδάσκοντες καὶ εἰρήνην τὴν γῆν ἐπῄεσαν,
ἀλλὰ καὶ σχολάζοντες τὸ γράφειν παρίεσαν τοῖς σοφισταῖς.
πόθεν οὖν ἐπιστεύθησαν ἐκεῖνοι φιλοσοφεῖν; ἀφ´ ὧν
εἶπον ἢ ἀφ´ ὧν ἐβίωσαν ἢ ἀφ´ ὧν ἐδίδαξαν. ἀπὸ τούτων
κρινέσθω καὶ Ἀλέξανδρος· ὀφθήσεται γὰρ οἷς εἶπεν οἷς
ἔπραξεν οἷς ἐπαίδευσε φιλόσοφος.
| [1,4] Y avait-il donc de l'irréflexion et de la témérité chez
Alexandre, à se porter avec d'aussi faibles moyens contre
une puissance aussi considérable? Non. Il n'y avait là aucune
imprudence. Qui jamais à son début avait réuni des
ressources plus grandes, plus précieuses? Je veux parler
de sa grandeur d'âme, de son intelligence, de sa modération,
de sa bravoure. C'étaient comme autant de provisions,
qu'en guise de viatique la philosophie lui avait ménagées
pour cette campagne ; et des leçons d'Aristote, son précepteur,
il avait retiré plus de moyens de réussir que de son
père Philippe, quand il se mit en marche contre les Perses.
Des historiens racontent que notre héros se vantait d'avoir
pour compagnons de voyage dans ses expéditions les poèmes
de l'Iliade et de l'Odyssée. Nous croyons à la vérité de ce
récit, dans notre admiration pour Homère. Mais, tout en
ayant avec lui ces deux chefs-d'oeuvre pour se consoler de
ses fatigues, de ce séjour des camps, et pour goûter d'agréables
loisirs, voudra-t-on prétendre que son véritable viatique fùt
l'étude de la philosophie? Voudra-t-on prétendre, qu'il vivait
sur le souvenir des leçons qui lui avaient été faites touchant
l'intrépidité, le courage, la sagesse et la grandeur
d'âme? Nous rejetons avec mépris cette supposition. Évidemment,
Alexandre n'écrivit jamais rien sur les syllogismes,
ni sur les axiomes. Il ne tint jamais en échec les promeneurs
du Lycée ; il ne soutint pas de thèses dans l'Académie :
car c'est en cela que font consister la philosophie ceux
qui n'y voient que des mots et non des choses. Du reste,
Pythagore n'a rien écrit, non plus que Socrate, non plus
qu'Arcésilas, que Carnéade, que les philosophes les plus célèbres.
Cependant ceux-ci n'étaient pas occupés, comme
Alexandre, de guerres considérables; ils n'avaient pas à civiliser
des rois barbares, à constituer des colonies grecques
au milieu de nations sauvages, à donner des lois à des hordes
indisciplinées et indociles, à établir la paix au milieu
d'elles. Il y a plus : bien que ces sages eussent un loisir
complet, ils abandonnèrent aux sophistes le soin d'écrire.
Quels furent donc leurs titres à être réputés philosophes?
Ce furent leurs discours, leur manière de vivre et les doctrines
qu'ils enseignaient. Eh bien, qu'Alexandre aussi soit
jugé d'après ce qu'il a dit, ce qu'il a fait, ce qu'il a enseigné,
et l'on verra que c'était un philosophe.
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