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[6] Εὐθὺς οὖν ἀπὸ τῆς ἀρχῆς σκοπῶμεν. ἀρχὴν
δὴ φιλίας ἔφαμεν εἶναι τοῖς πλείστοις τὴν ταὐτὰ
μὲν ἐπιεικῶς ἀσπαζομένην ἔθη καὶ ἤθη τοῖς δ´
αὐτοῖς χαίρουσαν ἐπιτηδεύμασι καὶ πράγμασι καὶ
διατριβαῖς ὁμοιοπαθῆ διάθεσιν καὶ φύσιν, ἐφ´ ἧς
καὶ ταῦτ´ εἴρηται·
γέρων γέροντι γλῶσσαν ἡδίστην ἔχει,
παῖς παιδί, καὶ γυναικὶ πρόσφορον γυνή,
νοσῶν τ´ ἀνὴρ νοσοῦντι, καὶ δυσπραξίᾳ
ληφθεὶς ἐπῳδός ἐστι τῷ πειρωμένῳ.
εἰδὼς οὖν ὁ κόλαξ ὅτι τῷ χαίρειν τοῖς ὁμοίοις καὶ
τὸ χρῆσθαι καὶ ἀγαπᾶν ἔμφυτόν ἐστι, ταύτῃ πρῶτον
ἐπιχειρεῖ πλησιάζειν ἑκάστῳ καὶ παρασκηνοῦν,
ὥσπερ ἔν τισι νομαῖς τοῖς αὐτοῖς ἐπιτηδεύμασι καὶ
διατριβαῖς περὶ ταὐτὰ καὶ σπουδαῖς καὶ διαίταις
ἀτρέμα παραβάλλων καὶ προσαναχρωννύμενος,
ἄχρι οὗ λαβὴν παραδῷ καὶ ψαύοντι τιθασὸς γένηται
καὶ συνήθης, ψέγων μὲν οἷς ἐκεῖνον αἰσθάνεται
πράγμασι καὶ βίοις καὶ ἀνθρώποις ἀχθόμενον, ἐπαινέτης
δὲ τῶν ἀρεσκόντων οὐ μέτριος ἀλλ´ ὥσθ´
ὑπερβάλλειν σὺν ἐκπλήξει καὶ θαύματι φαινόμενος,
βεβαιῶν δὲ τὸ φιλοῦν καὶ τὸ μισοῦν ὡς κρίσει
μᾶλλον ἢ πάθει γιγνόμενον.
| [6] A cet effet observons les choses dès le principe. Le
commencement de l'amitié tient le plus souvent, nous l'avons
dit, à ce que l'on se trouve avoir pris à peu près les mêmes
habitudes, les mêmes moeurs les uns et les autres, à ce que
l'on se plaît aux mêmes études, aux mêmes affaires, aux
mêmes occupations; enfin, à ce qu'il y a similitude et de
dispositions et de natures, similitude qui a donné lieu à ces vers :
"Les vieilles gens ensemble aiment à deviser,
L'enfant avec l'enfant, les commères entr'elles ;
Et dans la maladie ou nos pertes cruelles
Un autre malheureux sait nous intéresser".
Sachant donc que c'est un sentiment inné chez les hommes
que d'aimer, de pratiquer les personnes ou les choses qui
leur ressemblent à eux-mêmes, le flatteur tâche tout d'abord
par ce moyen de se rapprocher des gens et de s'installer à
leurs côtés, comme quand on veut prendre un animal sauvage
qui se tient dans certaines pâtures. Il étudie les occupations,
les préférences, le régime de son monde ; il s'y conforme
insensiblement, il s'en colore, jusqu'à ce que l'autre
donne prise, se laisse adoucir et soit habitué à la main qui
le touche. Il blâme et les occupations, et les manières de
vivre, et les hommes que l'on désapprouve; il loue ce que
l'on préfère et il le loue sans mesure, voulant montrer qu'il
renchérit avec ardeur, avec enthousiasme; et pour donner
plus de vraisemblance aux sympathies et aux antipathies
qu'il affecte, il les présente comme étant le résultat de son
jugement plutôt que de sa passion.
