HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Sur la fortune d'Alexandre

Discours 2

  Chapitre 1

[2,0] ΠΕΡΙ ΤΗΣ ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΥ ΤΥΧΗΣ Η ΑΡΕΤΗΣ ΛΟΓΟΣ Βʹ [2,0] SUR LA FORTUNE OU LA VERTU D'ALEXANDRE. SECOND DISCOURS.
[2,1] Διέφυγεν ἡμᾶς, ὡς ἔοικε, χθὲς εἰπεῖν, ὅτι καὶ τέχνας πολλὰς καὶ φύσεις μεγάλας κατ´ Ἀλέξανδρον χρόνος ἐνεγκεῖν εὐτύχησεν· τοῦτο μὲν οὐ τῆς Ἀλεξάνδρου τύχης γέγονεν ἀλλὰ τῆς ἐκείνων, μάρτυρα λαβεῖν καὶ θεατὴν τὸν ἄριστα κρῖναι τὸ κατορθούμενον καὶ μάλιστ´ ἀμείψασθαι δυνάμενον; λέγεται γοῦν, ὅτι χρόνοις ὕστερον, Ἀρχεστράτου γενομένου ποιητοῦ χαρίεντος ἐν δὲ πενίᾳ καὶ ἀδοξίᾳ διάγοντος, εἶπέ τις πρὸς αὐτόν "ἀλλ´ εἰ κατ´ Ἀλέξανδρον ἐγένου, κατὰ στίχον ἄν σοι Κύπρον Φοινίκην ἔδωκεν". οἶμαι δὲ καὶ τῶν τότε τεχνιτῶν οὐ κατ´ Ἀλέξανδρον ἀλλὰ δι´ Ἀλέξανδρον τοὺς πρώτους γενέσθαι. καρπῶν μὲν γὰρ εὐφορίαν εὐκρασία ποιεῖ καὶ λεπτότης τοῦ περιέχοντος ἀέρος, τεχνῶν δὲ καὶ φύσεων ἀγαθῶν αὔξησιν εὐμένεια καὶ τιμὴ καὶ φιλανθρωπία βασιλέως ἐκκαλεῖται· καὶ τοὐναντίον ὑπὸ φθόνου καὶ σμικρολογίας φιλονεικίας τῶν κρατούντων σβέννυται καὶ φθίνει πᾶν τὸ τοιοῦτον. Διονύσιος γοῦν τύραννος, ὥς φασι, κιθαρῳδοῦ τινος ἀκούων εὐδοκιμοῦντος ἐπηγγείλατο δωρεὰν αὐτῷ τάλαντον· τῇ δ´ ὑστεραίᾳ τοῦ ἀνθρώπου τὴν ὑπόσχεσιν ἀπαιτοῦντος "χθέςεἶπεν "εὐφραινόμενος ὑπὸ σοῦ παρ´ ὃν ᾖδες χρόνον εὔφρανα κἀγώ σε ταῖς ἐλπίσιν· ὥστ´ ἀπέχεις τὸν μισθὸν ὧν ἔτερπες ἀντιτερπόμενος". Ἀλέξανδρος δ´ Φεραίων τύραννος (ἔδει δὲ τοῦτο μόνον αὐτὸν καλεῖσθαι καὶ μὴ καταισχύνειν τὴν ἐπωνυμίαν) θεώμενος τραγῳδὸν ἐμπαθέστερον ὑφ´ ἡδονῆς διετέθη πρὸς τὸν οἶκτον. ἀναπηδήσας οὖν ἐκ τοῦ θεάτρου θᾶττον βάδην ἀπῄει, δεινὸν εἶναι λέγων, εἰ τοσούτους ἀποσφάττων πολίτας ὀφθήσεται τοῖς Ἑκάβης καὶ Πολυξένης πάθεσιν ἐπιδακρύων. οὗτος μὲν οὖν μικροῦ καὶ δίκην ἐπράξατο τὸν τραγῳδόν, ὅτι τὴν ψυχὴν αὐτοῦ καθάπερ σίδηρον ἐμάλαξεν. Ἀρχελάῳ δὲ δοκοῦντι γλισχροτέρῳ περὶ τὰς δωρεὰς εἶναι Τιμόθεος ᾄδων ἐνεσήμαινε πολλάκις τουτὶ τὸ κομμάτιον "σὺ δὲ τὸν γηγενέταν ἄργυρον αἰνεῖς". δ´ Ἀρχέλαος οὐκ ἀμούσως ἀντεφώνησε "σὺ δέ γ´ αἰτεῖς". δὲ τῶν Σκυθῶν βασιλεὺς Ἀντέας Ἰσμηνίαν τὸν αὐλητὴν λαβὼν αἰχμάλωτον ἐκέλευσεν αὐλῆσαι παρὰ πότον. θαυμαζόντων δὲ τῶν ἄλλων καὶ κροτούντων, αὐτὸς ὤμοσεν ἀκροᾶσθαι τοῦ ἵππου χρεμετίζοντος ἥδιον. οὕτω μακρὰν ἀπεσκηνώκει τὰ ὦτα τῶν Μουσῶν, καὶ τὴν ψυχὴν ἐν ταῖς φάτναις εἶχεν, οὐχ ἵππων ἀλλ´ ὄνων ἐπιτηδειοτέραν ἀκούειν. τίς ἂν οὖν παρὰ τοιούτοις βασιλεῦσιν αὔξησις τιμὴ τέχνης γένοιτο καὶ Μούσης τοιαύτης; ἀλλ´ οὐδὲ παρὰ τοῖς κακοτέχνοις ἐθέλουσιν εἶναι καὶ διὰ τοῦτο βασκανίᾳ καὶ δυσμενείᾳ τοὺς ἀληθῶς τεχνίτας καθαιροῦσιν. οἷος ἦν πάλιν αὖ Διονύσιος τὸν ποιητὴν Φιλόξενον εἰς τὰς λατομίας ἐμβαλών, ὅτι τραγῳδίαν αὐτοῦ διορθῶσαι κελευσθεὶς εὐθὺς ἀπὸ τῆς ἀρχῆς ὅλην μέχρι τῆς κορωνίδος περιέγραψεν. ἦν δὲ καὶ Φίλιππος ἐν τούτοις ὑπ´ ὀψιμαθίας ἑαυτοῦ μικρότερος καὶ νεοπρεπέστερος· ὅθεν καί φασι πρός τινα ψάλτην περὶ κρουμάτων αὐτοῦ διαφερομένου καὶ δοκοῦντος ἐξελέγχειν, ἀτρέμα μειδιάσαντα τὸν ἄνθρωπον εἰπεῖν "μὴ γένοιτό σοι, βασιλεῦ, ἀθλίως οὕτως, ἵνα ταῦτ´ ἐμοῦ βέλτιον εἰδῇς". [2,1] Nous avons, ce semble, oublié hier de dire, que le siècle d'Alexandre eut encore le bonheur de produire des talents nombreux et de grands génies. Mais peut-être ce bonheur fut-il moins pour Alexandre que pour ces hommes de talent et de génie, puisqu'il leur fut possible de se déployer devant le témoin et le juge qui devait le mieux les apprécier, le plus dignement les récompenser. On rapporte, du reste, un mot qui fut prononcé sur lui bien longtemps après sa mort. Archestrate, poète agréable, vivait