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[31] Τοῦτο μὲν οὖν ἴσως σφοδρότερον· ἕτερος δὲ
καιρός ἐστι νουθεσίας ὅταν ὑπ´ ἄλλων λοιδορηθέντες
ἐφ´ οἷς ἁμαρτάνουσι ταπεινοί τε γένωνται καὶ
συσταλῶσιν. ᾧ χρῷτ´ ἂν ἐμμελῶς ὁ χαρίεις τοὺς
μὲν λοιδοροῦντας ἀνακόπτων καὶ διακρουόμενος,
ἰδίᾳ δ´ αὐτὸς ἁπτόμενος τοῦ φίλου καὶ ὑπομιμνῄσκων
ὡς εἰ διὰ μηδὲν ἄλλο προσεκτέον αὐτῷ, ὅπως γε
μὴ θρασεῖς ὦσιν οἱ ἐχθροί. "ποῦ γὰρ ἔστι τούτοις
τὸ στόμα διᾶραι, τί δὲ πρὸς σὲ εἰπεῖν, ἂν ἀφῇς ταῦτα
καὶ ῥίψῃς ἐφ´ οἷς κακῶς ἀκούεις;" γίγνεται γὰρ
οὕτω τὸ μὲν λυπηρὸν τοῦ λοιδοροῦντος, τὸ δ´ ὠφέλιμον
τοῦ νουθετοῦντος.
Ἔνιοι δὲ κομψότερον, ἄλλους ψέγοντες, ἐπιστρέφουσι
τοὺς συνήθεις· κατηγοροῦσι γὰρ ἑτέρων
ἃ πράττοντας ἐκείνους ἴσασιν. ὁ δ´ ἡμέτερος καθηγητὴς
Ἀμμώνιος ἐν δειλινῇ διατριβῇ τῶν γνωρίμων
τινὰς αἰσθόμενος ἠριστηκότας οὐχ ἁπλοῦν
ἄριστον ἐκέλευσεν ἰδίῳ παιδὶ πληγὰς ἐμβαλεῖν τὸν
ἀπελεύθερον, ἐπειπὼν ὅτι χωρὶς ὄξους ἀριστᾶν
οὐ δύναται. καὶ ἅμα πρὸς ἡμᾶς ἀπέβλεψεν, ὥστε
τῶν ἐνόχων ἅψασθαι τὴν ἐπιτίμησιν.
| [31] Il est une autre occasion de donner des avertissements :
c'est lorsque nos amis, à la suite de quelques fautes par eux
commises, ont reçu d'autres que de nous des reproches
blessants qui les ont rendus confus et humiliés. D'une telle
circonstance un coeur intelligent saura profiter avec adresse.
Il désavouera et blâmera ces odieux détracteurs; mais prenant
lui-même à part son ami, il lui représentera que de
telles injures doivent, à défaut d'autres motifs, le décider à
tenir compte des leçons de ceux qui l'aiment, afin qu'il n'autorise
pas l'insolence de ses ennemis. "Auront-ils, en effet,
le droit d'ouvrir la bouche, de vous interpeller, si vous dites
adieu et si vous renoncez aux désordres que vous vous entendez
reprocher avec tant d'amertume?» De cette manière
l'odieux reste à celui qui avait adressé des reproches outrageants,
et le rôle utile est pour l'ami qui donne le conseil.
Quelques-uns, plus délicats encore, corrigent leurs amis en
citant l'exemple de personnes étrangères; et sur le compte
de celles-ci, avec blâme ils mettent les fautes qu'ils savent
avoir été commises par ceux qu'ils aiment. Notre directeur
Ammonius, à sa leçon d'après-dîner, s'aperçut que
quelques-uns de ses disciples avaient fait un repas qui n'était
rien moins que simple. Comme il avait à ses côtés un
petit esclave affecté à son service personnel, il commanda à
son affranchi de donner des coups à cet enfant, et il ajouta
pour raison, "que le drôle ne pouvait souper sans vinaigre».
