[14] εἰ δὲ φήσει τις ὅτι δόξαν οὗτοι καὶ τιμὰς ἐθήρευον,
ἐπὶ τοὺς σοφοὺς ἐλθὲ καὶ τὰς σοφὰς Ἀθήνησι σχολὰς καὶ
διατριβάς· ἀναπέμπασαι τὰς ἐν Λυκείῳ τὰς ἐν Ἀκαδημείᾳ
τὴν Στοὰν τὸ Παλλάδιον τὸ Ὠιδεῖον. εἰ τὴν Περιπατητικὴν
ἀσπάζῃ μάλιστα καὶ τεθαύμακας, Ἀριστοτέλης
ἦν ἐκ Σταγίρων, Θεόφραστος ἐξ Ἐρέσου, Στράτων ἐκ
Λαμψάκου, Λύκων ἐκ Τρωάδος, Ἀρίστων ἐκ Κέω, Κριτόλαος
Φασηλίτης· εἰ τὴν Στωικήν, Ζήνων Κιτιεύς,
Κλεάνθης Ἄσσιος, Χρύσιππος Σολεύς, Διογένης Βαβυλώνιος,
Ἀντίπατρος Ταρσεύς, ὁ δ´ Ἀθηναῖος Ἀρχέδημος
εἰς τὴν Πάρθων μεταστὰς ἐν Βαβυλῶνι Στωικὴν διαδοχὴν
ἀπέλιπε. τίς οὖν τούτους ἐδίωξεν; οὐδείς· ἀλλ´ αὐτοὶ
διώκοντες ἡσυχίαν, ἧς οὐ πάνυ μέτεστιν οἴκοι τοῖς
ἡντιναοῦν δόξαν ἢ δύναμιν ἔχουσι, τὰ μὲν ἄλλα λόγοις
τοῦτο δ´ ἔργοις ἡμᾶς διδάσκουσι. καὶ γὰρ νῦν οἱ δοκιμώτατοι
καὶ κράτιστοι ζῶσιν ἐπὶ ξένης οὐ μετασταθέντες
ἀλλὰ μεταστάντες οὐδὲ φυγαδευθέντες ἀλλὰ φυγόντες
αὐτοὶ πράγματα καὶ περισπασμοὺς καὶ ἀσχολίας, ἃς αἱ
πατρίδες φέρουσι. καὶ γὰρ τοῖς παλαιοῖς ὡς ἔοικεν αἱ
Μοῦσαι τὰ κάλλιστα τῶν συνταγμάτων καὶ δοκιμώτατα
φυγὴν λαβοῦσαι συνεργὸν ἐπετέλεσαν. ‘Θουκυδίδης Ἀθηναῖος
συνέγραψε τὸν πόλεμον τῶν Πελοποννησίων καὶ
Ἀθηναίων’ ἐν Θρᾴκῃ περὶ τὴν Σκαπτὴν ὕλην,
Ξενοφῶν ἐν Σκιλλοῦντι τῆς Ἠλείας, Φίλιστος ἐν Ἠπείρῳ,
Τίμαιος ὁ Ταυρομενείτης ἐν Ἀθήναις, Ἀνδροτίων Ἀθηναῖος
ἐν Μεγάροις, Βακχυλίδης ὁ Ἰουλιήτης ἐν Πελοποννήσῳ.
πάντες οὗτοι καὶ πλείονες ἄλλοι τῶν πατρίδων
ἐκπεσόντες οὐκ ἀπέγνωσαν οὐδ´ ἔρριψαν ἑαυτούς, ἀλλ´
ἐχρήσαντο ταῖς εὐφυΐαις ἐφόδιον παρὰ τῆς τύχης τὴν
φυγὴν λαβόντες, δι´ ἣν πανταχοῦ καὶ τεθνηκότες μνημονεύονται·
τῶν δ´ ἐκβαλόντων καὶ καταστασιασάντων
οὐδὲ εἷς λόγος οὐδενὸς ἀπολέλειπται.
| [14] Si quelqu'un objecte que ces personnages couraient
après la gloire et les honneurs : "Allez, lui dirai-je, allez voir
les sages, et les écoles de sagesse fréquentées dans Athènes.
Passez en revue celles qui se tenaient au Lycée, à l'Académie,
dans le Portique, dans le Palladium, dans l'Odéon.
Est-ce la secte des Péripatéticiens qui vous inspire plus d'estime
et d'admiration? Aristote était de Stagyre; Théophraste,
d'Érèse; Straton, de Lampsaque; Glycon, de la Troade;
Ariston, de Céos; Critolaüs, de Phasélis. Est-ce celle des
Stoïciens? Zénon était de Cittium; Cléanthe, d'Assos; Chrysippe,
de Soles; Diogène, de Babylone; Antipater, de
Tarse. D'autre part, l'Athénien Archédême s'en alla chez
les Parthes, et fonda à Babylone une école dans laquelle
il a laissé des successeurs.
Est-ce à dire que le châtiment courût après de tels
hommes? Non; mais ils couraient eux-mêmes après le
repos, qui ne saurait se concilier avec la gloire et la puissance;
et s'ils nous enseignent d'autres points de morale
dans leurs écrits, c'est par leurs actes mêmes qu'ils nous
prêchent l'amour de la retraite. Encore aujourd'hui les
philosophes les plus illustres et les plus considérables vivent
sur la terre étrangère. On ne les a pas forcés à émigrer :
ils ont émigré d'eux-mêmes. On ne les a pas bannis:
ce sont eux qui ont banni les embarras, les préoccupations
diverses, les affaires que suscite le séjour de la patrie. Portez
les yeux sur les compositions qui nous restent de l'Antiquité.
Il semble que les plus belles et les plus appréciées
aient été accomplies sous l'inspiration de Muses que secondait
l'exil. Où est-ce que l'Athénien Thucydide composa
sa Guerre des Péloponésiens et des Athéniens? En Thrace,
près du lieu qu'on nomme « La forêt fouillée ». Xénophon
écrivait à Scillonte, ville d'Élide; Philiste, en Épire; Timée
leTaurornénite, àAthènes ; Androtion l'Athénien, à Mégare;
le poëte Bacchylide, dans le Péloponèse. Tous ces hommes
d'élite, et un plus grand nombre encore, pour s'être trouvés
loin de leur patrie, ne perdirent pas courage et ne
songèrent pas à se jeter dans des précipices. Ils utilisèrent
leurs talents naturels contre les rigueurs de la fortune. Ils
trouvèrent des ressources dans l'exil même : l'exil fait vivre
leur souvenir en tous lieux jusqu'après leur mort. Au contraire
ceux qui les avaient chassés et avaient suscité contre
eux des brigues, il ne reste plus rien qui aujourd'hui nous
parle d'eux.
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