[2,13] Τὸ δ´ ὅλον, εἰ μὲν καὶ Σόλων διὰ Τύχην ἐπολιτεύσατο
καὶ Μιλτιάδης διὰ Τύχην ἐστρατήγησε καὶ Ἀριστείδης
ἀπὸ Τύχης ἦν δίκαιος, οὐδὲν ἄρα τῆς Ἀρετῆς
ἔργον ἐστίν, ἀλλ´ ὄνομα τοῦτο καὶ λόγος ἔχων δόξαν
ἄλλως διέξεισι τοῦ βίου, πλαττόμενος ὑπὸ τῶν σοφιστῶν
καὶ τῶν νομοθετῶν. εἰ δὲ τούτων καὶ τῶν ὁμοίων ἀνδρῶν
ἕκαστος πένης μὲν ἢ πλούσιος ἢ ἀσθενὴς ἢ ἰσχυρὸς ἢ
ἄμορφος ἢ καλὸς ἢ εὔγηρως ἢ ὠκύμορος διὰ τύχην
γέγονε, μέγαν δὲ στρατηγὸν καὶ μέγαν νομοθέτην καὶ
μέγαν ἐν ἀρχαῖς καὶ πολιτείαις ἕκαστος ἑαυτὸν ἀρετῇ καὶ
λόγῳ παρέσχηκε, φέρε θεῶ τὸν Ἀλέξανδρον ἅπασι παραβάλλων.
Σόλων χρεῶν ἀποκοπὴν ἐν Ἀθήναις ἐποίησε,
σεισάχθειαν προσαγορεύσας· Ἀλέξανδρος δὲ τὰ χρέα τοῖς
δανείσασιν ὑπὲρ τῶν ὀφειλόντων αὐτὸς ἐξέτισε. Περικλῆς
φορολογήσας τοὺς Ἕλληνας ἐκ τῶν χρημάτων ἐκόσμησεν
ἱεροῖς τὴν ἀκρόπολιν· Ἀλέξανδρος δὲ τὰ τῶν Βαρβάρων
χρήματα λαβὼν ἔπεμψεν εἰς τὴν Ἑλλάδα, ναοὺς τοῖς
θεοῖς ἀπὸ μυρίων ταλάντων οἰκοδομῆσαι κελεύσας. Βρασίδαν
ἐν τῇ Ἑλλάδι περιβόητον ἐποίησε τὸ πρὸς Μεθώνῃ
διαδραμεῖν τὸ στρατόπεδον τῶν πολεμίων βαλλόμενον
παρὰ τὴν θάλασσαν· Ἀλεξάνδρου δ´ ἐν Ὀξυδράκαις τὸ
δεινὸν ἐκεῖνο πήδημα καὶ ἄπιστον ἀκούουσι καὶ θεωμένοις
φοβερόν, ἐκ τειχῶν ἀφέντος ἑαυτὸν εἰς τοὺς πολεμίους
δόρασι καὶ βέλεσι καὶ ξίφεσι γυμνοῖς ἐκδεχομένους,
τίνι ἄν τις εἰκάσειεν ἢ πυρὶ κεραυνίῳ ῥαγέντι καὶ φερομένῳ
μετὰ πνεύματος, οἷον ἐπὶ γῆν κατέσκηψε "φάσμα
Φοίβου φλογοειδέσιν ὅπλοις‘ περιλαμπόμενον; οἱ δὲ τὸ
πρῶτον ἐκπλαγέντες ἅμα φρίκῃ διέτρεσαν καὶ ἀνεχώρησαν,
εἶθ´ ὡς ἑώρων ἄνθρωπον ἕνα πολλοῖς ἐπιφερόμενον,
ἀντέστησαν. ἐνταῦθ´ ἄρ´ ἡ Τύχη μεγάλα καὶ λαμπρὰ
διέφηνεν ἔργα τῆς πρὸς Ἀλέξανδρον εὐμενείας, ὅτ´ αὐτὸν
μὲν εἰς χωρίον ἄσημον καὶ βάρβαρον ἐμβαλοῦσα κατέκλεισε
καὶ περιετείχισε, τοὺς δ´ ὑπὸ σπουδῆς ἐπιβοηθοῦντας
ἔξωθεν καὶ τῶν τειχῶν ἐφιεμένους, κλάσασα καὶ
συντρίψασα τὰς κλίμακας, ὑπεσκέλισε καὶ κατεκρήμνισε.
