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[36] Ἐπεὶ δ´ οὔτε τῷ γήρᾳ πάντα πρόσεστι κακὰ
κατ´ Εὐριπίδην οὔτε τῇ τῶν φίλων ἀβελτερίᾳ, δεῖ
μὴ μόνον ἁμαρτάνοντας ἀλλὰ καὶ κατορθοῦντας
ἐπιτηρεῖν τοὺς φίλους, καὶ νὴ Δία προθύμως
ἐπαινεῖν τὸ πρῶτον· εἶθ´ ὥσπερ ὁ σίδηρος πυκνοῦται
τῇ περιψύξει καὶ δέχεται τὴν στόμωσιν ἀνεθεὶς
πρῶτον ὑπὸ θερμότητος καὶ μαλακὸς γενόμενος,
οὕτω τοῖς φίλοις διακεχυμένοις καὶ θερμοῖς οὖσιν
ὑπὸ τῶν ἐπαίνων ὥσπερ βαφὴν ἀτρέμα τὴν παρρησίαν
ἐπάγειν. δίδωσι γὰρ ὁ καιρὸς εἰπεῖν "ἆρ´
ἄξιον ἐκεῖνα τούτοις παραβάλλειν; ὁρᾷς τὸ καλὸν
οἵους καρποὺς ἀποδίδωσι; ταῦτ´ ἀπαιτοῦμεν οἱ
φίλοι, ταῦτ´ ἐστὶν οἰκεῖα, πρὸς ταῦτα πέφυκας·
ἐκεῖνα δ´ ἀποδιοπομπητέον
εἰς ὄρος ἢ ἐς κῦμα πολυφλοίσβοιο θαλάσσης.
ὡς γὰρ ἰατρὸς εὐγνώμων βούλοιτ´ ἂν ὕπνῳ καὶ
τροφῇ μᾶλλον ἢ καστορίῳ καὶ σκαμωνίῳ τὸ νόσημα
λῦσαι τοῦ κάμνοντος, οὕτω καὶ φίλος ἐπιεικὴς καὶ
πατὴρ χρηστὸς καὶ διδάσκαλος ἐπαίνῳ μᾶλλον ἢ
ψόγῳ χαίρει πρὸς ἐπανόρθωσιν ἤθους χρώμενος.
οὐδὲν γὰρ ἄλλο ποιεῖ τὸν παρρησιαζόμενον ἥκιστα
λυπεῖν καὶ μάλιστα θεραπεύειν ἢ τὸ φειδόμενον
ὀργῆς ἐν ἤθει καὶ μετ´ εὐνοίας προσφέρεσθαι τοῖς
ἁμαρτάνουσιν. ὅθεν οὔτ´ ἀρνουμένους δεῖ πικρῶς
ἐξελέγχειν οὔτε κωλύειν ἀπολογουμένους, ἀλλὰ καὶ
προφάσεις εὐσχήμονας ἁμωσγέπως συνεκπορίζειν
καὶ τῆς χείρονος αἰτίας ἀφισταμένους αὐτοὺς
ἐνδιδόναι μετριωτέραν, ὡς ὁ Ἕκτωρ
δαιμόνι´, οὐ μὲν καλὰ χόλον τόνδ´ ἔνθεο θυμῷ
πρὸς τὸν ἀδελφόν, ὡς οὐκ ἀπόδρασιν οὐδὲ δειλίαν
οὖσαν ἀλλ´ ὀργὴν τὴν ἐκ τῆς μάχης ἀναχώρησιν
αὐτοῦ. καὶ πρὸς τὸν Ἀγαμέμνονα ὁ Νέστωρ
σὺ δὲ σῷ μεγαλήτορι θυμῷ
εἴξας.
ἠθικώτερον γὰρ οἶμαι τοῦ "ἠδίκησας" τὸ "ἠσχη–
μόνησας" καὶ "οὐκ ἐπέστησας" τοῦ "ἠγνόησας,"
καὶ τὸ "μὴ φιλονείκει πρὸς τὸν ἀδελφὸν" ἢ τὸ
"μὴ φθόνει τῷ ἀδελφῷ," καὶ τὸ "φύγε τὴν γυναῖκα
διαφθείρουσαν" ἢ τὸ "παῦσαι τὴν γυναῖκα
διαφθείρων"· τοιοῦτον γὰρ ἡ θεραπευτικὴ παρρησία
ζητεῖ τρόπον, ἡ δὲ πρακτικὴ τὸν ἐναντίον.
