[2,9] Ἀλεξάνδρῳ δὲ τί παρ´ ἀξίαν, τί ἀνιδρωτί, τί ἀναιμωτί,
τί προῖκα, τί μὴ πονήσαντι τῶν μεγάλων; αἵματι κεκραμένους
ποταμοὺς ἔπιε καὶ νεκροῖς γεγεφυρωμένους διέβη,
καὶ πόαν ἔφαγε διὰ λιμὸν ἣν πρώτην εἶδε, καὶ βάθεσι
χιόνων κατακεχωσμένα ἔθνη καὶ πόλεις ὑπὸ γῆν δεδυκυίας
ἐξώρυξε, καὶ θάλατταν μαχομένην ἔπλευσε, καὶ
θῖνας ἀνύδρους τὰς Γεδρωσίων καὶ Ἀραχωσίων ὁδεύων
ἐν θαλάσσῃ πρότερον ἢ ἐν γῇ φυτὸν εἶδεν. εἰ γὰρ ἦν ὡς
πρὸς ἄνθρωπον ἀγαγεῖν Παρρησίαν ὑπὲρ Ἀλεξάνδρου πρὸς
τὴν Τύχην, οὐκ ἂν εἶπε "ποῦ σὺ καὶ πότε ταῖς Ἀλεξάνδρου
πράξεσιν ὁδὸν ἔδωκας; ποίαν πέτραν ἀναιμωτὶ διὰ σὲ
εἷλε; ποίαν πόλιν ἀφρούρητον αὐτῷ παρέδωκας ἢ ποίαν
ἄνοπλον φάλαγγα; τίς εὑρέθη βασιλεὺς ῥᾴθυμος ἢ στρατηγὸς
ἀμελὴς ἢ κοιμώμενος πυλωρός; ἀλλ´ οὐδ´ εὔβατος
ποταμὸς οὐδὲ χειμὼν μέτριος οὐδὲ θέρος ἄλυπον. ἄπιθι
πρὸς Ἀντίοχον τὸν Σελεύκου, πρὸς Ἀρτοξέρξην τὸν Κύρου
ἀδελφόν· ἄπελθε πρὸς Πτολεμαῖον τὸν Φιλάδελφον. ἐκείνους
ζῶντες οἱ πατέρες βασιλεῖς ἀνηγόρευσαν, ἐκεῖνοι μάχας
ἀδακρύτους ἐνίκων, ἐκεῖνοι πανηγυρίζοντες ἐν πομπαῖς
καὶ θεάτροις διετέλεσαν, ἐκείνων ἕκαστος δι´ εὐτυχίαν
βασιλεύων ἐγήρασεν. Ἀλεξάνδρου δ´ εἰ μηδὲν ἄλλο, τὸ σῶμ´
ἰδοῦ κατατετρωμένον· ἐξ ἄκρας κεφαλῆς ἄχρι ποδῶν διακέκοπται
καὶ περιτέθλασται τυπτόμενον ὑπὸ τῶν πολεμίων
"ἔγχεΐ τ´ ἄορί τε μεγάλοισί τε χερμαδίοισιν·"
ἐπὶ Γρανίκου ξίφει διακοπεὶς τὸ κράνος
ἄχρι τῶν τριχῶν, ἐν Γάζῃ βέλει πληγεὶς τὸν ὦμον, ἐν
Μαρακάνδοις τοξεύματι τὴν κνήμην ὥστε τῆς κερκίδος
τὸ ὀστέον ἀποκλασθὲν ὑπὸ τῆς πληγῆς ἐξαλέγθαι· περὶ
τὴν Ὑρκανίαν λίθῳ τὸν τράχηλον, ἐξ οὗ καὶ τὰς ὄψεις
ἀμαυρωθεὶς ἐφ´ ἡμέρας πολλὰς ἐν φόβῳ πηρώσεως ἐγένετο·
πρὸς Ἀσσακάνοις Ἰνδικῷ βέλει τὸ σφυρόν, ὅτε καὶ
πρὸς τοὺς κόλακας εἶπεν ἐπιμειδιάσας ‘τουτὶ μὲν αἷμα,
οὐκ "ἰχώρ, οἷός πέρ τε ῥέει μακάρεσσι
θεοῖσιν‘·" ἐν Ἰσσῷ ξίφει τὸν μηρόν, ὡς Χάρης φησίν,
ὑπὸ Δαρείου τοῦ βασιλέως εἰς χεῖρας αὐτῷ συνδραμόντος·
αὐτὸς δ´ Ἀλέξανδρος ἁπλῶς γράφων καὶ μετὰ πάσης
ἀληθείας πρὸς Ἀντίπατρον ‘συνέβη δέ μοι" φησί ‘καὶ
αὐτῷ ἐγχειριδίῳ πληγῆναι εἰς τὸν μηρόν· ἀλλ´ οὐδὲν
ἄτοπον οὔτε παραχρῆμα οὔθ´ ὕστερον ἐκ τῆς πληγῆς
ἀπήντησεν." ἐν Μαλλοῖς τοξεύματι διπήχει διὰ τοῦ
θώρακος εἰς τὸ στῆθος· ὑ- - - πελάσας ἔλαβε κατὰ τοῦ
αὐχένος, ὡς Ἀριστόβουλος ἱστόρηκε. διαβὰς δὲ
τὸν Τάναϊν ἐπὶ τοὺς Σκύθας καὶ τρεψάμενος, ἐδίωξεν
ἵππῳ πεντήκοντα καὶ ἑκατὸν σταδίους, ὑπὸ διαρροίας
ἐνοχλούμενος.