| [7] Πῶς οὖν ἐλέγχεται καὶ τίσιν ἁλίσκεται διαφοραῖς,
οὐκ ὢν ὅμοιος οὐδὲ γιγνόμενος ἀλλὰ μιμούμενος
ὅμοιον; πρῶτον μὲν ὁρᾶν δεῖ τὴν ὁμαλότητα
τῆς προαιρέσεως καὶ τὸ ἐνδελεχές, εἰ χαίρει τε τοῖς
αὐτοῖς ἀεὶ καὶ ταὐτὰ ἐπαινεῖ καὶ πρὸς ἓν ἀπευθύνει
καὶ καθίστησι παράδειγμα τὸν ἑαυτοῦ βίον, ὥσπερ
ἐλευθέρῳ φιλίας ὁμοιοτρόπου καὶ συνηθείας ἐραστῇ
προσήκει. τοιοῦτος γὰρ ὁ φίλος. ὁ δὲ κόλαξ ἅτε
δὴ μίαν ἑστίαν ἤθους οὐκ ἔχων μόνιμον οὐδ´ ἑαυτῷ
βίον ζῶν αἱρετὸν ἀλλ´ ἑτέρῳ, καὶ πρὸς ἕτερον πλάττων
καὶ προσαρμόττων ἑαυτὸν οὐχ ἁπλοῦς οὐδ´ εἷς
ἀλλὰ παντοδαπός ἐστι καὶ ποικίλος, εἰς ἄλλον ἐξ
ἄλλου τόπον ὥσπερ τὸ μετερώμενον ὕδωρ περιρρέων
ἀεὶ καὶ συσχηματιζόμενος τοῖς ὑποδεχομένοις.
Ὁ μὲν γὰρ πίθηκος, ὡς ἔοικε, μιμεῖσθαι τὸν
ἄνθρωπον ἐπιχειρῶν ἁλίσκεται συγκινούμενος καὶ
συνορχούμενος, ὁ δὲ κόλαξ αὐτὸς ἑτέρους ἐπάγεται
καὶ παλεύει, μιμούμενος οὐχ ὁμοίως ἅπαντας ἀλλὰ
τῷ μὲν συνορχούμενος καὶ συνᾴδων, τῷ δὲ συμπαλαίων
καὶ συγκονιόμενος· θηρατικοῦ δὲ καὶ κυνηγετικοῦ
λαβόμενος μονονοὺ τὰ τῆς Φαίδρας
ἀναβοῶν ἕπεται
πρὸς θεῶν ἔραμαι κυσὶ θωΰξαι
βαλιαῖς ἐλάφοις ἐγχριμπτόμενος,
καὶ οὐδὲν αὐτῷ πρᾶγμα πρὸς τὸ θηρίον, ἀλλ´ αὐτὸν
ἐκσαγηνεύει καὶ περιβάλλεται τὸν κυνηγόν. ἂν δὲ
θηρεύῃ φιλόλογον καὶ φιλομαθῆ νέον, αὖθις ἐν
βιβλίοις ἐστὶ καὶ πώγων ποδήρης καθεῖται καὶ τριβωνοφορία
τὸ χρῆμα καὶ ἀδιαφορία, καὶ διὰ στόματος
οἵ τε ἀριθμοὶ καὶ τὰ ὀρθογώνια τρίγωνα
Πλάτωνος. εἴ τε ῥᾴθυμός τις ἐμπέπαικεν αὖθις
καὶ φιλοπότης καὶ πλούσιος,
αὐτὰρ ὁ γυμνώθη ῥακέων πολύμητις Ὀδυσσεύς,
ἔρριπται μὲν ὁ τρίβων, κατακείρεται δ´ ὁ πώγων
ὥσπερ ἄκαρπον θέρος, ψυκτῆρες δὲ καὶ φιάλαι καὶ
γέλωτες ἐν περιπάτοις καὶ σκώμματα πρὸς τοὺς
φιλοσοφοῦντας. ὥσπερ ἐν Συρακούσαις φασίν,
ὁπηνίκα Πλάτων ἀφίκετο, καὶ Διονύσιον ζῆλος
ἔσχε περιμανὴς φιλοσοφίας, τὰ βασίλεια κονιορτοῦ
γέμειν ὑπὸ πλήθους τῶν γεωμετρούντων· ἐπεὶ δὲ
προσέκρουσε Πλάτων, καὶ Διονύσιος ἐκπεσὼν φιλοσοφίας
πάλιν εἰς πότους καὶ γύναια καὶ τὸ ληρεῖν
καὶ ἀκολασταίνειν ἧκε φερόμενος, ἀθρόως ἅπαντας
ὥσπερ ἐν Κίρκης μεταμορφωθέντας ἀμουσία καὶ
λήθη καὶ εὐήθεια κατέσχε. μαρτυρεῖ δὲ καὶ τὰ
τῶν μεγάλων ἔργα κολάκων καὶ τὰ τῶν δημαγωγῶν,
ὧν ὁ μέγιστος Ἀλκιβιάδης, Ἀθήνησι μὲν σκώπτων
καὶ ἱπποτροφῶν καὶ μετ´ εὐτραπελίας ζῶν καὶ
χάριτος, ἐν δὲ Λακεδαίμονι κειρόμενος ἐν χρῷ καὶ
τριβωνοφορῶν καὶ ψυχρολουτῶν, ἐν δὲ Θρᾴκῃ πολεμῶν
καὶ πίνων, ἐπεὶ δὲ πρὸς Τισσαφέρνην ἀφίκετο,
τρυφῇ καὶ ἁβρότητι καὶ ἀλαζονείᾳ χρώμενος, ἐδημαγώγει
καὶ καθωμίλει τῷ συναφομοιοῦν καὶ συνοικειοῦν
ἑαυτὸν ἅπασιν. οὐ μὴν τοιοῦτος Ἐπαμεινώνδας
οὐδ´ Ἀγησίλαος, ἀλλὰ πλείστοις ὁμιλήσαντες
ἀνθρώποις καὶ πόλεσι καὶ βίοις τὸ προσῆκον
ἦθος αὑτοῖς πανταχοῦ καὶ στολῇ καὶ διαίτῃ καὶ
λόγῳ καὶ βίῳ διεφύλαττον. οὕτω καὶ Πλάτων ἐν
Συρακούσαις οἷος ἐν Ἀκαδημείᾳ, καὶ πρὸς Διονύσιον
οἷος πρὸς Δίωνα.
