HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Comment distinguer le flatteur d'avec l'ami

Chapitre 16-20

  Chapitre 16-20

[16] Εἶτα τῶν μὲν Στωϊκῶν οὐδ´ ἀκούειν ἔνιοι ὑπομένουσι τὸν σοφὸν ὁμοῦ πλούσιον καλὸν εὐγενῆ βασιλέα προσαγορευόντων, οἱ δὲ κόλακες τὸν πλούσιον ὁμοῦ καὶ ῥήτορα καὶ ποιητήν, ἂν δὲ βούληται, καὶ ζῳγράφον καὶ αὐλητὴν ἀποφαίνουσι καὶ ποδώκη καὶ ῥωμαλέον, ὑποπίπτοντες ἐν τῷ παλαίειν καὶ ἀπολειπόμενοι θεόντων, ὥσπερ Κρίσων Ἱμεραῖος ἀπελείφθη διαθέων πρὸς Ἀλέξανδρον, δ´ αἰσθόμενος ἠγανάκτησε. Καρνεάδης δ´ ἔλεγε ὅτι πλουσίων καὶ βασιλέων παῖδες ἱππεύειν μόνον, ἄλλο δ´ οὐδὲν εὖ καὶ καλῶς μανθάνουσι· κολακεύει γὰρ αὐτοὺς ἐν ταῖς διατριβαῖς διδάσκαλος ἐπαινῶν καὶ προσπαλαίων ὑποκατακλινόμενος, δ´ ἵππος, οὐκ εἰδὼς οὐδὲ φροντίζων ὅστις ἰδιώτης ἄρχων πλούσιος πένης, ἐκτραχηλίζει τοὺς μὴ δυναμένους ὀχεῖσθαι. εὐήθη τοίνυν καὶ ἀβέλτερα τὰ τοῦ Βίωνος "εἰ τὸν ἀγρὸν ἔμελλεν ἐγκωμιάζων εὔφορον ποιεῖν καὶ εὔκαρπον, εἶτ´ οὐκ ἂν ἁμαρτάνειν ἐδόκει τοῦτο μὴ ποιῶν μᾶλλον σκάπτων καὶ πράγματα ἔχων; οὐ τοίνυν οὐδ´ ἄνθρωπος ἄτοπος ἂν ἐπαίνων εἴη, εἰ τοῖς ἐπαίνοις μόνοις ὠφέλιμός ἐστι καὶ πάμφορος." μὲν γὰρ ἀγρὸς οὐ γίγνεται χείρων ἐπαινούμενος, ἄνθρωπον δὲ τυφοῦσι καὶ ἀπολλύουσιν οἱ ψευδῶς καὶ παρ´ ἀξίαν ἐπαινοῦντες.
[16] Comprend-on, après cela, que quelques-uns trouvent insoutenable la proposition des stoïciens, qui déclarent le sage à la fois riche, beau, noble et revêtu de la royauté? Pour les flatteurs, du moment qu'un homme est riche, ils le proclameront tout ensemble orateur, poète, et, s'il le veut même, peintre, joueur de flûte, coureur agile, athlète vigoureux; ils se laisseront par lui terrasser dans la lutte, devancer à la course. C'est ainsi que Crisson l'Himéréen resta en arrière un jour qu'il courait avec Alexandre; mais le prince, qui s'en aperçut, témoigna son indignation. Carnéade disait que les enfants des riches et ceux des souverains n'apprennent bien qu'une seule chose, l'équitation, et qu'ils savent tout le reste mal ou imparfaitement. L'écuyer chargé de les instruire dans le manége les abuse en leur donnant des éloges, et ainsi fait le maître de gymnastique en s'abattant sous eux; mais le cheval ne sait pas, et ne s'inquiète pas de savoir, si celui qui le monte est simple particulier ou personnage puissant, s'il est riche ou s'il est pauvre, et il désarçonne, de manière à leur casser le cou, les maladroits qui ne peuvent se tenir sur son dos. C'est donc une remarque sotte et perverse que celle de Bion. «Si l'on devait», disait-il, «rendre un champ fécond et productif en lui prodiguant des éloges, il me semble qu'on n'aurait pas tort d'employer ce moyen plutôt que de se donner bien du mal en le piochant. Ainsi donc il ne sera pas déplacé de louer un homme, si les compliments peuvent être utiles à celui qui les dispense et s'ils doivent rapporter des fruits de toute sorte.» A cela je répondrai, qu'un champ ne deviendra pas pire si on lui donne des louanges, tandis que c'est remplir un homme de vent, que c'est le précipiter vers sa ruine, que de le louer faussement et sans qu'il le mérite.