En même temps il porta les yeux sur nous, afin
que la réprimande atteignît ceux qui l'avaient encourue.
| [32] Ἔτι τοίνυν εὐλαβητέον ἐστὶν ἐν πολλοῖς παρρησίᾳ
χρῆσθαι πρὸς φίλον, ἐνθυμούμενον τὸ τοῦ
Πλάτωνος. ἐπεὶ γὰρ ὁ Σωκράτης ἥψατό τινος τῶν
συνήθων σφοδρότερον ἐπὶ ταῖς τραπέζαις διαλεγόμενος,
"οὐκ ἄμεινον ἦν," ὁ Πλάτων ἔφη, "ἰδίᾳ
ταῦτα λελέχθαι;" καὶ ὁ Σωκράτης "σὺ δ´ οὐκ
ἄμεινον," εἶπεν, "ἐποίησας ἂν ἰδίᾳ πρὸς ἐμὲ τοῦτ´
εἰπών;" Πυθαγόρου δὲ τραχύτερον ἐν πολλοῖς
γνωρίμῳ προσενεχθέντος ἀπάγξασθαι τὸ μειράκιον
λέγουσιν, ἐκ τούτου δὲ μηδέποτε τὸν Πυθαγόραν
αὖθις ἄλλου παρόντος ἄλλον νουθετῆσαι. δεῖ γὰρ
ὡς νοσήματος οὐκ εὐπρεποῦς τῆς ἁμαρτίας τὴν
νουθέτησιν καὶ ἀνακάλυψιν ἀπόρρητον εἶναι καὶ μὴ
πανηγυρικὴν μηδ´ ἐπιδεικτικὴν μηδὲ μάρτυρας καὶ
θεατὰς συνάγουσαν. οὐ γὰρ φιλικὸν ἀλλὰ σοφιστικὸν
ἀλλοτρίοις ἐνευδοκιμεῖν σφάλμασι, καλλωπιζόμενον
πρὸς τοὺς παρόντας, ὥσπερ οἱ χειρουργοῦντες
ἐν τοῖς θεάτροις ἰατροὶ πρὸς ἐργολαβίαν. ἄνευ
δὲ τῆς ὕβρεως, ἣν οὐδεμιᾷ θεραπείᾳ προσεῖναι
δίκαιόν ἐστι, καὶ τὸ τῆς κακίας σκεπτέον φιλόνεικον
καὶ αὔθαδες. οὐ γὰρ ἁπλῶς
νουθετούμενος ἔρως
μᾶλλον πιέζει
κατ´ Εὐριπίδην, ἀλλ´ ἂν νουθετῇ τις ἐν πολλοῖς καὶ
μὴ φειδόμενος, πᾶν νόσημα καὶ πᾶν πάθος εἰς τὸ
ἀναίσχυντον καθίστησιν. ὥσπερ οὖν ὁ Πλάτων
τοὺς παρασκευάζοντας ἐν τοῖς νέοις αἰσχύνην γέροντας
αὐτοὺς ἀξιοῖ πρῶτον αἰσχύνεσθαι τοὺς νέους,
οὕτω τῶν φίλων ἡ δυσωπουμένη παρρησία δυσωπεῖ
μάλιστα, καὶ τὸ μετ´ εὐλαβείας ἀτρέμα προσιέναι
καὶ ἅπτεσθαι τοῦ ἁμαρτάνοντος ὑπερείπει καὶ διεργάζεται
τὴν κακίαν ἀναπιμπλαμένην τοῦ αἰδεῖσθαι
τὸ αἰδούμενον. ὅθεν ἄριστα μὲν ἔχει τὸ
ἄγχι σχὼν κεφαλήν, ἵνα μὴ πευθοίαθ´ οἱ ἄλλοι,
ἥκιστα δὲ πρέπει γαμετῆς ἀκουούσης ἄνδρα καὶ
παίδων ἐν ὄψει πατέρα καὶ ἐραστὴν ἐρωμένου παρόντος
ἢ γνωρίμων διδάσκαλον ἀποκαλύπτειν· ἐξίστανται
γὰρ ὑπὸ λύπης καὶ ὀργῆς ἐλεγχόμενοι
παρ´ οἷς εὐδοκιμεῖν ἀξιοῦσιν. οἶμαι δὲ καὶ Κλεῖτος
οὐχ οὕτω παρώξυνε διὰ τὸν οἶνον, ὡς ὅτι πολλῶν
παρόντων ἐδόκει κολούειν Ἀλέξανδρον.