τριῶν δ´ οἵπερ ἔφθησαν μόνοι τοῦ τείχους λαβέσθαι καὶ
καθέντες ἑαυτοὺς παραστῆναι τῷ βασιλεῖ, τὸν μὲν εὐθὺς
ἀνήρπασε καὶ προανεῖλεν, ὁ δὲ τοξεύμασι πολλοῖς διαπεπαρμένος,
ὅσον ὁρᾶν καὶ συναισθάνεσθαι μόνον ἀπεῖχε
τοῦ τεθνάναι· κεναὶ δ´ ἔξωθεν προσδρομαὶ καὶ ἀλαλαγμοὶ
Μακεδόνων, οὐ μηχανῆς τινος οὐκ ὀργάνων παρόντων,
ἀλλ´ ὑπὸ σπουδῆς ξίφεσι τυπτόντων τὰ τείχη καὶ χερσὶ
γυμναῖς περιρρῆξαι καὶ μονονοὺ διαφαγεῖν βιαζομένων.
ὁ δ´ εὐτυχὴς βασιλεὺς καὶ ὑπὸ τῆς Τύχης φυλαττόμενος
ἀεὶ καὶ δορυφορούμενος, ὥσπερ θηρίον ἄρκυσιν ἐνσχεθείς,
ἔρημος καὶ ἀβοήθητος, οὐχ ὑπὲρ Σούσων οὐδὲ
Βαβυλῶνος οὐδὲ τοῦ Βάκτρα λαβεῖν οὐδὲ τοῦ μεγάλου
Πώρου κρατῆσαι (τοῖς γὰρ ἐνδόξοις καὶ μεγάλοις
ἀγῶσι, κἂν δυστυχῶνται, τὸ γοῦν αἰσχρὸν οὐ πρόσεστιν)·
ἀλλ´ οὕτω δύσερις ἦν καὶ βάσκανος ἡ Τύχη καὶ φιλοβάρβαρος
καὶ μισαλέξανδρος, ὥστε μὴ τὸ σῶμα μόνον
αὐτοῦ μηδὲ τὸν βίον, ἀλλὰ καὶ τὴν δόξαν ἀνελεῖν ὅσον ἐφ´
ἑαυτῇ καὶ διαφθεῖραι τὴν εὔκλειαν. οὐ γὰρ παρ´ Εὐφράτην
Ἀλέξανδρον ἢ Ὑδάσπην πεσόντα κεῖσθαι δεινὸν ἦν, οὐδ´
ἀγεννὲς ἐν χερσὶ Δαρείου γενόμενον καὶ ἵπποις καὶ ξίφεσι
καὶ κοπίσι Περσῶν ἀμυνομένων ὑπὲρ τοῦ βασιλέως ἀποθανεῖν·
οὐδὲ τῶν Βαβυλῶνος ἐπιβαίνοντα τειχῶν σφαλῆναι
καὶ πεσεῖν ἀπ´ ἐλπίδος μεγάλης. οὕτω Πελοπίδας καὶ
Ἐπαμεινώνδας· ἀρετῆς ὁ τούτων θάνατος ἦν, οὐ δυστυχίας
ἐπὶ τηλικούτοις. τῆς δὲ νῦν ἐξεταζομένης Τύχης
οἷον τὸ ἔργον, ἐν ἐσχατιᾷ βαρβάρου παραποταμίας καὶ
τείχεσιν ἀδόξου πολίχνης περιβαλούσης καὶ ἀποκρυψάσης
τὸν τῆς οἰκουμένης βασιλέα καὶ κύριον ὅπλοις ἀτίμοις καὶ
σκεύεσι τοῖς παρατυχοῦσι τυπτόμενον καὶ βαλλόμενον
ἀπολέσθαι. καὶ γὰρ κοπίδι τὴν κεφαλὴν διὰ τοῦ κράνους
ἐπλήγη, καὶ βέλει τις ἀπὸ τόξου τὸν θώρακα διέκοψεν,
οὗ τοῖς περὶ τὸν μαστὸν ἐνερεισθέντος ὀστέοις καὶ καταπαγέντος
ὁ μὲν καυλὸς ἐξεῖχε βαρύνων, τῆς δ´ ἀκίδος ὁ
σίδηρος τεσσάρων δακτύλων εὖρος ἔσχε καὶ πέντε μῆκος.