| [7] Comment donc se trahit-il? A quelles différences
reconnaît-on qu'il n'est pas semblable, qu'il ne le devient
pas, et que tout en lui est contrefaçon? D'abord il faut voir
l'ensemble et la suite de ses actes : voir s'il aime constamment,
si constamment il loue les mêmes choses; s'il a un
plan , un modèle de conduite sur lequel il dirige et règle sa
vie comme on doit en avoir un lorsque c'est par l'impulsion
de sa volonté propre que l'on prend les habitudes d'un ami
et que l'on se plaît à pratiquer son commerce : car à cela se
reconnaît l'amitié. Mais le flatteur, en homme dont le caractère
n'a pas de consistance, est peu jaloux de se faire
une vie qui soit la sienne. Il se façonne, il se compose, pour
le plaisir d'un autre, à l'imitation de cet autre. Loin d'être
simple et un, il est multiple et varié. D'une première forme
il passe à une seconde. C'est de l'eau qu'on transvase et qui
prend chaque fois les contours et la forme des vaisseaux
qui la reçoivent. Le singe, qui tâche de contrefaire l'homme,
se laisse tout naturellement prendre quand il se remue et
qu'il danse comme lui. Le flatteur, au contraire, trompe
les autres et les attire à la pipée. Il n'imite pas toutes gens
de la même manière. Il dansera et chantera avec les uns;
avec les autres il luttera et se couvrira de poussière dans
la lice. S'est-il attaché à un chasseur qui ne pense qu'à
forcer le gibier; il suivra son homme en répétant presque
l'exclamation de Phèdre :
"Par les dieux ! Mon bonheur est de suivre une meute,
De relancer les cerfs au pied léger ..."
Ce n'est pas du tout l'animal qui, est son affaire; il veut
prendre le chasseur lui-même et l'enlacer de ses filets.
S'il s'est mis à la poursuite d'un jeune homme ami des
lettres et de l'étude, aussitôt le voilà enfoncé dans les livres;
il laisse descendre sa barbe jusqu'à ses pieds; son déguisement
c'est de porter la longue robe d'étude, de se montrer
indifférent à tout le reste et d'avoir sans cesse à la
bouche et les nombres, et les rectangles, et les triangles de
Platon. S'il lui est tombé, au contraire, sous la main un
indolent qui aime à boire et qui soit riche:
"Bientôt le sage Ulysse a quitté ses haillons" ;
la longue robe est jetée à bas, la barbe est incontinent
rasée comme une moisson stérile. Ce ne sont plus que
vases à rafraîchir, que coupes, qu'éclats de rire au milieu
des promenades, que mots plaisants lancés contre ceux qui
philosophent. Ainsi arriva-t-il, dit-on, dans Syracuse quand
Platon vint y séjourner et que Denys se passionna d'un zèle
furieux pour la philosophie. Le palais était plein de poussière,
à l'usage des milliers d'amateurs qui ne cessaient
d'y tracer des figures géométriques. Mais quand Platon
eut été disgrâcié, quand des sommets de la philosophie le
tyran fut retombé dans sa passion pour le vin, pour les
femmes perdues, pour les propos frivoles, pour la débauche,
soudain, comme à un mouvement de la baguette de Circé,
ce fut une métamorphose générale; et l'ignorance, l'oubli,
la sottise envahirent tout. Nous voyons des témoignages
analogues dans les actes de ces flatteurs qui procèdent en
grand, qui conduisent des peuples entiers. Le plus remarquable
en ce genre est Alcibiade. Chez les Athéniens il
était railleur, il élevait des chevaux, il vivait au sein de
l'insouciance et de la galanterie; à Lacédémone il se rasait
la barbe jusqu'à l'épiderme, ne portait qu'un simple manteau
et se baignait en eau froide; chez les Thessaliens il
faisait la guerre et il buvait; quand il se fut rendu à la
cour de Tissapherne, sa vie ne fut que luxe, mollesse et
arrogance. Ainsi il captivait chaque peuple et pénétrait
dans ses bonnes grâces par la facilité avec laquelle il prenait
toutes les habitudes, toutes les ressemblances. Mais
tels n'étaient point Epaminondas et Agésilas. Quoiqu'ils
eussent été en contact avec bien des hommes, bien des
peuples, bien des existences, l'un et l'autre conservèrent
en tous lieux leur propre caractère : ce furent toujours
mêmes vêtements, mêmes habitudes de régime, même langage,
même conduite. Ainsi, encore, Platon fut à Syracuse
tel qu'il était dans l'Académie, et au milieu de la cour de
Denys tel qu'auprès de Dion.
