[5] διὸ κἂν ἀληθῶς κακῷ τινι καὶ λυπηρῷ περιπέσωμεν, ἐπάγεσθαι
δεῖ τὸ ἱλαρὸν καὶ τὸ εὔθυμον ἐκ τῶν ὑπαρχόντων καὶ ὑπολειπομένων
ἀγαθῶν τῷ οἰκείῳ τὸ ἀλλότριον ἐκλεαίνοντας·
ὧν δ´ ἡ φύσις οὐδὲν ἔχει κακὸν ἀλλ´ ὅλον καὶ πᾶν τὸ λυποῦν
ἐκ κενῆς δόξης ἀναπέπλασται, ταῦτα δεῖ, καθάπερ
τοῖς δεδοικόσι τὰ προσωπεῖα παιδίοις ἐγγὺς καὶ ὑπὸ
χεῖρα ποιοῦντες καὶ ἀναστρέφοντες ἐθίζομεν καταφρονεῖν,
οὕτως ἐγγὺς ἁπτομένους καὶ συνερείδοντας τῷ λογισμῷ
τὸ σαθρὸν καὶ τὸ κενὸν καὶ τετραγῳδημένον ἀποκαλύπτειν.
Οἷόν ἐστιν ἡ νῦν σοι παροῦσα μετάστασις ἐκ τῆς νομιζομένης
πατρίδος. φύσει γὰρ οὐκ ἔστι πατρίς, ὥσπερ
οὐδ´ οἶκος οὐδ´ ἀγρὸς οὐδὲ χαλκεῖον, ὡς Ἀρίστων
ἔλεγεν, οὐδ´ ἰατρεῖον· ἀλλὰ γίνεται μᾶλλον δ´
ὀνομάζεται καὶ καλεῖται τούτων ἕκαστον ἀεὶ πρὸς τὸν
οἰκοῦντα καὶ χρώμενον. ὁ γὰρ ἄνθρωπος, ᾗ φησιν ὁ
Πλάτων, ‘φυτὸν οὐκ ἔγγειον’ οὐδ´ ἀκίνητον
‘ἀλλ´ οὐράνιόν’ ἐστιν, ὥσπερ ἐκ ῥίζης τὸ σῶμα τῆς κεφαλῆς
ὀρθὸν ἱστάσης πρὸς τὸν οὐρανὸν ἀνεστραμμένον.
ὅθεν εὖ μὲν ὁ Ἡρακλῆς εἶπεν
‘Ἀργεῖος ἢ Θηβαῖος· οὐ γὰρ εὔχομαι
μιᾶς· ἅπας μοι πύργος Ἑλλήνων πατρίς.’
ὁ δὲ Σωκράτης βέλτιον, οὐκ Ἀθηναῖος οὐδ´ Ἕλλην ἀλλὰ
κόσμιος εἶναι φήσας, ὡς ἄν τις Ῥόδιος εἶπεν ἢ Κορίνθιος,
| ὅτι μηδὲ Σουνίῳ μηδὲ Ταινάρῳ μηδὲ τοῖς Κεραυνίοις
ἐνέκλεισεν ἑαυτόν.