[17] Ταῦτα μὲν οὖν ἀπόχρη περὶ τούτων· ἐφεξῆς δὲ τὸ τῆς παρρησίας ἴδωμεν. ἔδει μὲν γάρ, ὡς Πάτροκλος τοῦ Ἀχιλλέως τὰ ὅπλα περιβαλλόμενος καὶ τοὺς ἵππους ἐξελαύνων ἐπὶ τὴν μάχην μόνης οὐκ ἐτόλμησε τῆς Πηλιάδος θιγεῖν ἀλλ´ ἀφῆκεν, οὕτω τὸν κόλακα τοῖς τοῦ φίλου σκευοποιούμενον καὶ ἀναπλαττόμενον ἐπισήμοις καὶ συμβόλοις μόνην τὴν παρρησίαν ὥσπερ ἐξαίρετον βάσταγμα φιλίας βριθὺ μέγα στιβαρὸν καταλείπειν ἄθικτον καὶ ἀμίμητον. ἐπεὶ δὲ φεύγοντες τὸν ἐν γέλωτι καὶ ἀκράτῳ καὶ σκώμμασι καὶ παιδιαῖς ἔλεγχον εἰς ὀφρῦν αἴρουσιν ἤδη τὸ πρᾶγμα καὶ κολακεύουσιν ἐσκυθρωπακότες καὶ ψόγον τινὰ καὶ νουθεσίαν παραμιγνύουσι, φέρε μηδὲ τοῦτο παραλίπωμεν ἀβασάνιστον. οἶμαι δέ, ὥσπερ ἐν κωμῳδίᾳ Μενάνδρου Ψευδηρακλῆς πρόσεισι ῥόπαλον οὐ στιβαρὸν κομίζων οὐδ´ ἰσχυρὸν ἀλλὰ χαῦνόν τι πλάσμα καὶ διάκενον, οὕτω τὴν τοῦ κόλακος παρρησίαν φανεῖσθαι πειρωμένοις μαλακὴν καὶ ἀβαρῆ καὶ τόνον οὐκ ἔχουσαν, ἀλλὰ ταὐτὰ τοῖς τῶν γυναικῶν προσκεφαλαίοις δρῶσαν, δοκοῦντα ταῖς κεφαλαῖς ἀντερείδειν καὶ ἀντέχειν ἐνδίδωσι καὶ ὑπείκει μᾶλλον· ὥσπερ κίβδηλος αὕτη παρρησία κενὸν ἔχουσα καὶ ψευδῆ καὶ ὕπουλον ὄγκον ἐξήρθη καὶ ᾤδησεν, ἵνα συσταλεῖσα καὶ συμπεσοῦσα δέξηται καὶ συνεπισπάσηται τὸν καταφερόμενον εἰς αὐτήν. μὲν γὰρ ἀληθὴς καὶ φιλικὴ παρρησία τοῖς ἁμαρτανομένοις ἐπιφύεται, σωτήριον ἔχουσα καὶ κηδεμονικὸν τὸ λυποῦν, ὥσπερ τὸ μέλι τὰ ἡλκωμένα δάκνουσα καὶ καθαίρουσα, τἄλλα δ´ ὠφέλιμος οὖσα καὶ γλυκεῖα, περὶ ἧς ἴδιος ἔσται λόγος. δὲ κόλαξ πρῶτον μὲν ἐνδείκνυται τὸ πικρὸς εἶναι καὶ περισπερχὴς καὶ ἀπαραίτητος ἐν τοῖς πρὸς ἑτέρους (οἰκέταις γὰρ αὑτοῦ χαλεπός ἐστι καὶ συγγενῶν καὶ οἰκείων ἐπεμβῆναι δεινὸς ἁμαρτήμασι καὶ μηδένα θαυμάσαι μηδὲ σεμνῦναι τῶν ἐκτὸς ἀλλ´ ὑπερορᾶν, ἀσυγγνώμων δὲ καὶ διάβολος ἐν τῷ πρὸς ὀργὴν ἑτέρους παροξύνειν, θηρώμενος μισοπονηρίας δόξαν, ὡς οὐκ ἂν ἑκὼν ὑφέμενος παρρησίας αὐτοῖς οὐδὲ ποιήσας οὐδὲν οὐδ´ εἰπὼν πρὸς χάριν), ἔπειτα δὲ τῶν μὲν ἀληθινῶν καὶ μεγάλων ἁμαρτημάτων οὐδὲν εἰδέναι προσποιούμενος οὐδὲ γιγνώσκειν, πρὸς δὲ τὰ μικρὰ καὶ τὰ ἐκτὸς ἐλλείμματα δεινὸς ᾆξαι καὶ μετὰ τόνου καθάψασθαι καὶ σφοδρότητος, ἂν σκεῦος ἀμελῶς ἴδῃ κείμενον, ἂν οἰκοῦντα φαύλως, ἂν ὀλιγωροῦντα κουρᾶς ἀμπεχόνης κυνός τινος ἵππου μὴ κατ´ ἀξίαν ἐπιμελόμενον· γονέων δὲ ὀλιγωρία καὶ παίδων ἀμέλεια καὶ ἀτιμία γαμετῆς καὶ πρὸς οἰκείους ὑπεροψία καὶ χρημάτων ὄλεθρος οὐδέν ἐστι πρὸς αὐτόν, ἀλλ´ ἄφωνος ἐν τούτοις καὶ ἄτολμος, ὥσπερ ἀθλητὴν ἀλείπτης ἐῶν μεθύειν καὶ ἀκολασταίνειν, εἶτα περὶ ληκύθου χαλεπὸς ὢν καὶ στλεγγίδος, γραμματικὸς ἐπιπλήττων παιδὶ περὶ δέλτου καὶ γραφείου, σολοικίζοντος δὲ καὶ βαρβαρίζοντος οὐ δοκῶν ἀκούειν. τοιοῦτος γὰρ κόλαξ, οἷος ῥήτορος φαύλου καὶ καταγελάστου μηδὲν εἰπεῖν πρὸς τὸν λόγον, ἀλλὰ περὶ τῆς φωνῆς αἰτιᾶσθαι καὶ χαλεπῶς ἐγκαλεῖν ὅτι τὴν ἀρτηρίαν διαφθείρει ψυχροποτῶν, καὶ σύγγραμμα κελευσθεὶς ἄθλιον διελθεῖν αἰτιᾶσθαι τὸ χαρτίον ὡς δασὺ καὶ τὸν γραφέα μιαρὸν καὶ ὀλίγωρον ἀποκαλεῖν. οὕτω δὲ καὶ Πτολεμαίῳ φιλομαθεῖν δοκοῦντι περὶ γλώττης καὶ στιχιδίου μαχόμενοι καὶ ἱστορίας μέχρι μέσων νυκτῶν ἀπέτεινον· ὠμότητι δὲ χρωμένου καὶ ὕβρει καὶ τυμπανίζοντος καὶ τελοῦντος οὐδεὶς ἐνέστη τῶν τοσούτων. ὥσπερ οὖν εἴ τις ἀνθρώπου φύματα καὶ σύριγγας ἔχοντος ἰατρικῷ σμιλίῳ τὰς τρίχας τέμνοι καὶ τοὺς ὄνυχας, οὕτως οἱ κόλακες τὴν παρρησίαν πρὸς τὰ μὴ λυπούμενα μέρη μηδ´ ἀλγοῦντα προσφέρουσιν.