| [8] Τὰς δὲ τοῦ κόλακος ὥσπερ πολύποδος τροπὰς
ῥᾷστα φωράσειεν ἄν τις αὐτὸς ἐπὶ πολλὰ δοκῶν
τρέπεσθαι, καὶ ψέγων μὲν ὃν ἐπῄνει πρότερον βίον,
οἷς δ´ ἤχθετο πράγμασιν ἢ διαίταις ἢ λόγοις ὡς
ἀρέσκοντας ἐξαίφνης προσιέμενος. ὄψεται γὰρ
αὐτὸν οὐδαμοῦ βέβαιον οὐδ´ ἴδιον οὐδ´ οἰκείῳ πάθει
φιλοῦντα καὶ μισοῦντα καὶ χαίροντα καὶ λυπούμενον,
ἀλλὰ δίκην κατόπτρου παθῶν ὀθνείων καὶ
βίων καὶ κινημάτων εἰκόνας ἀναδεχόμενον. τοιοῦτος
γὰρ οἷος, εἰ ψέγοις τινὰ τῶν φίλων πρὸς αὐτόν,
εἰπεῖν "βραδέως πεφώρακας τὸν ἄνθρωπον· ἐμοὶ
μὲν γὰρ οὐδὲ πρότερον ἤρεσκεν." ἂν δ´ αὖ πάλιν
ἐπαινῇς μεταβαλόμενος, νὴ Δία φήσει συνήδεσθαι
καὶ χάριν ἔχειν αὐτὸς ὑπὲρ τοῦ ἀνθρώπου καὶ πιστεύειν.
ἂν δὲ βίον ἀλλακτέον ἕτερον εἴπῃς, οἷον
εἰς ἀπραγμοσύνην καὶ ἡσυχίαν ἐκ πολιτείας μεταβαλόμενος,
"πάλαι γ´ ἐχρῆν," φησί, "θορύβων
ἡμᾶς ἀπηλλάχθαι καὶ φθόνων." ἂν δὲ πάλιν ὁρμᾶν
δοκῆς ἐπὶ τὸ πράττειν καὶ λέγειν, ὑπεφώνησεν
"ἄξια σαυτοῦ φρονεῖς· ἡ δ´ ἀπραγμοσύνη γλυκὺ
μέν, ἀλλ´ ἄδοξον καὶ ταπεινόν." εὐθὺς οὖν λέγειν
χρὴ πρὸς τὸν τοιοῦτον
ἀλλοῖός μοι, ξεῖν´, ἐφάνης νέον ἠὲ πάροιθεν,
οὐ δέομαι φίλου συμμεθισταμένου καὶ συνεπινεύοντος
(ἡ γὰρ σκιὰ ταῦτα ποιεῖ μᾶλλον), ἀλλὰ συναληθεύοντος
καὶ συνεπικρίνοντος.
