[2,12] Τίνες οὖν ἦσαν αἱ ἐλπίδες, ἐφ´ αἷς διέβαινεν
εἰς Ἀσίαν Ἀλέξανδρος; οὐ τείχεσι πόλεων μυριάνδρων
ἐκμετρουμένη δύναμις οὐδὲ στόλοι δι´ ὀρῶν πλέοντες,
οὐδὲ μάστιγες οὐδὲ πέδαι, μανικὰ καὶ βάρβαρα κολαστήρια
θαλάσσης, ἀλλὰ τὰ μὲν ἐκτὸς ἐν ὀλίγοις ὅπλοις φιλοτιμία
πολλὴ καὶ ζῆλος ἡλικίας παραλλήλου καὶ ἅμιλλα
περὶ δόξης καὶ ἀρετῆς ἑταίρων· αὐτὸς δ´ εἶχεν ἐν ἑαυτῷ
τὰς μεγάλας ἐλπίδας, εὐσέβειαν περὶ θεοὺς πίστιν πρὸς
φίλους, εὐτέλειαν ἐγκράτειαν εὐποιίαν, ἀφοβίαν πρὸς
θάνατον εὐψυχίαν, φιλανθρωπίαν ὁμιλίαν εὐάρμοστον,
ἀψευδὲς ἦθος εὐστάθειαν ἐν βουλαῖς τάχος ἐν πράξεσιν,
ἔρωτα δόξης προαίρεσιν ἐν τῷ καλῷ τελεσιουργόν.
Ὅμηρος μὲν γὰρ οὐ πρεπόντως οὐδὲ πιθανῶς τὸ Ἀγαμέμνονος
κάλλος ἐκ τριῶν συνήρμοσεν εἰκόνων ὁμοιώσας,
"ὄμματα καὶ κεφαλὴν ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ,
Ἄρεϊ δὲ ζώνην, στέρνον δὲ Ποσειδάωνι".
τὴν δ´ Ἀλεξάνδρου φύσιν, εἴπερ ἐκ πολλῶν συνήρμοσε καὶ
συνέθηκεν ἀρετῶν ὁ γεννήσας θεός, ἆρ´ οὐκ ἂν εἴποιμεν
ἔχειν φρόνημα μὲν τὸ Κύρου, σωφροσύνην δὲ τὴν Ἀγησιλάου,
σύνεσιν δὲ τὴν Θεμιστοκλέους, ἐμπειρίαν δὲ τὴν
Φιλίππου, τόλμαν δὲ τὴν Βρασίδου, δεινότητα δὲ καὶ
πολιτείαν τὴν Περικλέους; τῶν δ´ ἔτι παλαιοτέρων σωφρονέστερος
μὲν Ἀγαμέμνονος· ὁ μὲν γὰρ προύκρινε τῆς
γαμετῆς τὴν αἰχμάλωτον, ὁ δὲ καὶ πρὶν ἢ γῆμαι τῶν
ἁλισκομένων ἀπείχετο. μεγαλοψυχότερος δ´ Ἀχιλλέως· ὁ
μὲν γὰρ χρημάτων ὀλίγων τὸν Ἕκτορος νεκρὸν ἀπελύτρωσεν,
ὁ δὲ πολλοῖς χρήμασι Δαρεῖον ἔθαψε· καὶ ὁ μὲν
παρὰ τῶν φίλων δῶρα καὶ μισθὸν ἀντὶ τῆς ὀργῆς διαλλαγεὶς
ἔλαβεν, ὁ δὲ τοὺς πολεμίους κρατῶν ἐπλούτιζεν.
εὐσεβέστερος δὲ Διομήδους· ὁ μὲν γὰρ μάχεσθαι θεοῖς
ἦν ἕτοιμος, ὁ δὲ πάντα τοὺς θεοὺς ἐνόμιζε κατορθοῦν.
ποθεινότερος δὲ τοῖς προσήκουσιν Ὀδυσσέως· ἐκείνου
μὲν γὰρ ἡ τεκοῦσα διὰ λύπην ἀπέθανε, τούτῳ δ´ ἡ τοῦ
πολεμίου μήτηρ ὑπ´ εὐνοίας συναπέθανε.
| [2,12] Quelle était donc cette espérance, sur la foi de laquelle
Alexandre passait en Asie? Comptait-il sur des citadelles
bien fortifiées en hommes et en remparts? Sur des flottes
naviguant à travers les montagnes? Sur des fouets, sur des
chaînes, avec lesquels il châtierait la mer, comme l'avait fait
un roi barbare et insensé ? Non. Pour parler des choses hors
de lui, disons qu'il s'appuyait sur une armée très peu nombreuse,
mais qu'animaient de nombreux amours-propres,
l'émulation de lieutenants à peu près du même âge, des rivalités
de gloire et de mérite entre ses compagnons et
c'était au dedans de lui-même qu'il concentrait ses plus
grandes espérances : je veux dire par là, qu'Alexandre comptait
sur sa piété envers les Dieux, sur son dévouement à ses
amis, sur sa simplicité, sa modération, sa bienfaisance, sur
son intrépidité en face de la mort, sa magnanimité, sur son
humanité, la douceur de son commerce, sur son caractère
étranger à la dissimulation, sur sa gravité dans le conseil, sa
promptitude dans l'exécution, sur son amour de la gloire, son
ardeur à préférer le bien et à l'accomplir. Il n'y a, en effet,
ni convenance ni vraisemblance dans le portrait d'Agamemnon,
tel que le trace Homère, lorsque, faisant consister
la beauté du monarque dans trois éléments, le poète dite:
"Du souverain des Dieux c'est la tête divine,
On dirait Mars aux reins, Neptune à la poitrine."
Mais s'il est vrai d'avancer que la nature d'Alexandre fut un
harmonieux assemblage de toutes les vertus réunies avec
complaisance par le dieu qui le créa, n'aurons-nous pas raison
d'assurer, que ce héros possédait la grandeur d'âme de Cyrus,
la modération d'Agésilas, l'intelligence de Thémistocle,
l'expérience de Philippe, l'audace de Brasidas, l'habileté et les
talents politiques de Périclès ? Remontons même plus haut
dans l'antiquité. Il était plus sage qu'Agamemnon : car
Agamemnon préféra une captive à sa femme légitime, et Alexandre,
même avant d'être marié, respectait ses prisonnières.
Il avait l'âme plus élevée qu'Achille : car Achille vendait pour
un peu d'or le cadavre du fils de Priam, et lui, il consacra des
sommes considérables à la sépulture de Darius. Achille, irrité
contre ses amis, en recevait des présents et des largesses
pour se réconcilier avec eux ; lui, quand il avait
vaincu ses ennemis, les enrichissait. Il avait plus de piété que
Diomède : car Diomède était tout disposé à combattre contre
les Dieux, et Alexandre leur attribuait tous ses succès. Il fut
plus tendrement aimé de ceux qui l'approchaient que ne
l'avait été Ulysse : car si la mère de ce dernier mourut de
douleur, Alexandre inspira un tel attachement à la mère
même de son ennemi, qu'elle ne tarda pas à le suivre dans la tombe.
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