[17] C'en est assez sur cet article'. Pour continuer par ordre, voyons ce qui a rapport à la franchise du langage. Voici ce qui devrait avoir lieu : de même que Patrocle, après avoir revêtu l'armure d'Achille, conduisit dans la mêlée les coursiers du héros, et qu'à sa lance du Pélion seule il n'osa pas toucher, renonçant à s'en servir; de même le flatteur, qui s'affuble, pour se déguiser, des insignes et des marques caractéristiques de l'ami, devrait s'abstenir d'une chose, à savoir de la franchise, comme étant une pièce que doit porter exclusivement l'amitié, comme étant "Arme grande, arme forte, et solide entre toutes" ; il devrait laisser la franchise sans y toucher, sans la contrefaire. Eh bien, non : pour éviter d'être reconnus par le rire, par le vin, par les sarcasmes, par les plaisanteries, de telles gens s'avisent d'élever leur manége jusqu'à la sévérité d'un sourcil mécontent; et ils mêlent à leurs louanges une sorte de blâme et de réprimande. Cette tactique là non plus, ne souffrons point qu'elle passe sans avoir été soumise à l'examen. Pour moi, cela me rappelle une comédie de Ménandre, où un faux Hercule s'avance portant une massue qui n'est ni forte ni solide, espèce de jouet sans consistance et vide au dedans. Ainsi la franchise du flatteur est, par ceux qui en font l'expérience, reconnue molle, sans énergie, sans vigueur. Elle produit le même effet que les oreillers à l'usage des femmes, lesquels semblent soutenir la tête et opposer quelque résistance, mais cèdent bien plutôt et s'affaissent. Cette franchise de mauvais aloi ne présente, non plus, qu'une ampleur vide, mensongère et produite par le gonflement : elle s'élève, elle se déploie, mais c'est pour se réduire à rien, pour tomber; et celui qu'elle avait reçu, qui s'y était appuyé, s'abat en même temps qu'elle. C'est que, en effet, la franchise sincère et affectueuse s'attaque aux fautes; la douleur qu'elle cause est salutaire et conservatrice. Comme le miel, qui rend les ulcères plus cuisants, mais qui les nettoie, elle est, au demeurant, profitable et douce ; et elle sera pour nous l'objet d'une mention spéciale. Mais le flatteur se trahit tout d'abord par son aigreur, son mécontentement, son inflexibilité à l'égard des autres. Il est intraitable avec les domestiques; il est terrible pour reprendre les fautes des parents et des amis; il n'admire qui que ce soit; il ne témoigne de déférence pour personne du dehors : il ne sait que mépriser. Incapable de pardon, calomniateur, il se propose seulement d'exciter les autres à la colère. Il veut se faire une réputation d'homme qui hait le vice. A l'entendre, «il ne se relâcherait qu'à contre-coeur d'une telle franchise; il n'a jamais rien dit, jamais rien fait par com«plaisance». Et néanmoins, après cela, il feindra d'ignorer les fautes réelles, les fautes capitales, et d'en rien connaître. Mais il sera furieux quand il s'agira de s'emporter contre des peccadilles légères et tout extérieures. Il vous reprendra d'une voix forte et avec véhémence