|
[16] Ταῦτα τοῦ Κλεομβρότου διελθόντος ὁ Ἡρακλέων
’οὐδεὶς μέν‘ ἔφη ’τῶν βεβήλων καὶ ἀμυήτων καὶ περὶ
θεῶν δόξας ἀσυγκράτους ἡμῖν ἐχόντων πάρεστιν· αὐτοὶ
δὲ παραφυλάττωμεν αὑτούς, ὦ Φίλιππε, μὴ λάθωμεν
ἀτόπους ὑποθέσεις καὶ μεγάλας τῷ λόγῳ διδόντες‘. ’εὖ
λέγεις‘ ὁ Φίλιππος εἶπεν· ’ἀλλὰ τί μάλιστά σε δυσωπεῖ
τῶν ὑπὸ Κλεομβρότου τιθεμένων;‘ καὶ ὁ Ἡρακλέων ’τὸ
μὲν ἐφεστάναι τοῖς χρηστηρίοις‘ εἶπε ’μὴ θεοὺς οἷς ἀπηλλάχθαι
τῶν περὶ γῆν προσῆκόν ἐστιν, ἀλλὰ δαίμονας
ὑπηρέτας θεῶν, οὐ δοκεῖ μοι κακῶς ἀξιοῦσθαι· τὸ δὲ τοῖς
δαίμοσι τούτοις μονονουχὶ δράγδην λαμβάνοντας ἐκ τῶν
ἐπῶν τῶν Ἐμπεδοκλέους ἁμαρτίας καὶ ἄτας καὶ πλάνας
θεηλάτους ἐπιφέρειν, τελευτῶντας δὲ καὶ θανάτους ὥσπερ
ἀνθρώπων ὑποτίθεσθαι, θρασύτερον ἡγοῦμαι καὶ βαρβαρικώτερον.‘
ἠρώτησεν οὖν ὁ Κλεόμβροτος τὸν Φίλιππον,
ὅστις εἴη καὶ ὁπόθεν ὁ νεανίας· πυθόμενος δὲ τοὔνομα καὶ
τὴν πόλιν ’οὐδ´ ἡμᾶς αὐτούς‘ ἔφη ’λανθάνομεν, ὦ Ἡρακλέων,
ἐν λόγοις ἀτόποις γεγονότες· ἀλλ´ οὐκ ἔστι περὶ
πραγμάτων μεγάλων μὴ μεγάλαις προσχρησάμενον ἀρχαῖς
ἐπὶ τὸ εἰκὸς τῇ δόξῃ προελθεῖν. σὺ δὲ σεαυτὸν λέληθας ὃ
δίδως ἀφαιρούμενος· ὁμολογεῖς γὰρ εἶναι δαίμονας, τῷ δὲ
μὴ φαύλους ἀξιοῦν εἶναι μηδὲ θνητοὺς οὐκέτι δαίμονας
φυλάττεις· | τίνι γὰρ τῶν θεῶν διαφέρουσιν, εἰ καὶ κατ´
οὐσίαν τὸ ἄφθαρτον καὶ κατ´ ἀρετὴν τὸ ἀπαθὲς καὶ ἀναμάρτητον
ἔχουσι;‘
| [16] Cléombrote ayant ainsi discouru, Héracléon prit
parole : "Il n'y a ici, dit-il, aucun de ces profanes qui ne
sont pas initiés et qui professent touchant les Dieux des
opinions différentes des nôtres. Toutefois nous devons nous
défier de nous-mêmes, mon cher Philippe. Prenons garde
que sans le savoir nous n'allions donner à une semblable
thèse des bases inadmissibles, mais de grande conséquence.»
— «Vous avez raison, dit Philippe ; mais quelle chose vous
a le plus scandalisé dans les propos avancés par Cléombrote?»
