HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Sur la fortune d'Alexandre

Discours 2

  Chapitre 11

[2,11] Ἄτοπόν τι δόξω λέγειν, ἐρῶ δ´ ἀληθές· μικροῦ διὰ τὴν Τύχην Ἀλέξανδρος ἀπώλεσε τὸ δοκεῖν Ἄμμωνος εἶναι. τίς γὰρ ἐκ θεῶν γεγονὼς ἐπισφαλεῖς οὕτω καὶ πολυπόνους καὶ τλήμονας ἐξεμόχθησεν ἄθλους πλὴν Διὸς Ἡρακλῆς; ἀλλ´ ἐκείνῳ μὲν εἷς ἀνὴρ ὑβριστὴς ἐπέταττε λέοντας αἱρεῖν καὶ κάπρους διώκειν καὶ σοβεῖν ὄρνιθας, ἵνα μὴ σχολάζῃ τοῖς μείζοσι περιιών, Ἀνταίους κολάζειν καὶ Βουσίριδας παύειν μιαιφονοῦντας· Ἀλεξάνδρῳ δ´ ἐπέταττε μὲν Ἀρετὴ τὸν βασιλικὸν καὶ θεῖον ἆθλον, οὗ τέλος ἦν οὐ χρυσὸς ὑπὸ μυρίων καμήλων παρακομιζόμενος οὐδὲ τρυφαὶ Μηδικαὶ καὶ τράπεζαι καὶ γυναῖκες οὐδὲ Χαλυβώνιος οἶνος οὐδ´ Ὑρκανικοὶ ἰχθύες, ἀλλ´ ἑνὶ κόσμῳ κοσμήσαντα πάντας ἀνθρώπους μιᾶς ὑπηκόους ἡγεμονίας καὶ μιᾶς ἐθάδας διαίτης καταστῆσαι. τοῦτον ἐκ παιδὸς ἔμφυτον ἔχων ἔρωτα συντρεφόμενον καὶ συναυξανόμενον, ὡς ἀφίκοντο πρέσβεις παρὰ τοῦ Περσῶν βασιλέως πρὸς Φίλιππον, δ´ οὐκ ἔνδημος ἦν, φιλοφρονούμενος καὶ ξενίζων αὐτοὺς Ἀλέξανδρος οὐδὲν ἠρώτα παιδικόν, οἷον οἱ ἄλλοι, περὶ τῆς χρυσῆς ἀναδενδράδος τῶν κρεμαστῶν κήπων πῶς βασιλεὺς κεκόσμηται, ἀλλ´ ὅλος ἐν τοῖς κυριωτάτοις ἦν τῆς ἡγεμονίας, διαπυνθανόμενος πόση δύναμις Περσῶν, ποῦ τεταγμένος βασιλεὺς ἐν ταῖς μάχαις διαγωνίζεται (καθάπερ Ὀδυσσεὺς ἐκεῖνος "ποῦ δέ οἱ ἔντεα κεῖται ἀρήια, ποῦ δέ οἱ ἵπποι;"), τίνες ὁδοὶ βραχύταται τοῖς ἄνω πορευομένοις ἀπὸ θαλάττης· ὥστε τοὺς ξένους ἐκπεπλῆχθαι καὶ λέγειν ὡς " παῖς οὗτος βασιλεὺς μέγας, δ´ ἡμέτερος πλούσιος". ἐπεὶ δὲ Φιλίππου τελευτήσαντος ὥρμητο διαβαλεῖν καὶ ταῖς ἐλπίσιν ἤδη καὶ ταῖς παρασκευαῖς ἐμπεφυκὼς ἔσπευδεν ἅψασθαι τῆς Ἀσίας, ἐνίστατο δὴ Τύχη καὶ ἀπέστρεφε καὶ ἀνθεῖλκεν ὀπίσω καὶ μυρίας περιέβαλλεν ἀσχολίας καὶ διατριβὰς ἐπιλαμβανομένη· πρῶτον αὐτῷ τὰ βαρβαρικὰ τῶν προσοίκων διετάραξεν, Ἰλλυρικοὺς καὶ Τριβαλλικοὺς μηχανωμένη πολέμους· οἷς μέχρι Σκυθίας τῆς παρ´ Ἴστρον ἀποσπασθεὶς ἀπὸ τῶν ἄνω πράξεων καὶ περιδραμὼν καὶ κατεργασάμενος πάντα κινδύνοις καὶ ἀγῶσι μεγάλοις, αὖθις ὥρμητο καὶ ἔσπευδε πρὸς τὴν διάβασιν {πάλιν δὲ πάλιν αὐτῷ τὰς Θήβας ἐνέσεισε καὶ πόλεμον Ἑλληνικὸν ἐμποδὼν κατέβαλε, καὶ δεινὴν πρὸς ἄνδρας ὁμοφύλους καὶ συγγενεῖς διὰ φόνου καὶ σιδήρου καὶ πυρὸς ἀνάγκην ἀμύνης, ἀτερπέστατον τέλος ἔχουσαν. ἐκ τούτου διέβαινεν, ὡς μὲν Φύλαρχός φησιν, ἡμερῶν τριάκοντ´ ἔχων ἐφόδιον, ὡς δ´ Ἀριστόβουλος, ἑβδομήκοντα τάλαντα· τῶν δ´ οἴκοι κτημάτων καὶ προσόδων βασιλικῶν διένειμε τὰς πλείστας τοῖς ἑταίροις, μόνος δὲ Περδίκκας οὐδὲν ἔλαβε διδόντος, ἀλλ´ ἠρώτησε "σαυτῷ δὲ τί καταλείπεις, Ἀλέξανδρε;" τοῦ δ´ εἰπόντος ὅτι "τὰς ἐλπίδας‘, "οὐκοῦν" ἔφη "καὶ ἡμεῖς τούτων μεθέξομεν· οὐ γὰρ δίκαιον τὰ σὰ λαμβάνειν ἀλλὰ τὰ Δαρείου περιμένειν". [2,11] Je vais avancer une proposition qui, pour sembler étrange, n'en est pas moins vraie. Il s'en fallut de peu que la Fortune ne fît perdre à Alexandre le titre de fils d'Ammon. En effet, jamais mortel issu d'un Dieu n'eut à subir des luttes aussi périlleuses, aussi pénibles, aussi ardues, si l'on excepte Hercule fils de Jupiter? Et encore, c'était un homme, un seul homme qui, dans ses emportements, imposait à Hercule l'ordre de détruire des lions, de poursuivre des sangliers sauvages, de mettre en fuite certains oiseaux, voulant qu'il ne lui restât pas le loisir de consommer des exploits plus grands, de châtier les Antées, de mettre une fin aux meurtres dont se souillaient les Busiris. Mais qui donc condamnait Alexandre à un travail de roi, à un travail de Dieu, à un travail qui ne devait jamais avoir de terme? C'était