si, par exemple, il voit quelque vase, quelque meuble qui ne soit pas en sa place, si vous vous logez mal, si vous négligez votre chevelure ou vos habits, si vous ne soignez pas convenablement un chien ou un cheval. Mais que vous méprisiez les auteurs de vos jours, que vous abandonniez vos enfants, que vous ne respectiez pas les liens du mariage, que vous ayez du dédain pour vos familiers, que vous soyez un bourreau d'argent, ce n'est point son affaire : là il sera muet et sans hardiesse. Je le compare à un maître de gymnase, qui laisse l'élève athlète se livrer au vin et à la débauche, mais qui se montre d'ailleurs rigoureux sur l'emploi du flacon à l'huile et de l'étrille; ou au professeur de grammaire, qui réprimande un enfant pour des tablettes et un stylet, mais qui n'a pas l'air d'entendre ses solécismes et ses barbarismes. Tel, en effet, est le flatteur, que devant un orateur pitoyable et ridicule il ne dira rien de la harangue, mais il le reprendra sur son organe, et l'accusera sérieusement «de se gâter le larynx en buvant froid». L'a-t-on chargé de parcourir une composition qui n'est d'aucune valeur; il se plaindra du papier trop épais, et du copiste qu'il traitera de barbouilleur et d'homme sans soin. C'est ainsi, pareillement, qu'à la cour de Ptolémée, lequel semblait aimer les lettres, ses courtisans le combattaient sur la propriété d'une expression, sur un hémistiche, sur un point d'histoire, et prolongeaient ces discussions jusqu'au milieu de la nuit. Mais pour ce qui était de la cruauté et de l'insolence par lui déployées, des supplices qu'il infligeait des exactions auxquelles il se livrait, aucun d'eux, bien qu'ils fussent en nombre considérable, ne s'y opposait. Comme un médecin, qui, ayant affaire à un malade atteint d'abcès et d'ulcères fistuleux, emploierait ses lancettes à lui tailler les cheveux et les ongles, de même le flatteur applique sa liberté de langage aux parties qui ne souffrent point et qui n'ont pas de mal.
[18] Ἔτι δὲ τούτων ἕτεροι πανουργότεροι καὶ πρὸς ἡδονὴν χρῶνται τῷ παρρησιάζεσθαι καὶ ψέγειν. καθάπερ Ἆγις Ἀργεῖος, Ἀλεξάνδρου γελωτοποιῷ τινι μεγάλας δωρεὰς διδόντος, ὑπὸ φθόνου καὶ λύπης ἐξέκραγεν " τῆς πολλῆς ἀτοπίας," ἐπιστρέψαντος δὲ τοῦ βασιλέως πρὸς αὐτὸν ὀργῇ καὶ "τί δὴ σὺ λέγεις;" εἰπόντος "ὁμολογῶ," φησίν, "ἄχθεσθαι καὶ ἀγανακτεῖν, ὁρῶν ὑμᾶς τοὺς ἐκ Διὸς γεγονότας ἅπαντας ὁμοίως κόλαξιν ἀνθρώποις καὶ καταγελάστοις χαίροντας· καὶ γὰρ Ἡρακλῆς Κέρκωψί τισι, καὶ Σειληνοῖς Διόνυσος ἐτέρπετο, καὶ παρὰ σοὶ τοιούτους ἰδεῖν ἔστιν εὐδοκιμοῦντας." Τιβερίου δὲ Καίσαρος εἰς τὴν σύγκλητόν ποτε παρελθόντος εἷς τῶν κολάκων ἀναστὰς ἔφη δεῖν ἐλευθέρους ὄντας παρρησιάζεσθαι καὶ μηδὲν ὑποστέλλεσθαι μηδ´ ἀποσιωπᾶν τῶν συμφερόντων· ἀνατείνας δὲ πάντας οὕτως, γενομένης αὐτῷ σιωπῆς καὶ τοῦ Τιβερίου προσέχοντος, "ἄκουσον," ἔφη, "Καῖσαρ σοι πάντες ἐγκαλοῦμεν, οὐδεὶς δὲ τολμᾷ φανερῶς λέγειν. ἀμελεῖς σεαυτοῦ καὶ προΐεσαι τὸ σῶμα καὶ κατατρύχεις ἀεὶ φροντίσι καὶ πόνοις ὑπὲρ ἡμῶν, οὔτε μεθ´ ἡμέραν οὔτε νυκτὸς ἀναπαυόμενος." πολλὰ δ´ αὐτοῦ τοιαῦτα συνείροντος, εἰπεῖν φασι τὸν ῥήτορα Κάσσιον Σευῆρον "αὕτη τοῦτον παρρησία τὸν ἄνθρωπον ἀποκτενεῖ."