| [8] Les mutations du flatteur, comme celles du polype,
seront faciles à saisir pour ceux qui, feignant eux-mêmes
une grande mobilité, blâmeront tout à coup la vie qu'ils
louaient d'abord et accueilleront, comme avec une passion
soudaine, les affaires, les manières de vivre, les discours
qu'ils détestaient naguère. Ils verront, en effet, que le
flatteur n'a rien en soi de fixe, rien qui lui soit personnel :
ce n'est point par affection propre qu'il aime et qu'il hait,
qu'il se réjouit et qu'il s'afflige; ils verront qu'un tel
homme reproduit, à la façon des miroirs, les images de
passions, de conduites, de mouvements qui ne lui appartiennent
point. Le flatteur est capable, si vous blâmez en sa
présence un de vos amis, de dire : «Vous avez tardé bien
longtemps à deviner le personnage, car, pour moi, tout
d'abord il m'avait déplu. Si au contraire vous venez à
changer d'opinion et que vous parliez de cet ami avec éloge,
il s'écriera impétueusement qu'il vous en félicite, qu'au nom
de cet ami il vous en sait gré, et qu'il a en lui pleine confiance.
Déclarez-vous qu'il faut changer de train de vie, passer,
par exemple, des affaires à l'oisiveté et au repos; «il y
a longtemps», dira-t-il, «que nous aurions dû quitter cette
existence pleine de tracas et de jalousies.» Si vous semblez
vous lancer de nouveau dans la vie active et vous remettre
à parler en public, se faisant votre écho il s'écriera :
«Voilà des sentiments dignes de vous : l'oisiveté a des douceurs,
j'en conviens, mais elle est sans gloire et vous condamnait
à vivre obscur". Il y a lieu de dire à un tel homme :
"Je te vois, étranger, tout à coup devenu
Autre que jusqu'ici je ne t'avais connu".
Je n'ai que faire d'un ami changeant à mes moindres
variations et se conformant à tous mes gestes : mon ombre
y réussit mieux que lui. J'en veux un qui avec moi dise
la vérité et décide franchement. Voilà donc un des moyens
de reconnaître le flatteur d'avec l'ami.
| [9] Εἷς μὲν οὖν τῶν ἐλέγχων τρόπος τοιοῦτός ἐστιν·
ἑτέραν δὲ δεῖ ταῖς ὁμοιώσεσι τοιαύτην παραφυλάττειν
διαφοράν. ὁ μὲν ἀληθὴς φίλος οὔτε μιμητής
ἐστι πάντων οὔτ´ ἐπαινέτης πρόθυμος, ἀλλὰ
τῶν ἀρίστων μόνων·
οὐ γὰρ συνέχθειν ἀλλὰ συμφιλεῖν ἔφυ
κατὰ τὸν Σοφοκλέα, καὶ νὴ Δία συγκατορθοῦν καὶ
συμφιλοκαλεῖν, οὐ συναμαρτάνειν οὐδὲ συρρᾳδιουργεῖν,
ἂν μή τις οἷον ὀφθαλμίας ἀπορροὴ καὶ ἀνάχρωσις
ἄκοντα δι´ ὁμιλίαν καὶ συνήθειαν ἀναπλήσῃ
φαυλότητος ἢ πλημμελείας τινός. ὥς που καὶ Πλάτωνος
ἀπομιμεῖσθαί φασι τοὺς συνήθεις τὸ ἐπίκυρτον,
Ἀριστοτέλους δὲ τὸν τραυλισμόν, Ἀλεξάνδρου
δὲ τοῦ βασιλέως τὴν ἔγκλισιν τοῦ τραχήλου
καὶ τὴν ἐν τῷ διαλέγεσθαι τραχύτητα τῆς φωνῆς·
τὰ γὰρ πολλὰ λανθάνουσιν ἔνιοι καὶ ἀπὸ τῶν ἠθῶν
καὶ ἀπὸ τῶν βίων ἀναλαμβάνοντες. ὁ δὲ κόλαξ
ἀτεχνῶς τὸ τοῦ χαμαιλέοντος πέπονθεν. ἐκεῖνός τε
γὰρ ἁπάσῃ χρόᾳ πλὴν τοῦ λευκοῦ συναφομοιοῦται,
καὶ ὁ κόλαξ ἐν τοῖς ἀξίοις σπουδῆς ὅμοιον ἑαυτὸν
ἐξαδυνατῶν παρέχειν οὐδὲν ἀπολείπει τῶν αἰσχρῶν
ἀμίμητον, ἀλλ´ ὥσπερ οἱ φαῦλοι ζῳγράφοι τῶν καλῶν
ἐφικνεῖσθαι μὴ δυνάμενοι δι´ ἀσθένειαν ἐν
ῥυτίσι καὶ φακοῖς καὶ οὐλαῖς τὰς ὁμοιότητας ἀναφέρουσιν,
οὕτως ἐκεῖνος ἀκρασίας γίγνεται μιμητής,
δεισιδαιμονίας, ἀκροχολίας, πικρίας πρὸς οἰκέτας,
ἀπιστίας πρὸς οἰκείους καὶ συγγενεῖς. φύσει τε γὰρ
ἀφ´ ἑαυτοῦ πρὸς τὰ χείρονα κατάντης ἐστί, καὶ
δοκεῖ πορρωτάτω τοῦ ψέγειν τὸ αἰσχρὸν εἶναι μιμούμενος.
