[2,6] Ἀλλ´ Ἀλέξανδρος ἠρίστα μὲν ὄρθρου καθεζόμενος,
ἐδείπνει δὲ πρὸς ἑσπέραν βαθεῖαν, ἔπινε δὲ θύσας τοῖς
θεοῖς, ἐκύβευε δὲ πρὸς Μήδιον πυρέττων, ἔπαιζε δ´
ὁδοιπορῶν ἅμα καὶ μανθάνων τοξεύειν καὶ ἀποβαίνειν
ἅρματος. ἔγημε δὲ Ῥωξάνην ἑαυτῷ μόνην ἐρασθείς, τὴν
δὲ Δαρείου Στάτειραν τῇ βασιλείᾳ καὶ τοῖς πράγμασι
(συνέφερε γὰρ ἡ τῶν γενῶν ἀνάμιξις), τῶν δ´ ἄλλων
Περσίδων ἐκράτησε τοσοῦτον σωφροσύνῃ, ὅσον ἀνδρείᾳ
Περσῶν· ἄκουσαν μὲν γὰρ οὐδεμίαν εἶδεν, ἃς δ´ εἶδε
μᾶλλον ἢ ἃς οὐκ εἶδε παρῆλθε. καὶ πᾶσιν ὢν τοῖς ἄλλοις
φιλάνθρωπος, μόνοις ὑπερηφάνως τοῖς καλοῖς ἐχρῆτο.
περὶ δὲ τῆς Δαρείου γυναικός, εὐπρεπεστάτης γενομένης,
οὐδὲ φωνὴν ἐπαινοῦσαν τὸ κάλλος ἤκουσεν· ἀποθανοῦσαν
δ´ οὕτω βασιλικῶς ἐκόσμησε καὶ συμπαθῶς ἐδάκρυσεν,
ὥστ´ ἄπιστον αὐτοῦ τὸ σῶφρον ἐν τῷ φιλανθρώπῳ
γενέσθαι καὶ λαβεῖν ἀδικίας ἔγκλημα τὴν χρηστότητα.
Δαρεῖος γὰρ οὕτως ἐκινήθη πρὸς τὴν ἐξουσίαν αὐτοῦ
καὶ τὴν ἡλικίαν (εἷς γὰρ ἦν καὶ αὐτὸς ἔτι τῶν νομιζόντων
διὰ Τύχην κρατεῖν Ἀλέξανδρον)· ἐπεὶ δὲ τἀληθὲς ἔγνω
βασανίσας πανταχόθεν, "οὐ πάντως‘ εἶπεν "ἄρα φαύλως
ἔχει τὰ Περσῶν, οὐδέ τις ἐρεῖ παντάπασι κακοὺς ἡμᾶς
οὐδ´ ἀνάνδρους ὑπὸ τοιούτου κρατηθέντας. ἐγὼ δ´ εὐτυχίαν
μὲν εὔχομαι καὶ κράτος πολέμου παρὰ θεῶν, ἵν´
εὖ ποιῶν Ἀλέξανδρον ὑπερβάλωμαι· καί μέ τις ἔχει
φιλοτιμία καὶ ζῆλος ἡμερώτερον αὐτοῦ φανῆναι· εἰ
δ´ οἴχεται τὰ ἐμά, Ζεῦ πατρῷε Περσῶν καὶ βασίλειοι
θεοί, μηδεὶς εἰς τὸν Κύρου θρόνον ἄλλος ἢ Ἀλέξανδρος
καθίσειε". τοῦτ´ εἰσποίησις ἦν Ἀλεξάνδρου διὰ θεῶν
μαρτύρων.
| [2,6] Au contraire, Alexandre dînait à la pointe du jour, et il
dînait assis. Il ne soupait que fort avant dans la soirée.
Jamais il ne buvait sans avoir offert de sacrifice aux Dieux.
Quand il jouait aux dés, et avec Médius, c'est qu'il avait la
fièvre. Ses délassements consistaient à s'apprendre, dans
les marches, à tirer de l'arc et à descendre d'un char. Etant
devenu amoureux de Roxane, il l'épousa et ne lui donna
point de rivales. S'il s'unit ensuite avec Statira, fille de Darius,
c'est qu'il importait aux intérêts de son trône et de sa
puissance que les deux nations se rapprochassent au moyen
des deux familles. Mais il fut autant vainqueur des autres
Persanes par sa continence, qu'il le fut des Perses par sa
bravoure. Il n'en vit aucune malgré elle ; et celles qu'il vit,
il montra pour elles plus d'indifférence que pour celles qu'il
n'avait pas vues. Plein de douceur à l'égard de tous les
autres, il ne témoignait de dédain qu'envers ceux que signalait
leur beauté. Pour ce qui est de la femme de Darius,
dont les attraits étaient des plus séduisants, il ne voulut
pas entendre une fois louer ses charmes devant lui ; et quand
elle mourut, il lui fit des funérailles si magnifiques, il la
pleura avec tant d'effusion, que cette sensibilité donna lieu
de douter de sa vertu et que l'on accusa comme criminelle
la bonté de son coeur. Darius, pour sa part, avait été alarmé
en songeant à la puissance et à la jeunesse du vainqueur :
car il était un de ceux qui persistaient encore à penser que
les succès d'Alexandre étaient dus à la Fortune. Mais quand
il eut reconnu la vérité, grâce aux épreuves nombreuses
qu'il fit de toutes parts : «Ah !» dit-il, «les Perses ne sont
point tombés si bas, et l'on ne peut pas dire que nous
soyons si poltrons et si lâches, puisqu'il a fallu un tel conquérant
pour nous abattre ! Sans doute je demande aux
Dieux qu'ils me soient prospères et que je sorte victorieux
de la lutte, mais c'est afin que je puisse surpasser Alexandre
en générosité. Oui, mon ambition, mon désir, c'est de
l'emporter en clémence sur un tel adversaire. Mais si ma
dynastie s'en va, ô Jupiter protecteur de la Perse, ô vous
dieux tutélaires des couronnes, que sur le trône de Cyrus
nul autre ne s'assoie qu'Alexandre !» C'était là une manière
d'adopter Alexandre à la face des Dieux.
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