— Héracléon répondit : «Quand il a soutenu qu'aux
oracles président non pas des Dieux, car ceux-ci doivent
rester étrangers aux choses de la terre, mais des Génies
ministres des Dieux, il m'a semblé qu'il émettait une opinion
juste. Mais, d'une autre part, s'autoriser de quelques
vers arrachés presque de force à Empédocle, pour attribuer
à ces Génies des erreurs, des calamités, des courses pénibles
imposées par un pouvoir divin, pour les supposer mortels
et condamnés à périr comme des créatures mortelles,
voilà qui me paraît trop hardi et trop barbare.»
Ce fut là pour Cléombrote une occasion de demander à
Philippe comment s'appelait ce jeune homme et d'où il
était. Quand il sut et son nom et sa cité : «Héracléon, dit-il,
nous n'ignorons pas que nous nous sommes engagés
aussi dans des discours bien étranges. Mais quand on
traite des questions importantes, si l'on n'établit pas des
principes qui le soient aussi, il est impossible d'arriver
à une opinion vraisemblable. Et vous-même, ne vous êtes-vous
pas aperçu que vous rétractiez ce que vous aviez concédé?
Vous avez commencé par admettre qu'il y a des Génies ;
mais du moment que vous prétendez qu'ils ne sont pas
d'une nature imparfaite et mortelle, vous ne les laissez
plus subsister. Car en quoi différeront-ils des Dieux, si par
essence ils sont impérissables et si leur vertu fait d'eux des,
créatures exemptes de passions et d'erreurs?»
| [17] Πρὸς ταῦτα τοῦ Ἡρακλέωνος σιωπῇ διανοουμένου
τι πρὸς αὑτὸν ὁ Φίλιππος ’ἀλλὰ φαύλους μέν‘ ἔφη ’δαίμονας
οὐκ Ἐμπεδοκλῆς μόνον, ὦ Ἡρακλέων, ἀπέλιπεν, ἀλλὰ
καὶ Πλάτων καὶ Ξενοκράτης καὶ Χρύσιππος·
ἔτι δὲ Δημόκριτος εὐχόμενος ‘εὐλόγχων εἰδώλων’
τυγχάνειν, ᾗ δῆλος ἦν ἕτερα δυστράπελα καὶ μοχθηρὰς
γιγνώσκων ἔχοντα προαιρέσεις τινὰς καὶ ὁρμάς. περὶ
δὲ θανάτου τῶν τοιούτων ἀκήκοα λόγον ἀνδρὸς οὐκ
ἄφρονος οὐδ´ ἀλαζόνος. Αἰμιλιανοῦ γὰρ τοῦ ῥήτορος, οὗ
καὶ ὑμῶν ἔνιοι διακηκόασιν, Ἐπιθέρσης ἦν πατήρ, ἐμὸς
πολίτης καὶ διδάσκαλος γραμματικῶν. οὗτος ἔφη ποτὲ
πλέων εἰς Ἰταλίαν ἐπιβῆναι νεὼς ἐμπορικὰ χρήματα καὶ
συχνοὺς ἐπιβάτας ἀγούσης· ἑσπέρας δ´ ἤδη περὶ τὰς
Ἐχινάδας νήσους ἀποσβῆναι τὸ πνεῦμα, καὶ τὴν ναῦν
διαφερομένην πλησίον γενέσθαι Παξῶν· ἐγρηγορέναι δὲ
τοὺς πλείστους, πολλοὺς δὲ καὶ πίνειν ἔτι δεδειπνηκότας·
