[2,2] Ἀλλ´ Ἀλέξανδρος εἰδὼς τίνων δεῖ θεατὴν εἶναι καὶ ἀκροατὴν
καὶ τίνων ἀγωνιστὴν καὶ αὐτουργόν, ἤσκει μὲν ἀεὶ διὰ
τῶν ὅπλων δεινὸς εἶναι καὶ κατὰ τὸν Αἰσχύλον
"βριθὺς ὁπλιτοπάλας, δάιος ἀντιπάλοις".
ταύτην τέχνην ἔχων προγονικὴν ἀπ´ Αἰακιδῶν, ἀφ´
Ἡρακλέους, ταῖς δ´ ἄλλαις τέχναις τὸ τιμᾶν ἄνευ τοῦ
ζηλοῦν ἀπεδίδου κατὰ τὸ ἔνδοξον αὐτῶν καὶ χαρίεν, τῷ
τέρπειν δ´ οὐκ ἦν εὐάλωτος εἰς τὸ μιμεῖσθαι. γεγόνασι
δὲ κατ´ αὐτὸν τραγῳδοὶ μὲν οἱ περὶ Θετταλὸν καὶ Ἀθηνόδωρον,
ὧν ἀνταγωνιζομένων ἀλλήλοις, ἐχορήγουν μὲν
οἱ Κύπριοι βασιλεῖς ἔκρινον δ´ οἱ δοκιμώτατοι τῶν στρατηγῶν.
ἐπεὶ δ´ ἐνίκησεν Ἀθηνόδωρος, "ἐβουλόμην ἄν‘ ἔφη
"μᾶλλον ἀπολωλεκέναι μέρος τῆς βασιλείας ἢ Θετταλὸν
ἐπιδεῖν ἡττημένον". ἀλλ´ οὔτ´ ἐνέτυχε τοῖς κριταῖς οὔτε
τὴν κρίσιν ἐμέμψατο, πάντων οἰόμενος δεῖν περιεῖναι,
τοῦ δικαίου δ´ ἡττᾶσθαι. κωμῳδοὶ δ´ ἦσαν οἱ περὶ Λύκωνα
τὸν Σκαρφέα· τούτῳ δ´ εἴς τινα κωμῳδίαν ἐμβαλόντι
στίχον αἰτητικὸν γελάσας ἔδωκε δέκα τάλαντα. κιθαρῳδοὶ
δ´ ἄλλοι τε καὶ Ἀριστόνικος, ὃς ἐν μάχῃ τινὶ προσβοηθήσας
ἔπεσε λαμπρῶς ἀγωνισάμενος. ἐκέλευσεν οὖν αὐτοῦ
γενέσθαι χαλκοῦν ἀνδριάντα καὶ σταθῆναι Πυθοῖ, κιθάραν
ἔχοντα καὶ δόρυ προβεβλημένον, οὐ τὸν ἄνδρα τιμῶν
μόνον, ἀλλὰ καὶ μουσικὴν κοσμῶν ὡς ἀνδροποιὸν καὶ
μάλιστα δὴ πληροῦσαν ἐνθουσιασμοῦ καὶ ὁρμῆς τοὺς
γνησίως ἐντρεφομένους. καὶ γὰρ αὐτός, Ἀντιγενίδου ποτὲ
τὸν ἁρμάτειον αὐλοῦντος νόμον, οὕτω παρεξέστη καὶ
διεφλέγη τὸν θυμὸν ὑπὸ τῶν μελῶν, ὥστε τοῖς ὅπλοις
ᾄξας ἐπιβαλεῖν τὰς χεῖρας ἐγγὺς παρακειμένοις καὶ
μαρτυρῆσαι τοῖς Σπαρτιάταις ᾄδουσιν
"ἕρπει γὰρ ἄντα τῶ σιδάρω τὸ καλῶς κιθαρίδδειν".
ἦν δὲ καὶ Ἀπελλῆς ὁ ζωγράφος καὶ Λύσιππος ὁ πλάστης
κατ´ Ἀλέξανδρον· ὧν ὁ μὲν ἔγραψε τὸν κεραυνοφόρον
οὕτως ἐναργῶς καὶ κεκραμένως, ὥστε λέγειν, ὅτι δυεῖν
Ἀλεξάνδρων ὁ μὲν Φιλίππου γέγονεν ἀνίκητος, ὁ δ´
Ἀπελλοῦ ἀμίμητος. Λυσίππου δὲ τὸ πρῶτον Ἀλέξανδρον
πλάσαντος ἄνω βλέποντα τῷ προσώπῳ πρὸς τὸν οὐρανὸν
(ὥσπερ αὐτὸς εἰώθει βλέπειν Ἀλέξανδρος ἡσυχῆ παρεγκλίνων
τὸν τράχηλον) ἐπέγραψέ τις οὐκ ἀπιθάνως
"αὐδασοῦντι δ´ ἔοικεν ὁ χάλκεος εἰς Δία λεύσσων·
Γᾶν ὑπ´ ἐμοὶ τίθεμαι· Ζεῦ, σὺ δ´ Ὄλυμπον ἔχε".
