HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Comment distinguer le flatteur d'avec l'ami

Chapitre 1-5

  Chapitre 1-5

[0] ΠΩΣ ΑΝ ΤΙΣ ΔΙΑΚΡΙΝΕΙΕ ΤΟΝ ΚΟΛΑΚΑ ΤΟΥ ΦΙΛΟΥ.
[0] Comment on pourra discerner le flatteur d'avec l'ami.
[1] Τῷ σφόδρα φιλεῖν ἑαυτόν, Ἀντίοχε Φιλόπαππε, φάσκοντι συγγνώμην μὲν ἅπαντας Πλάτων διδόναι φησί, κακίαν δὲ σὺν πολλαῖς ἄλλαις ἐγγίγνεσθαι μεγίστην, ὑφ´ ἧς οὐκ ἔστιν αὑτοῦ κριτὴν δίκαιον οὐδ´ ἀδέκαστον εἶναι· "τυφλοῦται γὰρ τὸ φιλοῦν περὶ τὸ φιλούμενον," ἂν μή τις μαθὼν ἐθισθῇ τὰ καλὰ τιμᾶν καὶ διώκειν μᾶλλον τὰ συγγενῆ καὶ οἰκεῖα. τοῦτο τῷ κόλακι πολλὴν μεταξὺ τῆς φιλίας εὐρυχωρίαν δίδωσιν, ὁρμητήριον ἐφ´ ἡμᾶς εὐφυὲς ἔχοντι τὴν φιλαυτίαν, δι´ ἣν αὐτὸς αὑτοῦ κόλαξ ἕκαστος ὢν πρῶτος καὶ μέγιστος οὐ χαλεπῶς προσίεται τὸν ἔξωθεν ὧν οἴεται καὶ βούλεται μάρτυν ἅμ´ αὐτῷ καὶ βεβαιωτὴν προσγιγνόμενον. γὰρ λοιδορούμενος φιλοκόλαξ σφόδρα φίλαυτός ἐστι, δι´ εὔνοιαν ἑαυτῷ πάντα μὲν ὑπάρχειν βουλόμενος πάντα δ´ οἰόμενος ὧν μὲν βούλησις οὐκ ἄτοπος δ´ οἴησις ἐπισφαλὴς καὶ δεομένη πολλῆς εὐλαβείας. εἰ δὲ δὴ θεῖον ἀλήθεια καὶ "πάντων μὲν ἀγαθῶν θεοῖς πάντων δ´ ἀνθρώποις" ἀρχὴ κατὰ Πλάτωνα, κινδυνεύει θεοῖς ἐχθρὸς κόλαξ εἶναι, τῷ δὲ Πυθίῳ διαφερόντως. ἀντιτάττεται γὰρ ἀεὶ πρὸς τὸ "γνῶθι σαυτόν," ἀπάτην ἑκάστῳ πρὸς ἑαυτὸν ἐμποιῶν καὶ ἄγνοιαν ἑαυτοῦ καὶ τῶν περὶ αὑτὸν ἀγαθῶν καὶ κακῶν, τὰ μὲν ἐλλιπῆ καὶ ἀτελῆ τὰ δ´ ὅλως ἀνεπανόρθωτα ποιῶν.