Καὶ Ἀριστομένης ὁ Πτολεμαίου καθηγητὴς ὅτι
νυστάζοντα πρεσβείας παρούσης ἐπάταξεν ἐξεγείρων,
λαβήν τινα παρέσχε τοῖς κόλαξι, προσποιουμένοις
ἀγανακτεῖν ὑπὲρ τοῦ βασιλέως καὶ λέγουσιν
"εἰ τοσαῦτα κοπιῶν καὶ ἀγρυπνῶν κατηνέχθης,
ἰδίᾳ σε νουθετεῖν ὀφείλομεν, οὐκ ἐναντίον ἀνθρώπων
τοσούτων προσφέρειν τὰς χεῖρας." ὁ δὲ φαρμάκου
κύλικα πέμψας ἐκέλευσεν ἐκπιεῖν τὸν ἄνθρωπον.
Ἀριστοφάνης δὲ καὶ τὸν Κλέωνα τοῦτ´ ἐγκαλεῖν
φησιν ὅτι
ξένων παρόντων τὴν πόλιν κακῶς λέγει
καὶ παροξύνειν τοὺς Ἀθηναίους. διὸ δεῖ φυλάττεσθαι
καὶ τοῦτο μετὰ τῶν ἄλλων τοὺς μὴ παρεπιδείκνυσθαι
μηδὲ δημαγωγεῖν ἀλλ´ ὀνησιφόρως καὶ
θεραπευτικῶς χρῆσθαι τῇ παρρησίᾳ βουλομένους.
καὶ μὴν ὅπερ ὁ Θουκυδίδης τοὺς Κορινθίους λέγοντας
περὶ αὑτῶν πεποίηκεν, ὡς "ἄξιοί" εἰσιν
ἑτέροις "ἐπενεγκεῖν ψόγον," οὐ κακῶς εἰρημένον,
ἔδει παρεῖναι τοῖς παρρησιαζομένοις. Λύσανδρος
μὲν γὰρ ὡς ἔοικε πρὸς τὸν ἐκ Μεγάρων ἐν τοῖς συμμάχοις
παρρησιαζόμενον ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος ἔφη
τοὺς λόγους αὐτοῦ πόλεως δεῖσθαι· παρρησία δὲ
παντὸς ἀνδρὸς ἤθους ἴσως δεῖται, καὶ τοῦτ´ ἀληθέστατόν
ἐστιν ἐπὶ τῶν ἑτέρους νουθετούντων καὶ
σωφρονιζόντων λεγόμενον. ὁ γοῦν Πλάτων ἔλεγε
νουθετεῖν τῷ βίῳ τὸν Σπεύσιππον, ὥσπερ ἀμέλει
καὶ Πολέμωνα Ξενοκράτης ὀφθεὶς μόνον ἐν τῇ
διατριβῇ καὶ ἀποβλέψας πρὸς αὐτὸν ἐτρέψατο καὶ
μετέθηκεν. ἐλαφροῦ δὲ καὶ φαύλου τὸ ἦθος ἀνθρώπου
λόγῳ παρρησίας ἁπτομένῳ περίεστι προσακοῦσαι
τὸ
ἄλλων ἰατρὸς αὐτὸς ἕλκεσιν βρύων.
| [32] Il faut, encore, prendre garde de parler avec franchise
à un ami devant un grand nombre de témoins; on méditera
ce qui advint à Platon. Un jour que Socrate réprimandait
trop vivement un de ses familiers dans un entretien
à table, "n'aurait-il pas mieux valu, s'écria Platon, lui dire
cela en particulier ?» A quoi Socrate répondit : «Et toi,
n'aurais-tu pas mieux fait de m'avertir aussi en particulier?»
Pythagore s'étant emporté avec trop de rudesse contre un
de ses disciples devant beaucoup de monde, on rapporte
que le jeune homme se pendit, et que, depuis ce jour,
Pythagore ne réprimanda jamais qui que ce fût en présence
de témoins. C'est qu'il faut, comme s'il s'agissait d'une maladie
honteuse, ne reprendre et ne dévoiler le vice que secrètement;
ce ne doit jamais être avec appareil, avec éclat,
ni en réunissant des assistants et des spectateurs. C'est agir
non pas en ami, mais en sophiste, que de chercher sa gloire
dans les chutes des autres, afin de briller soi-même aux
yeux des assistants, comme les chirurgiens qui opèrent en
plein théâtre dans l'intention de se ménager de la pratique.