ὕποπτοι γὰρ οἱ τὰ βελτίω ζητοῦντες καὶ
δοκοῦντες ἄχθεσθαι καὶ δυσκολαίνειν τοῖς ἁμαρτήμασι
τῶν φίλων· ὃ δὴ καὶ Διονυσίῳ Δίωνα καὶ
Σάμιον Φιλίππῳ καὶ Κλεομένη Πτολεμαίῳ διέβαλε
καὶ ἀπώλεσεν. ὁ δὲ βουλόμενος εἶναι καὶ δοκεῖν
ὁμοίως ἡδὺς ἅμα καὶ πιστὸς τοῖς χείροσι μᾶλλον
ὑποκρίνεται χαίρειν, ὡς ὑπὸ τοῦ σφόδρα φιλεῖν οὐδὲ
τὰ φαῦλα δυσχεραίνων, ἀλλὰ συμπαθὴς πᾶσι καὶ
συμφυὴς γιγνόμενος. ὅθεν οὐδὲ τῶν ἀβουλήτων
καὶ τυχηρῶν ἀμοιρεῖν ἀξιοῦσιν, ἀλλὰ καὶ νοσεῖν
ὅμοια προσποιοῦνται, κολακεύοντες τοὺς νοσώδεις,
καὶ μήτε βλέπειν ὀξὺ μήτ´ ἀκούειν, ἂν ὑποτύφλοις ἢ
ὑποκώφοις συνῷσιν, ὥσπερ οἱ Διονυσίου κόλακες
ἀμβλυωποῦντος ἐμπίπτοντες ἀλλήλοις καὶ τὰς παροψίδας
ἐν τῷ δειπνεῖν καταβάλλοντες. ἔνιοι δὲ καὶ
μᾶλλον ἁπτόμενοι τῶν παθῶν ἐνδοτέρω ποιοῦσιν
ἑαυτούς, καὶ καταμιγνύουσιν ἄχρι τῶν ἀπορρήτων
τὰς ὁμοιοπαθείας. αἰσθόμενοι γὰρ ἢ περὶ γάμον
δυστυχοῦντας ἢ πρὸς υἱοὺς ἢ πρὸς οἰκείους ὑπόπτως
ἔχοντας αὐτοὶ σφῶν αὐτῶν ἀφειδοῦσι καὶ ἀποδύρονται
περὶ τέκνων ἰδίων ἢ γυναικὸς ἢ συγγενῶν
ἢ οἰκείων, αἰτίας τινὰς ἀπορρήτους ἐξαγορεύοντες.
ἡ γὰρ ὁμοιότης συμπαθεστέρους ποιεῖ, καὶ μᾶλλον
ὥσπερ ὅμηρα δεδεγμένοι προΐενταί τι τῶν ἀπορρήτων
αὐτοῖς, προέμενοι δὲ χρῶνται καὶ δεδίασιν
ἐγκαταλιπεῖν τὴν πίστιν. ἐγὼ δ´ οἶδά τινα συνεκβαλόντα
γαμετήν, ὡς ὁ φίλος ἀπεπέμψατο τὴν ἑαυτοῦ·
κρύφα δὲ φοιτῶν πρὸς αὐτὴν καὶ διαπεμπόμενος
ἐφωράθη, συναισθομένης τῆς τοῦ φίλου γυναικός.
οὕτως ἄπειρος ἦν κόλακος ὁ νομίζων τὰ ἰαμβεῖα
ταυτὶ τῷ κόλακι μᾶλλον ἢ τῷ καρκίνῳ
προσήκειν·
γαστὴρ ὅλον τὸ σῶμα, πανταχῆ βλέπων
ὀφθαλμός, ἕρπον τοῖς ὀδοῦσι θηρίον·
παρασίτου γὰρ ὁ τοιοῦτος εἰκονισμός ἐστι,
τῶν περὶ τάγηνον καὶ μετ´ ἄριστον φίλων,
ὡς Εὔπολίς φησιν.
| [9] Il est une autre différence qu'il faut saisir dans leurs
similitudes. L'ami véritable ne nous imite pas en toutes
choses; ce n'est pas, non plus, un approbateur forcené :
il approuve seulement ce qui est le mieux; et, comme dit Sophocle :
"Il est fait pour aimer, non haïr avec nous".