[1] Quand un homme, ô Antiochus Philopappus, répète souvent qu'il s'aime fort lui-même, Platon dit que tous le lui pardonnent ; mais pourtant, ajoute-t-il, ce vice a plus d'une conséquence funeste, et surtout il empêche qu'on ne puisse être pour soi un juge équitable et incorruptible. En effet celui qui aime s'aveugle sur l'objet aimé, si par une étude spéciale il n'a pas pris l'habitude d'honorer et d'estimer ce qui est honnête, plutôt que ce qui lui est personnel et qui est inné en lui. C'est par là que s'ouvre au flatteur un champ si vaste en pleine amitié. Notre amour-propre lui donne merveilleusement prise sur nous. Chacun étant pour soi-même un premier adulateur et le plus grand de tous, on n'hésite pas à faire accueil au flatteur étranger, en qui l'on veut, en qui l'on croit, trouver un témoin et comme un garant de plus à ses propres yeux; car celui qui aime la flatterie et à qui on le reproche, est surtout rempli d'amour-propre; et par suite de l'affection qu'il se porte il veut avoir toutes les qualités, et il croit les posséder toutes. Or ce n'est pas une ambition déplacée que de les vouloir, mais se figurer qu'on les possède est une persuasion dangereuse et qui a besoin de beaucoup de retenue. Mais si la vertu est chose divine, si, comme l'avance Platon, elle est la source de tous biens pour les dieux, de tous biens pour les hommes, le flatteur risque fort d'être ennemi des dieux et surtout d'Apollon Pythien, puisqu'il est toujours en contradiction avec le "connais-toi toi-même". Il s'attache à tromper sur leur propre compte les gens qu'il circonvient, à leur faire ignorer ce qu'ils sont eux-mêmes, de telle sorte que les vertus ou les mauvaises qualités qui sont en eux, restent les unes incomplètes et défectueuses, les autres entièrement incurables.
[2] Εἰ μὲν οὖν, ὡς τὰ πλεῖστα τῶν ἄλλων κακῶν, κόλαξ ἥπτετο μόνον μάλιστα τῶν ἀγεννῶν καὶ φαύλων, οὐκ ἂν ἦν οὕτω δεινὸν οὐδὲ δυσφύλακτον· ἐπεὶ δ´ ὥσπερ οἱ θρῖπες ἐνδύονται μάλιστα τοῖς ἁπαλοῖς καὶ γλυκέσι ξύλοις, οὕτω τὰ φιλότιμα τῶν ἠθῶν καὶ χρηστὰ καὶ ἐπιεικῆ τὸν κόλακα δέχεται καὶ τρέφει προσφυόμενον, ἔτι δ´ ὥσπερ Σιμωνίδης τὴν "ἱπποτροφίαν," φησίν, "οὐ Ζακύνθῳ ὀπαδεῖν ἀλλ´ ἀρούραισι πυροφόροις," οὕτω τὴν κολακείαν ὁρῶμεν οὐ πένησιν οὐδ´ ἀδόξοις οὐδ´ ἀδυνάτοις ἀκολουθοῦσαν, ἀλλ´ οἴκων τε καὶ πραγμάτων μεγάλων ὀλίσθημα καὶ νόσημα γιγνομένην, πολλάκις δὲ καὶ βασιλείας καὶ ἡγεμονίας ἀνατρέπουσαν, οὐ μικρὸν ἔργον ἐστὶν οὐδὲ φαύλης δεόμενον προνοίας περὶ αὐτὴν ἐπίσκεψις, ὡς ἂν μάλιστα περίφωρος οὖσα μὴ βλάπτῃ μηδὲ διαβάλλῃ τὴν φιλίαν. οἱ μὲν γὰρ φθεῖρες ἀπίασιν ἀπὸ τῶν τελευτώντων καὶ ἀπολείπουσι τὰ σώματα σβεννυμένου τοῦ αἵματος ἐξ οὗ τρέφονται, τοὺς δὲ κόλακας οὐδ´ ὅλως ἰδεῖν ἔστι πράγμασι ξηροῖς καὶ κατεψυγμένοις προσιόντας, ἀλλὰ ταῖς δόξαις καὶ ταῖς δυνάμεσιν ἐπιτίθενται καὶ αὔξονται, ταχὺ δ´ ἐν ταῖς μεταβολαῖς ὑπορρέουσιν. ἀλλὰ τὴν τότε πεῖραν οὐ δεῖ περιμένειν ἀνωφελῆ, μᾶλλον δὲ βλαβερὰν καὶ οὐκ ἀκίνδυνον οὖσαν. χαλεπὴ γὰρ ἐν καιρῷ δεομένῳ φίλων τῶν μὴ φίλων αἴσθησις, ἀντικαταλλαγὴν οὐκ ἔχουσα χρηστοῦ καὶ βεβαίου πρὸς ἀβέβαιον καὶ κίβδηλον. ἀλλ´ ὥσπερ νόμισμα δεῖ τὸν φίλον ἔχειν πρὸ τῆς χρείας δεδοκιμασμένον, μὴ ὑπὸ τῆς χρείας ἐλεγχόμενον. οὐ γὰρ δεῖ βλαβέντας αἰσθέσθαι, ἀλλ´ ὅπως μὴ βλαβῶμεν ἐμπειρίαν λαβεῖν καὶ κατανόησιν τοῦ κόλακος· εἰ δὲ μή, ταὐτὸ πεισόμεθα τοῖς αἰσθανομένοις τῷ προγεγεῦσθαι τῶν θανασίμων φαρμάκων, εἰς τὴν κρίσιν ἀπολλύντες ἑαυτοὺς καὶ διαφθείροντες. οὔτε γὰρ δὴ τούτους ἐπαινοῦμεν οὔθ´ ὅσοι τὸν φίλον εἰς τὸ καλὸν τιθέμενοι καὶ ὠφέλιμον οἴονται τοὺς κεχαρισμένως ὁμιλοῦντας εὐθὺς ἔχειν ἐπ´ αὐτοφώρῳ κόλακας εἰλημμένους. οὐδὲ γὰρ ἀηδὴς φίλος οὐδ´ ἄκρατος, οὐδὲ τῷ πικρῷ σεμνὸν φιλία καὶ αὐστηρῷ, ἀλλ´ αὐτὸ δὴ τοῦτο τὸ καλὸν καὶ τὸ σεμνὸν αὐτῆς ἡδὺ καὶ ποθούμενόν ἐστι, πὰρ δ´ αὐτῇ Χάριτές τε καὶ Ἵμερος οἰκί´ ἔθεντο, καὶ οὐ δυστυχοῦντι μόνον εἰς ὄμματ´ εὔνου φωτὸς ἐμβλέψαι γλυκὺ κατ´ Εὐριπίδην, ἀλλ´ οὐδὲν ἧττον τοῖς ἀγαθοῖς ἡδονὴν ἐπιφέρουσα καὶ χάριν τῶν κακῶν ἀφαιροῦσα τὰς λύπας καὶ τὰς ἀπορίας παρέπεται. καὶ καθάπερ Εὔηνος εἶπε, τῶν ἡδυσμάτων τὸ πῦρ εἶναι κράτιστον, οὕτω τῷ βίῳ μείξας τὴν φιλίαν θεὸς ἅπαντα φαιδρὰ καὶ γλυκέα καὶ προσφιλῆ ταύτης παρούσης καὶ συναπολαυούσης ἐποίησεν. ἐπεὶ πῶς ἂν κόλαξ ὑπεδύετο ταῖς ἡδοναῖς, εἰ τὴν φιλίαν ἑώρα τὸ ἡδὺ μηδαμοῦ προσιεμένην, οὐκ ἔστιν εἰπεῖν. ἀλλ´ ὥσπερ τὰ ψευδόχρυσα καὶ τὰ κίβδηλα τὴν λαμπρότητα τοῦ χρυσοῦ καὶ τὸ γάνωμα μιμεῖται μόνον, οὕτως ἔοικεν κόλαξ τοῦ φίλου τὸ ἡδὺ καὶ κεχαρισμένον ἐκμιμούμενος ἀεὶ παρέχειν ἱλαρὸν καὶ ἀνθηρὸν καὶ πρὸς μηδὲν ἀντιβαίνοντα μηδ´ ὑπεναντιούμενον ἑαυτόν. ὅθεν οὐδὲ τοὺς ἐπαινοῦντας εὐθὺς ὡς κολακεύοντας ἁπλῶς ὑφορατέον· ἔπαινος γὰρ οὐχ ἧττον ἐν καιρῷ ψόγου φιλίᾳ προσήκει, μᾶλλον δὲ τὸ μὲν δύσκολον ὅλως καὶ μεμψίμοιρον ἄφιλον καὶ ἀνομίλητον, τῆς δ´ ἀφθόνως καὶ προθύμως τὸν ἐπὶ τοῖς καλοῖς ἀποδιδούσης ἔπαινον εὐνοίας καὶ τὸ νουθετοῦν αὖθις καὶ παρρησιαζόμενον ἐλαφρῶς καὶ ἀλύπως ὑπομένομεν, πιστεύοντες καὶ ἀγαπῶντες ὡς ἀναγκαίως ψέγοντα τὸν ἡδέως ἐπαινοῦντα.
