[2,5] Ὅθεν οὐκ ἐν τῇ κτήσει τῶν ἀγαθῶν ἀλλ´ ἐν τῇ
χρήσει τὸ μέγ´ ἐστίν, ἐπεὶ καὶ νήπια βρέφη κληρονομεῖ
βασιλείας πατρῴας καὶ ἀρχάς, ὡς Χάριλλος, ὃν Λυκοῦργος
ἅμα τῷ σπαργάνῳ κομίσας εἰς τὸ φιδίτιον ἀνθ´ ἑαυτοῦ
βασιλέα τῆς Σπάρτης ἀνηγόρευσε· καὶ οὐκ ἦν μέγας ὁ
νήπιος, ἀλλ´ ὁ τῷ νηπίῳ τὸ πατρῷον ἀποδοὺς γέρας καὶ
μὴ σφετερισάμενος μηδ´ ἀποστερήσας. Ἀριδαῖον δὲ τίς ἂν
ἐποίησε μέγαν, ὃν οὐδὲν νηπίου διαφέροντα μονονοὺ
σπαργανώσας τῇ πορφύρᾳ Μελέαγρος εἰς τὸν Ἀλεξάνδρου
θρόνον ἔθηκεν, εὖ γε ποιῶν, ἵν´ ὀφθῇ παρ´ ἡμέρας ὀλίγας,
πῶς ἀρετῇ βασιλεύουσιν ἄνθρωποι καὶ πῶς τύχῃ.
ἀγωνιστῇ γὰρ ἡγεμονίας ὑποκριτὴν ἐπεισήγαγε, μᾶλλον
δ´ ὡς ἐπὶ σκηνῆς δορυφόρημα κωφὸν διεξῆλθε τῆς οἰκουμένης.
"καί κε γυνὴ φέροι ἄχθος, ἐπεί κεν ἀνὴρ ἀναθείη"·
τοὐναντίον μὲν οὖν εἴποι τις ἄν,
ὅτι λαβεῖν καὶ ἀναθέσθαι δύναμιν καὶ πλοῦτον καὶ ἀρχὴν
καὶ γυναικός ἐστι καὶ παιδός· (Ὀάρσῃ καὶ Δαρείῳ Βαγώας
ὁ εὐνοῦχος ἀράμενος ἐπέθηκε τὴν Περσῶν βασιλείαν·)
τὸ δὲ λαβόντα μεγάλην ἐξουσίαν ἐνεγκεῖν καὶ μεταχειρίσασθαι
καὶ μὴ συντριβῆναι μηδὲ διαστραφῆναι τῷ βάρει
καὶ μεγέθει τῶν πραγμάτων, ἀνδρός ἐστιν ἀρετὴν καὶ
φρόνημα καὶ νοῦν ἔχοντος· ἣν Ἀλέξανδρος ἔσχεν, ᾧ
μέθην τινὲς ἐγκαλοῦσι καὶ οἴνωσιν. ὁ δ´ ἦν μέγας, ἐν τοῖς
πράγμασι νήφων καὶ μὴ μεθυσθεὶς μηδὲ βακχευθεὶς
ὑπ´ ἐξουσίας καὶ δυνάμεως, ἧς μικρὸν ἕτεροι μεταλαβόντες
καὶ ἀπογευσάμενοι κρατεῖν ἑαυτῶν οὐ δύνανται·
"κακοὶ γὰρ ἐμπλησθέντες ἢ νομίσματος,
ἢ πόλεος ἐμπεσόντες εἰς τιμάς τινας,
σκιρτῶσιν ἀδόκητ´ εὐτυχησάντων δόμων".
Κλεῖτος ἐν Ἀμοργῷ τρεῖς ἢ τέτταρας Ἑλληνικὰς ἀνατρέψας
τριήρεις Ποσειδῶν ἀνηγορεύθη καὶ τρίαιναν ἐφόρει.