Ainsi, il veut de grand cœur partager nos succès honorables,
notre passion pour le beau, mais il ne s'associe point
à nos égarements et à nos faiblesses. Et toutefois, qui sait
si, comme pour les ophthalmies, la fréquentation et la
société habituelle ne produit pas une sorte de contagion;
si l'on ne prend pas, pour ainsi dire, la couleur des gens;
si l'on ne se pénètre pas malgré soi de quelques-uns de leurs
vices et de quelques-unes de leurs erreurs? Par exemple,
les disciples de Platon imitaient, à ce que l'on rapporte, la
courbure de ses épaules; ceux d'Aristote, son bégaiement;
les courtisans du roi Alexandre, son inclinaison de cou et
l'âpreté de sa voix dans la conversation. Car il est bien
vrai que quelques-uns, sans s'en apercevoir, se règlent en
beaucoup de points sur les moeurs et la manière de vivre
d'autrui. Mais pour le flatteur, il est entièrement semblable
au caméléon, qui s'assimile toutes les couleurs, à l'exception
de la blanche. Notre homme aussi, ne pouvant
réussir à se rendre semblable en ce qui est digne d'éloges,
ne laisse du moins sans l'imiter rien de ce qui est honteux.
Comme les mauvais peintres ne peuvent, à cause de
leur insuffisance, atteindre à la ressemblance de ce que les
visages ont de beau et qu'ils se bornent à reproduire
minutieusement les rides, les taches de rousseur et les verrues;
de même le flatteur saura imiter l'intempérance, la superstition,
la colère, la dureté envers les domestiques, la défiance
à l'égard des familiers et des proches, Naturellement il est
porté de lui-même vers ce qui est pire, et il semble d'autant
plus éloigné de blâmer le vice qu'il s'attache à l'imiter.
En effet l'on est suspect si l'on recherche ce qui est
le meilleur, si l'on paraît s'affliger et s'indigner des fautes
de ses amis. C'est là ce qui perdit Dion dans l'esprit de
Denys, Samius dans celui de Philippe, Cléomène dans
celui de Ptolémée, et ce qui causa leur ruine totale. Mais le
flatteur, voulant à la fois être et paraître agréable en même
temps que digne de confiance, s'autorise de ce qu'il appelle
son entier dévouement pour ne point blâmer ce qui est
mal. Il a en ce genre des sympathies et des affinités pour
toutes choses. Aussi ne voudra-t-il pas rester étranger
même à ce qui est involontaire et fortuit. Pour flatter un
malade il se laissera croire atteint de la même maladie : il
dira que sa propre vue baisse, qu'il n'entend pas bien, s'il
fréquente des gens à demi aveugles ou à demi sourds. C'est
ainsi que les flatteurs de Denys, sachant qu'il y voyait à
peine, se jetaient les uns sur les autres et faisaient tomber
les plats de dessus la table. Quelques-uns vont plus avant
dans cette participation aux infirmités : ils veulent se contrefaire
jusqu'en dedans et s'imprégner des affections les
plus intimes et les plus secrètes de ceux qu'ils flattent.
Ont-ils compris que vous êtes malheureux par votre mariage,
que vous vous défiez de vos enfants ou de vos domestiques ;
ils ne s'épargnent pas eux-mêmes. Vous les
verrez se lamentant du chagrin que leur causent leurs enfants
propres, leur femme, leurs parents, leurs familiers,
et ils énuméreront certains griefs de nature toute secrète.
La ressemblance, en effet, les rend plus sympathiques pour
nous; ou plutôt ce sont comme des gages que l'on a reçus
d'eux. Dès lors on laisse échapper en leur présence quelque
aveu secret, à la suite duquel on se sert d'eux et l'on
craint d'être à leur égard en reste de confiance. J'en sais
un, pour ma part, qui avait jeté sa femme hors de chez lui
pour imiter son ami qui avait renvoyé la sienne. Mais
comme il allait chez elle en secret et la faisait venir, on le
surprit, et ce fut la femme de l'ami qui s'en aperçut. Tant
il est vrai, qu'il ne fallait avoir aucune expérience du flatteur,
pour penser que les iambes suivants s'appliquassent
mieux à lui qu'à l'écrevisse de mer :
"Tout son corps n'est que ventre, et son oeil voit partout;
Il marche avec ses dents ..."
car c'est là le portrait du parasite, le portrait
"De ces amis de table ou de la poêle à frire", comme dit Eupolis.