[18] D'autres, encore plus adroits que les précédents, s'attachent à rendre agréables la franchise et les reproches. Ainsi, Agis l'Argien, voyant Alexandre combler de présents considérables un homme dont le métier était de faire rire, s'écria d'un air de dépit et de mécontenternent : «Quelle indigne absurdité !» Le roi se tourna vers lui avec colère, et lui demanda ce qu'il venait de dire. «J'en conviens», répondit Agis : «je suis furieux et indigné de ce que vous autres, fils de Jupiter, trouviez tous également du plaisir à écouter ceux qui vous flattent et vous font rire : car Hercule s'amusait de je ne sais quels Cercopes; Bacchus, des Silènes ; et ce sont gens de la même espèce qu'il nous faut voir en faveur auprès de vous». Tibère étant venu un jour au sénat, on vit un de ses flatteurs se lever : «Puisque nous sommes des citoyens libres», dit-il, «nous avons le droit de parler avec franchise, sans aucune réticence, sans aucune réserve, sur ce qui regarde les intérêts publics». Ayant fait ainsi dresser l'oreille à tous, il obtint un grand silence, et Tibère écoutait attentivement. «O César», dit-il, «entendez le sujet de plainte que nous avons tous contre vous, et dont nul n'a le courage de vous parler ouvertement: c'est que vous négligez votre personne, que vous compromettez votre santé, que vous vous épuisez de soucis et de travaux pour nous, sans prendre de relâche ni jour ni nuit». Comme il traînait sur de tels développements, on dit que l'orateur Cassius Sévérus s'écria : «Voilà une franchise qui tuera son homme».
[19] Καὶ ταυτὶ μὲν ἐλάττονά ἐστιν. ἐκεῖνα δ´ ἤδη χαλεπὰ καὶ λυμαινόμενα τοὺς ἀνοήτους, ὅταν εἰς τἀναντία πάθη καὶ νοσήματα κατηγορῶσιν (ὥσπερ Ἱμέριος κόλαξ τῶν πλουσίων τινὰ τὸν ἀνελευθερώτατον καὶ φιλαργυρώτατον Ἀθήνησιν ὡς ἄσωτον ἐλοιδόρει καὶ ἀμελῆ καὶ πεινήσοντα κακῶς μετὰ τῶν τέκνων) τοὺς ἀσώτους αὖ πάλιν καὶ πολυτελεῖς εἰς μικρολογίαν καὶ ῥυπαρίαν ὀνειδίζωσιν (ὥσπερ Νέρωνα Τίτος Πετρώνιος) τοὺς ὠμῶς καὶ ἀγρίως προσφερομένους ἄρχοντας ὑπηκόοις ἀποθέσθαι κελεύωσι τὴν πολλὴν ἐπιείκειαν καὶ τὸν ἄκαιρον ἔλεον καὶ ἀσύμφορον. ὅμοιος δὲ τούτοις καὶ τὸν εὐήθη καὶ βλᾶκα καὶ ἀβέλτερον ὡς δεινόν τινα καὶ πανοῦργον καὶ φυλάττεσθαι καὶ δεδιέναι προσποιούμενος, καὶ τοῦ βασκάνου δὲ καὶ τῷ κακολογεῖν ἀεὶ καὶ ψέγειν χαίροντος, ἄν ποτε προαχθεὶς ἐπαινέσῃ τινὰ τῶν ἐνδόξων, καθαπτόμενος καὶ ἀντιλέγων ὡς νόσημα τοῦτ´ ἔχοντος, ἀνθρώπους ἐπαινεῖν καὶ μηδενὸς ἀξίους. "τίς γὰρ οὗτός ἐστιν τί λαμπρὸν εἴρηκεν πεποίηκε;" μάλιστα δὲ περὶ τοὺς ἔρωτας τοῖς κολακευομένοις ἐπιτίθενται καὶ προσεκκάουσιν. ἀδελφοῖς μὲν γὰρ ὁρῶντες διαφερομένους γονέων ὑπερφρονοῦντας πρὸς γυναῖκας αὐτῶν ὑπεροπτικῶς ἔχοντας οὔτε νουθετοῦσιν οὔτ´ ἐγκαλοῦσιν, ἀλλὰ καὶ προσεπιτείνουσι τὰς ὀργάς. "οὐ γὰρ αἰσθάνῃ σαυτοῦ" καὶ "σὺ τούτων αἴτιος, ἀεὶ θεραπευτικῶς προσφερόμενος καὶ ταπεινῶς." ἂν δὲ πρὸς ἑταίραν μοιχεύτριαν ἐρωμένην κνησμός τις ἐξ ὀργῆς καὶ ζηλοτυπίας ἐγγένηται, πάρεστιν εὐθὺς μετὰ παρρησίας λαμπρᾶς κολακεία, πῦρ ἐπὶ πῦρ εἰσφέρουσα καὶ δικαιολογουμένη καὶ κατηγοροῦσα τοῦ ἐρῶντος ὡς ἀνέραστα πολλὰ καὶ σκληρὰ καὶ νεμεσητὰ ποιοῦντος· δυσχάριστε, τῶν πυκνῶν φιλημάτων. οὕτως Ἀντώνιον οἱ φίλοι τῆς Αἰγυπτίας ἐρῶντα καὶ καόμενον ἀνέπειθον ὡς ὑπ´ ἐκείνης ἐρῷτο, καὶ λοιδοροῦντες ἐκάλουν ἀπαθῆ καὶ ὑπερήφανον. " μὲν γὰρ γυνὴ καταλιποῦσα βασιλείαν τοσαύτην καὶ διατριβὰς εὐδαίμονας φθείρεται μετὰ σοῦ στρατευομένη, σχῆμα παλλακίδος ἔχουσα· σοὶ δέ τις ἐν στήθεσσιν ἀκήλητος νόος ἐστί καὶ περιορᾷς αὐτὴν ἀνιωμένην." δ´ ἡδέως ἐλεγχόμενος ὡς ἀδικῶν καὶ τοῖς κατηγοροῦσι χαίρων ὡς οὐδὲ τοῖς ἐπαινοῦσιν ἐλάνθανε τῷ νουθετεῖν δοκοῦντι προσδιαστρεφόμενος. ἔοικε γὰρ τοιαύτη παρρησία τοῖς τῶν ἀκολάστων δήγμασι γυναικῶν, ἐγείρουσα καὶ γαργαλίζουσα τῷ δοκοῦντι λυπεῖν τὸ ἡδόμενον. καὶ καθάπερ τὸν ἄκρατον ἄλλως βοηθοῦντα πρὸς τὸ κώνειον ἂν ἐμμείξωσι προσεμβαλόντες αὐτῷ, κομιδῇ ποιοῦσι τὴν τοῦ φαρμάκου δύναμιν ἀβοήθητον, ὀξέως ἀναφερομένην ἐπὶ τὴν καρδίαν ὑπὸ θερμότητος, οὕτω τὴν παρρησίαν ἐπιστάμενοι μέγα βοήθημα πρὸς τὴν κολακείαν οὖσαν οἱ πονηροὶ δι´ αὐτῆς κολακεύουσι τῆς παρρησίας. ὅθεν οὐδ´ Βίας ἀπεκρίνατο καλῶς τῷ πυθομένῳ τί τῶν ζῴων χαλεπώτατόν ἐστιν, ἀποκρινάμενος ὅτι τῶν μὲν ἀγρίων τύραννος, τῶν δ´ ἡμέρων κόλαξ. ἀληθέστερον γὰρ ἦν εἰπεῖν ὅτι τῶν κολάκων ἥμεροι μέν εἰσιν οἱ περὶ τὸ βαλανεῖον καὶ περὶ τὴν τράπεζαν, δ´ εἰς τὰ δωμάτια καὶ τὴν γυναικωνῖτιν ἐκτείνων ὥσπερ πλεκτάνας τὸ πολύπραγμον καὶ διάβολον καὶ κακόηθες ἄγριος καὶ θηριώδης καὶ δυσμεταχείριστος.