ἐξαίφνης δὲ φωνὴν ἀπὸ τῆς νήσου τῶν Παξῶν ἀκουσθῆναι,
Θαμοῦν τινος βοῇ καλοῦντος, ὥστε θαυμάζειν. ὁ δὲ
Θαμοῦς Αἰγύπτιος ἦν κυβερνήτης οὐδὲ τῶν ἐμπλεόντων
γνώριμος πολλοῖς ἀπ´ ὀνόματος. δὶς μὲν οὖν κληθέντα
σιωπῆσαι, τὸ δὲ τρίτον ὑπακοῦσαι τῷ καλοῦντι· κἀκεῖνον
ἐπιτείνοντα τὴν φωνὴν εἰπεῖν ‘ὁπόταν γένῃ κατὰ τὸ Παλῶδες,
ἀπάγγειλον ὅτι Πὰν ὁ μέγας τέθνηκε.’ τοῦτ´ ἀκούσαντας
ὁ Ἐπιθέρσης ἔφη πάντας ἐκπλαγῆναι καὶ διδόντων
ἑαυτοῖς λόγον εἴτε ποιῆσαι βέλτιον εἴη τὸ προστεταγμένον
εἴτε μὴ πολυπραγμονεῖν ἀλλ´ ἐᾶν, οὕτως γνῶναι
τὸν Θαμοῦν, εἰ μὲν εἴη πνεῦμα, παραπλεῖν ἡσυχίαν ἔχοντα,
νηνεμίας δὲ καὶ γαλήνης περὶ τὸν τόπον γενομένης ἀνειπεῖν
ὃ ἤκουσεν. ὡς οὖν ἐγένετο κατὰ τὸ Παλῶδες, οὔτε
πνεύματος ὄντος οὔτε κλύδωνος, ἐκ πρύμνης βλέποντα
τὸν Θαμοῦν πρὸς τὴν γῆν εἰπεῖν, ὥσπερ ἤκουσεν, ὅτι ‘ὁ
μέγας Πὰν τέθνηκεν’. οὐ φθῆναι δὲ παυσάμενον αὐτὸν καὶ
γενέσθαι μέγαν οὐχ ἑνὸς ἀλλὰ πολλῶν στεναγμὸν ἅμα
θαυμασμῷ μεμιγμένον. οἷα δὲ πολλῶν ἀνθρώπων παρόντων
ταχὺ τὸν λόγον ἐν Ῥώμῃ σκεδασθῆναι, καὶ τὸν
Θαμοῦν γενέσθαι μετάπεμπτον ὑπὸ Τιβερίου Καίσαρος.
οὕτω δὲ πιστεῦσαι τῷ λόγῳ τὸν Τιβέριον, ὥστε διαπυνθάνεσθαι
καὶ ζητεῖν περὶ τοῦ Πανός· εἰκάζειν δὲ τοὺς
περὶ αὐτὸν φιλολόγους συχνοὺς ὄντας τὸν ἐξ Ἑρμοῦ καὶ
Πηνελόπης γεγενημένον.‘ ὁ μὲν οὖν Φίλιππος εἶχε καὶ
τῶν παρόντων ἐνίους μάρτυρας Αἰμιλιανοῦ τοῦ γέροντος
ἀκηκοότας.
| [17] A ces mots Héracléon ne répondit que par le silence,
et il se mit à réfléchir en lui-même. Philippe reprit alors
la parole : «Ce n'est pas Empédocle seulement, mon cher
Héracléon, qui a laissé de mauvais Génies. C'est également
l'avis de Platon, de Xénocrate et de Chrysippe. Démocrite
aussi, losrqu'il demandait dans ses prières d'avoir
des images heureuses, indiquait clairement qu'il existe
d'autres images malveillantes, douées d'une initiative et
d'une tendance mauvaises. Quant à ce qui est de la mort
des Génies, j'ai entendu les paroles d'un homme qui n'était
ni léger ni présomptueux. C'est Epitherse, le père de l'orateur
Emilianus, dont quelques-uns de vous ont également
suivi les leçons. Epitherse était mon compatriote, et il
professait la grammaire. Un jour il nous raconta s'être
embarqué pour l'Italie dans un vaisseau qui emmenait
des cargaisons de commerce et un grand nombre de passagers.