διὸ καὶ μόνον Ἀλέξανδρος ἐκέλευε Λύσιππον εἰκόνας αὐτοῦ
δημιουργεῖν. μόνος γὰρ οὗτος, ὡς ἔοικε, κατεμήνυε τῷ
χαλκῷ τὸ ἦθος αὐτοῦ καὶ συνεξέφαινε τῇ μορφῇ τὴν
ἀρετήν· οἱ δ´ ἄλλοι τὴν ἀποστροφὴν τοῦ τραχήλου καὶ
τῶν ὀμμάτων τὴν διάχυσιν καὶ ὑγρότητα μιμεῖσθαι
θέλοντες οὐ διεφύλαττον αὐτοῦ τὸ ἀρρενωπὸν καὶ λεοντῶδες.
ἐν δ´ οὖν τοῖς ἄλλοις τεχνίταις καὶ Στασικράτης ἦν
ἀρχιτέκτων, οὐδὲν ἀνθηρὸν οὐδ´ ἡδὺ καὶ πιθανὸν τῇ
ὄψει διώκων, ἀλλὰ καὶ χειρὶ μεγαλουργῷ καὶ διαθέσει
χορηγίας βασιλικῆς οὐκ ἀποδεούσῃ χρώμενος. οὗτος
ἀναβὰς πρὸς Ἀλέξανδρον ἐμέμφετο τὰς γραφομένας εἰκόνας
αὐτοῦ καὶ πλαττομένας καὶ γλυφομένας, ὡς ἔργα
δειλῶν καὶ ἀγεννῶν τεχνιτῶν· "ἐγὼ δ´‘ εἶπεν "εἰς ἄφθαρτον,
ὦ βασιλεῦ, καὶ ζῶσαν ὕλην καὶ ῥίζας ἔχουσαν ἀιδίους
καὶ βάρος ἀκίνητον καὶ ἀσάλευτον ἔγνωκά σου τὴν
ὁμοιότητα καταθέσθαι τοῦ σώματος. ὁ γὰρ Θρᾴκιος
Ἄθως, ᾗ μέγιστος αὐτὸς αὑτοῦ καὶ περιφανέστατος
ἐξανέστηκεν, ἔχων ἑαυτῷ σύμμετρα πλάτη καὶ ὕψη καὶ
μέλη καὶ ἄρθρα καὶ διαστήματα μορφοειδῆ, δύναται
κατεργασθεὶς καὶ σχηματισθεὶς εἰκὼν Ἀλεξάνδρου καλεῖσθαι
καὶ εἶναι, ταῖς μὲν βάσεσιν ἁπτομένου τῆς θαλάσσης,
τῶν δὲ χειρῶν τῇ μὲν ἐναγκαλιζομένου καὶ φέροντος
πόλιν ἐνοικουμένην μυρίανδρον, τῇ δὲ δεξιᾷ ποταμὸν
ἀέναον ἐκ φιάλης σπένδοντος εἰς τὴν θάλασσαν ἐκχεόμενον.
χρυσὸν δὲ καὶ χαλκὸν καὶ ἐλέφαντα καὶ ξύλα καὶ
βαφάς, ἐκμαγεῖα μικρὰ καὶ ὠνητὰ καὶ κλεπτόμενα καὶ
συγχεόμενα, καταβάλωμεν". ταῦτ´ ἀκούσας Ἀλέξανδρος
τὸ μὲν φρόνημα τοῦ τεχνίτου καὶ τὸ θάρσος ἀγασθεὶς
ἐπῄνεσεν, "ἔα δὲ κατὰ χώραν‘ ἔφη "τὸν Ἄθω μένειν·
ἀρκεῖ γὰρ ἑνὸς βασιλέως ἐνυβρίσαντος εἶναι μνημεῖον·
ἐμὲ δ´ ὁ Καύκασος δείξει καὶ τὰ Ἠμωδὰ καὶ Τάναϊς καὶ
τὸ Κάσπιον πέλαγος· αὗται τῶν ἐμῶν ἔργων εἰκόνες".
| [2,2] Mais Alexandre distinguait dans quelles circonstances
il devait rester spectateur ou auditeur, dans quelles autres il
devait se constituer champion et payer de sa personne. Il
s'exerçait sans relâche à conquérir la supériorité des armes,
à être, pour employer l'expression d'Eschyle :
"Un vigoureux guerrier, terreur de ses rivaux".