[19] Ce sont là flatteries de moindre conséquence; mais celles que je vais dire sont dangereuses et fatales, si elles s'adressent à des hommes peu habitués à réfléchir : c'est quand on les accuse de passions et de défauts contraires aux leurs. Par exemple Himérius, le flatteur, tout en sachant qu'un riche Athénien était de l'avarice la plus servile, le blâmait pour sa prodigalité et son insouciance, allant jusqu'à lui dire : «Un jour vous mourrez misérablement de faim avec vos enfants» . Et au contraire, à celui qui est dissipateur et dépensier ils adresseront des reproches «sur sa mesquinerie sordide» ; comme faisait Titus Pétronius s'adressant à Néron. Si des princes s'emportent contre leurs sujets jusqu'à la rigueur et à la cruauté, les flatteurs les sommeront «de renoncer à cette clémence excessive, à cette humanité qui est hors de saison et sans profit». Ainsi encore manoeuvrera celui qui pour flatter un niais, un poltron, un incapable, feint de se garer et d'avoir peur de lui comme d'un homme terrible et décidé à tout entreprendre. Qu'un envieux, aimant toujours à médire et à blâmer, se laisse aller par hasard à faire l'éloge d'un personnage illustre, le flatteur prendra le panégyriste à partie et lui fera la guerre sur ce qu'il traitera de maladie. "Vous louez», lui dira-t-il, «des personnes qui ne le méritent pas : car enfin, quel est cet homme; qu'a-t-il dit, qu'a-t-il fait de si brillant?» Mais c'est principalement lorsque l'amour est en jeu, que le flatteur porte ses plus grands coups et qu'il enflamme ceux qu'il adule. S'il les voit brouillés avec leurs frères, pleins de mépris pour leurs parents, de négligence pour leur femme, il se gardera bien de leur adresser des avertissements ou des reproches : il excitera davantage leur colère : «Vous n'avez pas le sentiment de vous-même ; c'est vous qui êtes cause de tout ceci par vos ménagements et l'humilité de votre attitude.» Mais s'il s'agit d'une courtisane, ou d'une femme mariée de qui on soit l'amant, et que l'on sente une démangeaison de colère ou de jalousie, aussitôt le flatteur se présente avec sa franchise qui affecte un grand éclat. Il attise un feu déjà trop ardent; il fait le procès à l'amoureux, il l'accuse de n'être pas épris et de donner de nombreuses preuves d'une insensibilité désolante : «Ingrat ! vous oubliez tant de baisers si tendres" ! C'est ainsi que les amis d'Antoine, voyant qu'il était fou de l'Egyptienne et qu'il brûlait pour elle, lui persuadaient que c'était elle qui était amoureuse de lui, et ils lui reprochaient ce qu'ils appelaient sa froideur et ses dédains. «Voilà une femme», lui disaient-ils, «qui abandonne un si grand royaume et le séjour le plus délicieux, qui altère sa beauté à vous suivre dans les camps, qui accepte le rôle et les allures d'une concubine, «Et vous , au fond du coeur, vous restez insensible", vous ne tenez pas compte de ses chagrins.» Or, Antoine flatté qu'on l'accusât d'injustice, prenait du plaisir à de tels reproches plus qu'il n'en aurait ressenti même à des éloges, et il devenait, sans le savoir, la dupe de qui semblait l'admonester. Des franchises de ce genre sont comme les morsures des femmes libertines, qui éveillent et activent les sensations voluptueuses au moyen de ce que l'on croirait devoir être douloureux. De même que le vin pur, remède souverain d'ailleurs contre la ciguë, devient, si on le mélange avec elle en l'y versant, inefficace contre la violence du poison, parce que celui-ci est porté promptement au coeur par la chaleur qui se développe; de même ces hommes pervers, sachant que la franchise est d'un puissant secours contre la flatterie, flattent précisément à l'aide de la franchise. Aussi Bias lui-même ne fit-il pas une bien belle réponse à quelqu'un qui lui demandait quelle est de toutes les bêtes la plus malfaisante. «C'est», lui dit-il, «parmi les bêtes sauvages le tyran, et parmi les apprivoisées le flatteur». Il eût été plus conforme à la vérité de répondre qu'entre les flatteurs , les apprivoisés sont ceux qui tiennent pour le bain et pour la table, mais que l'autre flatteur qui jusque dans votre chambre, jusque dans l'appartement des femmes, allonge, comme les branches d'un polype, sa curiosité, ses calomnies, sa malice, celui-là est une bête sauvage des plus féroces et des plus difficiles à manier.