D'ailleurs, outre qu'il est convenable de s'abstenir de l'injure
quand on procède à une guérison quelconque, il faut
réfléchir encore que le vice est opiniâtre et décidé à la résistance.
Car ce n'est pas simplement l'amour
"Qui rebuté devient encore plus pressant",
comme dit Euripide; quelque soit le vice, si les réprimandes
sont faites devant beaucoup de personnes et sans ménagement,
elles changent toute inclination mauvaise en impudence.
Ainsi donc, comme Platon recommande aux vieillards
qui veulent se faire respecter par la jeunesse de la respecter
eux-mêmes les premiers, de même la franchise qui se
produit avec une sorte de honte inspire plus qu'une autre
de la confusion. En s'y prenant avec réserve et douceur
pour blâmer celui qui a commis une faute, elle détruit, elle
extirpe le vice, parce qu'il devient honteux de la honte qu'il
inspire. Aussi trouve-t-on un excellent conseil dans ce vers :
"Tout bas et dans l'oreille, afin qu'aucun n'entende".
Ce n'est jamais devant la femme qu'il convient de dévoiler
les torts du mari, ni devant les enfants les fautes du père,
ni devant l'amoureux, celles de la personne aimée, ni devant
le disciple, celles du maître. On est transporté de colère
et de dépit à se voir chargé de réprimandes en présence
de ceux de qui l'on tient à être bien estimé. Et, selon moi,
l'ivresse excita moins Alexandre contre Clitus, que l'impatience
de reproches adressés devant de nombreux convives.
Aristomène, gouverneur de Ptolémée, voyant ce prince s'assoupir
en présence d'une députation, lui marcha sur le pied
afin qu'il s'éveillât. Ce fut une occasion pour les flatteurs :
ils feignirent de s'indigner par intérêt pour le prince, et ils
lui dirent : «Si à la suite de tant de fatigues et de veilles
vous cédiez au besoin de dormir, c'était secrètement que
nous devions vous donner un avertissement, et nul n'avait
droit de porter les mains sur votre personne devant une
assemblée aussi nombreuse". Le prince envoya une coupe
de poison au pauvre Aristomène, et lui ordonna de la
boire. Pareillement Aristophane dit que Cléon l'accuse
"De parler mal d'Athène en face d'étrangers",
et qu'il irrite ainsi les Athéniens. Ce sont manoeuvres dont
il faut se garder entre toutes, que celles qu'inspirent l'ostentation
et le désir de la popularité. On doit ne vouloir
user de la franchise que pour être utile et pour opérer des
guérisons; et cette parole des Corinthiens sur eux-mêmes,
rapportée par Thucydide «qu'ils avaient le droit de blâmer
les autres», devrait toujours être présente à l'esprit de
ceux qui se piquent de sincérité. Lysandre, si je ne me
trompe entendant un Mégarien qui, au milieu des confédérés,
parlait très hardiment pour les intérêts de la Grèce, lui
dit: «que ses discours avaient besoin d'une cité». Semblablement,
la franchise chez tout homme exige que ses moeurs
soient irréprochables ; et c'est là une vérité très importante,
applicable à ceux qui veulent donner des avertissements et
des réprimandes. Platon disait : «C'est par ma manière de
vivre que je corrige Speusippe». De même, sans aucun
doute, que Xénocrate, n'ayant été vu qu'un moment au
milieu de son école par Polémon et lui ayant lancé un
seul regard, le changea entièrement et le métamorphosa.
Mais qu'un homme de moeurs légères ou dissolues emploie
le langage de la franchise, il pourra s'entendre dire à satiété :
"Tu veux soigner autrui quand tu grouilles d'ulcères".
| [33] Οὐ μὴν ἀλλ´ ἐπεὶ φαύλους γε ὄντας αὐτοὺς
ἑτέροις τε τοιούτοις ὁμιλοῦντας ἐξάγει τὰ πράγματα
πολλάκις εἰς τὸ νουθετεῖν, ἐπιεικέστατος ἂν εἴη τρόπος
ὁ συνεμπλέκων καὶ συμπεριλαμβάνων ἁμηγέπη
τῷ ἐγκλήματι τὸν παρρησιαζόμενον· ἐφ´ ᾧ λέλεκται
καὶ τὸ
Τυδείδη, τί παθόντε λελάσμεθα θούριδος ἀλκῆς;
καὶ τὸ
νῦν δ´ οὐδ´ ἑνὸς ἄξιοί εἰμεν
Ἕκτορος.