‘ὁρᾷς τὸν ὑψοῦ τόνδ´ ἄπειρον αἰθέρα,
καὶ γῆν πέριξ ἔχονθ´ ὑγραῖς ἐν ἀγκάλαις;’
οὗτοι τῆς πατρίδος ἡμῶν ὅροι {εἰσί}, καὶ οὐδεὶς οὔτε
φυγὰς ἐν τούτοις οὔτε ξένος οὔτ´ ἀλλοδαπός, ὅπου τὸ
αὐτὸ πῦρ ὕδωρ ἀήρ, ἄρχοντες οἱ αὐτοὶ καὶ διοικηταὶ καὶ
πρυτάνεις ἥλιος σελήνη φωσφόρος· οἱ αὐτοὶ νόμοι πᾶσι,
ὑφ´ ἑνὸς προστάγματος καὶ μιᾶς ἡγεμονίας τροπαὶ βόρειοι
τροπαὶ νότιοι ἰσημερίαι Πλειὰς Ἀρκτοῦρος ὧραι σπόρων
ὧραι φυτειῶν· εἷς δὲ βασιλεὺς καὶ ἄρχων· ‘θεὸς ἀρχήν τε
καὶ μέσα καὶ τελευτὴν ἔχων τοῦ παντὸς εὐθείᾳ περαίνει
κατὰ φύσιν περιπορευόμενος· τῷ δ´ ἕπεται Δίκη τῶν ἀπολειπομένων
τοῦ θείου νόμου τιμωρός’,
ᾗ χρώμεθα πάντες ἄνθρωποι φύσει πρὸς πάντας ἀνθρώπους
ὥσπερ πολίτας.
| [5] C'est pourquoi, lorsque nous sommes tombés dans un
malheur véritablement pénible, il faut tirer des biens que
nous avons et qui nous restent la sérénité et le calme nécessaire,
afin d'alléger par nos ressources propres les maux
venus du dehors. Quant à ceux qui n'ont de leur nature
rien d'affligeant, et dont l'amertume n'existe d'une manière
exclusive et absolue que dans l'opinion que nous nous en
sommes faite, de ces maux-là il nous est possible d'avoir
raison. De même que quand un petit enfant a peur des
masques, c'est en approchant de lui ces sortes d'objets, en
les lui mettant sous la main, en les tournant en tous sens,
qu'on l'habitue à ne plus s'en effrayer; de même, soutenus
par le raisonnement, approchons de ce fantôme vain et
sans consistance que nous croyons un mal, et mettons-le
résolûment à découvert.
Je range dans cette classe l'accident qui vous écarte à
cette heure de ce que vous regardez comme votre patrie. La
nature ne donne point une patrie : pas plus, comme disait
Ariston, qu'elle ne donne une maison, un champ, une forge,
une officine de médecin. Ce sont là autant d'abstractions
qui se réalisent, ou plutôt qui prennent un nom et se trouvent
désignés par suite de l'usage et du fait de l'habitant.
Car l'homme, c'est Platon qui l'a dit, n'est point une plante
terrestre attachée au sol. Le ciel est sa patrie; sa racine
est figurée par le corps sur lequel se dresse la tête, et la
tête est tournée vers la céleste voûte.
Aussi Hercule a-t-il raison de s'écrier :
"Thèbes, Argos, n'importe ; et mon âme attendrie
Dans tout rempart des Grecs croit voir une patrie".
Socrate disait mieux encore. Il ne se donnait pas pour
Athénien et pour Grec, mais pour citoyen du monde, comme
un autre se serait fait appeler Rhodien ou Corinthien. Il ne
s'emprisonnait pas entre le cap Sunium, le Ténare et les
monts Acrocérauniens.
"Vois, au-dessus de nous, l'immensité des cieux,
Embrassant notre globe en ses contours moelleux."
Ce sont là les limites de notre patrie. Là il n'existe plus
de banni, d'hôte, d'étranger ; là le feu, l'eau, l'air sont les
mêmes pour tous. Tous ont les mêmes administrateurs et
les mêmes prytanes, qui sont la lune, le soleil, l'étoile du
matin. Ils ont les mêmes lois : à une volonté, à une direction
unique et commune obéissent solstices d'hiver, solstices
d'été, équinoxes, pléiades, ourses, époques des semailles,
époques des plantations. Il n'y a qu'un seul roi, qu'un seul
chef, en qui se résument le commencement, le milieu, la
fin de toutes choses ; et il parcourt régulièrement cette vaste
domination, soumise aux lois de la nature. A la suite de
ce chef, marche la Justice, vengeresse des infractions faites
à la loi divine, et qui, d'hommes à hommes, établit naturellement
des devoirs, comme de citoyens à citoyens.
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