Quand vint le soir, comme on se trouvait en vue des
îles Échinades, le vent tomba, et le navire fut porté par les
flots près des îles de Paxas. La majorité de l'équipage était
éveillée; plusieurs étaient encore occupés à boire et avaient
fini de souper. Soudain une voix partie d'une des îles
de Paxas se fit entendre; elle appelait à grands cris un certain
Thamus. Tout le monde fut saisi d'étonnement. Ce
Thamus était un pilote égyptien, et il n'y en avait pas
beaucoup parmi les passagers qui le connussent, même de
nom. Les deux premières fois qu'il s'entendit nommer il
garda le silence ; mais la troisième, il répondit à cet appel.
Alors l'interlocuteur invisible, donnant de l'intensité à sa
voix, dit : «Quand tu seras à la hauteur de Palodès annonce
que le grand Pan est mort.» Après avoir entendu ces
paroles, continuait Epitherse, nous fûmes tous frappés d'effroi,
et l'on se consulta pour savoir si le mieux était que
Thamus accomplît cet ordre, ou bien qu'il n'en tînt aucun
compte et le négligeât. Finalement il fut convenu, que
si le vent soufflait Thamus passerait outre sans rien dire,
mais que si l'on était retenu par un calme plat il répéterait
les paroles qu'il avait entendues. Quand le vaisseau fut
auprès de Palodès, comme il n'y avait pas un souffle dans
l'air et que les flots étaient calmes, Thamus du haut de
la poupe, les yeux dirigés vers la terre, répéta les paroles
qu'il avait entendu prononcer : "Le grand Pan est mort."
Il avait à peine fini, qu'éclataient de grands gémissements,
non pas d'une seule personne, mais de plusieurs ensemble,
et ces gémissements étaient mêlés de cris de surprise.
Comme les témoins de cette scène avaient été nombreux,
le bruit s'en répandit bientôt dans Rome, et Thamus fut
mandé à la cour par Tibère César. Le monarque ajouta une
telle confiance à son rapport, qu'il ordonna une enquête et
des recherches au sujet de ce Pan. Les hommes éclairés
qu'il avait en grand nombre autour de lui conjecturèrent
que c'était un fils de Mercure et de Pénélope.» Telle fut
la narration de Philippe, confirmée par le témoignage de
quelques assistants qui l'avaient entendue de la bouche
d'Emilianus dans sa vieillesse.
| [18] Ὁ δὲ Δημήτριος ἔφη τῶν περὶ τὴν Βρεττανίαν
νήσων εἶναι πολλὰς ἐρήμους σποράδας, ὧν ἐνίας δαιμόνων
καὶ ἡρώων ὀνομάζεσθαι· πλεῦσαι δὲ αὐτὸς ἱστορίας καὶ
θέας ἕνεκα πομπῇ τοῦ βασιλέως εἰς τὴν ἔγγιστα κειμένην
τῶν ἐρήμων ἔχουσαν οὐ πολλοὺς τοὺς ἐποικοῦντας ἱεροὺς
δὲ καὶ ἀσύλους πάντας ὑπὸ τῶν Βρεττανῶν ὄντας. ἀφικομένου
δ´ αὐτοῦ νεωστὶ σύγχυσιν μεγάλην περὶ τὸν ἀέρα καὶ
διοσημίας πολλὰς γενέσθαι καὶ πνεύματα καταρραγῆναι καὶ
πεσεῖν πρηστῆρας· ἐπεὶ δ´ ἐλώφησε, λέγειν τοὺς νησιώτας
ὅτι τῶν κρεισσόνων τινὸς ἔκλειψις γέγονεν. ’ὡς γὰρ λύχνος
ἀναπτόμενος‘ φάναι ’δεινὸν οὐδὲν ἔχει σβεννύμενος δὲ πολλοῖς
λυπηρός ἐστιν, οὕτως αἱ μεγάλαι ψυχαὶ τὰς μὲν
ἀναλάμψεις εὐμενεῖς καὶ ἀλύπους ἔχουσιν, αἱ δὲ σβέσεις
αὐτῶν καὶ φθοραὶ πολλάκις μέν, ὡς νυνί, πνεύματα καὶ
ζάλας τρέφουσι, πολλάκις δὲ λοιμικοῖς πάθεσι τὸν ἀέρα
φαρμάττουσιν.‘ | ἐκεῖ μέντοι μίαν εἶναι νῆσον, ἐν ᾗ τὸν
Κρόνον καθεῖρχθαι φρουρούμενον ὑπὸ τοῦ Βριάρεω καθεύδοντα·
δεσμὸν γὰρ αὐτῷ τὸν ὕπνον μεμηχανῆσθαι, πολλοὺς
δὲ περὶ αὐτὸν εἶναι δαίμονας ὀπαδοὺς καὶ θεράποντας.