la Vertu. Il ne s'agissait pas pour le héros macédonien de se faire apporter de l'or sur des milliers de chameaux, de réunir autour de soi le luxe de la Médie, des tables somptueuses, des femmes, les vins de la Chalybonie, les poissons de l'Hyrcanie. Non : il lui fallait associer tous les hommes aux bienfaits d'une même civilisation, les soumettre à une seule autorité, les accoutumer à un genre de vie uniforme. C'était chez lui, du reste, un désir inné, qui, se manifestant dès son enfance, se fortifia et s'accrut constamment. Des députés étaient venus de la part du roi de Perse à la cour de Philippe. Ce prince était en voyage, et Alexandre les reçut. Il leur prodigua les démonstrations de la plus affectueuse hospitalité; mais il ne leur adressa aucune question d'enfant, comme d'autres faisaient. Il ne leur parla ni de la fameuse vigne, aux grappes d'or, soutenue par des arbres, ni de ces jardins suspendus, ni de la magnificence des costumes de leur souverain. Il s'attacha exclusivement à ce qui constituait la force de l'empire : il voulait savoir de quel nombre d'hommes se composaient les armées persanes, à quel endroit se plaçait le souverain dans les batailles quand il en livrait. A l'exemple du sage Ulysse qui demande: "Où paissent ses chevaux? Où place-t-il ses armes?" Alexandre s'enquérait des chemins les plus abrégés qui conduisent de la mer dans l'intérieur de la Perse. Aussi ses hôtes étaient émerveillés, et ils disaient : "Cet enfant sera un grand roi, tandis que le nôtre n'est que riche." Mais lorsqu'à la mort de Philippe il commença le cours glorieux de ses expéditions, et qu'ardent à réaliser ses espérances, à faire réussir ses préparatifs, il se jeta résolûment sur l'Asie, ce fut alors que devant ses pas se dressa soudain la Fortune. Elle voulut le détourner de sa route et le tirer en arrière, multipliant autour de lui les embarras, et lui opposant mille obstacles qui devaient le retarder. Elle commença par soulever contre lui les Barbares dont il était le voisin, en organisant les guerres d'Illyrie et des Triballes. Entraîné jusque dans le pays des Scythes, sur les bords du Danube, il fut contraint par elle de suspendre les opérations qu'il méditait contre les provinces d'en haut, pour courir ailleurs et soumettre toute une autre contrée au milieu de périls et de combats terribles. Ce ne fut donc que plus tard qu'il put recueillir son élan, et entreprendre de nouveau l'expédition en Perse. Mais cette fois encore il eut affaire à la Fortune, qui lança contre lui les Thébains et lui jeta à la traverse la guerre hellénique. Contre des peuples du même sang, de la même origine que lui, il eut à soutenir, au milieu du meurtre, du fer et du feu, des luttes terribles, inévitables, et dont les résultats furent des plus désastreux. Il en sortit pourtant, et se dirigea contre l'Asie. Il n'avait des vivres que pour trente jours de marche, s'il faut en croire Phylarque, et au rapport d'Aristobule, il était réduit à soixante-dix talents. Il n'en partagea pas moins entre ses compagnons la plus grande partie des biens de son domaine et des revenus de la couronne. Perdiccas, seul, n'accepta rien de ces largesses, et lui demanda même ce qu'il se réservait : «L'espérance,» répondit Alexandre. — "Eh bien," dit Perdiccas, "nous la partagerons ensemble : il n'est pas juste que je m'enrichisse de vos trésors, et nous attendrons ceux de Darius.»


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Dernière mise à jour : 19/05/2005