καὶ ὁ Σωκράτης οὕτως ἀτρέμα τοὺς νέους ἤλεγχεν,
ὡς μηδ´ αὐτὸς ἀπηλλαγμένος ἀμαθίας, ἀλλὰ μετ´
ἐκείνων οἰόμενος δεῖν ἀρετῆς ἐπιμελεῖσθαι καὶ
ζητεῖν τἀληθές· καὶ γὰρ εὔνοιαν καὶ πίστιν ἔχουσιν
οἱ ταὐτὰ μὲν ἁμαρτάνειν, ἐπανορθοῦσθαι δὲ τοὺς φίλους
ὥσπερ αὑτοὺς δοκοῦντες. ὁ δὲ σεμνύνων ἑαυτὸν
ἐν τῷ κολούειν ἕτερον, ὡς δή τις εἰλικρινὴς
καὶ ἀπαθής, ἂν μὴ πολὺ καθ´ ἡλικίαν ᾖ προήκων
μηδ´ ἔχων ἀρετῆς ὁμολογούμενον ἀξίωμα καὶ δόξης,
ἐπαχθὴς φανεὶς καὶ βαρὺς οὐδὲν ὠφέλησεν. ὅθεν
οὐχ ἁπλῶς ὁ Φοῖνιξ ἐνέβαλε τὰ περὶ αὑτὸν ἀτυχήματα,
δι´ ὀργὴν ἐπιχειρήσαντος ἀνελεῖν τὸν πατέρα
καὶ ταχὺ μεταγνόντος,
ὡς μὴ πατροφόνος μετ´ Ἀχαιοῖσιν καλεοίμην,
ἵνα μὴ δοκῇ νουθετεῖν ἐκεῖνον ὡς αὐτὸς ἀπαθὴς ὢν
ὑπ´ ὀργῆς καὶ ἀναμάρτητος. ἐνδύεται γὰρ ἠθικῶς
τὰ τοιαῦτα, καὶ μᾶλλον εἴκουσι τοῖς ὁμοιοπαθεῖν
ἀλλὰ μὴ περιφρονεῖν δοκοῦσιν.
Ἐπεὶ δ´ οὔτε φῶς λαμπρὸν ὄμματι φλεγμαίνοντι
προσοιστέον, οὔτ´ ἐμπαθὴς ψυχὴ παρρησίαν ἀναδέχεται
καὶ νουθεσίαν ἄκρατον, ἐν τοῖς χρησιμωτάτοις
ἐστὶ τῶν βοηθημάτων ὁ παραμιγνύμενος
ἐλαφρὸς ἔπαινος, ὥσπερ ἐν τούτοις
ὑμεῖς δ´ οὐκέτι καλὰ μεθίετε θούριδος ἀλκῆς
πάντες ἄριστοι ἐόντες ἀνὰ στρατόν. οὐδ´ ἂν ἔγωγε
ἀνδρὶ μαχεσσαίμην ὅστις πολέμοιο μεθείη
λυγρὸς ἐών· ὑμῖν δὲ νεμεσσῶμαι περὶ κῆρι
καὶ
Πάνδαρε, ποῦ τοι τόξον ἰδὲ πτερόεντες ὀιστοὶ
καὶ κλέος, ᾧ οὔ τίς τοι ἐρίζεται ἐνθάδε γ´ ἀνήρ;
σφόδρα δ´ ἐμφανῶς ἀνακαλεῖται καὶ τὰ τοιαῦτα
τοὺς ὑποφερομένους
ὁ δ´ Οἰδίπους ποῦ καὶ τὰ κλείν´ αἰνίγματα;
καὶ
ὁ πολλὰ δὴ τλὰς Ἡρακλῆς λέγει τάδε;
οὐ γὰρ μόνον ἀνίησι τοῦ ψόγου τὸ τραχὺ καὶ κελευστικόν,
ἀλλὰ καὶ ζῆλον ἐμποιεῖ πρὸς ἑαυτὸν αἰδουμένῳ
τὰ αἰσχρὰ τῇ τῶν καλῶν ὑπομνήσει καὶ
παράδειγμα ποιουμένῳ τῶν βελτιόνων ἑαυτόν.