| [2,9] Alexandre, au contraire, remporta-t-il jamais quelques
grands succès sans les avoir mérités? En fut-il un seul qu'il
n'achetât au prix de ses sueurs et de son sang ; un seul qui
lui fût gratuitement concédé, qui ne lui coûtât de grandes
fatigues? Il but à des fleuves teints de sang; il en franchit
d'autres sur des ponts de cadavres. Pressé par la faim, il
mangea la première herbe venue. Il pénétra chez des nations
englouties sous des monceaux de neige, dans des villes
cachées au fond de la terre. Il traversa des mers qui combattaient
contre lui. Il fit route dans les sables arides de la
Gédrosie et de l'Arachosie, voyant des herbes et des plantes
au fond des eaux avant d'en voir à la surface du sol.
S'il était permis d'interpeller la Fortune comme on interpellerait
une créature humaine, et de prendre devant
elle, avec liberté, la défense d'Alexandre, n'aurait-on pas
le droit de lui dire : «Où et quand as-tu ouvert la voie aux
exploits d'Alexandre? Cite une roche qu'il ait prise, grâce à
toi, sans effusion de sang ; une ville que tu lui aies livrée
sans garnison ; une phalange qui ne fût complétement armée.
Eut-il affaire à un monarque insouciant, à un général
peu soigneux, à des sentinelles endormies? Non : pour lui
jamais de fleuve facile à franchir, jamais d'hiver tempéré,
jamais d'été supportable. Va-t-en trouver Antiochus, fils de
Seleucus, Artaxerce, frère de Cyrus; va-t-en près de Ptolémée
Philadelphe. Voilà des princes que, du vivant de leurs
pères, ceux-ci proclamèrent rois, voilà des princes qui remportèrent
des victoires sans larmes, qui passèrent toute
leur vie à donner des fêtes et des représentations théâtrales.
Tous, sans en excepter un seul, ils vieillirent sur
leur trône au sein de la félicité. Au contraire, regarde
Alexandre; et, à défaut d'autres indices, vois ce corps
transpercé de blessures depuis la tête jusqu'aux pieds. Est-il
assez entamé, assez tailladé par les coups des ennemis, qui
font jouer contre sa personne
"Et la lance, et l'épée, et les quartiers de rocs"!
Au Granique un cimeterre lui fend le casque jusqu'à ses
cheveux; à Gaza il a l'épaule frappée d'une flèche; à Maracande
un javelot lui traverse la cuisse, et telle est la violence
de ce coup que l'os de la jambe en est brisé et sort
par la blessure ; en Hyrcanie, il reçoit une pierre au cou,
et sa vue en est affaiblie au point que durant plusieurs
jours il craint de devenir aveugle. Chez les Assacans, un
javelot indien l'atteint au talon : c'est alors qu'il dit en souriant
à ses flatteurs : "C'est bien du sang, et non pas
Cette liqueur qui court dans les veines des dieux".
A Issus, au rapport de Charès, il reçut dans la cuisse un
coup d'épée que lui asséna le roi Darius en se mesurant avec
lui ; et après cette rencontre il écrivit, tout simplement et
avec une parfaite sincérité, à Antipater : «Il m'est arrivé
de recevoir aussi un coup d'épée dans la cuisse. Mais c'est
une blessure qui n'a rien eu de fâcheux, ni dans le moment
même, ni pour la suite." Chez les Malliens un javelot de
deux coudées de longueur perfora sa cuirasse et pénétra à
travers sa poitrine pour ressortir par le haut du cou, comme
le raconte l'historien Aristobule. Au passage du Tallais, où
il combattait les Scythes et où il les culbuta, il les poursuivit
à cheval l'espace de cent cinquante stades, bien que
tourmenté cruellement par la dyssenterie.
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