[2] Si donc le flatteur, comme la plupart des autres fléaux, s'attachait seulement ou principalement aux natures ignobles et basses, son influence ne serait pas aussi funeste, et il ne serait pas aussi difficile de s'en garantir; mais de même que les vers qui rongent le bois attaquent de préférence celui qui est tendre et délicat, de même le flatteur s'abat sur les naturels généreux, bons, humains, et c'est à eux qu'il s'attache pour y trouver sa nourriture. Ce n'est pas tout : de même que, selon Simonide, l'entretien d'une écurie suppose que l'on possède non pas une simple fiole d'essences mais de fertiles pâturages, de même nous voyons que la flatterie ne marche pas à la suite des gens pauvres, obscurs et qui n'ont aucune puissance. Il lui faut des familles, des positions considérables, dont elle prépare la chute et les revers; souvent même elle va jusqu'à renverser des royaumes et des empires. Ce n'est pas un petit travail ou un soin de médiocre prévoyance, que d'épier les manoeuvres de la flatterie, que de la prendre sur le fait, d'empêcher qu'elle ne nuise à l'amitié et ne la desserve. La vermine abandonne les mourants et s'éloigne des corps où s'est éteint le sang dont elle fait sa nourriture : ainsi le flatteur dédaigne les existences que j'appellerai desséchées et refroidies : il se fixe sur celles qui sont illustres et puissantes afin de s'y engraisser, et si la fortune change, il s'est bientôt enfui. Mais il ne faut pas attendre jusqu'à l'accomplissement de cette épreuve, qui est inutile ou plutôt funeste et dangereuse. Quand vient le moment de recourir à ses amis, il est bien pénible de reconnaître que l'on n'en a point et que l'on ne peut pas à l'instant même échanger des amitiés fausses et sans stabilité contre d'utiles et sûrs dévouements. L'ami doit être comme une pièce de monnaie, dont il faut que la valeur soit appréciée et connue avant que vienne le moment de l'employer et non pas quand il est nécessaire de la mettre en circulation. Ce n'est point par le dommage éprouvé que nous devons nous apercevoir que nous avions affaire à un flatteur : il faut l'avoir reconnu et deviné de manière à n'être pas sa victime; sinon, nous ressemblerons à ceux qui ne reconnaissent les poisons mortels qu'après y avoir goûté, et l'expérience même que nous en ferons nous deviendra fatale et meurtrière. Pas plus que nous ne louons les imprévoyants, nous n'approuvons ceux qui pensent que l'amitié doit être seulement honnête et profitable, et qui se figurent que l'aménité d'un commerce constitue sur le champ, par elle-même, un flagrant délit d'adulation. Il n'est pas du tout nécessaire que l'ami soit déplaisant et qu'il s'en tienne exclusivement à l'affection; et ce serait une erreur de croire que l'humeur chagrine et revêche fasse le mérite de l'amitié : son honnêteté même et son mérite la rendent douce et désirable; en elle "Est placé le séjour du plaisir et des grâces", et ce n'est pas pour les malheureux seulement "Qu'un regard bienveillant est doux à rencontrer'', selon l'expression d'Euripide. L'amitié ne s'entend pas moins à jeter du plaisir et du charme sur la prospérité, qu'à diminuer les peines et les embarras causés par les revers. Et de même que, selon le mot d'Evenus, le feu est le plus efficace des assaisonnements, de même Dieu en mêlant l'amitié aux choses humaines a répandu de l'éclat, de la douceur, de la tendresse partout où elle signale sa présence et ses sympathies. Du reste, comment le flatteur s'insinuerait-il par le moyen du plaisir, s'il voyait que l'amitié n'admette jamais l'agréable près d'elle? Gela ne pourrait s'expliquer. Mais de même que les vases de faux or et d'un métal sans valeur imitent seulement l'éclat et le brillant de l'or, de même le flatteur, prenant toujours l'air gracieux et gai de l'ami véritable, a constamment soin de se montrer joyeux, épanoui : il ne s'oppose à rien, il ne contredit jamais. C'est pourquoi nous ne devons pas tout d'abord et sans réserve soupçonner de flatterie ceux qui nous adressent des éloges : car louer à propos ne convient pas moins en amitié qu'adresser à propos des reproches; ou plutôt, à être constamment chagrin et grondeur on fait voir que l'on ne ressent pas d'amitié et que l'on est peu sociable. Mais quand la bienveillance décerne avec libéralité et empressement les éloges dus aux belles actions, de cette même bouche bienveillante on supporte légèrement et sans amertume les reproches et les avertissements pleins de franchise : on y a confiance, on les prend en bonne part ; et l'on estime que celui-là blâme à son corps défendant, qui a loué avec tant de satisfaction.