[20] Εἷς δέ τις ἔοικε τρόπος εἶναι φυλακῆς τὸ γιγνώσκειν καὶ μνημονεύειν ἀεὶ ὅτι τῆς ψυχῆς τὸ μὲν ἀληθινὸν καὶ φιλόκαλον καὶ λογικὸν ἐχούσης, τὸ δ´ ἄλογον καὶ φιλοψευδὲς καὶ παθητικόν, μὲν φίλος ἀεὶ τῷ κρείττονι πάρεστι σύμβουλος καὶ συνήγορος, ὥσπερ ἰατρὸς τὸ ὑγιαῖνον αὔξων καὶ διαφυλάττων, δὲ κόλαξ τῷ παθητικῷ καὶ ἀλόγῳ παρακάθηται, καὶ τοῦτο κνᾷ καὶ γαργαλίζει καὶ ἀναπείθει, καὶ ἀφίστησι τοῦ λογισμοῦ, μηχανώμενος αὐτῷ πονηράς τινας ἡδυπαθείας. ὥσπερ οὖν τῶν σιτίων ἔστιν μήθ´ αἵματι προσφύεται μήτε πνεύματι, μηδὲ νεύροις τινὰ τόνον μυελοῖς προστίθησιν, ἀλλ´ αἰδοῖα παρακινεῖ καὶ κοιλίαν ἐγείρει καὶ σάρκα ποιεῖ σαθρὰν καὶ ὕπουλον, οὕτως τοῦ κόλακος λόγος οὐδὲν τῷ φρονοῦντι καὶ λογιζομένῳ προστίθησιν, ἀλλ´ ἡδονήν τινα τιθασεύων ἔρωτος θυμὸν ἐντείνων ἀνόητον διερεθίζων φθόνον φρονήματος ὄγκον ἐμποιῶν ἐπαχθῆ καὶ κενὸν λύπῃ συνεπιθρηνῶν τὸ κακόηθες καὶ ἀνελεύθερον καὶ ἄπιστον ἀεί τισι διαβολαῖς καὶ προαισθήσεσι δριμὺ καὶ ψοφοδεὲς ποιῶν καὶ ὕποπτον οὐ διαφεύξεται τοὺς προσέχοντας. ἀεὶ γὰρ ὑφορμεῖ τινι πάθει καὶ τοῦτο πιαίνει, καὶ πάρεστι βουβῶνος δίκην ἑκάστοτε τοῖς ὑπούλοις καὶ φλεγμαίνουσι τῆς ψυχῆς ἐπιγιγνόμενος. "ὀργίζῃ; κόλασον. ἐπιθυμεῖς; ὤνησαι. φοβῇ; φύγωμεν. ὑπονοεῖς; πίστευσον." Ἂν δὲ περὶ ταῦτα δυσφώρατος τὰ πάθη, διὰ σφοδρότητα καὶ μέγεθος ἐκκρουομένου τοῦ λογισμοῦ, περὶ τὰ μικρὰ λαβὴν παρέξει μᾶλλον, ὅμοιος ὤν. καὶ γὰρ ἐν ὑποψίᾳ κραιπάλης τινὸς πλησμονῆς γενόμενον καὶ διστάζοντα περὶ λουτροῦ καὶ τροφῆς μὲν φίλος ἐφέξει, φυλάττεσθαι καὶ προσέχειν παραινῶν, δὲ κόλαξ εἰς τὸ βαλανεῖον ἕλκει, καὶ κελεύει νεαρόν τι παρατιθέναι καὶ μὴ κακοῦν ἀνατάσει τὸ σῶμα. καὶ πρὸς ὁδὸν πλοῦν τινα πρᾶξιν ὁρῶν ἀπομαλακιζόμενον οὐ φήσει κατεπείγειν τὸν καιρόν, ἀλλὰ ταὐτὸ ποιήσειν ὑπερθεμένους πέμψαντας ἕτερον. ἂν δ´ ὑπεσχημένος ἀργύριον οἰκείῳ τινὶ δανείσειν ἐπιδώσειν μεταμέληται μὲν αἰδῆται δέ, τῇ χείρονι ῥοπῇ προστιθεὶς ἑαυτὸν κόλαξ ἐπέρρωσε τὴν εἰς τὸ βαλλάντιον γνώμην καὶ τὸ δυσωπούμενον ἐξέκοψεν, ὡς ἀναλίσκοντα πολλὰ καὶ πολλοῖς ἀρκεῖν ὀφείλοντα φείδεσθαι κελεύων. ὅθεν εἰ μὴ λανθάνομεν ἑαυτοὺς ἐπιθυμοῦντες ἀναισχυντοῦντες ἀποδειλιῶντες, κόλαξ ἡμᾶς οὐ λήσεται. ἔστι γὰρ συνηγορῶν ἀεὶ τούτοις τοῖς πάθεσι καὶ περὶ τὰς τούτων ἐκβάσεις παρρησιαζόμενος. ταῦτα μὲν οὖν ἱκανὰ περὶ τούτων.