C'était un art qu'il tenait de ses ancêtres, des AEacides,
d'Hercule. Quant aux autres talents, il les honorait sans prétendre
y exceller. Il en appréciait le mérite et le charme;
mais cette séduction n'alla jamais au point de lui en inspirer
le goût. Il y avait de son temps deux acteurs tragiques,
Thessalus et Athénodore, qui se disputèrent un jour le prix
de leur art. Les rois de Chypre avaient fait les frais du spectacle,
et les juges furent choisis parmi les généraux les plus
estimés. Athénodore fut vainqueur : «J'aurais mieux aimé»
dit Alexandre, «perdre une moitié de mon royaume que de
voir Thessalus vaincu." Cependant il n'intervint pas auprès
des juges et ne blâma pas leur décision, pensant que s'il
devait imposer sa loi à tous, il devait subir celle de la Justice.
Un poète comique de la ville de Scarphée, nommé
Lycon, avait introduit dans une de ses pièces un vers où il
formulait une requête. Le prince sourit, et lui donna dix
talents. Entre autres musiciens il avait à sa suite un certain
Aristonicus, qui, étant venu à son secours dans une
mêlée, périt après avoir combattu de la manière la plus
brillante. Il voulut qu'on lui élevât une statue en bronze,
et qu'elle fût placée dans l'enceinte des jeux Pythiques,
tenant une lyre d'une main et de l'autre une lance en arrêt.
C'était là, non seulement honorer le guerrier, mais encore
rendre hommage à la musique, comme à un art qui fait des
gens de coeur, et qui, plus que tous, remplit d'ardeur et
d'enthousiasme les âmes bien dirigées. Du reste, lui-même,
un jour qu'Antigénidas jouait l'air «des chars», il se sentit
le coeur tellement transporté et enflammé que, par un soudain
élan, il se jeta sur ses armes placées auprès de lui, et
les saisit entre ses mains, justifiant par son exemple ce refrain
des Spartiates :
"Par ses nobles accords la lyre invite aux armes."
Le peintre Apelle et le statuaire Lysippe vivaient aussi du
temps d'Alexandre. Le statuaire l'avait peint en porte-foudre
sous des traits si frappants et avec tant de vérité, qu'on
disait que des deux Alexandres, celui de Philippe était invincible,
et celui d'Apelle, inimitable. Pour Lysippe il jeta
le premier en fonte la statue du monarque, avec le visage
tourné vers le ciel, et la tête un peu penchée, selon l'attitude
ordinaire d'Alexandre. Quelqu'un mit au-dessous cette inscription
pleine de justesse :
Regardant Jupiter, ce bronze semble dire :
"A toi les cieux; pour moi, la terre est mon empire."
Aussi Alexandre ordonna-t-il que le seul Lysippe fit ses
statues : parce que cet artiste était, à ce qu'il paraît, le seul
qui pût imprimer sur le bronze le caractère du prince, et reproduire
l'âme en même temps que la figure d'Alexandre.
Les autres, en voulant imiter l'inflexion de son cou, la vivacité
et la limpidité de son regard, ne conservaient pas ce
qu'il y avait de viril et de léonin dans sa personne. Au nombre
des autres artistes de ce temps-là se trouvait encore
l'architecte Stasicrate. Celui-ci ne s'attachait pas à flatter la
vue par le fleuri, le gracieux et la vraisemblance de ses compositions.
Ses plans étaient tous grandioses, et ne pouvaient
se réaliser qu'avec le concours d'une opulence vraiment
royale. Etant donc venu à la cour d'Alexandre, il critiqua tous
les portraits et toutes les statues du prince, déclarant que
c'étaitl'oeuvre d'artisans ignobles et sans mérite. "Mais moi, "
dit-il, "c'est dans une matière impérissable, grand roi, dans
une matière animée, et assise sur des bases éternelles, que
j'ai résolu de tailler votre image. Cette matière, c'est le
géant de la Thrace, c'est l'Athos. Je le prendrai à l'endroit
où il est le plus élevé et domine le plus au loin, à l'endroit
où sa largeur et sa hauteur offrent entre elles le plus de symétrie.
J'y trouverai des membres avec leurs proportions et
leurs distances; et j'en pourrai faire, à votre image, une statue
qu'on appellera Alexandre, et qui sera bien réellement
lui. De ses pieds elle touchera la mer : l'une de ses mains portera
dans sa paume une ville capable de renfermer dix mille
habitants, l'autre tiendra une urne d'où s'échappera en
ondes intarissables un fleuve allant se jeter dans la mer. Arrière
donc, et l'or et le bronze, et l'ivoire; arrière le bois,
les couleurs, et tous ces matériaux mesquins, qui s'achètent,
qui peuvent être dérobés et fondus ! Nous les rejetons.»
En entendant ces paroles Alexandre, émerveillé du génie et
de la hardiesse de Stasicrate, lui donna beaucoup d'éloges;
mais il dit : "Laisse l'Athos demeurer à la place qu'il occupe.
C'est assez, qu'il rappelle l'extravagance d'un seul monarque.
Pour être vu, j'aurai le Caucase, les monts Emodiens, le
Tapas et la mer Caspienne : ce seront là autant d'images
de mes exploits."
|