| [18] Pour Démétrius, il nous conta que les îles semées
aux environs de la Grande-Bretagne sont pour la plupart
désertes, et que quelques-unes portent des noms de
Génies et de demi-dieux. Il ajouta, qu'envoyé lui-même par
l'Empereur vers ces parages pour s'enquérir et voir ce
qui en était, il avait abordé dans celle de ces îles désertes
qui était la plus prochaine. Elle ne contenait que peu d'habitants,
qui tous étaient considérés par les Bretons comme
sacrés et inviolables. Peu après qu'il y avait eu mis le
pied il se produisit, continua-t-il, une grande confusion dans
l'air et de nombreux signes célestes : les vents se déchaînèrent,
et des trombes de feu s'abattirent. Quand tout fut
calmé, les habitants de l'île lui dirent que c'était quelqu'un
des Génies supérieurs qui venait de trépasser. Car, ajoutèrent-ils,
de même qu'une lampe allumée n'a rien de
fâcheux, mais qu'en s'éteignant elle est désagréable pour
plusieurs, de même les grandes âmes, lorsqu'elles brillent,
sont bienveillantes, loin d'être funestes à personne; mais
quand elles s'éteignent et s'anéantissent, souvent elles provoquent,
comme il arrive en ce moment, des tourbillons
et des orages, souvent aussi elles empoisonnent l'air de
souffles pestilentiels. Ces insulaires dirent encore, que Saturne
était prisonnier dans une de ces îles sous la garde
de Briarée; qu'il était profondément endormi, le sommeil
étant le lieu qu'on avait imaginé pour le tenir captif; et
qu'autour de sa personne un grand nombre de Génies lui
formaient une suite et étaient affectés à son service.
| [19] Ὑπολαβὼν δ´ ὁ Κλεόμβροτος ’ἔχω μέν‘ ἔφη ’καὶ
ἐγὼ τοιαῦτα διελθεῖν, ἀρκεῖ δὲ πρὸς τὴν ὑπόθεσιν τὸ
μηδὲν ἐναντιοῦσθαι μηδὲ κωλύειν ἔχειν οὕτω ταῦτα. καίτοι
τοὺς Στωικούς‘ ἔφη ’γιγνώσκομεν οὐ μόνον κατὰ δαιμόνων
ἣν λέγω δόξαν ἔχοντας,
ἀλλὰ καὶ θεῶν ὄντων τοσούτων τὸ πλῆθος ἑνὶ χρωμένους
ἀιδίῳ καὶ ἀφθάρτῳ· τοὺς δ´ ἄλλους καὶ γεγονέναι καὶ
φθαρήσεσθαι νομίζοντας. Ἐπικουρείων δὲ χλευασμοὺς
καὶ γέλωτας οὔτι φοβητέον οἷς τολμῶσι χρῆσθαι
καὶ κατὰ τῆς προνοίας μῦθον αὐτὴν ἀποκαλοῦντες. ἡμεῖς
δὲ τὴν ἀπειρίαν μῦθον εἶναί φαμεν ἐν κόσμοις τοσούτοις
μηδένα λόγῳ θείῳ κυβερνώμενον ἔχουσαν, ἀλλὰ πάντας
ἐκ ταὐτομάτου καὶ γεγονότας καὶ συνισταμένους. εἰ δὲ
χρὴ γελᾶν ἐν φιλοσοφίᾳ, τὰ εἴδωλα γελαστέον τὰ κωφὰ
καὶ τυφλὰ καὶ ἄψυχα, ἃ ποιμαίνουσιν ἀπλέτους ἐτῶν
περιόδους ἐπιφαινόμενα καὶ περινοστοῦντα πάντῃ, τὰ μὲν
ἔτι ζώντων τὰ δὲ πάλαι κατακαέντων ἢ κατασαπέντων
ἀπορρυέντα, φλεδόνας καὶ σκιὰς ἕλκοντες εἰς φυσιολογίαν,
ἂν δὲ φῇ τις εἶναι δαίμονας οὐ φύσει μόνον ἀλλὰ καὶ
λόγοις καὶ τὸ σῴζεσθαι καὶ διαμένειν πολὺν χρόνον
ἔχοντας, δυσκολαίνοντες.‘
| [19] Cléombrote prenant alors la parole : «J'aurais aussi,
dit-il, des faits analogues à raconter; mais au point où en
est la question, il suffit de n'élever aucune hypothèse contraire
et de ne pas empêcher que l'on croie à de tels récits.