[20] S'il semble qu'il y ait un moyen de se préserver du flatteur, c'est de reconnaître et de se rappeler continuellement que notre âme se compose de deux parties, l'une douée de sincérité, d'amour du beau et de la raison, l'autre déraisonnable, amie du mensonge et susceptible de passions violentes; que c'est à la meilleure des deux que l'ami adresse toujours ses conseils et ses encouragements, attentif comme un médecin qui veut améliorer encore et conserver notre santé. Mais le flatteur se concentre sur la partie passionnée et déraisonnable ; il l'excite et la chatouille; il la détermine à s'écarter de la droite raison, lui préparant et lui ménageant toujours quelques voluptés déshonnêtes. De même donc que certains aliments ne servent ni à augmenter le sang et les esprits, ni à donner plus de force aux nerfs et à la moelle, mais excitent seulement les parties sexuelles, activent les cours de ventre et engendrent une chair pourrie et mollasse; de même, par son langage le flatteur n'ajoute rien de bon à l'homme sage et réfléchi, mais il nous familiarise avec les voluptés amoureuses, il excite en nous des colères follement conçues, il enflamme notre jalousie, et nous inspire un orgueil aussi insupportable que déplacé. Il aggrave nos chagrins en se lamentant avec nous. Notre méchanceté, notre bassesse, notre défiance redoublent toujours de turbulence, d'aigreur, de soupçon, par suite de ses calomnies et des préventions qu'il nous suggère. Or c'est un manége qui n'échappera pas à ceux qui se tiennent sur leurs gardes : car ils savent que le flatteur couve constamment, pour ainsi dire, quelqu'une de nos passions et qu'il l'engraisse. Je le compare à un bubon, qui survient toujours là où il y a putréfaction et inflammation de l'àme. Êtes-vous en colère? "Châtiez», dira-t-il. Convoitez-vous? "Achetez". Avez-vous peur? «Fuyons». Concevez-vous quelques soupçons? «Ajoutez-y foi». Si en ces sortes de passions il est plus difficile d'apprécier l'influence du flatteur parce qu'elles sont trop violentes et trop fortes pour laisser le libre usage de la raison, il sera plus aisé de le surprendre quand il s'agira de moins puissantes affections, attendu que constamment il est le même. Par exemple, vous soupçonnez que vous avez trop bu ou que vous vous êtes donné une indigestion, et vous hésitez à entrer dans un bain ou à prendre de la nourriture. L'ami vous retiendra, vous recommandant l'abstinence et la réserve. Mais le flatteur vous entraînera au bain, il vous ordonnera de vous faire servir quelque plat nouveau, et «de ne pas vous macérer le corps par une diète trop rigoureuse». S'agit-il d'un voyage, d'une traversée, de n'importe quel acte auquel il vous verra répugner par mollesse ; il dira que le moment ne presse pas, que la chose s'exécutera tout aussi bien en la différant ou si c'est un autre que l'on envoie. Vous vous êtes engagé envers un de vos amis à lui prêter ou à lui donner de l'argent. Vous changez d'avis, mais vous êtes retenu par la honte. Le flatteur s'ajoutera au pire plateau de la balance, et fera pencher votre décision du côté de votre bourse. Il battra en brèche vos scrupules, en disant que vous dépensez beaucoup, «qu'il vous faut suffire à beaucoup de gens, et qu'il vous engage à faire des économies.» De telle sorte, que si nous ne voulons pas nous cacher à nous-mêmes que nous sommes pleins de convoitise, éhontés ou pusillanimes, nous ne serons pris à aucun de ces artifices du flatteur. Car ce sera toujours en faveur de ces sortes de faiblesses qu'il plaidera, et c'est pour nous les faire outrepasser qu'il déploie sa franchise. C'en est assez sur cette matière.


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Dernière mise à jour : 11/05/2005