| [10] Οὐ μὴν ἀλλὰ ταῦτα μὲν εἰς τὸν οἰκεῖον
ἀναθώμεθα τοῦ λόγου τόπον· ἐκεῖνο δὲ μὴ παρῶμεν
ἐν ταῖς μιμήσεσι τὸ σόφισμα τοῦ κόλακος, ὅτι κἂν
τῶν καλῶν τι μιμῆται τοῦ κολακευομένου, διαφυλάττει
τὴν ὑπεροχὴν ἐκείνῳ. τοῖς μὲν γὰρ ἀληθῶς
φίλοις οὔτε ζῆλος οὐδείς ἐστι πρὸς ἀλλήλους οὔτε
φθόνος, ἀλλὰ κἂν ἴσον ἔχωσιν ἐν τῷ κατορθοῦν
κἂν ἔλαττον, ἀνεπαχθῶς καὶ μετρίως φέρουσιν.
ὁ δὲ κόλαξ ἀεὶ μνημονεύων τοῦ τὰ δεύτερα λέγειν
ὑφίεται τῇ ὁμοιότητι τῆς ἰσότητος, ἡττᾶσθαι πανταχοῦ
καὶ ἀπολείπεσθαι πλὴν τῶν φαύλων ὁμολογῶν.
ἐν δὲ τοῖς φαύλοις οὐ παρίησι τὸ πρωτεῖον,
ἀλλά φησιν, ἂν ἐκεῖνος ᾖ δύσκολος, αὑτὸν εἶναι
μελαγχολικόν· ἂν ἐκεῖνος δεισιδαίμων, αὑτὸν θεοφόρητον·
ἐρᾶν ἐκεῖνον, μαίνεσθαι δ´ αὑτόν. "ἀ–
καίρως," φησίν, "ἐγέλας, ἐγὼ δ´ ἐξέθνῃσκον ὑπὸ
τοῦ γέλωτος." ἀλλ´ ἔν γε τοῖς χρηστοῖς τοὐναντίον.
αὐτός φησι ταχέως τρέχειν, ἵπτασθαι δ´ ἐκεῖνον·
αὐτὸς ἱππεύειν ἐπιεικῶς, "ἀλλὰ τί πρὸς τὸν ἱπποκένταυρον
τοῦτον; εὐφυής εἰμι ποιητὴς καὶ στίχον
οὐ φαυλότατον γράφω,
βροντᾶν δ´ οὐκ ἐμὸν ἀλλὰ Διός."
ἅμα γὰρ αὐτοῦ δοκεῖ καὶ τὴν προαίρεσιν ἀποφαίνειν
καλὴν μιμούμενος καὶ τὴν δύναμιν ἀνέφικτον
ἡττώμενος.
Ἐν μὲν οὖν ταῖς ἐξομοιώσεσι τοιαῦταί τινές
εἰσιν αἱ τοῦ κόλακος διαφοραὶ πρὸς τὸν φίλον.
| [10] Mais réservons ces détails pour la partie de notre
traité qui leur est spéciale. Il est toutefois, en matière
d'imitations, un artifice du flatteur que nous ne devons pas
omettre : c'est que, s'il copie quelque bonne qualité de
celui qu'il flatte, il conserve toujours à celui-ci la supériorité.
Car les véritables amis ne sont animés mutuellement
d'aucune rivalité, d'aucune jalousie : que leurs succès soient
égaux ou qu'ils soient moindres, ils n'en conçoivent ni impatience
ni orgueil. Mais le flatteur, se souvenant toujours
qu'il remplit un rôle secondaire, reste, dans son imitation,
au-dessous de l'égalité; il consent à accepter en tout le
rang inférieur et le désavantage, hormis dans le mal. Dans
le mal il ne se laisse pas devancer. Si vous êtes de mauvaise
humeur, il se dira mélancolique; si vous êtes superstitieux,
il sera transporté de fanatisme ; si vous êtes amoureux,
il sera fou par amour. «Vous avez ri plus que de
raison", dira-t-il «mais moi, j'ai failli crever de rire".
Pour les choses louables et honnêtes, c'est le contraire. Il
déclare qu'il court bien, mais que vous avez des ailes; qu'il
se tient convenablement à cheval, mais qu'il ne saurait le
disputer à un hippocentaure tel que vous. «Je suis bon
poète», dira-t-il, «et je ne tourne pas mal un hémistiche,
"Mais je n'ai point la foudre : elle est à Jupiter."
De cette façon, en même temps qu'il paraît mettre en relief
chez un autre le talent préféré par cet autre et que lui-même
imite, il montre, en restant inférieur, qu'il ne saurait
le posséder à un degré semblable.
Voilà, pour ce qui est des imitations, quelles sont les
différences entre le flatteur et l'ami.
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