pauvre et méconnu : "Si tu avais vécu du temps d'Alexandre", lui dit quelqu'un, "il t'aurait donné pour chacun de tes vers une île de Chypre ou une Phénicie.» Pour moi, je pense que les grands artistes de cette époque-là ne se produisirent pas sous Alexandre, mais par Alexandre. A quoi tient l'abondance des fruits? aux bonnes conditions et à la pureté de l'air ambiant. De même, l'apparition des talents et des beaux génies est provoquée par la bienveillance, les égards et la générosité des souverains : comme, par un effet contraire, leur jalousie, leur mesquinerie ou leur mauvais vouloir étouffent et font périr des germes de cette nature. On rapporte à ce propos que Denys le Tyran, après avoir entendu un joueur de cithare qui était fort en vogue, lui promit de lui donner un talent. L'artiste lui rappelant le lendemain sa promesse : "Hier", dit le prince, "comme j'avais eu grand plaisir tout le temps que tu as chanté, j'ai voulu te faire plaisir à mon tour en te donnant une espérance : de sorte que la satisfaction que j'ai eue, je t'en ai récompensé en te procurant une autre satisfaction.» Alexandre, tyran de Phères (je devrais le désigner par ce dernier titre seulement, et ne pas déshonorer le nom d'Alexandre), assistant un jour à une tragédie, fut ému d'un si vif intérêt qu'il se sentait presque attendri. Il sortit précipitamment hors du théâtre, et s'enfuit à grands pas, disant qu'il serait par trop étrange que celui qui égorgeait tant de citoyens laissât voir que les malheurs d'Hécube et de Polyxène lui arrachaient des larmes. Peu s'en fallut même qu'il ne punît l'acteur tragique, parce qu'il avait amolli un coeur de fer comme le sien. Archélaüs passait pour être trop peu généreux dans ses dons. Timothée le lui donna souvent à entendre, par cette raillerie qu'il glissait au milieu de ses chants : "Tu n'aimes rien que l'or, vil produit de la terre." A quoi Archélaüs répondit assez spirituellement : "Et toi, tu le mendies ..." Atéas, roi des Scythes, ayant fait prisonnier le joueur de flûte Isménias, lui ordonna de jouer de la flûte pendant le repas. Tous les assistants, émerveillés du talent de l'artiste, applaudissaient; Atéas, seul, jura qu'il entendait avec plus de plaisir les hennissements de son cheval : tant ses oreilles avaient planté leur tente loin des Muses. Son âme était constamment à l'écurie; et il était plus fait pour entendre, non pas hennir des chevaux, mais braire des ânes. Comment avec de tels rois espérer des progrès ou des honneurs pour les arts et pour les travaux des Muses! Que dis-je! Dans les vrais artistes ils voient des espèces de rivaux, auprès desquels ils ne sont pas bien aises de se trouver; et dans leur jalousie et leur malveillance, ils finissent par se débarrasser d'eux. C'est ainsi, pour le citer encore, que Denis faisait jeter aux carrières le poète Philoxène, parce que, chargé de corriger une tragédie du monarque, il avait tout effacé depuis le premier mot jusqu'au tiret final. De même Philippe, attendu qu'il n'avait commencé à étudier que fort tard, montra toujours en ces matières une médiocrité, et en même temps une présomption qu'il ne portait pas ailleurs. Aussi rapporte-t-on qu'un jour il disputait avec un joueur de cithare sur la manière de toucher l'instrument, et il croyait l'avoir confondu. L'autre se contenta de sourire doucement et de lui dire : «Au Ciel ne plaise, Seigneur, que vous en sachiez plus que moi là-dessus!»


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Dernière mise à jour : 19/05/2005