[3] Χαλεπὸν οὖν φαίη τις ἄν ἐστι διακρῖναι τὸν κόλακα καὶ τὸν φίλον, εἰ μήθ´ ἡδονῇ μήτ´ ἐπαίνῳ διαφέρουσι· καὶ γὰρ ἐν ὑπουργίαις καὶ διακονίαις πολλάκις ἰδεῖν ἐστι τὴν φιλίαν ὑπὸ τῆς κολακείας παρατρεχομένην. τί δ´ οὐ μέλλει, φήσομεν, ἂν τὸν ἀληθινὸν κόλακα καὶ μετὰ δεινότητος καὶ τέχνης ἁπτόμενον τοῦ πράγματος διώκωμεν, ἀλλὰ μή, καθάπερ οἱ πολλοί, τοὺς αὐτοληκύθους τούτους λεγομένους καὶ τραπεζέας καὶ μετὰ τὸ κατὰ χειρὸς ὕδωρ ἀκουομένους ὥς τις εἶπε κόλακας νομίζωμεν, ὧν ἐν μιᾷ λοπάδι καὶ κύλικι μετὰ βωμολοχίας καὶ βδελυρίας ἀνελευθερία γίγνεται κατάδηλος; οὐ γὰρ δήπου Μελάνθιον ἔδει τὸν Ἀλεξάνδρου τοῦ Φεραίου παράσιτον ἐξελέγχειν, ὃς τοῖς ἐρωτῶσι πῶς Ἀλέξανδρος ἐσφάγη "διὰ τῆς πλευρᾶς" ἔλεγεν "εἰς τὴν γαστέρα τὴν ἐμήν," οὐδὲ τοὺς ἀμφὶ πλουσίαν τράπεζαν ἐγκυκλουμένους, οὓς οὐ πῦρ οὐδὲ σίδαρος οὐδὲ χαλκὸς εἴργει μὴ φοιτᾶν ἐπὶ δεῖπνον, οὐδὲ τὰς ἐν Κύπρῳ κολακίδας, ἐπειδὴ διέβησαν εἰς Συρίαν, κλιμακίδας προσαγορευθείσας, ὅτι ταῖς γυναιξὶ τῶν βασιλέων ἀναβαίνειν ἐπὶ τὰς ἁμάξας δι´ αὑτῶν ὑποκατακλινόμεναι παρεῖχον.
[3] D'après cela, dira quelqu'un, il est difficile de distinguer le flatteur de l'ami, s'il n'y a entre eux de différence ni par le plaisir ni par la louange que l'on reçoit d'eux; car dans les complaisances et les menus services on peut voir que souvent la flatterie prend les devants sur l'amitié. Pourquoi ne pas convenir de cette difficulté ? répondrons-nous : car enfin nous poursuivons ici le véritable flatteur, celui qui exerce son métier avec talent, en homme habile, et nous ne prétendons pas parler, comme le font beaucoup d'autres, de ces gens appelés pique-assiettes et parasites, dont on n'entend la voix, disait quelqu'un, qu'après l'ablution des mains. Ce ne sont pas ces derniers que nous prenons pour des flatteurs : l'abjection de leur caractère se trahit au premier plat, après le premier verre, par quelque bouffonnerie et quelque indécence. Car il n'y aurait certes pas besoin de signaler ce qu'il y a de détestable dans cette parole de Mélanthius, parasite d'Alexandre de Phères. On lui demandait comment Alexandre avait été tué : «Par un coup d'épée, répondit-il, qu'il a reçu dans le flanc et qui était à l'adresse de mon ventre». Rien, encore, n'est plus odieux que ces êtres rangés en cercle autour d'une table opulente que ni le feu, ni le fer, ni l'airain, n'empêcheraient de se rendre là où l'on dîne ; rien de plus odieux que ces femmes nommées à Chypre les Colacides, qui après être passées en Syrie, furent appelées Climacides, parce qu'elles se courbaient à quatre pieds devant les femmes du roi, et leur servaient d'échelons quand celles-ci montaient en char.