D'ailleurs, ajouta-t-il, nous savons que non seulement les
Stoïciens professent touchant les Génies l'opinion que
j'exprime là, mais qu'encore dans ce grand nombre de
dieux de toute espèce ils n'en admettent qu'un seul comme
incorruptible et éternel: ils pensent que les autres ont été
créés et qu'un jour ils doivent mourir. Quant aux Épicuriens,
il ne faut pas redouter les railleries et les sarcasmes qu'ils
osent lancer contre la Providence elle-même, disant que
cette prétendue Providence n'est qu'une fable. Nous déclarons
que ce qui est une fable, c'est, au contraire, cette
innombrable quantité de mondes n'étant gouvernés par
aucune loi divine et tenant tous du hasard leur naissance et
leur maintien. Si le rire est légitime en matière de philosophie,
c'est à propos de ces images muettes, aveugles,
sans âme, qui subsistent un nombre infini d'années, durant
lesquelles tantôt elles se montrent, tantôt elles errent de
côté et d'autre, et qui émanent, prétend-on, de corps vivants
ou de corps jadis brûlés, quelquefois même réduits en pourriture.
C'est là introduire des puérilités et des chimères
dans l'étude de la physiologie. Et remarquez que les auteurs
de pareils systèmes entrent en fureur lorsque, pour attribuer
aux Génies la durée d'une longue existence, on s'appuie non
seulement sur la nature propre à ces Génies, mais encore sur la raison.»
| [20] Ῥηθέντων δὲ τούτων ὁ Ἀμμώνιος ’ὀρθῶς‘ ἔφη ’μοι
δοκεῖ Θεόφραστος ἀποφήνασθαι ‘τί γὰρ κωλύει φωνὴν
δέξασθαι σεμνὴν καὶ φιλοσοφωτάτην; καὶ γὰρ ἀθετουμένη
πολλὰ τῶν ἐνδεχομένων ἀποδειχθῆναι δὲ μὴ δυναμένων
ἀναιρεῖ, καὶ τιθεμένη πολλὰ συνεφέλκεται τῶν
ἀδυνάτων καὶ ἀνυπάρκτων’ ὃ μέντοι μόνον ἀκήκοα
τῶν Ἐπικουρείων λεγόντων πρὸς τοὺς εἰσαγομένους ὑπ´
Ἐμπεδοκλέους δαίμονας, ὡς οὐ δυνατὸν
εἶναι φαύλους καὶ ἁμαρτητικοὺς ὄντας μακαρίους καὶ
μακραίωνας, πολλὴν τυφλότητα τῆς κακίας ἐχούσης καὶ
τὸ περιπτωτικὸν τοῖς ἀναιρετικοῖς, εὔηθές ἐστιν. οὕτω
γὰρ Ἐπίκουρός τε χείρων Γοργίου φανεῖται τοῦ σοφιστοῦ
καὶ Μητρόδωρος Ἀλέξιδος τοῦ κωμῳδοποιοῦ· διπλάσιον
γὰρ οὗτος ἔζησε Μητροδώρου, Ἐπικούρου δ´ ἐκεῖνος
πλέον ἢ ἐπίτριτον. ἄλλως γὰρ ἰσχυρὸν ἀρετὴν καὶ κακίαν
ἀσθενὲς λέγομεν, οὐ πρὸς διαμονὴν καὶ διάλυσιν σώματος·
ἐπεὶ καὶ τῶν θηρίων πολλὰ μὲν δυσκίνητα καὶ νωθρὰ
ταῖς ψυχαῖς ὄντα πολλὰ δ´ ἀκόλαστα καὶ ἄτακτα τῶν
συνετῶν καὶ πανούργων χρόνους ζῇ μακροτέρους. ὅθεν