ὅταν δ´ ἑτέρους οἷον ἥλικας ἢ πολίτας ἢ συγγενεῖς
παραβάλλωμεν, ἄχθεται καὶ διαγριαίνεται τὸ φιλόνεικον
τῆς κακίας, καὶ τοῦτο πολλάκις εἴωθεν
ὑποφωνεῖν μετ´ ὀργῆς "τί οὖν οὐκ ἄπει πρὸς τοὺς
ἐμοῦ κρείττονας, ἐμοὶ δὲ μὴ παρέχεις πράγματα;"
φυλακτέον οὖν ἑτέρους ἐπαινεῖν παρρησιαζόμενον
πρὸς ἑτέρους, ἂν μὴ νὴ Δία γονεῖς ὦσιν. ὡς
Ἀγαμέμνων
ἦ ὀλίγον οἱ παῖδα ἐοικότα γείνατο Τυδεύς,
καὶ ὁ ἐν τοῖς Σκυρίοις Ὀδυσσεὺς
σὺ δ´, ὦ τὸ λαμπρὸν φῶς καταισχύνων γένους,
ξαίνεις, ἀρίστου πατρὸς Ἑλλήνων γεγώς;
| [33] Cependant, comme les circonstances mêmes nous
amènent souvent à réprimander, tout vicieux que nous sommes,
des gens de notre société qui ne valent pas mieux que
nous, il ne saurait y avoir de procédé plus convenable que
de s'envelopper et se comprendre en quelque sorte soi-même
dans l'accusation que l'on aura franchement formulée.
C'est en ce sens que sont dites les paroles suivantes :
"Fils de Tydée, à quoi pensons-nous donc tous deux?
Qu'est devenu chez nous ce coeur impétueux"?
et celes-ci
"Nous ne valons pas même à nous tous un Hector".
Citons aussi Socrate, qui mettait des ménagements infinis à
convaincre les jeunes gens de leurs torts. On eût dit qu'il
n'était pas plus qu'eux exempt d'ignorance et qu'il sentait le
besoin d'étudier avec eux comment on peut acquérir la vertu
et connaître la vérité. Il est certain que l'on provoque nos
bonnes dispositions et notre confiance quand on semble
partager nos défauts et quand on se montre disposé à se
réformer soi-même en nous redressant. Mais si l'on prend
une attitude superbe pour donner des avertissements,
comme si l'on était la pureté, l'infaillibilité même, on paraîtra,
sans être aucunement utile, un censeur morose et
importun ; ou du moins, il faudra que l'on ait une grande
supériorité d'âge et un avantage incontesté de mérite et de
réputation. Aussi n'est-ce pas mal à propos que Phénix
rappelle que dans un moment de fureur il a tenté de tuer
son propre père; «mais du moins, dit-il,
"Les Grecs ne peuvent point m'appeler parricides.»
En réprimandant Achille on voit qu'il ne se présente pas
comme un mortel inaccessible à la colère et incapable de faillir.
Avec de tels ménagements on pénètre mieux dans notre
coeur : car nous cédons plutôt à ceux qui paraissent partager
nos passions et non pas nous accorder une dédaigneuse pitié.
De même qu'à un oeil atteint d'inflammation il ne faut pas
présenter une lumière trop éclatante, de même une âme
éblouie par les passions n'accepte point une franchise et des
réprimandes insuffisamment ménagées. Un des moyens les
plus efficaces pour être utile en pareille occurrence, c'est
de glisser quelques mots d'éloges, comme dans ce passage :
"C'est mal à vous, à vous, les braves de l'armée,
De manquer en ce jour à votre renommée.
Des lâches s'enfuiraient, que je ne dirais rien,
Mais vous ! Ah! c'est indigne ..."
et dans cet autre :
"Qu'as-tu fait, Pandarus, de cet arc, de ces traits,
De cette gloire, enfin, qu'admiraient tous les hommes"?
Des paroles telles que les suivantes raniment encore d'une
manière remarquable ceux qui vont céder à une faiblesse :
"Oedipe et sa fameuse énigme, où sont-ils donc"?
De même, celles-ci :
"Qui parle ainsi? c'est vous, l'infatigable Hercule"!