ὅταν γὰρ ἢ μέλλοντας ἁμαρτάνειν ἐκκροῦσαι δεήσῃ
ἢ πρὸς ὁρμήν τινα βίαιον ἱσταμένους ἐξ ἐναντίας
φερομένην ἢ πρὸς τὰ καλὰ μαλακῶς καὶ ἀπροθύμως
ἔχοντας ἐντεῖναι καὶ παρορμῆσαι θελήσωμεν, εἰς
αἰτίας δεῖ περιφέρειν ἀτόπους καὶ μὴ πρεπούσας
τὸ γιγνόμενον. ὡς ὁ παρὰ Σοφοκλεῖ τὸν Ἀχιλλέα
παροξύνων Ὀδυσσεὺς οὔ φησιν ὀργίζεσθαι διὰ τὸ
δεῖπνον, ἀλλ´
"ἤδη," φησί, "τὰ Τροίας εἰσορῶν ἑδώλια
δέδοικας,"
καὶ πρὸς ταῦτα πάλιν τοῦ Ἀχιλλέως διαγανακτοῦντος
καὶ ἀποπλεῖν λέγοντος
ἐγᾦδ´ ὃ φεύγεις, οὐ τὸ μὴ κλύειν κακῶς,
ἀλλ´ ἐγγὺς Ἕκτωρ ἐστί· οὐ μένειν καλόν.
τὸν μὲν οὖν θυμοειδῆ καὶ ἀνδρώδη δειλίας δόξῃ,
τὸν δὲ σώφρονα καὶ κόσμιον ἀκολασίας, τὸν δ´
ἐλευθέριον καὶ μεγαλοπρεπῆ μικρολογίας καὶ φιλαργυρίας
δεδιττόμενοι παρορμῶσι πρὸς τὰ καλὰ
καὶ τῶν αἰσχρῶν ἀπελαύνουσι, μέτριοι μὲν ἐν τοῖς
ἀνηκέστοις ἐξεταζόμενοι καὶ τὸ λυπούμενον καὶ
τὸ συναλγοῦν πλέον ἐν τῷ παρρησιάζεσθαι τοῦ
ψέγοντος ἔχοντες, ἐν δὲ ταῖς κωλύσεσι τῶν ἁμαρτανομένων
καὶ πρὸς τὰ πάθη διαμάχαις σφοδροὶ καὶ
ἀπαραίτητοι καὶ συνεχεῖς ὄντες· οὗτος γὰρ ὁ καιρὸς
εὐνοίας ἀθρύπτου καὶ παρρησίας ἀληθινῆς ἐστι.
Τῷ δὲ ψέγειν τὰ πραχθέντα καὶ τοὺς ἐχθροὺς
κατ´ ἀλλήλων ὁρῶμεν χρωμένους, ὥσπερ Διογένης
ἔλεγεν ὅτι τῷ μέλλοντι σῴζεσθαι δεῖ φίλους
ἀγαθοὺς ἢ διαπύρους ἐχθροὺς ὑπάρχειν· οἱ μὲν
γὰρ διδάσκουσιν, οἱ δ´ ἐλέγχουσι. βέλτιον δὲ τὰς
ἁμαρτίας φυλάττεσθαι τοῖς συμβουλεύουσι πειθόμενον
ἢ μετανοεῖν ἁμαρτόντα διὰ τοὺς κακῶς
λέγοντας. καὶ διὰ τοῦτο δεῖ καὶ περὶ τὴν παρρησίαν
φιλοτεχνεῖν, ὅσῳ μέγιστόν ἐστι καὶ κράτιστον
ἐν φιλίᾳ φάρμακον, εὐστοχίας τε καιροῦ
μάλιστα καὶ κράσεως μέτρον ἐχούσης ἀεὶ δεομένην.
| [36] De même que, selon la remarque d'Euripide,
"La vieillesse n'est pas l'ensemble de tous maux",
de même tous les maux ne se trouvent pas non plus rassemblés
dans les imperfections de nos amis. Voilà pourquoi
ce n'est pas dans leurs erreurs seules, c'est aussi dans leurs
actes méritoires que nous devons les observer et à cette occasion
les en louer de tout notre coeur. On commencera
même par là ; ensuite, comme l'acier se resserre par l'action
de l'eau froide après que le feu l'a eu attendri et
amolli, de même quand nos éloges auront détendu nos
amis, les auront rechautfés, nous emploierons peu à peu la
franchise, comme devant servir à leur donner la trempe.