ἔσχατον δὲ τῶν δεινῶν, ὁ μὲν ἠμύνετο τοὺς κατὰ στόμα
καὶ τὸν βαλόντα καὶ πελάσαι τολμήσαντα μετὰ ξίφους
αὐτὸς τῷ ἐγχειριδίῳ φθάσας κατέβαλε καὶ ἀπέκτεινεν·
ἐν τούτῳ δέ τις δραμὼν ἐκ μυλῶνος ὑπέρῳ κατὰ τοῦ
αὐχένος ὄπισθεν πληγὴν κατήνεγκεν, ἣ συνέχεε τὴν
αἴσθησιν αὐτοῦ σκοτωθέντος· ἡ δ´ Ἀρετὴ παρῆν, θάρσος
μὲν αὐτῷ ῥώμην δὲ καὶ σπουδὴν τοῖς περὶ αὐτὸν ἐμποιοῦσα.
Λιμναῖοι γὰρ καὶ Πτολεμαῖοι καὶ Λεοννάτοι, καὶ ὅσοι τὸ
τεῖχος ὑπερκαταβάντες ἢ ῥήξαντες ἔστησαν πρὸ αὐτοῦ,
τεῖχος ἀρετῆς ἦσαν, εὐνοίᾳ καὶ φιλίᾳ τοῦ βασιλέως τὰ
σώματα καὶ τὰ πρόσωπα καὶ τὰς ψυχὰς προβαλλόμενοι.
οὐ γὰρ διὰ Τύχην ἀγαθῶν βασιλέων ἑταῖροι προαποθνήσκουσιν
ἑκουσίως καὶ προκινδυνεύουσιν, ἀλλ´ ἔρωτι τῆς
Ἀρετῆς ὥσπερ ὑπὸ φίλτρων μέλιτται τῷ ἄρχοντι προσέχονται
καὶ προσπεφύκασι. τίς οὖν οὐκ ἂν εἴποι τότε
παρὼν ἀκίνδυνος θεατής, ὅτι Τύχης μέγαν ἀγῶνα κατ´
Ἀρετῆς θεᾶται, καὶ τὸ μ | [2,13] Je me résume. Si ce fut la Fortune qui fit de Solon
un politique, de Miltiade un chef d'armée, d'Aristide un
modèle de justice, dès lors la Vertu n'a plus rien à réaliser
nulle part; elle n'est qu'un mot, un vain bruit de gloire,
qui, sans aucune portée, traverse la vie ; c'est une fiction
inventée par les sophistes et par les législateurs. Si, au contraire,
ces grands hommes et ceux qui leur ressemblent,
tout en tenant de la Fortune leur pauvreté ou leur richesse,
leur faiblesse de corps ou leur vigueur, leur laideur ou leur
beauté, leur longue existence ou leur mort prématurée, ont
du moins eu le droit d'attribuer à leur propre vertu et à
leur propre sagesse leurs titres de grands généraux, de
grands législateurs, de grands rois, de grands politiques ;
eh bien! dans cette hypothèse, voyons à mettre Alexandre
en parallèle avec eux tous. Solon avait proclamé dans
Athènes une abolition des dettes, donnant à cette mesure le
titre d'exonération : Alexandre paya lui-même aux créanciers
les dettes de leurs débiteurs. Périclès avait levé des
impôts sur les Grecs, et avec cet argent il avait orné de temples
l'Acropole : Alexandre s'étant emparé des trésors de la
Perse, les envoya en Grèce, et consacra dix mille talents à
bâtir des temples aux Dieux. Brasidas avait rendu son nom
populaire dans la Grèce parce que, pour arriver jusqu'à Méthone,
il avait traversé un camp dressé par les ennemis sur
le bord de la mer : Alexandre, au siége des Oxydraques,
exécute ce fameux bond, incroyable pour ceux qui en entendent
le récit, effroyable pour ceux qui en furent les témoins.