Δημήτριος δέ, ᾧ τῆς Ἀλεξάνδρου δυνάμεως ἡ Τύχη
σμικρὸν ἀποσπάσασα προσέθηκε, Καταιβάτης καλούμενος
ἐπήκουε, καὶ πρέσβεις πρὸς αὐτὸν οὐκ ἔπεμπον
ἀλλὰ θεωροὺς αἱ πόλεις, καὶ τὰς ἀποκρίσεις χρησμοὺς
προσηγόρευον. Λυσίμαχος τὰ περὶ Θρᾴκην ὥσπερ ἐσχατιάς
τινας τῆς βασιλείας κατασχὼν εἰς τοσοῦτον ὑπεροψίας
ἔφθασε καὶ θρασύτητος, ὥστ´ εἰπεῖν "νῦν Βυζάντιοι
πρὸς ἐμὲ ἥκουσιν, ὅτε τῇ λόγχῃ τοῦ οὐρανοῦ ἅπτομαι".
παρὼν δὲ Πασιάδης ὁ Βυζάντιος "ὑπάγωμεν‘ ἔφη "μὴ
τῇ ἐπιδορατίδι τὸν οὐρανὸν τρυπήσῃ". καὶ τί ἂν περὶ
τούτων λέγοι τις, οἷς ἐξῆν δι´ Ἀλέξανδρον μέγα φρονεῖν,
ὅπου Κλέαρχος Ἡρακλείας τύραννος γενόμενος σκηπτὸν
ἐφόρει καὶ τῶν υἱῶν ἕνα Κεραυνὸν ὠνόμασε; Διονύσιος
δ´ Ἀπόλλωνος υἱὸν ἑαυτὸν ὠνόμασεν, ἐπιγράψας
"Δωρίδος ἐκ μητρὸς Φοίβου κοινώμασι βλαστών".
ὁ δὲ πατὴρ αὐτοῦ τῶν μὲν πολιτῶν μυρίους ἢ καὶ πλείους
ἀνελών, προδοὺς δὲ τὸν ἀδελφὸν ὑπὸ φθόνου τοῖς πολεμίοις,
οὐκ ἀναμείνας δὲ τὴν μητέρα γραῦν οὖσαν ὀλίγαις
ἡμέραις ἀποθανεῖν ὕστερον ἀλλ´ ἀποπνίξας, ἐν δὲ τραγῳδίᾳ
γράψας αὐτός
"ἡ γὰρ τυραννὶς ἀδικίας μήτηρ ἔφυ,"
ὅμως τῶν θυγατέρων τὴν μὲν Ἀρετὴν τὴν δὲ Σωφροσύνην
ὠνόμασε τὴν δὲ Δικαιοσύνην. οἱ δ´ Εὐεργέτας οἱ δὲ
Καλλινίκους οἱ δὲ Σωτῆρας οἱ δὲ Μεγάλους ἀνηγόρευσαν
ἑαυτούς. γάμους δ´ αὐτῶν ἐπαλλήλους ὥσπερ ἵππων ἐν
ἀγέλαις γυναικῶν ἀνέδην διημερευόντων καὶ φθορὰς
παίδων καὶ τυμπανισμοὺς ἐν ἀνδρογύνοις καὶ κυβείας
μεθημερινὰς καὶ αὐλήσεις ἐν θεάτροις καὶ νύκτα μὲν ἐν
δείπνοις ἡμέραν δ´ ἐν ἀρίστοις ἐπιλείπουσαν οὐδεὶς ἂν
ἐφίκοιτο τῷ λόγῳ διελθεῖν.
| [2,5] Ainsi donc, ce n'est pas dans la possession des biens
que consiste la grandeur, c'est dans leur emploi : puisque
des enfants au maillot héritent du trône et de la puissance
de leurs pères. Ainsi arriva-t-il à Charillus, que Lycurgue
porta dans son berceau jusqu'à la salle des repas en commun
et proclama roi de Sparte en remplacement de lui-même.
De quel côté était la grandeur ? Certes, ce n'était pas
du côté de cette faible créature, mais du côté de Lycurgue,
qui lui restituait l'héritage paternel au lieu de se l'approprier
et de l'en priver. Comment trouver quelque grandeur chez
Aridée qui, à peine sorti du berceau, fut enveloppé dans la
pourpre comme dans des langes par Méléagre, et placé par
lui sur le trône d'Alexandre? Toute la gloire est pour Méléagre :
et grâce à lui l'on put voir, durant un espace de
peu de jours, comment les hommes sont rois par la vertu et
comment ils le sont par la Fortune. A un vaillant champion
de la royauté Méléagre donna pour successeur un semblant
de roi; ou plutôt, comme sur une scène de théâtre, il promena
le sceptre du monde en le mettant aux mains d'un
personnage muet.
