[1,10] Καὶ μὴν εἴ ποτε γένοιτο τῶν Ὁμήρου σύγκρισις
ἐπῶν ἐν ταῖς διατριβαῖς ἢ παρὰ τὰ συμπόσια, ἄλλον
ἄλλου στίχον προκρίνοντος, αὐτὸς ὡς διαφέροντα πάντων
ἐνέκρινε τοῦτον,
"ἀμφότερον βασιλεύς τ´ ἀγαθὸς κρατερός τ´ αἰχμητής"·
ὃν ἄλλος ἔπαινον τῷ χρόνῳ προέλαβε, τοῦτον αὑτῷ
νόμον κεῖσθαι λογιζόμενος, ὥστ´ εἰπεῖν Ὅμηρον ὅτι
τῷ αὐτῷ μέτρῳ τὴν μὲν Ἀγαμέμνονος ἀνδραγαθίαν
κεκόσμηκε, τὴν δ´ Ἀλεξάνδρου μεμάντευται. διαβὰς
τοίνυν τὸν Ἑλλήσποντον ἐθεᾶτο τὴν Τροίαν ἀνατυπούμενος
τὰς ἡρωικὰς πράξεις· καί τινος αὐτῷ τῶν ἐγχωρίων
ὑποσχομένου τὴν Πάριδος λύραν εἰ βούλοιτο δώσειν
"οὐδέν‘ ἔφη "τῆς ἐκείνου δέομαι· τὴν γὰρ Ἀχιλλέως
κέκτημαι, πρὸς ἣν ἐκεῖνος ἀνεπαύετο ‘ἄειδε δ´ ἄρα κλέα
ἀνδρῶν"· ἡ δὲ Πάριδος πάντως μαλακήν τινα
καὶ θήλειαν ἁρμονίαν ἐρωτικοῖς ἔψαλλε μέλεσι". Φιλοσόφου
τοίνυν ἐστὶ ψυχῆς σοφίας ἐρᾶν καὶ σοφοὺς ἄνδρας
θαυμάζειν μάλιστα· τοῦτο δ´ Ἀλεξάνδρῳ προσῆν ὡς
οὐδενὶ τῶν βασιλέων. καὶ πῶς μὲν εἶχε πρὸς Ἀριστοτέλην
εἴρηται καὶ ὅτι τὸν μὲν ἁρμονικὸν Ἀνάξαρχον ἐντιμότατον
τῶν φίλων ἐνόμιζε· Πύρρωνι δὲ τῷ Ἠλείῳ πρῶτον ἐντυχόντι
μυρίους χρυσοῦς ἔδωκε, Ξενοκράτει δὲ τῷ Πλάτωνος
συνήθει πεντήκοντα τάλαντα δωρεὰν ἔπεμψεν· Ὀνησίκριτον
δὲ τὸν Διογένους τοῦ Κυνὸς μαθητὴν ὅτι ἄρχοντα
τῶν κυβερνητῶν κατέστησεν, ὑπὸ πλειόνων ἱστόρηται.
Διογένει δ´ αὐτῷ περὶ Κόρινθον εἰς λόγους ἐλθὼν οὕτως
ἔφριξε καὶ κατεπλάγη τὸν βίον καὶ τὸ ἀξίωμα τοῦ ἀνδρός,
ὥστε πολλάκις αὐτοῦ μνημονεύων λέγειν "εἰ μὴ Ἀλέξανδρος
ἤμην, Διογένης ἂν ἤμην,‘ τουτέστιν "ἠσχολούμην ἂν περὶ
λόγους, εἰ μὴ δι´ ἔργων ἐφιλοσόφουν". οὐκ εἶπεν "εἰ μὴ βασιλεὺς
ἤμην, Διογένης ἂν ἤμην,‘ οὐδ´ "εἰ μὴ πλούσιος καὶ
Ἀργεάδης‘ (οὐ γὰρ προέκρινε τὴν τύχην τῆς σοφίας οὐδὲ
τὴν πορφύραν καὶ τὸ διάδημα τῆς πήρας καὶ τοῦ τρίβωνος)·
ἀλλ´ εἶπεν "εἰ μὴ Ἀλέξανδρος ἤμην, Διογένης ἂν ἤμην",
τουτέστιν "εἰ μὴ τὰ βαρβαρικὰ τοῖς Ἑλληνικοῖς κεράσαι
διενοούμην καὶ πᾶσαν ἤπειρον ἐπιὼν ἐξημερῶσαι, καὶ
πέρατα γῆς ἀνερευνῶν καὶ θαλάττης ὠκεανῷ προσερεῖσαι
Μακεδονίαν, καὶ τὴν Ἑλλάδα σπεῖραι καὶ καταχέασθαι
γένους παντὸς εὐδικίαν καὶ εἰρήνην, οὐκ ἂν ἐν ἀπράκτῳ
τρυφῶν ἐξουσίᾳ καθήμην, ἀλλ´ ἐζήλουν ἂν τὴν Διογένους
εὐτέλειαν. νῦν δὲ σύγγνωθι, Διόγενες, Ἡρακλέα μιμοῦμαι
καὶ Περσέα ζηλῶ, καὶ τὰ Διονύσου μετιὼν ἴχνη, θεοῦ
γενάρχου καὶ προπάτορος, βούλομαι πάλιν ἐν Ἰνδίᾳ
νικῶντας Ἕλληνας ἐγχορεῦσαι καὶ τοὺς ὑπὲρ Καύκασον
ὀρείους καὶ ἀγρίους τῶν βακχικῶν κώμων ἀναμνῆσαι.