Une occasion favorable peut nous mettre à même de leur
dire : «Ces derniers actes méritent-ils d'être comparés aux
précédents? Ne voyez-vous pas quels fruits rend la vertu?
Voilà ce que nous demandons, nous qui sommes vos amis,
à un homme de votre mérite. C'est votre lot : vous êtes né
pour cela; quant à ces autres façons d'agir, vous devez les rejeter
"Sur la cime des monts ou dans la mer bruyante».
Car, de même qu'un médecin prudent guérira les souffrances
de son malade par le sommeil ou par de la nourriture
plus volontiers qu'avec du castoréum et de la scammonée,
de même un ami tendre, un bon père, un bon précepteur,
aiment bien mieux corriger les vices par des éloges que par
des blâmes. S'il est un moyen de ne pas causer le moindre
déplaisir en employant la franchise et, au contraire, de
guérir parfaitement, c'est de s'abstenir de toute colère et
de n'adresser à ses amis coupables de quelques fautes que
des paroles cordiales et bienveillantes. Aussi, lorsqu'ils nous
opposent des dénégations n'allons pas les poursuivre avec
acharnement ni refuser les excuses qu'ils nous présentent.
Bien plus nous leur suggérerons nous-mêmes, de manière
ou d'autre, des prétextes spécieux; nous nous abstiendrons de
remonter à la moins honorable d'entre les causes qui ont
provoqué leur chute; nous en présenterons les premiers
urne raison plus excusable, ainsi que le fait Hector :
"Imprudent, à ce point devais-tu t'irriter"!
C'est en ces termes qu'il parle à son frère, comme s'il
croyait non pas que celui-ci a pris la fuite et commis une lâcheté,
mais que c'est par colère qu'il a quitté les rangs de
l'armée. Ailleurs, Nestor dit à Agamemnon :
"Vous n'avez pris conseil que de votre fierté".
Car, à mon avis, lorsqu'il s'agit de corriger un homme, il
est meilleur de ne pas lui reprocher «qu'il a été injuste,
qu'il s'est couvert de honte» ; on réussira mieux avec
cette formule : «Tu n'avais pas réfléchi; tu as agi par
ignorance." Mieux vaut lui dire : «Ne t'obstine pas contre
ton frère" que, «cesse d'être jaloux de ton frère»; lui
dire : «fuis cette femme qui te perd,» que : «cesse de
séduire cette femme». La méthode qui veut guérir recherche
ces moyens adoucis ; mais celle qui ne sait être qu'énergique
procède tout à l'opposé. S'agit-il de détourner des
amis qui vont commettre une faute, ou de leur tenir tête
quand un élan impétueux les entraîne, ou bien de leur inspirer
de la vigueur et de la résolution parce qu'on les voit
indolents et froids devant ce qui est beau; on leur dira que
l'on attribue ce qui se produit chez eux à des motifs étranges
et inconvenants. Ainsi dans Sophocle, Ulysse, qui se propose
d'exciter Achille, dit que ce n'est pas l'incident du festin
qui a irrité le héros ; mais s'adressant à lui :
"Ce sont les hauts remparts de l'altière Pergame
Qui jettent, j'en suis sûr, la terreur en ton âme".
A ces mots Achille, qui sent redoubler son courroux, déclare
qu'il va se rembarquer. Ulysse alors continue :
"Je sais qui te fait fuir : ce n'est pas cet outrage,
C'est la crainte d'Hector. Tu manques de courage,
Et tu crois qu'en ces lieux l'attendre est imprudent".
