[12] Ἀλλὰ ταῦτα μέν, ὦ φίλε, καὶ τὰ τοιαῦτα πρὸς
ἐκείνους λέγωμεν κἀκείνοις ἐπᾴδωμεν, οἷς εἰς νῆσον
ἀπῳκισμένοις ἀνεπίμικτα ποιεῖ τὰ ἄλλα
‘πόντος ἁλὸς πολιῆς, ὃ πολεῖς ἀέκοντας ἐρύκει·’
σοὶ δ´ οὐχ ἑνὸς δεδομένου μόνον, ἀλλ´ ἀπειρημένου τόπου,
πασῶν ἐστιν ἐξουσία πόλεων ἡ μιᾶς κώλυσις. ἀλλὰ μὴν
τῷ ‘οὐκ ἄρχομεν οὐδὲ βουλεύομεν οὐδ´ ἀγωνοθετοῦμεν’
ἀντίθες τό ‘οὐ στασιάζομεν οὐδ´ ἀναλίσκομεν οὐδὲ προσηρτήμεθα
θύραις ἡγεμόνος· οὐδὲν νῦν μέλει, ὅστις ὁ
κεκληρωμένος τὴν ἐπαρχίαν ἐστίν, εἰ ἀκράχολος εἰ
ἐπαχθής.’ ἀλλ´ {ὡς} ἡμεῖς, καθάπερ Ἀρχίλοχος τῆς
Θάσου τὰ καρποφόρα καὶ οἰνόπεδα παρορῶν διὰ τὸ τραχὺ
καὶ ἀνώμαλον διέβαλε τὴν νῆσον εἰπών
‘ἥδε δ´ ὥστ´ ὄνου ῥάχις
ἕστηκεν ὕλης ἀγρίας ἐπιστεφής,’
οὕτω τῆς φυγῆς πρὸς ἓν μέρος τὸ ἄδοξον ἐντεινόμενοι
παρορῶμεν τὴν ἀπραγμοσύνην καὶ τὴν σχολὴν καὶ τὴν
ἐλευθερίαν. καίτοι τούς γε Περσῶν βασιλέας ἐμακάριζον
ἐν Βαβυλῶνι τὸν χειμῶνα διάγοντας, ἐν δὲ Μηδίᾳ τὸ
θέρος, ἐν δὲ Σούσοις τὸ ἥδιστον τοῦ ἔαρος. ἔξεστι δήπου
καὶ τῷ μεθεστῶτι μυστηρίοις ἐν Ἐλευσῖνι διατρίβειν,
Διονυσίοις ἐν ἄστει πανηγυρίζειν, Πυθίων ἀγομένων εἰς
Δελφοὺς παρελθεῖν, Ἰσθμίων εἰς Κόρινθον, ἄνπερ ᾖ φιλοθέωρος·
εἰ δὲ μή, σχολὴ περίπατος ἀνάγνωσις ὕπνος
ἀθορύβητος τὸ τοῦ Διογένους ‘Ἀριστοτέλης ἀριστᾷ, ὅταν
δοκῇ Φιλίππῳ, Διογένης, ὅταν Διογένει’ μήτε πραγματείας
μήτ´ ἄρχοντος μήθ´ ἡγεμόνος τὴν συνήθη δίαιταν περισπῶντος.
| [12] Mais pourquoi multiplier ces réflexions et celles qui
leur ressemblent, cher ami ? Disons-les, répétons-les aux
malheureux qui, relégués dans une île, et privés absolument
de tout autre commerce,
"Sont cernés par la mer sans pouvoir en sortir".
Mais pour ce qui est de vous, ce n'est pas un endroit seul
qui vous est désigné : c'est un endroit seul qui vous est interdit.
On vous a concédé la jouissance de toutes les villes,
en vous privant d'une seule. A des doléances comme celles-ci:
« Nous ne sommes plus magistrat, sénateur, nous ne
présidons plus aux jeux,» répondez par ces félicitations, que
vous vous adresserez à vous-même : « Nous ne craignons
pas de séditions, nous ne faisons pas d'énormes dépenses,
nous ne sommes pas cloué à la porte des grands. Nous ne
nous inquiétons plus désormais de savoir à qui le sort a
donné le commandement de la province, de savoir si le nouveau
gouverneur est d'humeur difficile, s'il est emporté. »
Nous faisons comme Archiloque. De même que sans tenir
compte des fruits abondants et des vignobles de Thasos,
il prenait texte de l'aspérité et des irrégularités de cette
île pour la décrier et pour dire :
"C'est une échine d'âne, et des forêts sauvages
La hérissent ..." ;
de même nous ne fixons notre esprit que sur ce que l'exil
offre d'humiliant, et nous ne tenons compte ni de l'absence
de tout tracas, ni du loisir, ni de la liberté.
Pourtant, on enviait le bonheur des monarques persans,
qui passaient l'hiver à Babylone, l'été en Médie, et à Suze la
plus agréable partie du printemps. Quoi ! Un exilé n'est-il
pas le maître de fréquenter les mystères à Éleusis, de se mêler
aux réjouissances publiques des fêtes de Bacchus à Argos,
de se rendre à Delphes pour la célébration des jeux Pythiens,
à Corinthe pour celle des jeux Isthmiques, s'il est curieux
de spectacles ? Si, au contraire, il aime le loisir, la promenade,
la lecture, un sommeil que nul ne vienne interrompre,
il dira avec Diogène : "Aristote dîne quand il plaît à Philippe,
et Diogène, quand il plaît à Diogène" ; et il n'y aura
ni affaires, ni magistrat, ni gouverneur qui viennent l'arracher
à ses habitudes.
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