κἀκεῖ τινες εἶναι λέγονται στερρᾶς καὶ γυμνήτιδος σοφίας
ἐθάδες ἄνδρες ἱεροὶ καὶ αὐτόνομοι, θεῷ σχολάζοντες,
εὐτελέστεροι Διογένους, οὐδὲν πήρας δεόμενοι· τροφὴν
γὰρ οὐκ ἀποτίθενται, πρόσφατον ἀεὶ καὶ νέαν ἀπὸ γῆς
ἔχοντες· ποτὸν δὲ ποταμοὶ ῥέουσι· φύλλα δ´ αὐτοῖς
δένδρων ἀποχυθέντα καὶ πόα γῆς ἐγκατακλιθῆναι. δι´
ἐμὲ κἀκεῖνοι Διογένη γνώσονται καὶ Διογένης ἐκείνους.
δεῖ κἀμὲ νόμισμα παρακόψαι καὶ παραχαράξαι τὸ βαρβαρικὸν
Ἑλληνικῇ πολιτείᾳ".
| [1,10] Si jamais, soit dans des conversations, soit à table, on
venait à comparer ensemble des passages d'Hômère, les uns
préféraient tel vers, les autres, tel autre ; mais Alexandre
déclarait qu'aucun ne valait celui-ci :
"Intrépide guerrier, il est, aussi, bon roi."
Cet éloge qu'un autre, dans l'ordre des temps, avait obtenu
avant lui, Alexandre le regardait comme une loi imposée
à lui-même; et il disait que, par ce seul vers, le poète avait à
la fois et glorifié le mérite d'Agamemnon et prophétisé celui
d'Alexandre. Quand il eut traversé l'Hellespont, il contempla
les restes de Troie, où son imagination lui retraçait tant
d'exploits héroïques. Quelqu'un du pays vint à lui promettre
que s'il voulait la lyre de Pâris, on pourrait la lui donner :
«Je n'ai pas besoin de la sienne», répondit le prince :«car je
possède celle d'Achille, la lyre avec laquelle il charmait ses
loisirs, et chantait les exploits des héros, tandis que sur
son luth Pâris ne faisait entendre constamment que des
chants amoureux adaptés à une musique molle et féminine.»
C'est le propre d'un homme de mérite d'aimer le mérite
et de réserver particulièrement son admiration pour ceux qui
en sont doués. Or cette habitude caractérisait Alexandre
plus que nul autre monarque. Il a déjà été dit quels étaient
ses sentiments pour Aristote, et quel rang honorable il accordait
dans son amitié au philosophe Anaxarque. La première
fois qu'il vit Pyrrhon d'Élée, il lui donna dix mille
pièces d'or. A Xénocrate, l'ami de Platon, il envoya une
gratification de cinquante talents. Plusieurs historiens racontent
qu'il nomma chef des pilotes Onésicrite, disciple
de Diogène-le-Cynique. Pour ce qui est de Diogène même,
il eut occasion d'entrer en conversation avec lui à Corinthe.
Le genre de vie, la digne fierté de ce philosophe, le frappèrent
tout particulièrement et le firent en quelque sorte frissonner,
à ce point que souvent il songeait à lui, et s'écriait :
«Si je n'étais pas Alexandre, je serais Diogène.» C'était dire:
«Je professerais la philosophie par mes discours, si je ne la
pratiquais par mes actions." Il ne disait pas : "Si je n'étais
roi, je serais Diogène." Il ne disait pas non plus: «Si je n'étais
riche, si je n'étais un Argéades» : car il n'était pas homme
à préférer la fortune à la sagesse, la pourpre et le diadème
à la besace et au manteau de philosophes. Il disait : «Si je
n'étais Alexandre, je serais Diogène», et de telles paroles équivalaient
au discours suivant : "Si je ne songeais pas à étendre
sur les Barbares l'influence du commerce des Grecs, à civiliser
dans mes courses l'univers entier, à découvrir les limites
des mers et des terres pour appuyer la Macédoine contre
l'Océan, à semer la Grèce en tous lieux, répandant sur
les nations des germes de justice et de paix, je ne languirais
pas dans les délices d'une stérile puissance, et j'aurais à coeur
d'imiter la simplicité de Diogène. Mais maintenant, Diogène,
pardonne moi : c'est Hercule que j'imite, c'est Persée que je
me propose pour modèle, c'est Bacchus dont je suis les
pas, Bacchus l'auteur de ma race et mon aïeul. Comme lui,
je veux montrer une seconde fois à l'Inde de victorieux
choeurs de Grecs, je veux chez les nations sauvages des montagnes
ultra-caucasiennes, renouveler le souvenir des fêtes
de Bacchus. Dans ces contrées se trouvent, dit-on, certains
sectateurs d'une sagesse qui leur impose le régime le plus
dur et l'obligation de rester nus. Ce sont des religieux, dégagés
de toute dépendance, qui se vouent au culte des dieux.
Leur frugalité dépasse celle de Diogène. Il ne leur faut pas
même de besace, car ils ne mettent jamais d'aliments en
réserve. La terre leur offre une nourriture toujours fraîche
et toujours nouvelle. Leur boisson, c'est le fleuve qui coule,
leur couche, ce sont les feuilles dont les arbres se dépouillent
et le gazon dont se tapisse le sol. Eh bien ! grâce à moi
ils connaîtront Diogène, et Diogène les connaîtra. Il faut que
je refonde aussi cette monnaie, et que, considérant de tels
peuples comme un métal frappé d'une empreinte barbare,
je leur donne celle de la civilisation grecque."
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