[4] Τίνα οὖν δεῖ φυλάττεσθαι; τὸν μὴ δοκοῦντα μηδ´ ὁμολογοῦντα κολακεύειν, ὃν οὐκ ἔστι λαβεῖν περὶ τοὐπτάνιον, οὐδ´ ἁλίσκεται σκιὰν καταμετρῶν ἐπὶ δεῖπνον, οὐδ´ ἔρριπται μεθυσθεὶς ὅπως ἔτυχεν, ἀλλὰ νήφει τὰ πολλὰ καὶ πολυπραγμονεῖ καὶ πράξεων μετέχειν οἴεται δεῖν καὶ λόγων ἀπορρήτων βούλεται κοινωνὸς εἶναι, καὶ ὅλως τραγικός ἐστιν οὐ σατυρικὸς φιλίας ὑποκριτὴς οὐδὲ κωμικός. ὡς γὰρ Πλάτων φησίν, "ἐσχάτης ἀδικίας εἶναι δοκεῖν δίκαιον μὴ ὄντα," καὶ κολακείαν ἡγητέον χαλεπὴν τὴν λανθάνουσαν οὐ τὴν ὁμολογοῦσαν, οὐδὲ τὴν παίζουσαν ἀλλὰ τὴν σπουδάζουσαν· αὕτη γὰρ ἀναπίμπλησι καὶ τὴν ἀληθινὴν φιλίαν ἀπιστίας, συνεμπίπτουσαν αὐτῇ πολλάκις, ἂν μὴ προσέχωμεν. μὲν οὖν Γωβρύας εἰς σκοτεινὸν οἴκημα τῷ μάγῳ φεύγοντι συνεισπεσὼν καὶ γενόμενος ἐν διαπάλαις ἐπιστάντα καὶ διαποροῦντα τὸν Δαρεῖον ἐκέλευσεν ὠθεῖν καὶ δι´ ἀμφοτέρων· ἡμεῖς δέ, εἰ μηδαμῆ μηδαμῶς ἐπαινοῦμεν τὸ "ἐρρέτω φίλος σὺν ἐχθρῷ," διὰ πολλῶν ὁμοιοτήτων τὸν κόλακα τῷ φίλῳ συμπεπλεγμένον ἀποσπάσαι ζητοῦντες ὀφείλομεν εὖ μάλα φοβεῖσθαι μή πως τῷ κακῷ τὸ χρήσιμον συνεκβάλωμεν φειδόμενοι τοῦ οἰκείου τῷ βλάπτοντι περιπέσωμεν. ὥσπερ γὰρ οἶμαι τῶν ἀγρίων σπερμάτων ὅσα καὶ σχῆμα καὶ μέγεθος παραπλήσιον ἔχοντα τῷ πυρῷ συμμέμικται χαλεπὴν ἔχει τὴν ἀποκάθαρσιν ( γὰρ οὐ διεκπίπτει τῶν στενοτέρων πόρων συνεκπίπτει διὰ τῶν ἀραιῶν), οὕτως κολακεία τῆς φιλίας εἰς πᾶν πάθος καὶ πᾶν κίνημα καὶ χρείαν καὶ συνήθειαν ἑαυτὴν καταμιγνύουσα δυσχώριστός ἐστιν.
