[1,2] Οἶμαι δ´ ἂν αὐτὸν εἰπεῖν πρὸς τὴν Τύχην τοῖς
κατορθώμασιν αὑτὴν ἐπιγράφουσαν "μή μου διάβαλλε
τὴν ἀρετὴν μηδ´ ἀφαιροῦ περισπῶσα τὴν δόξαν. Δαρεῖος
ἦν σὸν ἔργον, ὃν ἐκ δούλου καὶ ἀστάνδου βασιλέως
κύριον Περσῶν ἐποίησας· καὶ Σαρδανάπαλος, ᾧ τὸ διάδημα
τῆς βασιλείας πορφύραν ξαίνοντι περιέθηκας.
ἐγὼ δ´ εἰς Σοῦσα νικῶν δι´ Ἀρβήλων ἀναβέβηκα, καὶ
Κιλικία μοι πλατεῖαν ἀνέῳξεν Αἴγυπτον, Κιλικίαν δὲ
Γράνικος, ὃν Μιθριδάτῃ καὶ Σπιθριδάτῃ νεκροῖς ἐπιβὰς
διεπέρασα. κόσμει σεαυτὴν καὶ σεμνύνου βασιλεῦσιν
ἀτρώτοις καὶ ἀναιμάκτοις· ἐκεῖνοι γὰρ εὐτυχεῖς ἦσαν,
Ὦχοι καὶ Ἀρτοξέρξαι, οὓς εὐθὺς ἐκ γενετῆς τῷ Κύρου
θρόνῳ ἐνίδρυσας. τοὐμὸν δὲ σῶμα πολλὰ σύμβολα φέρει
Τύχης ἀνταγωνιζομένης οὐ συμμαχούσης. πρῶτον ἐν
Ἰλλυριοῖς λίθῳ τὴν κεφαλὴν ὑπέρῳ δὲ τὸν τράχηλον
ἠλοήθην· ἔπειτα περὶ Γράνικον τὴν κεφαλὴν βαρβαρικῇ
μαχαίρᾳ διεκόπην, ἐν δ´ Ἰσσῷ ξίφει τὸν μηρόν· πρὸς
δὲ Γάζῃ τὸ μὲν σφυρὸν ἐτοξεύθην, τὸν δ´ ὦμον ἐμπεσὼν
βῶλος ἐξ ἕδρας περιεδίνησε· πρὸς δὲ Μαρακανδάνοις
τοξεύμασι τὸ τῆς κνήμης ὀστέον διεσχίσθην· τὰ λοιπὰ
δ´ Ἰνδῶν πληγαὶ καὶ βίαι - - - θυμῶν· ἐν Ἀσπασίοις
ἐτοξεύθην τὸν ὦμον, ἐν δὲ Γανδρίδαις τὸ σκέλος· ἐν
Μαλλοῖς βέλει μὲν ἀπὸ τόξου τὸ στέρνον ἐνερεισθέντι
καὶ καταδύσαντι τὸν σίδηρον, ὑπέρου δὲ πληγῇ παρὰ τὸν
τράχηλον, ὅτε προστεθεῖσαι τοῖς τείχεσιν αἱ κλίμακες
ἐκλάσθησαν, ἐμὲ δ´ ἡ Τύχη μόνον συνεῖρξεν οὐδὲ λαμπροῖς
ἀνταγωνισταῖς, ἀλλὰ βαρβάροις ἀσήμοις χαριζομένη
τηλικοῦτον ἔργον· εἰ δὲ μὴ Πτολεμαῖος ὑπερέσχε τὴν
πέλτην, Λιμναῖος δὲ πρὸ ἐμοῦ τοῖς μυρίοις ἀπαντήσας
βέλεσιν ἔπεσεν, ἤρειψαν δὲ θυμῷ καὶ βίᾳ Μακεδόνες
τὸ τεῖχος, ἔδει τάφον Ἀλεξάνδρου τὴν βάρβαρον ἐκείνην
καὶ ἀνώνυμον κώμην γενέσθαι".
| [1,2] Je crois l'entendre parler lui-même à la Fortune quand
elle prétend s'attribuer de pareils succès : "Ne viens pas",
lui dit-il, "calomnier ma vertu; ne viens pas ravir ma gloire
et me l'arracher". Ton ouvrage, c'était un Darius, que
d'esclave et de satellite de son roi tu fis souverain des Perses;
c'était un Sardanapale, qui filait de la pourpre quand
tu le ceignis du diadème royal. Mais moi, c'est ma victoire
d'Arbèles qui me conduisit à Suze; la Cilicie m'ouvrit un
large chemin vers l'Égypte, et dans cette Cilicie j'entrai en
traversant le Granique sur les cadavres de Mithridate et de
Spithridate. Pare-toi, tire vanité, de ces monarques dont le
sang n'a jamais coulé, qui n'ont jamais reçu de blessures,
de ces Ochus et de ces Artaxerxès. Voilà des princes fortunés,
que du berceau tu installas immédiatement au trône de
Cyrus. Pour moi, j'ai sur mon corps des preuves nombreuses
attestant que la Fortune a été mon adversaire plus souvent
qu'elle n'a été mon alliée. A ma première affaire, en
Illyrie, je reçus une pierre au front, et je fus frappé d'un
coup de levier à la nuque. Ensuite, sur les bords du Granique,
j'eus la tête presque fendue d'un cimeterre. A Issus,
une épée me traversa la cuisse. A Gaza, je fus atteint d'une
flèche à la cheville du pied, et je me démis l'épaule en
tombant lourdement de ma selle. A Maracadarte, un dard
me brisa l'os de la jambe. Et, pour parler du reste, dans les
Indes que de blessures je reçus, que d'ennemis furieux j'affrontai !
Chez les Assacéniens je fus frappé à l'épaule; chez
les Gandrides, à la cuisse; chez les Malliens, à la poitrine
par une flèche dont le fer resta dans la plaie, et par un coup
de levier derrière la tête, quand vinrent à se rompre les
échelles appliquées contre la muraille. La Fortune m'enferma
seul dans une ville ennemie; et ce fut non pas à de
glorieux adversaires, mais à des Barbares obscurs qu'elle
accorda la faveur insigne de m'y surprendre. Et si Ptolémée
ne m'eût couvert de son écu, si Limnée ne fût tombé sous
une grêle de traits en s'élançant au-devant de moi, si les
Macédoniens, à force de courage et d'énergie, n'avaient
renversé les murailles, il aurait fallu que cette bourgade
barbare et sans nom devînt la sépulture d'Alexandre !
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