Car non seulement le blâme y perd son accent rude et impérieux,
mais encore il en résulte une émulation tacite : on
se repent en secret de ce qui est honteux, parce que l'on se
rappelle ce qui est bien, et parce que l'on se présente à soi-même
comme exemple d'une conduite meilleure. Mais si les
gens nous mettent en parallèle avec d'autres qui soient du
même âge, de la même ville, de la même famille que nous,
la susceptibilité de notre nature vicieuse s'en aigrit, s'en
irrite; et souvent nous avons l'habitude de dire tout bas
avec colère : «Eh bien, pourquoi ne vas-tu pas les trouver,
ceux-là qui valent mieux que moi; et que ne te dispenses-tu
de me tracasser !» Il faut donc se garder de louer d'autres
personnes lorsque l'on a des amis que l'on veut blâmer
sérieusement : à moins, toutefois, que ces louanges ne concernent
ceux qui leur ont donné le jour :
"Tydée, hélas! n'a point un fils qui lui ressemble"!
De même, dans la tragédie des Scyriens, Ulysse s'écrie :
"Et toi, fils d'un héros dont tu flétris le nom,
Tu files de la laine ..."!
| [34] Ἥκιστα δὲ προσήκει νουθετούμενον ἀντινουθετεῖν
καὶ παρρησίᾳ παρρησίαν ἀντεισφέρειν·
ταχὺ γὰρ ἐκκάει καὶ ποιεῖ διαφοράν, καὶ ὅλως οὐκ
ἀντιπαρρησιαζομένου δόξειεν ἂν ἀλλὰ παρρησίαν μὴ
φέροντος ὁ τοιοῦτος ὠθισμὸς εἶναι. βέλτιον οὖν
ὑπομένειν τὸν νουθετεῖν δοκοῦντα φίλον· ἂν γὰρ
ὕστερον αὐτὸς ἁμαρτάνῃ καὶ δέηται νουθεσίας,
αὐτὸ τοῦτο τῇ παρρησίᾳ τρόπον τινὰ παρρησίαν
δίδωσιν. ὑπομιμνῃσκόμενος γὰρ ἄνευ μνησικακίας
ὅτι τοὺς φίλους καὶ αὐτὸς εἰώθει μὴ περιορᾶν
ἁμαρτάνοντας ἀλλ´ ἐξελέγχειν καὶ διδάσκειν, μᾶλλον
ἐνδώσει καὶ παραδέξεται τὴν ἐπανόρθωσιν, ὡς
οὖσαν εὐνοίας καὶ χάριτος οὐ μέμψεως ἀνταπόδοσιν
οὐδ´ ὀργῆς.
| [34] Mais il n'est en aucune façon convenable d'opposer un
avertissement à un autre et de riposter à la franchise par la
franchise même. C'est le moyen d'enflammer aussitôt la colère
et de faire naître la haine. Des luttes de ce genre sembleraient
moins caractériser une sincérité réciproque qu'attester
une aversion profonde de toute sincérité. Il vaut donc
bien mieux nous montrer tolérants à l'égard de celui qui
paraît nous avertir en ami, parce que si plus tard lui-même
il commet des fautes et qu'il ait besoin d'être repris, sa franchise
autorise la nôtre. On aura, et sans récrimination, le
droit de lui rappeler qu'il s'est habitué, lui aussi, à ne point
laisser passer les fautes de ses amis, qu'elles ont été l'objet
de ses reproches et de ses avertissements. Dès lors devenu
de plus facile composition, il acceptera la réprimande comme
bienveillante et amicale, et non pas comme inspirée par un
besoin de représailles et par la colère.