A entendre le poète, "L'homme impose la charge, et la femme la porte."
On pourrait dire, au contraire, qu'une femme et un enfant
ont qualité pour recevoir et pour déférer à un autre la puissance,
la richesse et l'autorité. Voyez Oarsés et Darius :
l'eunuque Bagoas prend la couronne des Perses et la leur
met sur la tête. Mais pour soutenir une grande puissance
quand on l'a reçue, pour en régler l'exercice sans en être
écrasé, sans fléchir sous le poids et l'importance des affaires,
il faut avoir la vertu, l'intelligence et la résolution d'un
homme de coeur, tel que l'était Alexandre.
Il y en a qui lui reprochent de s'être enivré et d'avoir
aimé le vin. Mais ce n'en est pas moins un grand homme.
Dans les affaires il savait être sobre. S'il fut grisé, s'il
fut échauffé, ce ne fut jamais par le pouvoir et l'autorité
absolue; tandis que les autres n'y ont pas plus tôt eu
goûté et n'en ont pas plus tôt approché leurs lèvres, qu'il
leur est impossible de se maîtriser :
"Combien de méchants gorgés de richesses
Ou comblés d'honneurs, s'en vont étalant,
Parvenus d'hier, un faste insolent!"
Clitus, pour avoir coulé bas trois ou quatre galères grecques
auprès d'Amorgos, fut proclamé Neptune, et il portait
un trident. De Démétrius, à qui la Fortune ne départit
qu'un mince lambeau de l'empire d'Alexandre , on
disait que c'était "un Dieu ici-bas descendu." Ce n'étaient
pas des ambassades, mais des processions que lui députaient
les villes, et ses réponses étaient appelées des oracles.
Lysimaque qui avait pris la Thrace, c'est-à-dire un
petit bout d'un vaste empire, en était venu à cet excès de
dédain et d'impudence, qu il disait : «Maintenant, les Byzantins
accourent vers moi, quand ma pique touche le ciel.»
A quoi Pasiadès, de Byzance, qui se trouvait là, répondit:
«Faisons retraite, de peur qu'il ne crève le ciel avec le fer
de sa pique.» Et encore, pourquoi parler ainsi de ces
princes ? Il leur était permis d'être fiers à cause d'Alexandre;
mais que penser d'un Cléarque qui, devenu tyran d'Héraclée,
portait toujours à la main un carreau, et appelait
un de ses fils «la Foudre»?
Citerai-je Denys-le-Jeune? Il se donna le titre de fils
d'Apollon dans l'inscription que voici :
"Je suis fils d'Apollon et d'une Dorienne".
Or son père avait mis à mort dix mille citoyens, et même
davantage ; ce père avait, par jalousie, livré son propre frère
aux ennemis; il n'avait pas attendu que leur mère, accablée
de vieillesse, terminât le peu de jours qui lui restaient
encore à vivre, et il l'avait étranglée. Ce qui ne l'empêcha
pas d'écrire dans une tragédie de sa composition
"Toujours la tyrannie enfante l'injustice";
ce qui ne l'empêcha pas d'appeler ses trois filles «Vertu,
Sagesse, Justice». Certains rois se firent donner les noms
de Bienfaisants, de Victorieux, de Sauveurs, de Grands.
De tels autres les mariages se succédaient sans interruption :
ils faisaient de leurs palais des haras où ils passaient
la journée, comme des chevaux lâchés au milieu de
juments. Parlerai-je de ces enfants qu'ils déshonoraient ?
de ces prêtres châtrés avec lesquels ils jouaient du tambours?
de ces parties interminables de jeux de dés? de ces
concerts exécutés sur les théâtres? de ces nuits passées à
à souper? de ces journées qui n'étaient pas assez longues
pour leurs dîners ? On ne finirait pas, si l'on entreprenait
des récits de ce genre.
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