L'ami qui fera redouter à un homme énergique et intrépide
la réputation de lâche, à un homme sage et modéré, celle
de libertin, à un autre, dont les sentiments sont généreux et
magnifiques, celle de mesquin et d'avare, déterminera leur
préférence en faveur de ce qui est bien, et les écartera de
ce qui est honteux. Sans doute là où le mal sera incurable
nous montrerons une grande réserve, et la franchise de nos
reproches consistera plutôt à nous affliger et à gémir avec
notre ami. Mais quand il s'agira de réprimer des vices, de
lutter contre des passions, nous serons vigoureux, inflexibles,
infatigables. C'est l'occasion de montrer un dévouement
sans faiblesse et une franchise absolue. Nous voyons
les ennemis eux-mêmes user de blâme les uns à l'égard des
autres. A ce propos Diogène disait «que pour être sauvé il
faut avoir des amis dévoués ou des ennemis ardents, parce
que les premiers enseignent à bien faire et que les seconds
nous rendent bien convaincus de nos fautes». Or il vaut
mieux éviter le mal en obéissant aux conseils de ses amis,
qu'avoir à se repentir en subissant les reproches de ses
ennemis. C'est encore là une raison pour laquelle la franchise
veut être pratiquée avec art. Par cela même qu'elle
est le remède le plus puissant et le plus efficace dont use
l'amitié, elle demande constamment plus d'opportunité et
plus de mesure dans la manière dont on l'emploie.
| [37] Ἐπεὶ τοίνυν, ὥσπερ εἴρηται, πολλάκις ἡ
παρρησία τῷ θεραπευομένῳ λυπηρὰ πέφυκε, δεῖ
μιμεῖσθαι τοὺς ἰατρούς· οὔτε γὰρ ἐκεῖνοι τέμνοντες
ἐν τῷ πονεῖν καὶ ἀλγεῖν καταλείπουσι τὸ πεπονθός,
ἀλλ´ ἐνέβρεξαν προσηνῶς καὶ κατῃόνησαν, οὔθ´ οἱ
νουθετοῦντες ἀστείως τὸ πικρὸν καὶ δηκτικὸν
προσβαλόντες ἀποτρέχουσιν, ἀλλ´ ὁμιλίαις ἑτέραις
καὶ λόγοις ἐπιεικέσιν ἐκπραΰνουσι καὶ διαχέουσιν,
ὥσπερ οἱ λιθοξόοι τὰ πληγέντα καὶ περικοπέντα
τῶν ἀγαλμάτων ἐπιλεαίνοντες καὶ γανοῦντες. ὁ
δὲ πληγεὶς μὲν τῇ παρρησίᾳ καὶ χαραχθείς, ἀφεθεὶς
δὲ τραχὺς καὶ οἰδῶν καὶ ἀνώμαλος ὑπ´ ὀργῆς
δυσανάκλητος αὖθίς ἐστι καὶ δυσπαρηγόρητος.
διὸ καὶ τοῦτο δεῖ παραφυλάττειν ἐν τοῖς μάλιστα
τοὺς νουθετοῦντας καὶ μὴ προαπολείπειν, μηδὲ
ποιεῖσθαι πέρας ὁμιλίας καὶ συνουσίας τὸ λυποῦν
καὶ παροξῦνον τοὺς συνήθεις.
| [37] Ainsi donc puisque la sincérité, comme nous l'avons
dit, est souvent pénible à celui que l'on veut guérir, il faut
imiter les médecins. Quand ils ont pratiqué une incision, ils
n'abandonnent pas à sa douleur et à sa souffrance la partie
malade : ils emploient avec douceur les irrigations et les lotions.
De même ceux qui savent reprendre avec habileté
n'iront pas s'enfuir après avoir lancé un reproche sévère et
mordant; mais par des conversations d'un autre genre, par
des paroles aimables, ils voudront adoucir et délayer l'amertume
de leur parole. Ainsi font les artistes qui travaillent la
pierre : quand à force de coups de ciseau ils en ont fait une
statue, ils lui donnent ensuite le poli et le brillant. Mais si
avec le fouet de la franchise on frappe jusqu'à laisser des
stigmates, si, quand le patient est exaspéré, on ne le lâche
qu'après l'avoir couvert de tumeurs et de meurtrissures,
la colère l'empêchera de revenir jamais et les paroles
n'agiront plus sur lui. Aussi est-ce encore là une faute que
l'on doit principalement éviter. Lorsqu'on a adressé des
réprimandes à ses amis il ne faut pas s'éloigner d'eux,
comme si l'on croyait que le commerce et l'office de l'amitié
se borne exclusivement à chagriner et à irriter ceux
avec qui l'on se trouve en relations habituelles.
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