A peine du haut des remparts est-il tombé au milieu
des ennemis, qu'il est reçu par des lances, des javelots, des
épées nues. A quoi, en un pareil moment, le comparer
mieux qu'à la foudre qui éclate, portée sur l'aile des vents?
Oui, tel qu'un éblouissant météore, il s'abattit avec son
armure qui flamboyait plus que l'éclair. Dans le premier
moment de leur surprise ils tremblèrent d'effroi et reculèrent ;
mais quand ils eurent reconnu qu'il était seul pour
attaquer un si grand nombre d'ennemis, ils songèrent à
lui résister. Dans cette circonstance la Fortune, on doit en
convenir, fit éclater par de grandes et d'éclatantes preuves
sa bienveillance envers Alexandre. Elle l'avait jeté dans
une méchante petite place de guerre, obscure et barbare ;
elle l'y tenait emprisonné et claquemuré. Les siens faisaient
tous leurs efforts pour le secourir du dehors et pour pénétrer
dans la citadelle. La Fortune brisa leurs échelles, qu'elle
réduisit en morceaux : ils retombèrent, et se brisèrent les
membres. Trois seulement parvinrent à saisir les créneaux,
à se couler le long des remparts, et à se placer aux côtés
de leur maître. Un d'eux devint aussitôt la proie et la première
victime de l'impitoyable Déesse. Un deuxième fut
transpercé de mille flèches ; et si ce n'est qu'il voyait et
sentait encore, son état ne différait en rien de celui d'un
trépassé. De l'autre côté des remparts, les Macédoniens s'épuisaient
en assauts et en cris superflus; ils n'avaient aucune
machine de guerre, aucun instrument. Dans leur rage,
ils battaient les murailles avec leurs épées, ils cherchaient à
les entr'ouvrir de leurs mains nues, ils voulaient en quelque
sorte les dévorer. Que devenait cependant l'heureux Alexandre,
que la Fortune garantissait toujours, lui servant de
garde du corps? Traqué comme l'est une bête féroce dans
des filets, il se trouvait seul et sans secours. Il ne s'agissait
pas là de s'emparer de Suze, de Babylone ou de la Bactriane;
il ne s'agissait pas de l'importante capture de Porus. Les
célèbres et grandes luttes, même lorsque l'issue en est
malheureuse, n'ont rien du moins qui soit humiliant. Ici au
contraire la Fortune était si malveillante et si jalouse, elle montrait
tant de partialité pour les Barbares, tant de haine
contre Alexandre, qu'elle en voulait non seulement à la
personne, à la vie de ce prince, mais encore à sa gloire,
et qu'elle compromettait, autant qu'il était en elle, l'éclat
de ce beau nom. Qu'Alexandre eût succombé, mordant la
poussière, sur les bords de l'Euphrate ou de l'Hydaspe,
c'eût été déplorable, mais non pas indigne, parce qu'il
aurait été immolé après avoir soutenu une lutte contre
Darius, contre des Perses accourus avec leurs chevaux,
leurs épées, leurs haches, au secours de leur roi. Ou bien
encore, admettons qu'au moment d'escalader les remparts
de Babylone, il eût fait une chute, précipité ainsi du faîte
des plus hautes espérances. Ce sort avait été celui de Pélopidas
et d'Ipaminondas; leur valeur, et non leur mauvaise
étoile, les avait fait périr au milieu de si grandes entreprises.
