[2,8] Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ἄν τις ἀπείποι λέγων, οἷς ἀποδείκνυται
κάλλιστα καὶ βασιλικώτατα τὴν ἐξουσίαν διατιθέμενος.
καὶ γὰρ εἰ διὰ Τύχην μέγας γέγονε, μείζων
ἐστίν, ὅτι τῇ Τύχῃ καλῶς κέχρηται· καὶ ὅσῳ τις ἂν μᾶλλον
αὐτοῦ τὴν Τύχην ἐπαινῇ, τοσούτῳ μᾶλλον αὔξει τὴν
ἀρετήν, δι´ ἣν ἄξιος τῆς Τύχης ἐγένετο. οὐ μὴν ἀλλ´ ἤδη
πρὸς τὰ πρῶτα τῆς αὐξήσεως αὐτοῦ καὶ τὰς ἀρχὰς τῆς
δυνάμεως βαδίζω, καὶ σκοπῶ τί τὸ τῆς Τύχης ἔργον ἐν
ἐκείνοις γέγονε, δι´ ὅ φασιν Ἀλέξανδρον ὑπὸ τῆς Τύχης
μέγαν γεγονέναι. πῶς γὰρ οὐχί; τὸν ἄτρωτον, ὦ Ζεῦ,
τὸν ἀναίμακτον, τὸν ἀστράτευτον, ὃν χρεμετίσας ἵππος
εἰς τὸν Κύρου θρόνον ἐκάθισεν, ὡς Δαρεῖον τὸν Ὑστάσπου
πρότερον, ἢ κολακευθεὶς ἀνὴρ ὑπὸ τῆς γυναικός,
ὡς Ξέρξην Δαρεῖος ὑπ´ Ἀτόσσης; ἐπὶ θύρας αὐτῷ τὸ
διάδημα τῆς Ἀσίας ἦλθεν, ὥσπερ Ὀάρσῃ διὰ Βαγώαν,
καὶ στολὴν ἐκδυσάμενος ἀστάνδου περιέθετο τὴν βασιλικὴν
καὶ ὀρθοπαγῆ κίταριν; ἐξαίφνης καὶ ἀπροσδοκήτως
κλήρῳ λαχὼν τῆς οἰκουμένης ἐβασίλευσεν, ὡς Ἀθήνησι
κλήρῳ θεσμοθετοῦσι καὶ ἄρχουσι; βούλει μαθεῖν, πῶς
βασιλεύουσιν ἄνθρωποι διὰ Τύχην; ἐξέλιπέ ποτ´ Ἀργείοις
τὸ Ἡρακλειδῶν γένος, ἐξ οὗ βασιλεύεσθαι πάτριον ἦν
αὐτοῖς· ζητοῦσι δὲ καὶ διαπυνθανομένοις ὁ θεὸς ἔχρησεν
ἀετὸν δείξειν· καὶ μεθ´ ἡμέρας ὀλίγας ἀετὸς ὑπερφανεὶς
καὶ κατάρας ἐπὶ τὴν Αἴγωνος οἰκίαν ἐκάθισε, καὶ βασιλεὺς
ᾑρέθη Αἴγων. πάλιν ἐν Πάφῳ, τοῦ βασιλεύοντος
ἀδίκου καὶ πονηροῦ φανέντος, ἐκβαλὼν τοῦτον Ἀλέξανδρος
ἕτερον ἐζήτει, τοῦ Κινυραδῶν γένους ἤδη φθίνειν καὶ
ἀπολείπειν δοκοῦντος. ἕνα δ´ οὖν ἔφασαν περιεῖναι πένητα
καὶ ἄδοξον ἄνθρωπον ἐν κήπῳ τινὶ παρημελημένως
διατρεφόμενον. ἐπὶ τοῦτον οἱ πεμφθέντες ἧκον, εὑρέθη
δὲ πρασιαῖς ὕδωρ ἐπαντλῶν· καὶ διεταράχθη τῶν στρατιωτῶν
ἐπιλαμβανομένων αὐτοῦ καὶ βαδίζειν κελευόντων.
