[1,11] Εἶεν· αἱ δὲ δὴ πράξεις αὐτοῦ πότερον αὐτοματισμὸν
ἐπιφαίνουσι τύχης καὶ βίαν πολεμικὴν καὶ
χειροκρατίαν ἢ πολλὴν μὲν ἀνδρείαν καὶ δικαιοσύνην
πολλὴν δὲ σωφροσύνην καὶ πραότητα μετὰ κόσμου καὶ
συνέσεως, νήφοντι καὶ πεπνυμένῳ τῷ λογισμῷ πάντα
πράττοντος; οὐ γὰρ ἔστιν εἰπεῖν διακρίναντά με μὰ τοὺς
θεούς, ὅτι τοῦτο μὲν ἀνδρείας, τοῦτο δὲ φιλανθρωπίας,
τοῦτο δ´ ἐγκρατείας· ἀλλὰ πᾶν ἔργον ἐκ πασῶν ἔοικε
τῶν ἀρετῶν μεμῖχθαι, βεβαιοῦντος αὐτοῦ τὸν Στωικὸν
ἐκεῖνον λόγον, ὅτι πᾶν, ὃ ἂν δρᾷ ὁ σοφός, κατὰ πᾶσαν
ἀρετὴν ἐνεργεῖ, καὶ μία μέν, ὡς ἔοικεν, ἀρετὴ πρωταγωνιστεῖ
πράξεως ἑκάστης, παρακαλεῖ δὲ τὰς ἄλλας καὶ
συνεντείνει πρὸς τὸ τέλος. ἰδεῖν γοῦν ἔστιν ἐν Ἀλεξάνδρῳ
τὸ μὲν πολεμικὸν φιλάνθρωπον, τὸ δὲ πρᾶον ἀνδρῶδες,
τὸ δὲ χαριστικὸν οἰκονομικόν, τὸ δὲ θυμικὸν εὐδιάλλακτον,
τὸ δ´ ἐρωτικὸν σῶφρον, τὸ δ´ ἀνειμένον οὐκ ἀργόν, τὸ
δ´ ἐπίπονον οὐκ ἀπαραμύθητον. τίς ἔμιξε πολέμοις
ἑορτάς; τίς δὲ κώμοις στρατείας; τίς δὲ πολιορκίαις καὶ
παρατάξεσι βακχείας καὶ γάμους καὶ ὑμεναίους; τίς
ἀδικοῦσιν ἐχθρότερος ἢ δυστυχοῦσιν ἡμερώτερος; τίς
μαχομένοις βαρύτερος ἢ δεομένοις εὐγνωμονέστερος;
ἔπεισί μοι τὸ τοῦ Πώρου δεῦρο μετενεγκεῖν. ἐκεῖνος γὰρ
ὡς ἤχθη πρὸς Ἀλέξανδρον αἰχμάλωτος, πυθομένου πῶς
αὐτῷ χρήσηται, "βασιλικῶς‘ εἶπεν "ὦ Ἀλέξανδρε". πάλιν
δ´ ἐπερομένου "μή τι ἄλλο;" "οὐδέν‘ εἶπε "πάντα γὰρ
ἔ〈νεστιν ἐν τῷ βασιλικῶς". κἀμοὶ δὴ ταῖς Ἀλεξάνδρου
πράξεσιν ἔπεισιν ἐπιφωνεῖν ἀεί "φιλοσόφως"· ἐν τούτῳ
γὰρ πάντ´ ἔνεστι. Ῥωξάνης ἐρασθεὶς τῆς Ὀξυάρτου
θυγατρὸς ἐν ταῖς αἰχμαλωτίσι χορευούσης οὐχ ὕβρισεν
ἀλλ´ ἔγημε· φιλοσόφως. Δαρεῖον ἰδὼν κατηκοντισμένον
οὐκ ἔθυσεν οὐδ´ ἐπαιάνισεν ὡς τοῦ μακροῦ πολέμου
τέλος ἔχοντος, ἀλλὰ τὴν χλαμύδα τὴν ἑαυτοῦ περιελὼν
ἐπέρριψε τῷ νεκρῷ καθάπερ τινὰ τύχης βασιλικῆς νέμεσιν
συγκαλύπτων· φιλοσόφως. ἐπιστολὴν δέ ποτε τῆς μητρὸς
ἀπόρρητον διερχόμενος, Ἡφαιστίωνος ὡς ἔτυχε παρακαθημένου
καὶ ἁπλῶς συναναγινώσκοντος, οὐκ ἐκώλυσεν,
ἀλλὰ τὸν δακτύλιον ἑαυτοῦ τῷ στόματι προσέθηκεν
αὐτοῦ, κατασφραγισάμενος φιλικῇ πίστει τὴν σιωπήν·
φιλοσόφως. εἰ γὰρ ταῦτ´ οὐκ ἔστι φιλοσόφως, τίν´ ἐστὶν ἄλλα;
| [1,11] Voilà qui est dit touchant ce premier point. Passons aux
actes d'Alexandre. Démontrent-ils un hasard de la Fortune,
une force brutale et uniquement guerrière, ou bien un grand
courage uni à une grande justice, une haute sagesse et une
inépuisable douceur jointes à beaucoup d'ordre et de pénétration ?