| [35] Ἔτι τοίνυν ὁ μὲν Θουκυδίδης φησὶν "ὅστις
ἐπὶ μεγίστοις τὸ ἐπίφθονον λαμβάνει, ὀρθῶς βουλεύεται"·
τῷ δὲ φίλῳ προσήκει τὸ ἐκ τοῦ νουθετεῖν
ἐπαχθὲς ὑπὲρ μεγάλων ἀναδέχεσθαι καὶ σφόδρα
διαφερόντων. ἂν δ´ ἐπὶ πᾶσι καὶ πρὸς πάντα
δυσκολαίνῃ καὶ μὴ φιλικῶς ἀλλὰ παιδαγωγικῶς
προσφέρηται τοῖς συνήθεσιν, ἀμβλὺς ἐν τοῖς
μεγίστοις νουθετῶν ἔσται καὶ ἄπρακτος, ὥσπερ
ἰατρὸς δριμὺ φάρμακον ἢ πικρὸν ἀναγκαῖον δὲ
καὶ πολυτελὲς εἰς πολλὰ καὶ μικρὰ καὶ οὐκ ἀναγκαῖα
διελὼν τῇ παρρησίᾳ κατακεχρημένος. αὐτὸς μὲν
οὖν σφόδρα φυλάξεται τὸ συνεχὲς καὶ φιλαίτιον·
ἑτέρου δὲ μικρολογουμένου περὶ πάντα καὶ παρασυκοφαντοῦντος
ὥσπερ ἐνδόσιμον ἕξει πρὸς τὰ
μείζονα τῶν ἁμαρτημάτων. καὶ γὰρ ἰατρὸς Φιλότιμος
ἐμπύου τὸ ἧπαρ ἀνθρώπου δείξαντος αὐτῷ
τὸν δάκτυλον ἡλκωμένον "οὐκ ἔστι σοι," εἶπεν,
"ὦ τᾶν, περὶ παρωνυχίας ὁ λόγος." οὐκοῦν καὶ
τῷ φίλῳ δίδωσιν ὁ καιρὸς εἰπεῖν πρὸς τὸν ἐπὶ
μικροῖς καὶ μηδενὸς ἀξίοις ἐγκαλοῦντα "τί παιδιὰς
καὶ πότους καὶ φλυάρους λέγομεν; οὗτος, ὦ τᾶν,
ἀποπεμψάσθω τὴν ἑταίραν ἢ παυσάσθω κυβεύων,
καὶ τἄλλα θαυμαστὸς ἡμῖν ἄνθρωπός ἐστιν." ὁ
γὰρ εἰς τὰ μικρὰ συγγνώμην λαβὼν οὐκ ἀηδῶς εἰς
τὰ μείζονα τῷ φίλῳ παρρησίαν δίδωσιν· ὁ δ´
ἐγκείμενος ἀεὶ καὶ πανταχοῦ πικρὸς καὶ ἀτερπὴς
καὶ πάντα γιγνώσκων καὶ πολυπραγμονῶν οὐδὲ
παισὶν ἀνεκτὸς οὐδ´ ἀδελφοῖς, ἀλλὰ καὶ δούλοις
ἀφόρητος.
| [35] Continuons. Thucydide a écrit quelque part : «Assumer
sur soi de l'odieux quand les circonstances sont importantes,
c'est faire preuve d'une âme droite.» Or un des
devoirs de l'ami, c'est d'accepter le rôle pénible de moraliste
quand il s'agit de quelque remontrance grave et vraiment
essentielle. Mais si pour tout, à propos de tout, il
montre un visage sévère, s'il est à l'égard de ses intimes un
pédagogue plutôt qu'un ami, ses réprimandes perdront dans
les conjonctures capitales leur force et leur efficacité. Je le
compare à un médecin qui partage un remède à saveur âcre
ou amère, mais indispensable et coûteux, en de nombreuses
doses, petites et sans efficacité : telle est l'image de celui
qui use maladroitement de la franchise. Le véritable ami se
gardera donc de réprimander perpétuellement et comme à
plaisir. Mais si un tiers est disposé à critiquer les moindres
peccadilles et à en faire un crime, cet ami en prendra l'occasion
d'attaquer avec succès des travers plus blâmables. Un
homme attaqué d'un abcès au foie montrait au médecin
Philotime un de ses doigts où était survenu un panaris :
"Ton mal n'est pas dans ton panaris», lui dit le médecin.
Ainsi une circonstance peut se présenter, où le tiers exprimera
un blâme touchant quelques bagatelles sans importance,
et où l'ami devra dire : C'est là parler de plaisanteries,
de propos de table, de vétilles. Que notre ami
renvoie, mon cher, la créature avec laquelle il vit, ou bien
qu'il cesse de se livrer à la passion du jeu, et nous le tiendrons,
quant au reste, pour un homme admirable". En
effet celui à qui l'on accorde de l'indulgence pour de petites
faiblesses permettra, sans trop de résistance, que son ami
use de franchise contre des actes plus importants. Mais si
perpétuellement on pèse sur lui, si en toute rencontre on
est amer, grondeur, mécontent, si l'on veut tout connaître,
faire des enquêtes à propos de tout, on sera intolérable pour
ses propres enfants, pour ses frères, et l'on ne se fera même
pas supporter de ses esclaves.
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