ἀχθεὶς δὲ πρὸς Ἀλέξανδρον ἐν εὐτελεῖ σινδονίσκῃ βασιλεὺς
ἀνηγορεύθη καὶ πορφύραν ἔλαβε καὶ εἷς ἦν τῶν ἑταίρων
προσαγορευομένων· ἐκαλεῖτο δ´ Ἀβδαλώνυμος. οὕτως αἱ
τύχαι ποιοῦσι βασιλεῖς, μεταμφιάζουσι, μεταγράφουσι
ταχύ, ῥᾳδίως, μὴ προσδεχομένους μηδ´ ἐλπίζοντας.
| [2,8] Mais ce serait à y renoncer, si l'on voulait reproduire
tous les faits qui prouvent le noble et royal emploi qu'Alexandre
faisait de son autorité. Car s'il a été grand par la
Fortune, il l'a été davantage encore pour avoir su noblement
user des faveurs de cette déesse ; et plus on louera en lui
la prospérité, plus on rehaussera le mérite par lequel il sut
en être digne.
Quoi qu'il en soit, je passe à la première période de son
agrandissement, aux causes qui développèrent sa puissance;
et je veux chercher la part qu'y eut la Fortune,
puisque la Fortune, dit-on, fit la grandeur d'Alexandre.
Comment donc, par Jupiter, ne lui épargna-t-elle pas les
blessures, les flots de sang, la fatigue des expéditions ? Pourquoi
ne fut-ce pas le hennissement d'un cheval qui le fit asseoir
sur le trône de Cyrus, comme s'y asseyait avant lui
Darius fils d'Hystaspe ? Pourquoi ne dut-il pas le sceptre
aux caresses prodiguées à un autre homme par une épouse,
comme Xerxès dut le sien à celles d'Atossa flattant Darius ?
Le diadème royal vint-il le trouver à sa porte, comme il
arriva pour Parysatis, à qui Bagoas l'apporta ? N'eut-il qu'à
quitter la robe d'astande pour revêtir le costume royal et
se coiffer de la tiare droite ? Fut-ce soudainement et contre
toute attente, fut-ce par la décision du sort qu'il devint roi
de l'univers entier, comme à Athènes le sort désigne les
thesmothètes et les archontes? Voulez-vous savoir comment
on vient à être roi par hasard ? Jadis, en Argos, la race
dans laquelle de temps immémorial se prenaient les rois, la
race des Héraclides s'éteignit. On se mit en quête, on interrogea
l'oracle ; et le dieu répondit qu'un aigle donnerait
les indications nécessaires. A quelques jours de là un aigle
apparut dans les airs ; il plana sur la demeure d'un certain
Egon, finit par s'y abattre, et l'on choisit Égon pour roi.
Second exemple. A Paphos, le souverain se montrait injuste
et cruel. Alexandre le détrôna, et il cherchait un autre
rejeton de la famille des Cinyrades, que l'on croyait déjà
épuisée et éteinte. On lui dit qu'il en restait encore un,
homme pauvre et obscur qui, négligé de tous, vivait de la
culture de son jardin. Quand ceux qui avaient été envoyés à
sa recherche furent arrivés près de lui, ils le trouvèrent puisant
de l'eau pour ses légumes. Quel ne fut pas son trouble,
lorsque les soldats mirent la main sur lui et lui enjoignirent
de marcher ! Conduit devant Alexandre avec son grossier
sarreau, il est proclamé roi, il est revêtu de la pourpre,
et mis au nombre de ceux que l'on appelle «compagnons
du souverains» ; il se nommait Alynome. Voilà comment
le hasard fait les rois : il les dépouille de leurs vêtements pour
leur en donner de nouveaux, il les inscrit sous un autre
nom : rien n'est plus promptement, plus facilement exécuté,
sans que ces rois improvisés s'y attendent ou l'espèrent.
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