[2] Ὅθεν αὐτοὶ καθ´ αὑτοὺς γινόμενοι τῶν συμπτωμάτων
ὥσπερ φορτίων ἑκάστου τὸν σταθμὸν ἐξετάζωμεν.
τὸ μὲν γὰρ σῶμα πιέζεται τῷ τοῦ βαρύνοντος ἄχθει, ἡ δὲ
ψυχὴ τοῖς πράγμασι πολλάκις τὸ βάρος ἐξ αὑτῆς προστίθησιν.
ὁ λίθος φύσει σκληρός, ὁ κρύσταλλος φύσει ψυχρός
ἐστιν, οὐκ ἔξωθεν εἰκῆ ταύτας τὰς ἀντιτυπίας ἐπιφέροντες
καὶ τὰς πήξεις· φυγὰς δὲ καὶ ἀδοξίας καὶ τιμῶν ἀποβολάς,
ὥσπερ αὖ τἀναντία, στεφάνους καὶ ἀρχὰς καὶ προεδρίας,
οὐ τὴν αὑτῶν φύσιν ἀλλὰ τὴν ἡμετέραν κρίσιν μέτρον
ἔχοντα τοῦ λυπεῖν καὶ εὐφραίνειν ἕκαστος ἑαυτῷ κοῦφα
καὶ βαρέα καὶ ῥᾴδια φέρειν ποιεῖ καὶ τοὐναντίον. ἔξεστι δ´
ἀκούειν τοῦ μὲν Πολυνείκους ἀποκρινομένου πρὸς τὸ ἐρώτημα
τοῦτο
‘τί τὸ στέρεσθαι πατρίδος; ἦ κακὸν μέγα;’
‘μέγιστον· ἔργῳ δ´ ἐστὶ μεῖζον ἢ λόγῳ·’
τοῦ δ´ Ἀλκμᾶνος, ὡς ὁ γράψας τὸ ἐπιγραμμάτιον πεποίηκε
‘Σάρδιες, ἀρχαῖος πατέρων νομός, εἰ μὲν ἐν ὑμῖν
ἐτρεφόμην, κερνᾶς ἦ τις ἂν ἢ βακέλας
χρυσοφόρος, ῥήσσων καλὰ τύμπανα· νῦν δέ μοι Ἀλκμὰν
οὔνομα, καὶ Σπάρτας εἰμὶ πολυτρίποδος,
καὶ Μούσας ἐδάην Ἑλληνίδας, αἵ με τυράννων
θῆκαν Δασκύλεω κρείσσονα καὶ Γύγεω.’
τὸ γὰρ αὐτὸ πρᾶγμα τῷ μὲν εὔχρηστον ἡ δόξα καθάπερ
νόμισμα δόκιμον, τῷ δὲ δύσχρηστον καὶ βλαβερὸν ἐποίησεν.
| [2] Ainsi donc rentrons en nous-mêmes; et, comparant
les malheurs à des fardeaux, rendons-nous, à ce point de
vue, compte de l'état de notre âme. En effet, le corps fléchit
sous la charge qu'on lui impose, mais le plus souvent l'âme
ajoute par elle-même à la lourdeur des événements. La
pierre est naturellement dure, la glace est naturellement
froide; ce n'est pas une circonstance extérieure et fortuite
qui a donné la dureté à l'une et congelé l'autre. Au contraire
l'exil, les affronts, les pertes d'honneurs, comme, au
rebours, les couronnes, les magistratures, les présidences,
ne sont pas, pour le chagrin ou pour la joie que nous en
ressentons, mesurés par nous sur leur nature, mais sur
notre propre appréciation. C'est chacun qui se rend toutes
ces choses ou légères ou lourdes à supporter.
On demande à Polynice :
"N'avoir point de patrie, est-ce un mal sans recours".
Vous pouvez l'entendre qui répond :
"Oui : mais plus par le fait, que par tous les discours".
D'autre part, écoutez comme Alcman s'exprime dans cette
épigramme, où un poète le fait parler :
"Sardes, dont mes aïeux suivaient l'antique loi,
Si tu m'avais nourri, qu'aurais-tu fait de moi?
Un prêtre, un vil esclave, aux robes d'or flottantes ,
Frappant, à les briser, des peaux retentissantes;
Mais sous le nom d'Alcman, de Sparte citoyen,
J'ai su me conquérir le plus précieux bien;
Et, docile aux leçons des Muses de la Grèce,
Je surpasse Dascyle et Gygès en richesse."
C'est que le même événement, selon l'idée qu'on y attache,
devient, comme l'argent monnayé, utile et profitable à l'un
dangereux et fatal à l'autre.
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