[4] Contre quel flatteur faut-il donc se mettre en garde? Contre celui qui ne semble pas et n'avoue pas en être un ; contre celui qu'on ne saurait surprendre rôdant autour de la cuisine, ou mesurant l'ombre pour calculer l'heure du dîner; qui ne tombe pas ivre mort à la première occasion. Le flatteur dangereux est le plus souvent à jeun; il sait se rendre important; il croit devoir s'associer aux affaires du maître, il veut être initié à ses secrets; il prend tout à fait au tragique le rôle qu'il joue, et ne songe pas à se rapprocher du satyre, du comédien ou du bouffon. Car comme Platon dit que l'extrême injustice c'est de paraître juste et de ne l'être point, de même on doit penser que la flatterie pernicieuse est celle qui se cache et ne s'avoue pas, celle qui est non pas plaisante, mais sérieuse; car elle va jusqu'à rendre suspecte la véritable amitié elle-même, avec qui souvent elle se rencontre en plusieurs points si l'on n'y prend pas garde. Gobryas s'était précipité dans une chambre obscure en même temps que le Mage qui fuyait, et avait engagé une lutte avec lui. Darius survint; et comme il hésitait, Gobryas lui ordonna de charger hardiment, dût-il les traverser l'un et l'autre. Mais nous, puisque nous n'approuvons nullement le mot : «Périsse l'ami avec l'ennemi!» attachons-nous à distinguer l'ami du flatteur, ce dernier se confondant avec lui par plusieurs similitudes. Craignons à la fois de chasser celui qui est bon en écartant le mauvais, et de nous exposer, en ménageant qui nous aime, aux coups de qui devra nous nuire. Car, selon moi, de même que lorsqu'avec le froment sont mêlées des graines sauvages qui lui ressemblent par la forme et par la grosseur, il est difficile de l'en trier, parce qu'elles ne tombent pas séparément si les trous du crible sont trop étroits et qu'elles passent avec le blé si les trous sont trop larges, de même il est bien difficile, tant la flatterie se mêle à toutes les affections, à tous les mouvements, à tous les usages et toutes les habitudes de l'amitié, il est, bien difficile, dis-je, de les distinguer l'une de l'autre.
[5] Ὅτι μέντοι γε πάντων ἥδιστόν ἐστιν φιλία καὶ οὐδὲν ἄλλο μᾶλλον εὐφραίνει, διὰ τοῦτο καὶ κόλαξ ἡδοναῖς ὑπάγεται καὶ περὶ ἡδονάς ἐστιν. ὅτι δ´ χάρις καὶ χρεία τῇ φιλίᾳ παρέπεται (καθ´ δὴ καὶ λέγεται πυρὸς καὶ ὕδατος φίλος ἀναγκαιότερος εἶναι), διὰ τοῦτ´ ἐμβάλλων εἰς τὰς ὑπουργίας ἑαυτὸν κόλαξ ἁμιλλᾶται σπουδαστικὸς ἀεὶ φαίνεσθαι καὶ ἄοκνος καὶ πρόθυμος. ἐπεὶ δὲ τὸ μάλιστα φιλίας ἀρχὴν συνέχον ὁμοιότης ἐστὶν ἐπιτηδευμάτων καὶ ἠθῶν, καὶ ὅλως τὸ χαίρειν τε τοῖς αὐτοῖς καὶ τὸ ταὐτὰ φεύγειν πρῶτον εἰς ταὐτὸ συνάγει καὶ συνίστησι διὰ τῆς ὁμοιοπαθείας, τοῦτο κατιδὼν κόλαξ αὑτὸν ὥσπερ ὕλην τινὰ ῥυθμίζει καὶ σχηματίζει, περιαρμόσαι καὶ περιπλάσαι ζητῶν οἷς ἂν ἐπιχειρῇ διὰ μιμήσεως, ὑγρὸς ὢν μεταβάλλεσθαι καὶ πιθανὸς ἐπὶ τὰς ἐξομοιώσεις, ὥστ´ εἰπεῖν οὐ παῖς Ἀχιλλέως, ἀλλ´ ἐκεῖνος αὐτὸς εἶ. δὲ πάντων ἐστὶν αὐτοῦ πανουργότατον, αἰσθανόμενος τὴν παρρησίαν καὶ λεγομένην καὶ δοκοῦσαν ἰδίαν εἶναι φωνὴν ὥσπερ τινὸς ζῴου τῆς φιλίας, τὸ δ´ ἀπαρρησίαστον ἄφιλον καὶ ἀγεννές, οὐδὲ ταύτην ἀμίμητον ἀπολέλοιπεν, ἀλλ´ ὥσπερ οἱ δεινοὶ τῶν ὀψοποιῶν τοῖς πικροῖς χυμοῖς καὶ αὐστηροῖς ἡδύσμασι χρῶνται, τῶν γλυκέων ἀφαιροῦντες τὸ πλήσμιον, οὕτως οἱ κόλακες οὐκ ἀληθινὴν οὐδ´ ὠφέλιμον ἀλλ´ οἷον ἐπιλλώπτουσαν ἐξ ὀφρύος καὶ γαργαλίζουσαν ἀτεχνῶς παρρησίαν προσφέρουσιν. ἔστι μὲν οὖν διὰ ταῦτα δυσφώρατος ἀνήρ, ὥσπερ τῶν θηρίων ὅσα πεφυκότα τὴν χρόαν τρέπεσθαι συναφομοιοῦται τοῖς ὑποκειμένοις χρώμασι καὶ χωρίοις· ἐπεὶ δ´ ἐκεῖνος ἐξαπατᾷ τε καὶ περικαλύπτεται ταῖς ὁμοιότησιν, ἡμέτερον ἔργον ἐστὶ ταῖς διαφοραῖς ἀνακαλύπτειν καὶ ἀπογυμνοῦν αὐτὸν "ἀλλοτρίοις χρώμασι καὶ σχήμασιν," φησιν Πλάτων, "χήτει οἰκείων κοσμούμενον."
[5] C'est parce que l'amitié est ce qu'il y a de plus agréable au monde, parce que rien ne réjouit davantage, c'est par cela même que le flatteur, aussi, exerce ses séductions au moyen de l'agrément, et ne songe qu'à ménager des plaisirs; et comme l'agrément et le profit viennent à la suite de l'amitié, et qu'en ce sens on dit «qu'un ami est plus indispensable que le feu et l'eau» ; par ces raisons, le flatteur se jetant à corps perdu dans les complaisances, s'attache à montrer toujours du zèle, de l'activité, du dévouement. Pour que l'amitié ait un commencement durable et solide il doit y avoir similitude de principes et de caractères ; et, en général, c'est la conformité des goûts et des répulsions qui rapproche et unit tout d'abord les hommes par l'effet de la sympathie. Le flatteur le sait bien; et, comme une matière flexible, il a soin de se façonner; il s'étudie à composer son masque, à se contrefaire, à devenir, par l'imitation, semblable à ceux qu'il veut tromper. Rien n'égale la facilité avec laquelle il se métamorphose et prend toutes les physionomies, de la manière la plus propre à donner le change. C'est bien de lui que l'on peut dire : C'est Achille lui-même, et non le fils d'Achille. Mais signalons ce qui dans tout son manége est le plus artificieux. Sachant que la franchise est dite et réputée le langage propre de l'amitié comme un animal a le sien, et sachant d'autre part que le manque de franchise dénote un coeur bas et dépourvu de sentiments affectueux, il ne néglige pas non plus de la simuler et d'en imiter les dehors. De même que les cuisiniers habiles mêlent des sucs amers ou des saveurs âpres aux aliments trop doux afin de les empêcher d'être fades ; de même les flatteurs emploient une sorte de franchise, aussi peu sincère que profitable, qui fait mine de rouler de grands yeux, de froncer le sourcil, mais qui chatouille seulement à la surface. Voilà donc pourquoi le personnage est difficile à surprendre, comme certains animaux qui ont naturellement la propriété de changer de couleur pour prendre la teinte des corps ou des lieux sur lesquels ils se trouvent. Mais puisqu'il trompe et qu'il se dissimule par ces faux semblants, notre office est de le dévoiler, de signaler les différences qui le caractérisent, de le mettre à nu quand il s'est, comme dit Platon, paré des couleurs et des formes d'autrui faute d'en avoir qui lui soient personnelles.


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Dernière mise à jour : 11/05/2005