Mais ici, discutons la conduite de la Fortune. Que
fait-elle ? Dans un coin de pays barbare, sur les rives de je
ne sais quel fleuve, et dans les murs d'une méchante petite
place de guerre, inconnue, sans gloire, elle jette, elle enfouit
le maître et le souverain de l'univers entier. Des armes qui
n'ont rien de noble, les premiers projectiles venus, le frappent
et l'accablent. Ils vont causer sa mort. En effet, un coup
de hache a brisé son casque et frappé le héros à la tête ; la
flèche d'un archer, traversant sa cuirasse, est venue se planter
et se fixer dans les os de sa poitrine au-dessous de la
mamelle. Le bois en ressort lourdement, et le fer dont il est
garni présente quatre doigts de large et cinq de long. Enfin,
pour comble d'indignité, pendant qu'il est occupé à se défendre
contre ceux qu'il a devant lui, prévenant par son attaque
et tuant de son poignard celui qui, après l'avoir blessé
de loin, ose l'approcher avec une épée; pendant ce temps,
dis-je, un individu accourt d'un moulin, et par derrière, lui
assène sur la nuque un coup de levier qui lui fait perdre
connaissance et obscurcit tous les objets autour de lui. Mais il
lui restait la Vertu, qui ranima son audace, et qui inspira
une héroïque ardeur à ses compagnons. Les Limnée, les
Ptolémée, les Léonnatus, et tous ceux qui avaient franchi ou
brisé la muraille, vinrent lui faire un rempart de leur courage,
et par dévouement ils exposèrent et leurs corps, et
leurs visages, et leur existence. Ce n'est pas la Fortune qui
suscite en faveur des bons rois ces braves champions, jaloux
de s'exposer volontairement pour leur prince à la mort et
aux périls ; c'est l'amour qu'inspire la Vertu même, amour
semblable au charme qui réunit et retient les abeilles autour
de leur reine. Quel est celui qui, contemplant cette lutte
sans la partager, n'aurait pas dit qu'il assistait à un grand
combat entre la Fortune et la Vertu : combat où les Barbares
obtenaient, grâce à la Fortune, une indigne supériorité,
et où les Grecs, soutenus par la Vertu, résistaient au
delà même de leurs forces; combat où la victoire des premiers
ne pouvait être que l'ouvrage de la Fortune, d'un Génie envieux,
d'une fatalité odieuse, et où les Grecs devaient attendre
leur triomphe de la Vertu, de leur audace, de leur dévouement,
de leur fidélité? En effet, Alexandre n'avait plus que ce dernier
espoir. Entre lui et ce qui lui restait encore de ressources
et de forces, à savoir ses flottes, sa cavalerie, son camp, la
Fortune faisait se dresser les remparts d'une ville. A la vérité
les Macédoniens mirent en fuite les Barbares et les ensevelirent
sous les ruines de leurs murailles. Mais Alexandre
n'y trouvait aucun avantage. On l'avait emporté avec le
javelot dans son corps ; il gardait la guerre au sein de ses
entrailles; l'arme fatale tenait la cuirasse attachée, clouée
après le corps du héros. En vain s'efforçait-on d'arracher
l'arme meurtrière de la blessure où elle avait en quelque
sorte poussé des racines : le fer ne voulait pas céder
la place qu'il occupait solidement dans cette poitrine et près
de la région du coeur. Scierait-on la partie du bois qui ressortait?
On avait peur que l'os, venant à éclater par la secousse,
ne lui causât des douleurs intolérables et ne déterminât
une hémorragie trop profonde. Alexandre, qui voyait
tout cet embarras et ces perplexités, essaya, avec son poignard,
de trancher le bois à fleur de la cuirasse; mais sa main
était sans force, et l'inflammation de la blessure lui causait
un engourdissement qui la paralysait. Il demande donc
qu'on se mette à l'oeuvre sans crainte : c'est le blessé qui
encourage ceux qui ne le sont pas. Il se fâche contre les uns
parce qu'ils pleurent et sont trop émus ; les autres, il les
appelle des déserteurs, parce qu'ils n'osent, dit-il, lui porter
secours. Il crie à ses compagnons : "N'ayez aucunement
peur de me toucher : on ne voudra pas croire que je crains
peu la mort, si vous la craignez tant pour moi ?... "
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