N'y voit-on pas les résultats d'une vigilance toujours
active, toujours inspirée ? En vérité, il ne me serait pas possible
de décider si telles d'entre ces actions appartiennent au
courage, telles autres, à l'amour de l'humanité, telles autres
à la modération. Il semble que toutes soient un composé de
toutes les vertus ; et par là notre héros confirme cette maxime
des Stoïciens, «que tout ce que fait le sage, il l'accomplit
sous l'influence de toutes les vertus.» Une d'entre elles commence
en quelque sorte la série des actes; elle invite les autres,
et tend avec elles à la perfection. C'est ce que l'on peut
voir chez Alexandre. Son courage est plein d'humanité ; sa
douceur est martiale; sa libéralité, économe ; sa colère, facile
à calmer ; son penchant à l'amour est modéré. Il prend
du loisir, sans tomber dans le désoeuvrement; il accepte les
travaux, sans renoncer à des distractions agréables. Citez-
moi quelqu'un qui ait su mêler les fêtes aux guerres; les
expéditions aux réjouissances; les plaisirs de Bacchus, les
noces et les hyménées, aux siéges et aux attaques. Qui fut
plus implacable qu'Alexandre contre les méchants, plus tendre
pour les malheureux, plus terrible contre ses adversaires,
plus compatissant pour ceux qui l'imploraient ?
Il me vient à la pensée de rapporter ici le mot de Porus.
Ce prince ayant été fait prisonnier et conduit devant Alexandre,
le vainqueur lui demanda comment il voulait être traité :
«En roi, ô Alexandre!» répondit-il. Interrogé de nouveau
s'il ne désirait pas autre chose : «Non», répliqua-t-il, «car
tout est compris dans ce mot : en roi.» De même, quand je
passe en revue toutes les actions accomplies par Alexandre,
je suis tenté constamment de m'écrier : «Agi en philosophe !»
En effet dans ces mots tout est compris. Il devient amoureux
de la fille d'Oxyathre, Roxane, qui dansait parmi les captives :
il ne veut pas l'obtenir par violence, mais il l'épouse :
«Agi en philosophe!» Quand il a vu Darius percé de traits,
il ne célèbre pas de sacrifice, il ne fait pas chanter des hymnes
de joie, comme pour se féliciter de la fin d'une guerre
si longue; il détache lui-même sa propre chlamyde pour en
couvrir le mort, et pour voiler en quelque sorte le spectacle
que présente une royale infortune : «Agi en philosophe !»
Un jour qu'il lit une lettre tout à fait secrète, une lettre
de sa mère, Héphestion, assis en ce moment à ses côtés, ne
se dérange pas, et la lit en même temps que lui sans plus de
façons. Alexandre n'y met pas obstacle : il se contente de
lui appliquer son anneau sur la bouche, n'imposant à la
parole de son favori d'autre sceau que celui d'une amitié
discrète : «Agi en philosophe!» Car si tous ces traits ne
sont pas ceux d'un philosophe, quels sont les autres que
l'on me citera?
|