οὐκ εὖ τῷ θεῷ τὴν ἀιδιότητα ποιοῦσιν ἐκ φυλακῆς καὶ
διακρούσεως τῶν ἀναιρετικῶν. ἔδει γὰρ ἐν τῇ φύσει τοῦ
μακαρίου τὸ ἀπαθὲς καὶ ἄφθαρτον εἶναι μηδεμιᾶς πραγματείας
δεόμενον. ἀλλ´ ἴσως τὸ λέγειν πρὸς μὴ παρόντας
οὐκ εὔγνωμον φαίνεται. πάλιν οὖν ὁ Κλεόμβροτος ἡμῖν ὃν
ἄρτι περὶ τῆς μεταστάσεως καὶ φυγῆς τῶν δαιμονίων
ἀφῆκε λόγον ἀναλαβεῖν δίκαιός ἐστι.‘
| [20] Ces paroles ayant été prononcées, Ammonius déclara
que l'opinion de Théophraste en cette matière lui semblait
parfaitement judicieuse. «Et qui empêche, continua-t-il,
d'accueillir une opinion respectable et des plus philosophiques?
La rejeter ce serait détruire bien des choses possibles
dont on ne pourrait plus fournir la démonstration. L'admettre,
au contraire, c'est autoriser une foule d'hypothèses
qui sans cela deviendraient fausses et impossibles. Je veux,
pourtant, répondre à une seule des objections que les Épicuriens
élèvent contre les Génies introduits par Empédocle.
Ces Esprits étant mauvais et vicieux, il est impossible,
disent les Épicuriens, qu'ils aient en partage la béatitude et
l'éternité, puisque le propre du vice est un grand aveuglement
et la propension à tomber dans ce qui peut faire
sa ruine. Cette objection est puérile. A ce compte il sera
démontré qu'Epicure est moins vertueux que le sophiste
Gorgias, et Métrodore, qu'Alexis le poète comique, puisque
ce dernier a vécu deux fois autant que Métrodore et trente
ans de plus qu'Epicure. Nous nous plaçons à un autre point
de vue. Nous disons que la force est le partage de la vertu,
et la faiblesse, le lot du vice : ce qui ne saurait s'entendre
de la durée ou de la dissolution d'une vie corporelle. En
effet bien des animaux lourds et stupides, bien d'autres
incontinents et désordonnés, vivent plus longtemps que
tels qui sont intelligents et industrieux. C'est donc à
tort que les Épicuriens font reposer l'éternité de Dieu sur
le pouvoir qu'il a d'éviter et de repousser les causes
d'anéantissement : car un être essentiellement heureux ne saurait
manquer d'échapper aux accidents et à la destruction :
il n'aurait pour cela besoin d'aucun effort. Mais peut-être
n'est-il pas généreux de raisonner contre des absents.
Aussi Cléombrote fera-t-il bien, à notre sens, de reprendre
le discours qu'il avait commencé touchant la transmigration
et la fuite des Génies, discours qu'il avait laissé là.
| | |